L'auteur : VicMacKey
La course : Trail du Pic Saint-Michel
Date : 1/6/2008
Lieu : Lans En Vercors (Isère)
Affichage : 1820 vues
Distance : 15km
Objectif : Pas d'objectif
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Bonjour à tous ! Merci beaucoup pour la bonne humeur et les bons sentiments dont tous vos récits regorgent. J’ai essayé de mettre dans le mien une touche de nuance qui j’espère vous plaira.
J'arrive sur le site vers 9h. il n'y a que quelques voitures, je m'attendais à l'effervescence des grands jours mais on m'explique que le calendrier est chargé et que les coureurs de la région se sont éparpillés. Peu à peu le parking se remplit, les participants sortent de leur torpeur matinale et de leur voiture, se changent, s'étirent, trottinent nonchalamment. Ils portent toute sorte de vêtements, la plupart ostensiblement techniques et de marque Décathlon, pour la raison du très bon rapport qualité-prix sans doute. La tendance est au textile synthétique aux noms déposés avec des coutures apparentes, comme les sutures de la créature de Frankenstein. Je suis pour ma part condamné au coton parce que ces maillots dits "respirants" (en réalité "puants" leur irait mieux) me brulent littéralement les tétons. Il y a ceux qui sont habillés pour courir et ceux qui sont équipés pour survivre à l'apocalypse. Je ne vois pas l'intérieur de ces machines en pré-chauffage, mais j'imagine qu'il doit y avoir de l'électronique embarquée : cardio-fréquencemètres, altimètres, podomètres, peut-être GPS (quand je pense que je n'ai pas eu un instant pour regarder le chronomètre de ma montre)... Les commentaires et conversations vont bon train, la saison de ski des uns, les derniers et futurs exploits des autres, les bobos de chacun, tous attentifs aux signaux d'alerte d'un corps anormalement sollicité. On nous rassemble, le départ est donné. La course est pour moi un véritable moment de bravoure, comme on en vivait peut-être à l'époque des champs de bataille, la protection civile et la certitude de diner chez soi le soir en moins. Je me retrouve très vite dans un groupe, dont, dès la première montée, les membres se mettent à marcher. Etonné, j'adopte cette technique, flairant la stratégie des connaisseurs du terrain. Déception, dès que la pente s'adoucit, se remettre à courir demande une volonté que je n'ai pas, si bien que, au mépris de mes coachs occasionnels, je garde ma foulée de poitrinaire... jusqu'à ce que les ennuis commencent vraiment. Quand nous laissons derrière nous la forêt, je constate l'horreur de la côte à venir mais point de pic à l'horizon bouché et je me demande si je gère mon effort correctement ; il me semble que non. La pression derrière moi s'intensifie, je suis victime d'un dépassement, puis d'un autre et encore un autre. Ma vitesse baisse, je n'ai pas assez de force pour tenir la cadence minimale qui garderait les suivants à distance. Je commence à glisser sur les pierres devenues plus saillantes et mesure l'ampleur des dégâts alors que je distingue de petites silhouettes au loin : le point culminant de ce calvaire moderne paraît inaccessible. Ma fierté primitive (celle du cerveau reptilien) m'ordonne de ne pas me vautrer dans cette herbe accueillante qui borde le sentier de crête ; je m'aperçois du reste que le climat est plus propice à la pneumonie qu'à la sieste, je dois donc me ressaisir. Décidément nul en diététique de l'effort, c'est sans appétit que je me fourre dans la bouche par poignées les plus étouffantes que jamais pâtes de fruits attrapées au vol au ravitaillement précédent et tirées de ma poche. Je suppose qu'on ne fabrique plus ces cubes à faire mourir un diabétique en moins de deux que pour les sportifs à l'agonie, incapables de faire la différence entre un carreau de chocolat Bonnat "Grand Cru Venezuela" et un vulgaire morceau de sucre de betterave. C'est le coup de fouet providentiel, la brume devant mes yeux se lève, les étoiles bleues s'éteignent, je passe au sommet ! Maintenant la descente, ce que je crois, et je suis bien le seul, être ma "spécialité". Je m'élance dans les lacets vertigineux à grande vitesse pour des glissades plus ou moins contrôlées, des dépassements pas toujours courtois de prudentes concurrentes et plus vengeurs de certains des concurrents laissés échappés dans la montée. On entend siffler les marmottes, elles doivent probablement s'interroger sur la nature du danger que nous fuyons en boucle et peut-être se féliciter de la belle façon dont s'y prennent ces cent-soixante-et-quelques laboureurs pour bousiller un joli petit chemin qui était tranquille avant. La fatigue me fait faire n'importe quoi, mes jambes sont maintenant composées de deux parties erratiques qui ne doivent leur salut qu'à deux malheureuses rotules. Les freinages deviennent couteux et après quelques embardées et sorties de pistes dans les feuilles de sous-bois, je retrouve avec soulagement les familières banderoles encourageantes pour de mystérieux(ses) Juju, Nono ou encore Vava. Je ne suis pas mentionné (mon prénom se prête mal aux diminutifs puérils) mais ces messages me redonnent malgré tout du coeur, insinuant que l'arrivée est proche. En réalité non, elle ne l'est pas et le parcours devient vallonné, comme pour m'achever. Ma position devient stable au sein d'un autre groupe, nous passons à côté de vaches à l'air stupéfait et quelqu'un trouve l'énergie nécessaire pour leur adresser un petit mot gentil alors que c'est un des rares moments de ma vie où je me sens totalement incapable de parler. Sacré cow-boy, tu franchiras la ligne avant moi ! Et justement, après une dernière descente en free-style pantin, la voilà, l'arrivée. Un trentaine de mètres avant le porche gonflable j'entends un ultime insolent derrière moi presser le pas pour me griller cette modeste place chèrement gagnée, mais devant ma petite famille venue m'applaudir je ne lui laisse aucune chance. J'ai terminé, je m'essuie le nez, je rends mon dossard "New Balance", je rends aussi les quatre épingles de sureté sans renâcler malgré les quinze euros d'inscription et la publicité faite pour la marque de chaussures sino-britanniques. Des gens installés à la renverse sur des chaises longues exhibent sans complexe leurs pieds meurtris et se les font masser par des professionnels du massage de pieds (ça se voit au petit paquet de lingettes posé sur la chaise derrière eux). Il y a même une sorte de gourou qui pratique l'acuponcture sans aiguille. Bon à savoir : cette médecine douce est offerte pour les patients qui ne sont pas malades (sinon c'est 45 euros). Bon bah pour les étirements, on verra plus tard ; je dois laisser passer quelques temps avant de me demander si je referai un tel effort un jour.
Bien à vous.
Vic MacKey
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2 commentaires
Commentaire de Françoise 84 posté le 06-06-2008 à 17:04:00
Sympa ton récit! On est un peu essouflé pour toi...!!! Bravo, tu as vaincu!!
Commentaire de blob posté le 06-06-2008 à 22:50:00
toi aussi tu as remarqué les vaches à lait peu avant l'arrivée ?
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