Récit de la course : 24 heures de Saint-Fons 2005, par LeSanglier
L'auteur : LeSanglier
La course : 24 heures de Saint-Fons
Date : 9/4/2005
Lieu : St Fons (Rhône)
Affichage : 2527 vues
Distance : 151km
Objectif : Pas d'objectif
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Un premier 24h pour JSC
Je n’avais pas l’intention de courir de 24h en 2005, mais lorsque j’ai vu que celui de St Fons clôturerait l’opération Franchir l’Horizon je n’ai pas hésité un instant. C’est l’occasion d’ajouter quelques kilomètres à ma participation sur l’étape Rouen-Caen (120km) et de me tester sur cette épreuve un peu dingue.
D’ailleurs je ne me prépare pas spécifiquement pour cette épreuve, puisque j’ai un marathon en objectif le dimanche précédant le 24h. Malheureusement, je le finis à la ramasse en 3h25, les jambes perclues de crampes.
Deux jours avant la course, un déclic se produit : j’ai très envie de la courir, et de montrer ce dont je suis capable sur ce genre d’épreuve. Je me prépare soigneusement, et me conditionne sur mes objectifs choisis un peu au hasard, puisque je n’ai pas de référence. Ils seront de 145km en objectif bas, 160km en médian et 169km (4 marathons) en objectif haut.
Samedi, 10h, le départ est donné, c’est parti jusqu’à demain 10h, quoiqu’il arrive. La pluie et un fort vent nous accompagnent, ce qui promet sans doute des heures difficiles plus tard. Premier tour, je découvre le circuit d’1km, composé essentiellement de terre et de stabilisé, des passages avec quelques petits cailloux, 200m de bitume abrasif, pas mal de virages et presque pas de dénivelé.
Je cours les trois premiers tours en 10,5km/h, et on peut déjà apercevoir une sacrée différence entre la tête de course et ceux qui sont partis sur des bases plus raisonnables. Premier ravitaillement, je vois que tout est bien fourni, et j’ai amené un peu de nourriture qui me réussit bien en complément. Par la suite, ce sera un arrêt ravito tous les deux tours (sucré+salé+eau) et un check-up (idem+étirements) un arrêt sur deux.
1h de course, 9km, classé dans les 30, tout va bien pour le moment. Le circuit est maîtrisé : trajectoires, relances, lieux à éviter, arrêts pipi, lieux où récupérer. La plus longue ligne droite sera sujette à de la marche à chaque tour, étant orientée pile face au vent. L’énorme majorité des coureurs marche dans cette partie, certains profitent de la personne qui précède pour faire écran entre eux et le vent.
Vers 11h30, ça ne va pas bien ! Mes jambes sont raides comme des bouts de bois, je suppose que ça provient de mon marathon couru il y a six jours. Forcément, le doute s’insinue dans mon esprit : bon sang, il n’y a qu’1h30 de course et j’ai déjà mal, pffff ça promet ! Bon à la fin de la deuxième heure, je prends un comprimé de sporténine, j’en reprendrai un toutes les heures, c’est un peu une récompense que je m’octroie. Au bout de 2h30, je m’aperçois que je n’ai bu que 50cl d’eau depuis le départ ! Quel imbécile, et après je m’étonne d’avoir les jambes raides… Allez hop, réhydratation intensive, et on repart.
3h de course, 29km, 26ème. Et bien, je ne m’attendais pas à ce classement. Les jambes sont redevenues normales, sans doute le combiné eau/sporténine/effet placebo. Je suis bien dans ma course, je ne fais pas tellement attention aux autres coureurs. Toutefois, il y en a deux ou trois qui se démarquent, notamment Yves Chomont, que je trouve très élégant dans sa manière de courir, et le N°14 (Frédéric Nargieu) qui me double régulièrement. J’apprendrai plus tard qu’il a abandonné vers le 115ème. Un petit mot ou un petit signe sont régulièrement échangés entre coureurs, dispensant une ambiance d’effort commun, comme si tous oeuvraient non pas pour soi, mais pour que tous aillent plus loin.
5h de course, 46km, 24ème, le premier marathon est passé il y a quelques minutes. Je le dédie à JSC pour qui je suis venu à St Fons, et pense fortement pendant quelques tours à tous les gens rencontrés lors de l’aventure normande. Pour le moment tout va bien, aucune douleur anormale, les jambes sont toujours là, le moral est bon malgré le vent usant.
6h, un quart de la course s’est écoulé ! J’avais envisagé 52km en hypothèse haute, et je suis à 50, c’est génial ! Ca c’est de la prévision comme je les aime. En plus, il cesse bientôt de pleuvoir. Heureusement, parce que les flaques sur le sol, le bourbier par endroit, commençaient à devenir pénibles. Les bénévoles sont bien là, et tentent de rejeter l’eau et de colmater les parties les plus humides, mais c’est un travail difficile.
8h, 70km, 22ème, je continue à grapiller des places ! Je me surprends à regarder le classement, affiché quelques minutes après la fin de chaque heure, et j’y repère le numéro de dossard des coureurs qui me précèdent pour voir si je les double sur le circuit. Bientôt la nuit tombe, rapidement. Je ne me rends pas bien compte du temps qui passe, il faisait jour il y a peu et maintenant il fait nuit. Je m’habille un peu plus, superposant différentes couches pour essayer de lutter contre le froid de plus en plus mordant.
Vers 21h, le second marathon est atteint. Celui-ci je le réserve à Phil, qui n’a pas pu venir aujourd’hui pour cause de maladie, et avec qui j’aurais beaucoup aimé recourir. Nous nous sommes cotoyés pratiquement 120km lors de l’étape Rouen-Caen de Franchir un mois plus tôt, et depuis il n’a pas retrouvé sa forme. Quand tu liras ceci, sache que tu y étais un peu quand même à St Fons, aux côtés de beaucoup de coureurs je pense. Bon courage pour la suite Phil !
12h, 98km, 20ème, la moitié de faite ! A 22h10 je passe les 100km, je suis toujours sur mon hypothèse haute qui doit me mener vers les 169km, c’est donc la fête. A l’approche de minuit, le circuit se vide petit à petit : une grande partie des coureurs rentre dormir un peu, ou beaucoup, au chaud dans le gymnase. Pour le moment pas d’hésitation pour moi, je suis venu pour courir, je cours !
L’alimentation commence à être un peu plus difficile, et je préfère varier un peu. Je prends du chaud (soupe, thé, pâtes) et je me surprends à faire des mélanges étonnants (du camembert associé à du thé c’est épatant). Je continue à bien boire (un tour eau, un tour coca), à m’étirer (l’Bourrin m’a confié le secret d’un étirement qui me convient parfaitement) et à prendre chaque heure un comprimé de sporténine.
Minuit, 1h, je remonte toujours au classement, jusqu’à atteindre la 16ème place. Incroyable !
Aux alentours de 2h, ça ne va plus trop. J’ai vraiment trop froid malgré les couches supplémentaires et le coupe-vent. De ma personne on n’aperçoit plus qu’un petit cercle de 15cm de diamètre au milieu de mon visage, le reste est complètement couvert de plusieurs couches. Mais il faut dire que je n’ai pas un équipement optimal pour les conditions qui nous entourent. Un arrêt s’impose, 20mn de repos jambes en l’air et bien couvert, chapeauté par Mmi qui est adorable lorsqu’il borde un coureur, n’est-ce pas Stef34 ?
Le départ après l’arrêt est assez ardu, mais encore une fois Mmi me tend le ravito qu’il faut (pain trempé dans du lait chaud) et me sert les paroles qui conviennent à ce moment difficile. Le premier tour est raide, le temps que les jambes se remettent en route, et puis ça repart comme sur des roulettes, et j’accumule de nouveau des kilomètres.
Il est 3h15, c’est reparti, gros coup de moins bien : j’ai froid, je grelotte, j’ai peur de l’hypoglycémie/hypothermie. Bon, tant pis, il faut retourner au chaud quelques temps ça ira mieux en revenant ! Après 40mn de repos, je ressors, mais l’effet est moins positif que lors du premier arrêt et je ne repars pas très en forme. Je continue à tourner un peu quand même, il n’y a vraiment plus grand monde en route, plus de la moitié des coureurs doit être en train de dormir.
J’atteins mon troisième marathon un peu avant 4h30, et celui-ci je l’offre à Isabelle, jeune femme d’une volonté et d’une vitalité débordantes. J’ai souvent pensé aux gens à qui je tiens durant les heures difficiles, et c’est indéniable, ça permet de continuer encore un peu. A partir de maintenant, je cours pour moi, le reste des kilomètres, égoïstement, je me les garde. Bon, d’ailleurs, les kilomètres à venir sont bien difficiles ! De nouveau j’ai très froid, et une grande lassitude s’empare de mon esprit.
A 5h, c’est décidé, je dois vraiment me refaire une santé, continuer comme ça ne m’avancera pas à grand chose. J’absorbe beaucoup de sucré et pars me coucher en prenant soin d’ôter mes vêtements humides. Je m’octroie 2h30 de vrai repos, j’arrive même à dormir près de deux heures. Vers 7h20, je me relève, le temps s’est éclairci, le vent est toujours là mais le soleil est présent ! C’est reparti, j’ai l’impression de m’être bien rechargé. Il est environ 7h30, c’est incroyable de se sentir si bien après ce qui est déjà passé, et ça booste de se voir en forme alors que ceux qui tournent semblent de vrais zombies, hormis quelques uns, qu’on dirait insensibles au temps qui passe. Et pourtant, c’est difficile pour eux aussi, mais ils parviennent à aller au-delà, à dépasser ces envies d’arrêter. Comme j’aimerais atteindre ce niveau ! Koline, elle, n’a pas arrêté de la nuit, hormis une petite vingtaine de minutes pour se réchauffer un peu. Elle entre par la grande porte dans le monde de la circadie !
22h de course, 135km, 27ème. Il me reste 2 heures, et j’ai envie d’aller plus loin. Je marchotte, je courotte, ça ne va pas trop mal, ça avance en tous cas.
23h, 143km, 27ème. Une heure ! Bon sang il ne reste qu’une heure de cet énorme périple qui ne nous a même pas menés 143km plus loin, puisque nous sommes toujours au même endroit qu’au départ. Marcher et courir autant sur une boucle, quels fous faut-il qu’on soit ?
Idiotement, je me permets d’emmener mon téléphone lors de deux tours entièrement marchés. J’avais envie de lire des messages de proches, d’appeler mes parents pour les rassurer, eux qui ont du se morfondre toute la nuit. Je le repose, Mmi m’accompagne quelques pas sur le tour que je m’apprête à faire, en marchant, et il me lance un petit : « Tu peux courir ? Si tu peux allez vas-y, c’est le moment de tout donner ! ». Je lui réponds quelque chose comme « Je crois pas non, j’suis à plat, mais bon j’vais essayer ».
23h15 de course, je démarre donc ce tour en courant, doucement, en dépliant mes jambes, en les chauffant petit à petit, en m’octroyant quelques talons/fesses et en les faisant tourner de plus en plus vite pour voir de quoi elles sont encore capables, et je me surprends à filer, à voler. 40mn vont s’enchaîner à un rythme d’enfer, avec alternance de course dans les 3 passages où le vent est défavorable.
23h59’, premier coup de feu, je marchotte tranquillement avec deux autres coureurs.
24h00, 151,104km, 25ème, second coup de feu, je stoppe, l’œil humide. Les 24 heures qui viennent de s’écouler ont été extrêmement riches pour moi, en émotions, en données physiques et psychologiques, et m’ont permis de défricher les axes sur lesquels travailler pour aller plus loin. A l’instant où la course se termine, où je dégraffe mon dossard, je sais très bien que ce 24h n’était qu’un essai, et que d’autres suivront !
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