L'auteur : Bacchus
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 22/10/2010
Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)
Affichage : 2496 vues
Distance : 150.1km
Objectif : Pas d'objectif
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179 autres récits :
AAB Kikourou
http://www.dailymotion.com/video/xfiu9n_abb-kikourou_sport
Salut à tous,
Voici le CR de mon GRR 2010. Je reconnais que c'est un peu long (comme le GRR), qu'il y a quelques passages un peu lyriques. mébon
Bon courage et bonne lecture
A+
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Départ de Paris le 16 Octobre, arrivée à St Denis le Dimanche 17 Octobre en début de matinée.
Je récupère la voiture de loc, quelques courses au supermarché et chez Citysport, une Dodo et trois samoussas pour reprendre le rythme culinaire de la Réunion, et je file en direction du parking gardé de bord Martin (col de bœufs). Pour m’occuper pendant ces trois jours, j’ai prévu une petite virée dans Mafate. L’idée c’était de se dégourdir les jambes avec une petite randonnée et surtout de faire le sentier Augustave qui vient de rouvrir cette année après de gros travaux de l’ONF et qui était fermé depuis des années.
- Dimanche : Col des bœufs – Marla, nuit en gîte à Marla
- Lundi : Marla - Trois Roches – Roche Plate – Ilet des Orangers – Latanier – Cayenne – Grand Place – Ilet à bourse, nuit en gîte à Ilet à Bourse
- Mardi : Ilet à malheurs - Aurère – sentier Augustave – retour bord Martin, nuit en hôtel à St Denis
Cette petite balade était sans doute un peu trop ambitieuse si peu de temps avant le GRR, notamment la journée de Lundi, ça m’apprendra à bien étudier la carte avant de me lancer. Et puis il y a eu plein de problèmes : Problème d’eau à Roche Plate, le robinet était à sec, j’ai fais le plein dans un gîte et heureusement que le bistro de Grand Place était ouvert, 2 dodos pour compenser le déficit hydrique, c’est un minimum mais j’ai eu chaud. Impossible de dormir à Ilet à Bourse, trop froid, le gîte n’était pas climatisé, le lit c’était un matelas de mousse de 5cm posé sur une planche en bois…
Pour faire le sentier Augustave, il y avait bien plus simple et comme dernière préparation il y avait sans doute plus intelligent. Bon pour ce qui ne connaissent pas, c’est un sentier très aérien, des aménagements à flanc de falaise incroyables fait par l’ONF, mais un sentier très difficile sur le dernier tiers, un sentier à faire absolument, mais peut être pas à deux jours du GRR…
Mardi soir : dîner avec quelques membres du forum « diagonaledesfous.com » au restaurant « la marmite » à l’Hermitage, un restau sympa, où tous les plats réunionnais sont servis à volonté … une adresse à retenir et une soirée très sympa. De nombreux forumer étaient présents, à refaire absolument.
Mercredi midi : repas avec quelques membres Kikourou avant le retrait des dossards, la vidéo est visible ici >> http://www.dailymotion.com/video/xfiu9n_abb-kikourou_sport
Lors de la remise des dossards, je reconnais Olivier91, on ne se connaissait pas, mais un avatar et une particularité capilaire font que je le reconnais facilement parmi cette foule de 4000 personnes, j’en profite pour lui rappeler qu’il a un challenge à 25 heures (blague qui a circulée sur Kikourou). J’échange quelques mots avec son épouse Alice qui elle aussi est inscrite sur le GRR, pendant qu’Olivier négocie âprement une dose de poudre blanche bizarre avec un dealer local (Jcb). A la sortie du stade, je croise deux éminents Kikourou : Francoise et Xavier un peu en retard à cause de leur avion.
Jeudi 16H, départ en bus de St Denis, destination Le Cap Méchant. Je retrouve dans le bus quelques Kikous rencontrés la veille. 3 heures de route, que c’est long, que c’est long, le Grand Raid débute déjà.
Le bus nous dépose vers 19H à quelques centaines de mètres du stade. Au moins en partant aussi tôt, pas de bouchon sur la route. Je ne perds pas de temps, j’entre tout de suite dans le stade, et je me débarrasse de mes sacs. Faut dire que le sac pour Cilaos était particulièrement volumineux et lourd car il contenait une paire de chaussures de rechange, un bâton en bois de 1m25 (un manche à balai acheté 2,65 Euros) un matelas néoprène de 5mm acheté 3Euros chez D4 et un coussin gonflable (on aime son petit confort !). Je fais contrôler mon sac et j’entre dans le parc où je retrouve quelques membres connus des divers forum. Je retrouve Tidji, Grandware, Zor !, je croise Olivier91 (un peu plus difficile à reconnaître lorsqu’il porte une casquette) et son épouse Alice. Difficile quand même de retrouver quelqu’un parmi cette foule. Je ne m’installe pas immédiatement sur la ligne comme le font certain, car avec l’eau, le café, le malto, etc… je serais obligé de me soulager avant le départ.
Cap Méchant – poste du volcan
22H, l’appel des premiers est fait. On y entend même le nom de Philippe Marie Louise, vainqueur en 94,95, 96. Un vieux guerrier celui-là. C’est bien qu’ils lui permettent de partir avec les élites.
Le départ va être donné dans quelques minutes. Comme tous les ans, Robert Chicaud nous rappelle de « courir propre » mais ça ne sera pas suffisant, j’ai encore vu beaucoup de papiers, gobelets, bouteilles vides sur le parcours. Y a du boulot de ce coté là.
22H et quelques minutes, troisième coup de canon, le départ est donné. Ca pousse fort, mais relativement bien placé j’arrive à passer la ligne de départ assez rapidement en milieux de peloton. Il y a vraiment beaucoup de monde au bord de la route pour nous soutenir. Cent mètres plus loin, je peux enfin courir. Les trois premiers kilomètres le long du littoral se passent sans problème. Une courte pause pour un besoin pressant me fait perdre 200 places au moins, dommage. Suit ensuite le chemin forestier de 13km et 750m de D+ qui mène au kiosque de basse vallée, départ du mono-trace qui mène à Focfoc.
Pour éviter le plus possible les bouchons, je me suis fixé comme objectif d’arriver au pied du sentier de Focfoc en 2H ou un peu moins, sans me griller. J’ai donc essayé de trottiner le plus possible sur ce chemin qui est assez régulier, j’ai alterné marche et course, en jouant le plus possible à Pacman. Chaque fois qu’un coureur me doublait, je lui emboîtait le pas jusqu’à doubler le groupe suivant, et ainsi de suite…
Quelques kilomètres avant le kiosque, je double les quatre équipes Run Handi Move, quel courage, bravo les gars.
Je suis arrivé au kiosque de basse vallée en 2H (0H05 à ma montre, mais dans la précipitation j’avais oublié de déclencher le chrono). Je fais les pleins de mes trois bouteilles (1,5 litres) et hop c’est reparti pour cette portion de sentier incroyable. On a eu de la chance cette année, c’était presque sec. Quelques bouchons raisonnables dans quelques passages techniques, j’ai été bloqué quelques minutes tout au plus. La température tombe au fur est à mesure de la montée, et le vent se lève un peu. Je sorts mon coupe vent sans même poser le sac, super cette petite bidouille de filet complémentaire à l’arrière du sac, on peut y fourrer un vêtement léger sans problème.
Dans toute la montée, je me suis calé derrière un belge et on s’est tapé la tchatche durant deux heures. Mon compagnon de route montait à un rythme qui me convenait tout à fait, on se quitte à quelques encablures de Focfoc, merci l’ami (il finira 8 minutes devant moi à la Redoute)
J’arrive bidon presque à sec au ravitaillement, par contre l’eau de mes bidons est vraiment très froide depuis un moment et ça m’inquiète. L’eau froide à tendance à me donner rapidement des problèmes gastriques et ça commence à gargouiller sérieusement de ce coté là (va falloir que je trouve une solution à ce problème un jour).
Je fais le plein de deux bidons (avec de l’eau à 4 degrés) et pour limiter le problème, j’y ajoute un verre de café brûlant pour augmenter la température. Avec mes problèmes gastriques naissants, je décide de marcher en parti entre Focfoc et le poste du volcan. Dans ma bulle, préoccupé par mes gargouillements, j’ai failli rater le spectacle de l’éruption … Magique !!
J’arrive au poste du volcan en 6H31. Je me jette sur le chaud, 2 ou 3 soupes, un café chaud, pas de solide avec mes problèmes de gargouillement, je refais les pleins d’eau (toujours glacée), je rajoute un café brûlant et hop c’est reparti
Le poste du volcan – Mare à boue
A la sortie du poste, je tombe sur un savoyard qui courrait, alors que pas mal de monde marchait, je m’accroche à lui. Il était sans doute un peu trop fort pour moi, mais ça m’a permis de faire cette portion rapidement. On s’est fait un vrais relais jusqu’à Textor tout en tchatchant et en doublant pas mal de monde. Faut dire que le terrain est relativement facile, 5km de plat sur du sable dure, ce serait dommage de ne pas courir.
J’arrive à Textor en 7H57, le jour est levé, mais il fait encore bien frisqué.
Je refais les pleins avec de l’eau froide, par contre il n’y avait que du thé chaud, j’en mets quand même pour compléter mes bidons, c’était vraiment pas terrible, je n’aime pas ça.
C’est reparti pour la longue descente vers le chalet de pâtre, je la fais en courant le plus possible, il faut dire que le terrain est relativement facile, quelques clôtures, quelques petits passages techniques, ces barbelés des deux cotés ne donnent pas envie de rester là.
Arrivé à la route en béton, je décide de marcher un peu. Je rattrape un raideur devant moi et on se tape un brin de causette tout en marchant, j’apprends qu’il est français expatrié en Slovaquie, je découvre que nous avons un ami en commun lui aussi expatrié, incroyable hasard, comme le monde est petit. Les kilomètres passent en marchant et en causant sur cette interminable route en béton. Je me fais doubler par Pat27 rencontré au dîner des forumer mardi soir. Je m’étonne de sa position dans la course, normalement il devrait être des heures devant moi, il avait des ambitions à 36H. J’apprends qu’il a eu des problèmes au départ, pris dans la cohue, il s’est pris le poteau au milieu de l’arche de départ, pas de bol. Il terminera en 44H, bravo Pat.
Environ 1 km avant le ravitaillement de mare à boue, j’entends quelqu’un hurler derrière moi « Aller GINO !!, Aller GINO !! », je me retourne et je crois reconnaître Gino, un célèbre forumer rencontré virtuellement sur le forum DiagonaleDesFous. Je m’accroche à lui et on engage la conversation, c’est toi Gino ? Le vrais Gino ? videmment que c’est moi, comme s’il n’y avait qu’un seul Gino sur la course. Remarquez il est facile à reconnaître, son deuxième nom, c’est « Le Sinoi noir ». Pour lui aussi, je suis étonné de sa position dans la course, il devrait être 2 heures devant moi au moins. J’apprends qu’il ne supporte plus sa boisson énergétique pourtant largement testée et que ça lui a causé des problèmes. Il faudra apprendre à gérer ton stress d’avant course, petit scarabé ! On se tape la conversation tout en courant jusqu’au ravitaillement (9H29)
Arrivé à Mare à boue, je refais les pleins (1,5l), je rajoute un peu de poudre blanche magique dans mes bidons, 2 soupes, un café, pas de solide (toujours mes problèmes gastriques), et zou c’est reparti. Je parcours le stand pour rechercher Gino, introuvable ! il est sans doute parti devant. Je retrouve mon expatrié Slovaque allongé sur un lit de camps, houlala, pas la grande forme apparemment, la route pour la Redoute va être longue,c’est son 1er trail, son 1er GRR, mais tout de même 9 Ironman au compteur, chapeau, je lui souhaite bonne continuation.
Mare à boue – Hell bourg
Quelques kilomètres de plat à découvert, puis un sentier en forêt absolument magnifique, on sent tout de suite qu’il pleut souvent ici, c’est très vert, la végétation est luxuriante. Je ne connaissais pas ce sentier, mais c’est vraiment une bonne idée de passer là.
Puis arrive la descente « tarzan ». Je ne la connaissais pas, mais on m’en a beaucoup parlé, elle est vraiment très Rock&Roll. Je n’aurais pas trop aimé sous la pluie, bon là il fait beau, c’est donc un problème de moins, c’est déjà ça.
Depuis Mare à boue, mes indispositions gastriques se font plus présentes voire plus pressantes, c’est gênant, et ça se traduit par des évacuations gazeuses plus ou moins sonores, bon c’est la preuve que mon estomac fonctionne encore, c’est un point positif ça aussi. Dans cette fameuse descente, à quelques encablures de la route forestière, le stress y est sans doute pour quelque chose, une évacuation traîtresse me fait craindre le pire ! Vite, Vite ! un arrêt au stand s’impose de toute urgence. Mais là en plein dans cette descente infernale, impossible de sortir du sentier pour trouver un endroit isolé. Que faire ? Je décide donc de continuer jusqu’à la route et d’aviser une fois ce point atteint. Arrivé en bas, une foule impressionnante nous attend pour nous encourager, merci, merci, je salue la foule, mais ce n’est pas la « gloire » qui me préoccupe dans l’instant. Cent mètres plus loin je trouve l’endroit salvateur derrière un muret de protection contre la chute des caaailloux de la faaalaise (je pense à la fameuse chanson de Cabrel) pour le contrôle des dégâts. Bon, visiblement l’endroit a déjà pas mal servit mais çà fera l’affaire.
Finalement plus de peur que de mal, j’aurais vraiment été dans …… embêté car toutes mes affaires de rechange étaient à Cilaos. Après cet épisode qui aurait pu être fâcheux, je décide d’appliquer un conseil que m’avait donné Thierry Chambry himself (si si, j’ai gardé le mail) pour luter contre les indispositions gastriques : « il faut manger des bonbons de gingembre confits ». Comme je me savais sujet à ces problèmes intestinaux, j’en avais pris un petit paquet avec moi. Le remède doit être efficace car mes problèmes gastriques se sont fait « presque » oublier jusqu’à la Redoute, merci Thierry.
Je décide de courir sur les 3 ou 4 km de la route forestière, je rattrape un local qui m’explique que le gîte de Belouve se situe tout la haut ! et tout loin là bas ! Quoi c’est pas tout plat ? sur le road book ça avait l’air tout plat pourtant, on nous aurait encore menti ?
Je lâche mon compagnon du moment et à l’entrée du sentier de Bélouve, je me fais rattraper par un Tamponnais, il avait un bon rythme et je me décide à me coller dans sa roue. Il connaissait parfaitement ces sentiers interminables. On papote de tout et de rien, et pourquoi le sentier ?? et pourquoi pas la route ??, on refait le monde, on refait la Réunion, le problème de la délocalisation de la fabrication de la Dodo en Inde-ça c’est un vrai problème, on refait le Grand Raid, on taille un costard à Robert et à Denis… entre deux et trois heures de tchatche plus tard, voilà le ravitaillement de Belouve. J’y croise Pat27 qui était sur le point de repartir.
Je décide de faire une pause sérieuse, changement de chaussette (oublié de le faire à Mare à boue), les pleins, la poudre blanche, et je mange à peu près tout ce que j’avais dans mon sac… le Cap anglais n’est plus très loin et il faut penser à s’alimenter dès maintenant avant de l’affronter.
Juste avant de quitter le ravitaillement arrive un groupe d’une trentaine de raideur. Gino et Clément étaient parmi eux. Salut Gino, mais je te croyais devant ! Et bien non, il a traîné à son ravito perso à Mare à boue. Gino me présente son pote Clément (un autre forumeur), et là je ne peux m’empêcher de faire une blague de potache, je m’adresse à tout le monde, « hé les gars vous connaissez la personne a qui vous devez le fait d’être passé par les sentiers et pas par la route ? et bien il est là devant vous, c’est Clément, si vous voulez lui jeter des pierres, il y en a plein là sur le parking ». Je tiens à préciser que ce n’était qu’une blague, je suis à 100% d’accord avec Clément, un GRR ça passe par les sentiers, pas par la route et merci à lui d’être intervenu auprès de Robert Chicaud pour le sensibiliser à cette question de parcours. Bon en cas de forte pluie, ce serait sans doute une affaire sacrément boueuse… mébon
Encore un peu de route, un chemin forestier, encore un sentier sympa et voilà le gîte de Bélouve. Un endroit magnifique, très fleuri, super bien entretenu, on comprend que les gens ont plaisir à venir là.
Puis arrive la descente sur Hell-Bourg, une descente bien aménagée (par endroit), un peu technique (les marches, toujours les marches), mais longue, mais longue…
On traverse une grande aire de pique-nique, il est midi à ma montre, les gens sont entrain de manger, les barbecues tournent à fond, ça grille, ça compote, cari poulet, rougail… ça sent bon tout ça
J’arrive au ravitaillement au bout de 14H14 de course, encore en forme mais un peu entamé quand même. Mon objectif d’atteindre Cilaos de jour est tenable.
Hell-Bourg – Cilaos
Je fais les pleins (1,5 litres), un peu de poudre blanche, deux bols de soupe, pas de solide, je me risque sur un demi gobelet de supradyne (une boisson vitaminée à la couleur étrange).
Je récupère une bouteille de coca vide que je rempli d’eau. Je quitte donc Hell-Bourg avec plus de 2,5 litres d’eau sur le dos, la route va être longue jusqu’au gîte du piton des neiges.
Dès la sortie du ravitaillement, la montée vers le Cap Anglais commence. Cette montée est en trois parties, une partie difficile mais normale, une partie plus facile constituée d’un enchevêtrement incroyable de racines et une partie très très difficile qui est à la limite de l’escalade.
Je décide de faire la montée en regardant l’altimètre et de m’octroyer une pause tous les 250 mètres de D+. 250 mètres plus haut, je me pose sur un rocher qui passait par là. Une belle blonde passa par là elle aussi et me dit « alors fatigué ? » mais non, non, je fais la montée de façon scientifique moi…
Je repars au bout de quelques minutes. Cette montée fût mon chemin de croix. Au fur et à mesure de la montée, les pauses tous les 250m de D+ sont devenues 200 puis 150 puis 100 puis … je me suis traîné telle une lamentable loque jusqu’en haut de la crête,… ouf
Mais la route est encore longue jusqu’au gîte.
Un peu plus loin, je retrouve ma belle blonde, toujours souriante, entrain de lire tranquillement ses SMS, « alors c’est la résurrection ? »,
Si ça c’est pas le début des hallucinations, en tout cas ça y ressemble…
Je me traîne jusqu’au gîte, j’y arrive peu avant 16H, je croise Pat27 sur le point de repartir, je reconnais un autre forumer (Chienfou) assis sur un banc, il me fait signe, je le rejoint sur son banc, ça tombe bien, j’avais besoin de me poser un peu. Je m’étonne de le retrouver là, il devrait être des heures devant moi, le mental n’y est plus, il a décidé d’abandonner. On se tape la discute pendant tout le temps de ma pause, environ 15 minutes.
Je refais les pleins, deux soupes et c’est reparti. Chienfou me double comme une fusée dès le début de la descente, incroyable il avait un super physique, je le retrouverai au stade à Cilaos, déjà douché mais toujours décidé à abandonner, dommage.
Je fais une descente prudente sur ces rochers et ces marches glissantes et ces rondins de bois ultra-piégeux. Les batteries du bonhomme commencent à être sérieusement entamées. J’arrive enfin au bloc, je suis étonné de ne pas y trouver un poste de ravitaillement ou de contrôle mais après tout on est tout près de Cilaos.
Encore 2 ou 3 km de route vallonnée et voici Cilaos. Dès le premier troquet, je mets le clignotant à droite pour m’acheter une Dodo. Le barman est un peu étonné de me voir là, je me tape la discute avec lui et deux autres clients qui n’en étaient pas à leur première Dodo de la journée. Je reprends la route, ma Dodo à la main et je tombe sur deux autres forumer, Schuchu et Boubou. Ils sont là pour nous encourager, merci les gars, ils prendront le départ du Trail de Bourbon le lendemain. Franche rigolade sur ma Dodo que j’ai toujours à la main, j’explique, la Dodo c’est de l’eau, du sucre et un euphorisant, tout ce dont j’avais besoin à ce moment là. Encore quelques échanges de blagues, Schuchu me refait un topo sur les changements après Dos d’Ane, merci l’ami, je me débarrasse de ma Dodo et je fais les 200 derniers mètres qui me séparent du stade. J’y arrive à 18H19, le soleil ne va pas tarder à se coucher.
Je récupère mon baluchon, je fais le tri entre ce que je vais emmener avec moi et ce que je laisse dans le sac d’assistance. Vaste programme, surtout si on n’y a pas réfléchi avant…(à méditer)…
Je me dirige vers les douches, alors douche ou pas douche ? au vu de la température de l’eau et de la propreté du sol (pas une bonne idée de poser ces pieds ici surtout pour moi qui a déjà eu des problèmes à ce niveau là), ce sera pas douche. Je me lave sommairement avec un gant de toilette que j’avais prévu dans mon sac. Je me brosse les dents, eh oui j’avais prévu ce petit luxe, brosse à dents et mini tube de dentifrice, dans mon sac. Faut pas négliger l’haleine, même sur le Grand Raid… « on ne sait jamais, sur un coup de bol ça peut marcher… » (citation Olivier91 sur l’UTMB 2009)…
Je retourne à mon sac d’assistance étalé sur la pelouse. Allez ! Inspection générale ! Les pieds : OK pas d’ampoules, pas d’échauffement, je décide donc de continuer avec les mêmes chaussures qui finalement cette année, avec le peu de boue rencontrée, sont encore assez propres. Muscle des jambes : entre BOF et OK, articulations des genoux : BOF ! En préventif je pense continuer avec des genouillères que j’avais prévu dans mon sac, je les essaye, et là j’ai la surprise de constater qu’elles font trois tailles de moins que l’année dernière, normal, elles ont subies un lavage à 90°, résultat, retour des genouillères dans le sac. Il faut tester le matos avant, c’est écrit partout !! Niveau général des batteries du bonhomme : entre 5 et 10%, il faut penser à se reposer, mais pas ici ! Tout le monde le sait, Cilaos c’est trop dangereux la nuit ! faut pas rester là ! la tentation d’abandon au réveil est trop grande ici. Psychologiquement c’est mieux de basculer dans Mafate et de faire une pause plus tard.
Je finalise mon sac, je récupère le bâton en bois, le matelas en néoprène que je fixe au sac, le coussin gonflable de 40cm*40cm que je glisse dans le sac, une couverture de survie supplémentaire scotchée en forme de sac de couchage… Je sais, à ce stade du récit, la plupart se disent « il est complètement fou… », Non Mé Ho !! Je sais ce que je fais, je sais que je ne pourrais pas passer Mafate sans recharger les batteries, autant le faire dans un minimum de confort et en étant presque autonome.
Je recroise Pat27 sur le point de repartir, décidément on se croise à tous les postes. Je recroise aussi Chienfou, douché et changé mais toujours aussi démoralisé. Dommage, il aurait certainement pu faire un temps canon. On se tape la discute pendant quelques minutes encore puis direction la bouffe.
Je fais le plein des bidons, la poudre blanche, deux soupes, une cuillérée de pâte, c’est la première fois que je me risque sur un peu de solide, et c’est reparti.
Je quitte Cilaos à 19H42, j’ai passé beaucoup trop de temps sur ce poste, j’étais mal organisé, je ne savais pas ce que j’avais à faire, sans doute un manque de lucidité.
Cilaos – Marla
Quelques ruelles dans Cilaos, le sentiers des porteurs, magnifique de jour, invisible de nuit, une portion de route est c’est la longue descente vers le fond de la ravine de Bras rouge. Rapidement, je me rends compte que mon bâton en bois (un manche à balai de 1m25) est un objet lourd et encombrant, rien à voir avec un Leki en carbone ! Faut tester avant, …ça a déjà été dit bon sang !. Bon, je l’ai amené avec moi, je suis bien obligé de le garder.
Quelques virages plus bas, arrive la partie fun de cette portion du circuit : la traversée de la rivière Bras rouge, faut dire que la nuit je ne suis pas très doué pour cet exercice, je suis seul à ce moment là, donc personne qui pourrait m’ouvrir la route. Je trouve qu’il y a pas mal d’eau cette année, vous ne trouvez pas ?, enfin il y a toujours trop d’eau dans ces cas là. La nuit, dans le halot de ma frontale (bordel, tu as oublié de changer les piles…) j’ai du mal à repérer un passage praticable, premier essai, zut c’est une impasse, deuxième essai, c’est juste, ça passe, ça glisse, aie… et la je suis content d’avoir mon bâton en bois, il me permet d’avoir un troisième appuis salvateur.
Un dernier rocher à enjamber et me voici sur l’autre rive. Tout de suite ça grimpe fort et longtemps. Puis arrive un long replat à flanc de montagne, avec une paroi qui s’effrite, avec un terrain légèrement en dévers sur un sol sec et bien granuleux, les petits cailloux roulent sous la chaussure. C’est sympa de jour, j’aime bien, mais je préfère passer de nuit, c’est assez piégeux, un faux pas et c’est cent mètres plus bas.
Encore une montée, encore une descente, puis une autre…, c’est des vraies montagnes russes ce passage là ! Enfin arrive le ravitaillement du pied du Taibit. C’est encore un endroit dangereux la nuit, il ne faut pas y rester, c’est le dernier endroit accessible par la route avant longtemps, on y abandonne facilement, même si les bénévoles sont super sympa, même si le feu de camp vous hypnotise, il faut fuir cet endroit…
Je fais le plein de mes bidons, 2 soupes, un coca avec de l’eau, je traverse la route et j’entame la longue montée vers le col du Taibit. Je me traîne lamentablement, je me traîne comme une loque, je me traîne comme une lamentable loque, j’espère atteindre rapidement la tisanerie qui se situe au tiers du col environ. Quelle déception ! Elle est fermée cette année, moi qui comptait sur cette tisane ascenseur pour me tirer jusque là haut, dommage, j’aimais bien cette tisane, elle contient, parait-il, une plante magique qui vous donne des ailes…
Quelques nombreux lacets plus hauts, je rejoins enfin un premier replat, puis un deuxième, puis le long replat de la plaine des fraises. Enfin un peu de répits, quelques centaines de mètres d’un sol horizontal et lisse, une situation carrément improbable à la Réunion, répit de courte durée, la montée reprend de plus belle. J’ai la sensation bizarre que la plaine des fraises a été raccourcie cette année ! Encore un sale coup de ce Denis Boulé sans doute, c’est scandaleux, je toucherai deux mots à ce gars là !
Encore des marches, encore des virages, et je vois enfin la petite chapelle qui marque presque la fin du col. Je m’arrête un instant devant cette chapelle, content d’en être arrivé là, encore un petit coup de cul et je sais que ce sera la bascule. J’arrive au sommet, je ne traîne pas, il fait froid, il y a du vent. Je plonge rapidement (enfin tout est relatif) dans la descente vers Marla, ouf, à cet instant, sauf accident, je suis déjà presque sûr que je passerai la ligne à la Redoute (je sais, ça peut paraître prétentieux, mais en fait non).
Mais maintenant les batteries du bonhomme sont complètement à zéro, il faut absolument recharger, je me traîne même dans la descente, mon bâton en bois ne me sert à rien, j’ai l’impression qu’il pèse une tonne mais je le garde bien évidemment avec moi, j’arrive au poste de Marla vers 1H du matin, je salue les bénévoles, je pointe et je me poste devant les tentes. Le chef du poste vient me voir, je lui dit « j’ai besoin de dormir », « y a pas de place pour le moment ! » tant pis je fais le pied de grue, et j’attends qu’une place se libère, c’est chose faite 10 minutes plus tard, je déplie mon matelas néoprène (vous vous rappelez), je gonfle mon coussin de 40*40 cm (vous vous rappelez), les boules Kies, je m’enroule dans deux couvertures et hop je plonge dans un sommeil réparateur. Deux heures plus tard je suis réveillé par un léger souffle de vent sur mon visage qui passe sous la toile de la tente. Les gars, faudra revoir ça pour les prochaines éditions parce que là question confort, c’est pas terrible, pour l’obtention de la cinquième étoile, je peux vous dire que sur ce coup là c’est raté !! Bon, je fais avec, je déplace mon sac pour me protéger et comme j’ai toujours un mal fou à me lever je replonge involontairement pour une heure de plus, je sais, là c’est vraiment abusif, mébon !!
Je me lève, je rassemble mes affaires, mon sac, mon bâton, je me retourne, quelqu’un était déjà installé sur mon matelas et sur mon coussin pensant sans doute que c’était le confort habituel à Marla. Ca tombe bien, je n’en avais plus besoin.
Il est plus de 4H du mat, j’ai des frissons! il fait froid, c’est l’heure du petit déjeuner. Je fais les pleins, un seul bidon suffira, un peu de poudre magique, 2 bols de soupe, 2 bols de café, au diable le régime liquide, je me risque sur un biscuit sec… faut savoir prendre des risques dans la vie…
Marla – Deux bras
Me voilà reparti, le plein d’énergie et de bonne humeur !!
Le parcours entre Marla et Trois Roches est facile cette année (pas de passerelle Ethèves, pas de plaine aux sables), comme je l’avais reconnu cinq jours plus tôt, pas de problème. Une portion relativement tranquille au début, puis une descente dans un pierrier où je jardine un peu, puis arrive la rivière « ravine kerval » qu’il faut traverser. Là encore, mon bâton se révèlera très utile pour me permettre une traversée au sec. Cinq jours avant, lors de la petite reconnaissance, j’avais fini le cul dans l’eau à ce même passage.
Je rejoins rapidement la partie plane le long de la rivière des galets, je me surprends même à courir jusqu’au poste de trois Roches. Le jour est levé, il est 6H à ma montre.
Pour ceux qui ne connaissent pas, Trois Roches est un endroit absolument magique où la rivière se jette dans un trou de 40 mètres, attention prudence, ne pas trop s’approcher du bord mais on peut regarder quand même.
Je pointe, je refais les pleins, pas de soupe, donc café et s’est reparti. Merde ! encore une traversée de rivière, et une fois encore mon manche à balais se révélera un allié de choix. Le chemin vers Roche plate est encore une fois une véritable montagne Russe : une grosse montée dans une ravine, en fait c’est le lit d’un ruisseau, une descente, une montée à flanc de falaise, une descente, une montée bien réaménagée cette année (merci l’ONF) et une grosse descente technique vers Roche Plate. Je cours le plus possible sur cette portion et j’arrive au ravitaillement vers 7H20 du matin. Je pose mon sac sur une chaise vide, je pose mon bâton contre la rambarde, je poste quelques cartes postales dans la boite aux lettres de Roche Plate (elles seront spécialement tamponnée par le facteur qui fait sa tournée à pied), la boite avait l’air bien pleine, je pousse un peu pour faire rentrer mes cartes.
Je fais les pleins, 2 soupes, un coca, un café et c’est reparti.
Dans la montée suivante, je me sens léger, nul doute que la pause à Marla a fait son effet. A quelques encablures de la Brèche, je me rend compte qu’il me manque quelque chose, j’ai oublié mon bâton contre la rambarde à Roche Plate, tant pis, il était vraiment lourd et encombrant et je n’en ai plus besoin, il fera peut être le bonheur de quelqu’un.
Je coure le plus possible dans cette belle descente vers les Orangers, un petit raidillon avant le ravitaillement et j’y arrive à 8H38. Le soleil commence à cogner, je sors la crème et la casquette. Je refais les pleins, 1,5 litres car le ravitaillement suivant est loin, un peu de poudre blanche, un café et c’est reparti.
Je continue à courir le plus possible dans cette descente vers la rivière des galets sauf dans les deux ou trois parties un peu raide. Les paysages sont vraiment somptueux, notamment au niveau de la petite cascade peu avant l’ilet des Lataniers. J’arrive rapidement à la passerelle qui enjambe la rivière, je la traverse et je m’installe à l’ombre, je marque une petite pause avant d’attaquer la montée. J’en profite pour m’alimenter un peu, je mange une barre énergétique qui restait dans mon sac, cette montée est courte mais incroyablement pentue, des pentes dignes de celles croisées dans le Cap Anglais.
Je passe l’obstacle à l’économie et je me remets à courir dès que le sentier redevient plat. Après une descente avec quelques passages olé-olé directement taillés dans la Roche et avec des mains courantes un peu sommaire, j’arrive enfin à la passerelle du Bras d’Oussy, elle date d’un autre temps cette passerelle, le tablier a été renforcé avec des planches, pas très rassurant tout ça, j’attend mon tour et je me lance, ouf ça passe. Il n’y a qu’une antenne médicale ici, heureusement que j’avais fais les pleins d’eau car Deux Bras est encore à quelques kilomètres. Rapidement, j’arrive au lieu dit « la Porte », une première traversée de la rivière sur des gros rochers et on se retrouve dans cette vallée où coule la rivière des galets. Ce qui me frappe ici c’est la chaleur qui me fouette le visage, on est presque au niveau de la mer et j’ai l’impression que la chaleur de la cote s’engouffre dans cette vallée encaissée entourée par des falaises vertigineuses.
Je poursuis ma progression le long de la rivière, c’est plat et même plat descendant, mais c’est difficile de courir pour moi, le terrain est sablonneux, et on a l’impression de courir sur une plage complètement sèche, et cette chaleur, j’ai l’impression de me dessécher, j’ai vidé mes trois bidons, vivement Deux Bras. Encore deux ou trois passages de la rivière et voici enfin le ravitaillement salvateur.
Un bénévole s’approche de moi et se propose d’aller chercher mon sac pendant que je vaque à d’autres occupations, incroyable, je n’ai jamais vu ça. Je me pointe sous la tente où ils servent les repas, décidément il fait trop chaud ici, je ressort immédiatement, c’est une vraie fournaise et de toute façon je ne voulais pas prendre de solide, je suis sûr que ça ne passerait pas.
Je me dirige vers le stand de ravitaillement, je fais mon rituel habituel (plein, soupe, café), je récupère une bouteille d’eau supplémentaire, je partirai donc avec une réserve de plus de 2,5 litres de liquide pour attaquer la montée de Dos d’Ane. Il faudra bien ça, car avec cette chaleur et ce soleil, cette montée ne va pas être du gâteau.
Avant de partir à l’attaque, je décide de marquer une petite pause, je m’installe sur un lit (un vrai lit de camp, quel pied) sous une tente, je règle mon téléphone sur 45 minutes et j’essaye de dormir. Avec cette chaleur la couverture est largement superflue.
J’essaye de trouver le sommeil, peine perdue, pas trop de bruis mais trop chaud et faut dire que c’est pas trop l’heure de dormir, je quitte le poste peu après midi.
Deux bras – La Redoute
Je pointe à la sortie à 12H03, une dernière traversée de rivière, c’est le bras Ste Suzanne ce coup ci, qui se jette dans la rivière des galets un peu plus loin (révision cours de géo), et on attaque la difficile montée vers Dos d’Ane. Ca commence doucement, puis c’est une succession de passages techniques où les câbles sont les bienvenus pour m’aider à grimper, quelques replats et même quelques redescentes importantes, quelques échelles et ainsi de suite… et rebelote
A quelques lacets de la fin arrivent enfin les bambous de la délivrance. Qu’ils sont beaux ces bambous, quand on arrive là, je sais qu’il ne reste plus grand-chose avant Dos d’Ane. Ils sont énormes, d’ailleurs si on regarde bien, on peut les apercevoir du poste de Deux Bras mais alors de là ils sont tout petits, ça donne une petite idée de ce qu’il reste à faire pour arriver où je suis à ce moment là. Encore quelques virages, on aperçoit un grillage métallique, ça y est, c’est la civilisation, un virage à droite, voici la route et une foule impressionnante pour nous accueillir. Quelques centaines de mètres de route béton, un chemin forestier et voici le ravitaillement. Je me débarrasse de ma bouteille d’eau, je refais les pleins des bidons, un peu de poudre blanche, deux coca, un café, et c’est reparti. Mes deux ennemis de l’après midi vont être la fatigue et la chaleur, il va falloir boire beaucoup.
La première partie est assez technique sur un terrain fortement pentu, c’est de la terre sèche et poussiéreuse, bonjour les dégâts si la pluie s’était invitée à la fête, ça serait une patinoire, j’ose pas imaginer. S’en suit une longue portion de route, je n’ai pas trop envie de courir, j’essaye de marcher rapidement. Je me fais doubler par un premier coureur, puis par un deuxième et là je me dis que c’est quand même bête de perdre autant de temps sur cette portion. Un troisième coureur arrive, je me colle dans sa roue, on ne se quittera plus jusqu’à la Possession. On s’enquille les deux passages de ravines et un long passage en chemin forestier tout en se tapant la discute, le temps passe plus vite ainsi, mais c’est quand même très très long…
Quelques détours par des terrains vagues dans la banlieue de la Possession et nous voici arrivé au ravitaillement au milieu d’un sympathique spectacle de musique et de danse, très sympa, surtout les danseuses. Je pointe à 16H45.
Je suis sérieusement entamé par cette longue descente et la chaleur toujours omniprésente me donne l’impression d’être englué dans une chape de plomb, je dois être tout rouge. Je refais les pleins, la poudre, et je me risque à manger du saucisson et des tartines au pâté, dieux que c’est bon !!! grosse erreur, je la payerai dans la montée suivante, mais pour le moment je savoure ce plaisir et j’en reprends cinq fois.
Je reprends la route au bout de 15 minutes, c’est encore jouable d’arriver à la Grande Chaloupe avant la nuit. Ca commence par une petite portion de parcours urbain le long de la route du littoral, c’est pas très fun au regard des paysages goûtés depuis deux jours. Quelques centaines de mètres plus tard, voici le début du chemin des Anglais, ou Cremont, fait avec un « genre » de pavé noir irréguliers et mal agencés, (y savaient pas poser les pavés à l’époque ou quoi !). Ca monte fort, le soleil est toujours là, la chaleur accumulée par ces pierres noires me chauffe les pieds, je me traîne encore une fois comme une loque. Un peu plus haut, le paysage change, la végétation est jaunie par cette chaleur tropicale, le spectacle de la falaise vertigineuse plongeant vers l’océan est incroyable, les vagues se fracassent contre cette masse énorme, la vue sur la mer avec ce soleil couchant est un émerveillement, c’est vraiment splendide, quelle chance d’être là…, oui mais moi je ne regarde pas ce foutu paysage, le problème c’est que depuis quelques temps je sens comme une recrudescence des gargouillements au niveau de mon estomac et ça m’inquiète beaucoup. Alors monsieur, saucisson ou pâté ? les deux siouplais, quelle connerie, pas de gras, pas de gras on avait dit…
Les manifestations sonores se faisant plus insistante et craignant un remake à cours terme de l’épisode fâcheux survenu lors de la descente après Mare à Boue, je m’empresse de chercher un lieu discret, mais c’est difficile ici, la végétation est basse, le petit muret à coté du chemin ne saurait faire l’affaire, que faire ? je me retourne, le prochain concurrent semble loin, un petit arbuste chétif et bien symbolique me tend les bras, allez je m’y risque. C’est fou comme on apprécie parfois mal les distances ou le temps, à peine « installé » que je vois déjà mon poursuivant fondre sur moi, bon en fait de poursuivant c’était une poursuivante du semi tellement elle allait vite, … « Excuse me Madam ! ». Y a pas à dire, ces satanés british, non seulement ils ont construit un chemin complètement pourave qui nous emmerde encore 200 ans après, mais en plus ils n’ont aucune pudeur ! …
Une fois soulagé, je reprends ma route, le sommet arrive rapidement, le soleil est maintenant couché mais il fait encore suffisamment clair pour ne pas sortir la frontale. Le problème c’est que la descente vers la Grande Chaloupe c’est une mine de cailloux à ciel ouvert, impossible de courir dans un « bordel » pareil. Je descends prudemment, j’assure chacun de mes appuis, bon gré, mal gré, je me pointe au poste à 18H39, il fait maintenant nuit noire. Ca me fait plaisir de revenir là, c’est un endroit que je connais un peu, plusieurs anciennes éditions du Grand Raid se terminaient là et je n’y était jamais revenu depuis.
Je me fais une petite pause, je refais les pleins, une ou deux soupes, un coca, je me tape la tchatche avec quelques bénévoles et quelques concurrents, quinze minutes plus tard je reprends la route. On attaque par le chemin des Anglais, je le connais un peu pour l’avoir fait dans l’autre sens, comme pour l’étape précédente il est fait avec un « genre » de pavé noir irréguliers et mal agencés. Pour ne pas trop en baver, il faut essayer de trouver la trajectoire où les pavés sont le moins mal posés, parfois il y a de la paille pour combler les jointures et la c’est pas trop mal, mais c’est rare.
Progressivement, je rattrape un groupe de trois raideurs, ils n’avancent pas trop vite mais comme ils ont de super lampes frontales je reste avec eux. Faut dire que ma lampe, ou plutôt les piles, ne sont pas au top, un truc de plus à méditer. Même après un changement de piles, la puissance du faisceau décroît rapidement, ce lot Xtra-Super+ en promotion, bin c’est pas le must. Une chose m’étonne dans ce groupe de trois, il y a deux coureurs apparemment en forme et un coureur qui dors debout et les deux en forme essayent par tous les moyens de soutenir le coureur endormi. En fait il s’agit de deux coureurs du semi et un du grand.
En passant devant une boutique à St Bernard, j’ai la surprise de reconnaître Simone KAISER (13 participations, 2 victoires) et son mari entrain de boire une Dodo, ils font le GRR en mode cool cette année. On échange quelques mots et c’est reparti.
En traversant St Bernard, sans spécialement accélérer, je lâche progressivement le groupe, un bénévole m’indique le sentier. Je fais la montée à l’économie (il ne reste plus grand-chose de toute façon), je rattrape une coureuse qui peste contre le manque de balisage, faut dire que dans ce coin, si on ne connaît pas et de nuit c’est pas évident. Je fais une courte halte au lieux dit de la fenêtre, un long sentier en dévers puis arrive la boule météo, il ne reste plus que quelques centaines de mètres avant le ravitaillement du Colorado, j’y arrive à 21H25.
Je suis content d’être là, c’est le dernier ravitaillement, bientôt la dernière descente, c’est peut être ton dernier GRR (là il ne faut jamais jurer de rien !!), profite un max !
Je refais les pleins, j’aimerai goûter une dernière fois à cette super soupe, il n’y en a plus, elle est en cours de cuisson (ah bon elle est cuite cette soupe ?), qu’a cela ne tienne, j’attendrai.
Je me tape la discute avec les bénévoles du stand, je fais un tour au stand des éclopés pour me poser sur une chaise que j’avais repéré, vous avez besoin de quelque chose ? non, non, tous va bien ce qui est vrai, en dehors de petits soucis gastriques déjà évoqués et de la fatigue, il n’y a rien à signaler. Bon ça fait maintenant 20minutes que je traîne au poste du Colorado, faudrait penser à rallier l’arrivée. Je retourne au ravitaillement, la soupe est prête, j’en avale deux bols et c’est reparti pour la dernière descente.
Après une première petite descente je me fais rejoindre par un coureur local, je lui demande si on peut faire cette descente infernale ensemble, pas de problème. Je cale ma lampe frontale pour éclairer ces pieds, je suis exactement sa trajectoire, je pose mes pieds exactement là ou lui les a posé, j’ai du mal à suivre, chaque fois que je bois une gorgée d’eau je perd un ou deux mètres, à chaque fois j’arrive à recoller, tous les quarts d’heure je me dit « aller encore un quart d’heure »… 55 minutes plus tard… la canalisation, la citerne, c’est presque fini, je promets une bière à mon descendeur une fois arrivé au stade, je lui demande son numéro de dossard pour le retrouver car je ne le suivrais probablement pas dans les derniers raccourcis péi qui tirent droit dans la pente, finalement je le suis quand même mais c’est chaud, un dernier virage, on passe sous le pont Vinh San et on se tape un sprint incroyable jusqu’au stade, poussez-vous !, poussez-vous !, les gens nous ont vraiment pris pour des fous à ce moment là… 48h50m00
Je récupère ma médaille, mon tee-shirt, je n’ai pas oublié ma promesse, je dois payer une Dodo à mon dalon descendeur, je me retourne, le problème c’est qu’il n’était pas là tout seul, il y avait son épouse, ses enfants, sa sœur, son bof, ses neveux et ses nièces… je crois me rappeler que j’avais 20 Euros dans mon sac, ça devrait passer. Je fouille dans mon sac, impossible de remettre la main sur ce satané billet, je vide le sac, ouf ! le voilà. On se dirige vers le bar à Dodo, je commande les bières et lui commande les softs, on s’installe à une table libre, je peux enfin faire connaissance de mon dalon descendeur et de sa famille, merci encore car sans ton aide et vu mon état, j’aurai sans doute mis bien plus de temps.
J’aperçois Denis Boulé accoudé au bar entrain de siroter une Dodo (il est accro celui là ! c’est pô vrais mais c’est bon de moucater un peu sur son compte surtout après ce qu’il nous a fait ) il me fait un signe du pouce pour me dire bravo, je le remercie et le salue d’un signe de la main. Merci Monsieur Denis Boulé, on peut dire que cette année vous nous avez sacrément gâté, quel parcours, la forêt de Bébour, la forêt de Bélouve, le Cap Anglais, le chemin des anglais, que c’est bon tout ça, merci, merci beaucoup.
Il y a quelques années, je prenais une bière avec ce même Denis Boulé (si, si, il est accro je vous dit !!), dans la conversation, quelqu’un a dit « un bon grand raid c’est quand on maudit les organisateurs à la fin », une fois encore le contrat a été totalement rempli, merci à l’équipe d’organisation, un grand merci aux équipes de bénévoles, à l’année prochaine (peut-être).
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4 commentaires
Commentaire de Françoise 84 posté le 05-11-2010 à 11:57:00
Super, ton montage! Merci!! Bisous!
Commentaire de Françoise 84 posté le 20-11-2010 à 12:24:00
Ca, c'est du récit!!! Je m'y suis reprise à 2 fois pour tout lire!!! J'aime bien ta façon d'être à la ramasse... tu continues de courir! Bien contente d'avoir fait ta connaissance, même si ça a été bref. A une prochaine fois? Bisous!
Commentaire de Cédric74 posté le 24-11-2010 à 21:25:00
Sympa ce CR, j'ai beaucoup aimé te lire !!
Et je plussoie vivement sur la remarque finale concernant les organisateurs et certains sentiments exacerbés à leur égard par moment !!
Bravo !!
Commentaire de llouan posté le 29-12-2010 à 22:03:00
BRAVO POUR TA COURSE ET TON BEAU RECIT,J AI DU ATTENDRE PLUS LONGTEMPS POUR PRENDRE UNE DODO
bravo
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