Récit de la course : Vosgirunners L'X 2025, par Zaille

L'auteur : Zaille

La course : Vosgirunners L'X

Date : 5/4/2025

Lieu : Niederbronn Les Bains (Bas-Rhin)

Affichage : 190 vues

Distance : 0km

Objectif : Faire un temps

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Première expérience sur un style Backyard

Un format de course que je n’ai jamais testé et qui me fait de l’œil depuis que je touche un peu à l’ultra, c’est celui du dernier homme debout ou Backyard. Le principe est aussi simple qu’ignoble : une boucle à faire en maximum une heure et ceci un maximum de fois jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un, un dernier survivant.

 

Un jour j’en serai

C’est déjà la troisième année que les Courses Natures de Niederbronn proposent ce format sur un circuit qui fait aux dernières nouvelles 6,3km pour 290m de D+.  Autant dire que ce n’est pas plat pour cette Backyard limitée à 24 heures.

Dès les premières éditions j’avais testé le circuit à l’entrainement avec jusqu’à 5 tours d’affilés et c’était écrit qu’un jour j’en serai pour de bon! C’est d’abord Laetitia qui a cliqué, attirée par le côté ludique de la chose puis j’ai suivi, embarqué par Dominique qui cherchait un binôme pour un dossard duo. Dossard qui sera finalement échangé contre deux solos.

 

100km ?

Un 4ème week-end chargé en kilomètres et je sens une fatigue s’installer insidieusement en moi. Je rêve cependant, secrètement, d’atteindre les 100km même si un premier objectif de 10 tours pourrait déjà me satisfaire. A l’entraînement je faisais facilement le tour en 45 minutes, j’espère donc, à une allure modérée, tenir un maximum de km.

Un week-end de plus sévèrement borné et un nouveau jour de week-end où il faudra se lever à une heure indécente. Avec un départ de course à 7h00, pas le choix, réveil à 5h00, quelle horreur. Les affaires sont prêtes depuis la veille mais avec 30 minutes de route et pour ne pas arriver dans l’urgence, c’est ce qu’il faut.

 

Une zone entourée de barrières est réservée aux coureurs

Sur place, on est en terrain connu. Les doigts d’une main ne suffiraient pas pour compter les départs pris ici depuis le pôle sportif de Niederbronn. On se gare sans problème et le dossard accompagné d’une bière IPA est récupéré tout aussi facilement. L’organisation des Vosgirunners est une affaire qui roule, des années d’expérience, ça fait plaisir.

Dans la salle de sport, une zone entourée de barrières est réservée aux coureurs de L’X (c’est le nom de la course, rien à voir avec une quelconque collection de VHS) où chacun aura sa chaise de repos avec ses affaires à portée de main. On s’installe non loin de Dominique qui est déjà là, il nous reste un peu de temps pour papoter et s’équiper avant le premier départ.

 

Tout le monde marche

Le speaker nous annonce le départ dans 2 minutes, musique, le chrono géant affiche 7:00:00 et c’est parti … On sort de la salle et, à mon grand étonnement, tout le monde marche. Effectivement ça monte direct sur une petite voie piétonne mais je ne pensais pas voir tout un peloton aussi discipliné, aussi rigoureux dans la gestion de l’effort. Tant mieux, au moins je ne serai pas tenté de faire le dingo dès le début.

Le circuit que je vais poncer jusqu’à l’usure s’articule entre une grosse montée, une bonne descente, une plus petite ascension puis le plongeon final. Le tout agrémenté de quelques faux-plats en D+ ou D- sur des chemins sans grosse technicité mis à part un pourcentage bien corsé par moment.

Sans forcer, en marchant dans le moindre faux-plat montant, je termine le premier tour en un peu moins de 53 minutes. On arrive en troupeau, c’est le début, tout le monde est très décontracté. Les quelques minutes de repos sont bien suffisantes pour se ravitailler un peu et reposer les jambes. On même le temps d’aller au WC, quel luxe !

 

Il n’y a aucune raison que ça s’arrête

Au fur et à mesure des premiers tours, je prends de moins en moins de temps à boucler. Le 4ème est fait en 50 minutes, idem pour Laetitia et Dominique. Est-ce bien prudent ? Car, finalement, à quoi bon ? Se reposer 3 minutes de plus avant le prochain départ ? Je me dis que c’est mon allure et que je ne vais pas me forcer à trottiner à un faux rythme qui va me frustrer.

5ème tour, on arrive vers midi et il commence à faire chaud. J’ai déjà enlevé mon maillot à manches longues et transporte désormais une flasque d’eau pour m’asperger la nuque et le visage. Ce premier week-end printanier avec des prévisions au-delà des 20°C est à considérer avec prudence sur ce type d’effort. A l’arrivée, on a droit à des pâtes et je ne me prive pas. Ça, avec un passage au WC et la tête sous un robinet d’eau fraîche me font un bien fou. Je repars sur le 6ème tour plus en forme que jamais.

Jusqu’à présent et dès le 2ème tour, je me sentais fatigué et lassé mais là tout va bien après plus de 30km. Je fais d’ailleurs mon meilleur temps de la journée avec une boucle en 49 minutes. Je suis content et en forme, enfin. Il n’y a aucune raison que ça s’arrête. Au ravito j’essaie de manger et boire varié avec autant de sucré que de salé : Coke/Eau gazeuse, Saucisson/fromage, Snickers, Bretzel (on est en Alsace quand-même).

 

On repart à deux

Laetitia qui visait 5 tours est toujours là et toujours partante, ça fait vraiment plaisir. J’espère 8 tours pour elle afin qu’elle fasse son premier 50k en préambule de celui de l’UTMB Alsace programmé dans 6 semaines. C’est bien parti pour et on démarre ensemble sur ce 7ème tour mais comme souvent on se perd de vue en cours de chemin pour se retrouver un peu plus tard.

Je termine à nouveau en 49 minutes et toujours autant en forme, j’ai déjà fait 46km et tout va bien. La pause de 10 minutes me parait longue quand je ne vois pas Laetitia arriver. Il reste 4 minutes et elle n’est toujours pas là, je m’inquiète, ça sent le sapin … Mais non, la voilà ! Elle s’affaire au ravito mais semble ailleurs, elle ne me répond pas très marquée physiquement. Plus qu’une minute, on va repartir mais elle ne veut pas, elle n’en peut plus. Je la motive et lui promet de rester avec elle sur ce tour, ce dernier tour pour passer la barre des 50km. Ok, on repart à deux.

 

Je confie ma bien-aimée à un autre naufragé

Dès les premiers mètres, elle me reparle d’arrêter, de faire demi-tour, elle ne peut plus courir. Ses cuisses crampent, elle serre les dents et moi j’essaie de lui changer les idées en racontant tout et n’importe quoi mais surtout des conneries. C’est dur pour elle, très dur. Au bout de la première grosse montée, je regarde ma montre, on est sur des bases de 57 minutes et il reste bien 4km encore pour boucler la boucle. Il faut que je la laisse là si je veux terminer, pour elle ça sera le dernier tour.

Je confie ma bien-aimée à un autre naufragé du 8ème tour et lui dit à tout à l’heure avant de partir en courant un peu plus vite que les fois d’avant pour assurer ma qualification. Il faut cependant que je continue de mesurer mon effort, juste assez pour arriver à bon port sans brûler les ailes que j’ai encore. J’ai quelques points chrono de repère et je dépasse les retardataires en leur indiquant mon estimation de 56 minutes. 4 minutes de rab, pas grand-chose.

 

9ème tour 

J’arrive effectivement en un peu moins de 56 minutes. J’ai tout juste le temps de boire et de remplir ma flasque et nous voilà repartis. Dans les premiers hectomètres j’ai l’espoir de croiser Laetitia sur le retour mais je vois seulement revenir le coureur à qui je l’avais confié, seul. Je m’inquiète un peu, sa forme a dû encore décliner depuis que je l’ai laissé mais je sais qu’elle arrivera au bout d’un sacré défi.

9ème tour pour moi et ça va toujours. Je dépasse du monde dans les montées et je n’ai aucune douleur. Il fait chaud et j’ai même l’impression que je supporte bien les 20/22°C. Je remarque cependant, en comparant mes temps de référence aux points stratégiques que je suis un peu plus lent que d’habitude. Pas question d’accélérer d’autant plus que la marge est toujours confortable. Je termine en 52 minutes.

 

Dégringolade

Je retrouve Laetitia, assise sur sa chaise. Elle refait surface après un gros coup de fatigue, elle est lessivée, au bord des larmes, elle a terminé son ultime tour en allant au bout de l’effort, je suis tellement fier d’elle ! Elle a fait preuve d’un mental d’acier, j’espère qu’elle ne m’en voudra pas trop de lui avoir, un peu, forcé la main (ou plutôt les jambes).

Le prochain client à la dégringolade est assis juste à côté de ma dulcinée … C’est moi ! Bah oui ! Je me sens las et abandonné par mes forces. C’est aussi incompréhensible que soudain, le coup de bambou. Je regarde le chrono et il est déjà l’heure de repartir. Vite encore un quartier d’orange, je vais bien réussir à avancer encore, je ne peux pas croire à une telle chute de régime.

 

Je me couche

Dès l’entrée en forêt, dans la première vraie pente, je sens que je ne vais pas réussir à aller au bout. Je n’en peux plus et me sens nauséeux. Je regarde derrière moi, je suis quasiment le dernier et me pose la question du lâche, celui qui bat en retraite devant la difficulté. Je me reprends en main, pas question, je vais avancer coûte que coûte, l’objectif à minima c’est 10 tours, il faut que j’arrive au bout de cette dernière boucle où je m’en voudrais pendant longtemps.

Voilà, je suis dernier. Il faut que je me pose et je me jette sur le côté, dans la terre, je me couche, complétement vidé à 500m du départ. Ça cogite sec ! Comment est-ce possible ? Je ne vais jamais y arriver ou alors en 2 heures. On va peut-être même me prendre un tour. Allez !! Debout ! Un pied devant l’autre, c’est ce que je disais à Laetitia il n’y a pas si longtemps. Je ne peux pas abandonner après ce qu’elle a réussi !

 

Tout ça aura bien une fin

Je me lève et repars à la marche à tout petits pas. Je me sens un peu moins mal mais je suis incroyablement essoufflé alors que ma FC n’est qu’à 120. Tête baissée, les yeux dans la poussière, je ne regarde plus la montre, il n’y a plus de chrono, plus que des mètres, des milliers de mètres de sentier à parcourir. Je me console en me disant que tout ça aura bien une fin.

Je me force à courir dans les descentes mais à la fatigue s’est rajoutée une douleur du style tendinite du genou. Je sers les dents et m’inquiète de la faisabilité de mes défis à venir, suis-je vraiment de taille pour l’ultra alors que je suis bon à être ramassé à la petite cuillère après 60km ? J’en prends pour mon matricule et je sais que les jours à venir vont être compliqués mentalement.

 

Encore les 2/3 du parcours à faire

Avant d’arriver à bout de la première grosse montée, un photographe immortalise la déchéance. Il me fait remarquer que c’est probablement cuit pour repartir sur un nouveau tour. Je lui rétorque que c’est ce que j’espère et que ma seule envie est de mettre un terme à tout ça. Je me trouve à l’endroit où j’avais laissé Laetitia et je suis déjà sur une estimation dépassant l’heure, il me reste encore les 2/3 du parcours à faire.

Je marche puis trottine doucement dans les descentes. Mon genou ne se manifeste que dans le D- où j’essaie de compenser avec l’autre jambe. Au bout de la première grosse descente je suis rejoint par un coureur allemand du Défi de Seigneurs (80km) complétement perdu. On discute un peu mais je ne suis pas d’humeur alors je cours et accélère même pour fuir cette conversation où de toute façon je ne comprends que la moitié.

 

Game over

Un semblant de forme revient, je monte même à bonne allure, à la marche, le dernier coup de cul. Un dernier regard sur ma montre qui, à 1km de l’arrivée, confirmera définitivement ma situation hors délai. Dernière descente, je sème le runner teuton et arrive enfin sur la piste piétonne qui me mènera jusqu’à la zone d’arrivée dans l’anonymat le plus total. Ça fait 11 minutes que le nouveau coup d’envoi a été donné, la messe est dite ! Game over !

Je m’avachis sur ma chaise, heureux d’en avoir fini mais une fois de plus déçu de la manière dont ça s’achève. Je récupère petit à petit à coup d’Orangina et de Bretzel. Les jambes vont bien mais tout mon être fonctionne au ralenti. Il me faudra bien 30 minutes pour me relever et sortir juste à temps pour accueillir Dominique à l’arrivée de sa 11ème boucle (il en fera 16, plus de 100km, comme prévu, grand respect à lui) et encourager Sylvie qui termine les 80km du Défi des Seigneurs dans un été de fraîcheur impressionnant. Place à la récupération (et la cogitation) maintenant mais pour de vrai car dans 6 semaines …

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