Récit de la course : 24 heures de Roche la Molière 2003, par Léonard
L'auteur : Léonard
La course : 24 heures de Roche la Molière
Date : 31/5/2003
Lieu : Roche La Moliere (Loire)
Affichage : 2853 vues
Distance : 165.6km
Objectif : Pas d'objectif
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Le récit
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Heureux qui comme Ulysse…
Courir nuit et jour pendant 24h, quelle drôle d’ idée. Pourtant cette idée me trottait dans la tête depuis quelques années. Mon vieux rêve est devenu réalité ce dimanche 1er juin. J’ai terminé mon premier 24h à Roche-la-Molière, près de St Etienne.
Avant le départ, j’ai de bonnes sensations. Je me sens prêt tant physiquement que mentalement. On nécessite beaucoup de fraîcheur physique pour un tel exercice et j’ai pris la précaution de bien récupérer sur les deux dernières semaines. La préparation mentale est également très importante, je suis arrivé la veille du départ pour découvrir les lieux, flairer le parcours. La boucle fait 2 kms. Il y a deux courtes côtes et surtout une descente à pic qui devrait marquer les quadriceps au bout de quelques heures. La chaleur est accablante, 31° à l’ombre. Les organisateurs m’annoncent la présence d’internationaux de bon niveau, le russe TIVIKOV qui en est à sa cinquième participation, un autre russe, trois biélorusses, deux brésiliens, le suisse Christian GINTER. Sont inscrits également parmi les 73 individuels, Yves CHOMONT, Joseph VEROT et Christian SIBRA le vainqueur des 24h de St Fons. J’ai l’habitude de diviser mes ultras, ils me paraissent plus faciles à aborder. Là, le gâteau est gros, je vais donc faire quatre grosses parts de 6h00 que je vais essayer d'avaler par petites bouchées.
Le 31 mai à 16h, je m'attaque à mon premier quart. Nous sommes quatre ultrafondus (UFOs), Noëlle VITRY (NVDIAG) Yves CHOMONT (OIGNON 03), Stéphane HAACK (FURET) et moi. Yves a un record supérieur aux 200km. Il est venu avec son fan-club. Son épouse Marie et son fils Damien m'apporteront un énorme soutien pendant la course. Stéphane vaut 8h30 sur 100 km. Je lui indique que j'ai choisi de partir très prudemment à l’arrière. Je me retrouve dans un petit groupe. Je fais trois tours avec eux puis je remonte quelques places. Au passage du 6ème tour, le chrono indique une bonne régularité. Je continue pourtant à remonter, ce sont donc les autres qui ont déjà ralenti. Dans cette fournaise, beaucoup sont partis trop vite. Je continue ainsi, à allure lente et régulière pendant 6h00. Une situation est donnée au micro à chaque heure et je sais que je remonte dans le classement mais je ne cherche pas encore à connaître ma place. Au quart de course, j'ai accompli 51km. C’est bien, c’est sage.
Pourtant je diminue encore l’allure en début de deuxième partie, j’aurais envie d’aller plus vite mais je préfère être prudent pour un premier. Le ravitaillement est judicieusement placé avant l’une des deux bosses, je la grimpe en marchant depuis le début, le verre à la main. Je bois à chaque tour, une fois de l'eau plate ou gazeuse, une fois du glucose. Toute les heures, je prends du caloreen ou du thé au soba, excellent réhydratant que j'économise pour les grandes chaleurs du lendemain. Je prends de temps en temps un comprimé de sporténine et j’ai décidé de tester pour la première fois l’homéopathie. Je m’impose un peu de marche, je me suis même efforcé à faire un tour complet en marchant, puis un deuxième. A la 9ème heure, je souhaite enfin connaître ma place. Seuls les noms et la distance parcourue sont donnés, je dois compter les places sur les doigts. Surprise, je suis remonté à la 20ème place! Je me croyais encore à la 30 ou 35ème place. L'émotion commence à monter, je la refoule, ce n'est pas le moment, il faut garder la tête froide et continuer de la même façon, en profitant de la fraîcheur de la nuit. Stéphane le furet est devant mais je viens de reprendre un tour car il n’est pas bien. Je lui parle, on marche un peu ensemble. A la onzième heure je suis 18ème, Yves CHOMONT est 4ème et 1er français, je suis content de voir un UFO tenir cette place. Christian GINTER, recordman du nombre de Marathons Des Sables parcourus et récent 3ème de la Mauritanienne n’est à deux tours devant moi, et cela me motive encore plus s’il le fallait. Furet a le compteur bloqué, il a dû aller se reposer. J'arrive à mi-course avec un peu plus de 92km.
Ça sent bon la soupe chaude, je peux maintenant m'arrêter pour m'octroyer un bouillon aux vermicelles. Ce sera mon seul aliment solide pendant cette course. Le glucose des tables me va bien, je ne veux pas changer. Le moral est au beau fixe, la nuit apporte un peu de fraîcheur, certains se sont couverts, en particulier le brésilien FERREIRA qui est encapuchonné, ce qui ne l'empêche pas de mener le bal devant le russe TIVIKOV et un biélorusse. Les positions resteront inchangées à l'arrivée malgré une belle bagarre de TIVIKOV qui recevra le soutien du biélorusse. La musique accompagne nos foulées, l'animateur se prend à chanter dans la nuit, "non, vous n'aurez pas ma liberté de courir". Je suis bien. Je suis 16ème, je garderai cette place très longtemps, je me concentre pour retenir mon allure. Maintenant il fait jour. Jusqu'à 120 km, je n'ai pas trop marché. Je m'arrête pratiquement à chaque tour pour enlever les gravillons des chaussures, ça va, je plie bien les jambes, je n'ai pas de crampes. Je sais maintenant que ça va bien se passer. Je pense plus au classement qu’au kilométrage, ça devrait être l’inverse sur ce genre de course, mais j’ai trouvé là une motivation supplémentaire.
Dernier quart de course, je marche de plus en plus. J’utilise aussi un intermédiaire entre marche et marche athlétique. Tout à l'heure il va faire très chaud. Je ralentis encore, peut-être plus qu'il ne faudrait. A la 20ème heure je suis 13ème. Stéphane est maintenant bien reparti. C'est bien ce qu'il fait, il a récupéré de son mauvais passage. Il donne l'impression de voler à côté de nous. Chapeau l’artiste et dommage pour lui cet arrêt ! A la 22ème heure, je bagarre avec un biélorusse, je le passe, il me repasse, il faut que j'accélère. Il reste 40 minutes. Alain CORGIER, organisateur des 24h de St Fons m’accompagne un moment. Les sambas de la nuit se mélangent dans ma tête. Le public est fort, il nous porte, les gens affluent pour voir l’arrivée. Il reste 1/4 d'heure, j'entends dans le public "courir comme ça après 24h ". Je sais que ça s’adresse à moi, ça me donne des ailes mais aussi de l'émotion, il ne le faut pas, pas encore. Je puise jusqu'au fond de mes tripes où il doit rester une quelconque énergie, je donne tout, TOP! 165,599! J’ai quelques nausées provoquées par la magie du moment. Stéphane est là. On finit au même endroit. Lui aussi il vient de tout donner. Il finit à 141,6 malgré son arrêt prolongé. Yves est 5ème et 2ème français avec 198km. Super, il vient d’enchaîner un cent bornes et deux 24h en moins de trois mois! Noëlle est 2ème féminine malgré une blessure qui l’a handicapée.
Je suis bien, et même peut-être un peu trop, je marche presque normalement. Je finis 12ème devant le biélorusse avec qui je luttais tout-àl'heure. C'est ma plus belle course, je suis comblé, …heureux comme tous ceux qui ont fait ce beau voyage !
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