L'auteur : lionelbard
La course : La PICaPICA
Date : 16/8/2024
Lieu : Auzat (Ariège)
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Distance : 109km
Objectif : Terminer
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Introduction :
L'année dernière, le projet Échappée Belle de 2023, après plusieurs années de préparation, la cheville qui craque 6 semaines avant la course, la récupération ultra rapide, je peux prendre le départ.
Finalement, à cause de la météo, nous ne ferrons que la traversée sud, beaucoup de déception. Et finalement, je refais la section Habert d'Aiguebelle Aiguebelle en off. Pour boucler 100 km et 8000 de déniv, mentalement l’Échappée Belle était faite.
Après ça, j'ai beaucoup hésité à repartir sur l'Échappée Belle cette année, mais c'était trop, il fallait autre chose, et le projet Pica est venu. J'avais connu cette course par hasard en vacances là-bas.
Le topo est simple, même profil que l'Échappée Belle, mais sans les 30 km dit "roulant", la blague.
Je fais une lettre de motivation haute en couleur :
Cher-es amateur-es de cailloux,
Salut à vous, gardiens des sentiers escarpés et des montagnes majestueuses !
Je m'appelle Lionel, montagnard avant tout et coureur dans les chemins vertigineux, je suis un pur produit belledonnien et grand amateur de cailloux.
Je me permets de vous écrire avec un enthousiasme aussi débordant que mon amour pour les sentiers et les salades de cailloux, à tout moment de la journée…
En tant que fin gourmet, je me délecte non seulement des défis montagnards, mais aussi de ces petites pierres qui ornent nos sentiers préférés. C’est en fin connaisseur des cailloux AOP Belledonniens que je souhaite parfaire ma connaissance (encore trop peu développée) de la célèbre salade de cailloux ariégeoise !
Mais trêve de plaisanterie rocheuse, je m'égare, venons-en au fait : la PicaPica.
J'ai entendu parler de ce trail épique il y a déjà quelque temps, et le décrirais comme une aventure qui ferait rêver tout amoureux des montagnes et des cailloux, tel que je le suis. Mon histoire avec la PicaPica a commencé il y a maintenant 2 ans lors de vacances en Ariège. J’ai pu gouter à cette belle aventure lors d’une sortie ralliant la série des quatre 3000 du parcours, sur laquelle j’ai eu la surprise de croiser le 4ème de cette édition, avec qui j’ai pu parcourir un bout de chemin. De nos échanges, je retiens les paysages à couper le souffle, la partage et l’ambiance si particulière à cette course. L’objectif était donc coché : je serai un jour au départ de cette course ! Et ce jour sera en aout 2024 (je l’espère, grâce à vous !).
Pour justifier mon expérience terrain, j’aurais aimé vous dire que j’ai fini l’Échappée Belle cette année, mais la météo en a décidé autrement… J’ai donc été contraint de ne faire que la traversée sud de 65 km. Cependant, déterminé, je suis retourné terminer le parcours un mois plus tard en réalisant les 100 km et 8000m D+ de la traversée nord en quasi-autonomie (très bien accompagné par une fine équipe). Pendant 30h non-stop, j’ai ainsi géré les ravitos, la nuit, le sommeil... Une aventure formatrice pour réussir à accomplir le challenge de la PicaPica !
Pour compléter cette expérience, je pourrais citer : un 100 km et 6000D+ (UT4M master), une traversée de la Chartreuse en autonomie dont une majeure partie de nuit, ou encore (en off), le défi du Bauju, l’ascension des 14 sommets de plus de 2000 en moins de 3 jours en total autonomie (soit 90 km et 9000m D+ sur terrain escarpé, relevant parfois de l’alpinisme), et bien d’autres courses et aventures belledonniennes.
Enfin, en complément de mon expertise gastronomique (et sportive, bien sûr), je tiens à souligner que je suis un voisin montagnard par le cœur. J’ai pu de nombreuses fois entendre que les bénévoles du Montcalm étaient aussi de chaleureux passionnés, parfois même présentés comme « les meilleurs bénévoles » ... Permettez-moi d’en douter, car en 5 ans sur l’Échappée Belle parmi les bénévoles du col mythique du Moretan, la concurrence semble rude ! Mais je suis prêt à leur laisser une chance, et très curieux de voir ce que vos bénévoles ont dans le ventre, notamment les très bons chanteurs pyrénéens que l’on m’a maintes fois vendus.
Il en est fini de mon monologue, sachez-que si vous recherchez un coureur avec une touche d'humour et une passion incommensurable pour les aventures montagnardes, je suis votre homme ! Avec une touche plus sérieuse, sachez que j'aimerais infiniment faire partie de cette joyeuse fête qu'est le Trail Picapica. Je promets d'apporter mon sourire, mes blagues caillouteuses, et bien-sûr, ma détermination sans faille à gravir ces sentiers avec le même enthousiasme qu'un bouquetin en pleine forme.
Merci de considérer ma demande d'inscription, et qui sait, peut-être partagerons-nous une bonne dose de rires rocheux et chants montagnards sur les sentiers du Trail PicaPica !
Amicalement (et caillouteusement).
Je suis donc validé par Nahu, le directeur de course, qui valide lui-même chacune des inscriptions, validant ainsi que tous les inscrits sont au courant du chantier, et sont aptes à finir, des profils montagnards, loin du pistard.
Je fais donc cette année une grosse préparation. Je m’inscris au CAPR où je me tiens assidûment aux entraînements. Je vois très vite les progrès sur route et qui m’aident sur trail. Je fais beaucoup de sorties entre midi et 2 avec les collègues, pas mal de montées sèches en tout genre, les Chambéséche, les VVG, les montées aux refuges, plusieurs belles sorties longues dont Annecy Chambery, traversée des Bauges, Chambery Grenoble, traversée des Pyrénées, et une traversée partielle de Belledonne de nuit. En bref, ma préparation c'est 60000m de déniv en cap, 15000 en ski,
Donc pour conclure, beaucoup mieux entraîné, mais je ne me mets pas la pression, je le prends comme une grosse randonnée. Une randonnée de 110 km et 11400m de dénivelé.
Semaine avant la course :
Je décide d'aller dans le Sud-ouest la semaine entière en travaillant à distance les 3 premiers jours.
Je passe donc le week-end chez les cousins à Tarbes, et je découvre lundi le cirque de Gavarnie, et ensuite, j'ai plusieurs galères : je prends l'eau avec la tente, beaucoup d'affaires trempées.
Je décide mercredi soir de monter au refuge de Bassies pour me mettre dans l'ambiance montagne, le refuge est sur la fin du tracé.
Je monte donc sous une pluie torrentielle. En montant, je laisse mon portable dans une poche pas assez étanche. Mon portable en fera les frais et finira ces jours avant le refuge.
Je passe donc la soirée là-haut, où je discute avec pas mal de randonneurs, dont une qui fait le GR10, chapeau, gros morceau.
Le matin, je redescends donc au parking récupérer ma voiture et essayer de trouver une solution pour mon portable. Il s'avère que la voiture ne démarre pas, voilà autre chose, décidément ce n’est pas ma journée. Je suis donc sans voiture, sans mon portable, perdu en montagne, à 600 km de chez moi, la veille de la course la plus difficile de ma vie. Donc dépannage, pas de solution, remorquage, taxi, et surtout vider sa voiture en moins de 5 minutes en essayant de ne rien oublier.
Me voilà donc 2 heures plus tard au lieu de départ de course, avec plein de sac d'affaires, plus de téléphone, j’ai réussi à avoir quelques contacts avec mon tél pro. Je n'ai pas mangé, et je n'ai pas d'endroit où dormir.
L’assistance n’a pas de solution de retour le dimanche, le retour est plus simple directement le jeudi. Je me pose sérieusement la question de prendre le départ, mais non, je ne me suis pas entraîné autant pour arrêter maintenant, on trouvera des solutions après, quitte à revenir en courant. J’y suis j’y reste !!!
Je mange, je récupère mon dossard et mon fromage, et je vais écouter le briefing de course, obligatoire pour les coureurs de la PicaPica et PicAriege. Et tout de suite, ça y est on y est vraiment, une organisation familiale, des acteurs locaux, des amoureux de la montagne. Un hommage est fait à un des fondateurs de cette course parti récemment. Toute l’organisation est très touchée, tout le monde ressent l’émotion, les larmes coulent chez les organisateurs, on sent une grande famille, la famille du Moncalm. S'ensuit des moments plus gais, des teeshirts spécialement faits pour Aurélien Sanchez, vainqueur de la Barkley. et sa femme. Là aussi, on sent l’émotion et les liens d’amitié forts. On voit ensuite plusieurs points techniques, puis le matériel obligatoire. Là le ton est donné, si on est là pour pinailler des grammes sur nos vêtements techniques, nous n’avons rien à faire ici, direction l’UTMB, Nahu tacle. Ici on est en montagne, le matériel obligatoire n’est pas là pour faire joli. Dernières inquiétudes météo, tous les hélitreuillages n’ont pas pu être faits. Nous aurons donc une info dans la soirée afin de savoir si le départ est décalé.
Briefing fini, je prépare mes affaires tant bien que mal avec tous mes sacs, je passe à la douche, j’attends le repas course, je m’enfile 2 plats de pâtes et je vais me coucher en laissant des affaires planquées. Je me pose dans un champ, à moitié en pente, l’idéal avant de commencer un ultra reposé.
Jour de course
Bizarrement, je dors plutôt bien. Réveil 4h, je me prépare, je file au départ gentiment, pose mon sac de délestage qui me suivra sur la base de vie, et je vais au contrôle des sacs et départ.
Ça y est, on y est vraiment, le speaker nous met dans l’ambiance, on ferme les yeux, on repense pourquoi on est là, tout l’entrainement, les moments passés en montagne, ce qui nous attend, puis ça y est, le décompte final et les fous sont lancés, quelque 244 coureurs traversent les routes d’Auzat, c’est la dernière fois que l’on voit du goudron avant longtemps. Chacun trouve sa place, on se fait directement 1800 de déniv. Une fois que l’on sort de la montagne, l’aube se lève, les crêtes sont magnifiques.
Passer la première crête, on monte une arête effilée avec un passage avec les mains, assez esthétique. On passe le sommet, et on attaque la descente. Elle est à peu près courable, mais une cheville est vite faite, certains essayent de doubler, mais beaucoup marchent vite, ce n’est pas le moment de se vautrer, il y a encore beaucoup à faire.
Premier ravito, le ravito d’Izourt, bonne ambiance, beaucoup de monde. Je prends le temps de manger, et là, il y a la Nana que j’ai vu l’avant-veille au refuge de Bassies qui vient me féliciter, c’est marrant et très sympa. Je repars rapidement, avec des copains de Yanis, un collègue. J’ai rencontré les mecs au départ et on a à peu près le même rythme.
On remonte donc rapidement en direction d’un col plus haut en Andorre, section de 11 km et 1300D+. L’ambiance est bonne, je discute avec tout le monde, d’où ils viennent, quel palmarès de course ils ont, leur estimatif de temps pour boucler le chantier. Je suis un des rares à venir d’aussi loin, quelques belges, des normands, bretons et beaucoup de locaux, toulousains, etc.
La météo n’est pas trop chaude, on fait de grandes portions dans le brouillard, une petite ambiance de course sympa. Avant que la bifurcation de la Pica et la picAriege se fasse, on se fait doubler à fond par les premiers de la picAriege, les mecs sont chauds !
On bascule en Andorre, là-bas, il y a enfin du soleil, de la chaleur, et même du réseau. Je vois mon fan club me soutenir à distance, ça fait plaisir. J’envoie quelques nouvelles. Petit à petit, je commence à lâcher les potes de Yanis, ils sont un peu plus lents (ils abandonneront à la cabane de la Croutz).
On arrive au refuge de Fourcat, où l’on avait déjà été avec mon père et ma sœur, ça fait plaisir . Petit souvenir, petit ravito succin, et on enchaine sur la prochaine cote avec les gars de la picAriege que l’on vient de récupérer. La montée est horriblement raide, comme certains disent « une montée bête », je dirai même plus, « debout mais couché » (pour ceux qui ont la ref). Je laisse un peu de plumes dans la montée. On rigole avec les autres, certains sont sur le challenge du Montcalm, bien violent !!! Seulement 500D+, mais c’est extrêmement dur, que de la caillasse.
Arrivée au col, un photographe est content de dire « on en chie, mais on sourit ». J’arrive péniblement en haut du pic de Malcaras, et c’est enfin la bascule en direction de la base de vie, 1200 de D- . Ça fait du bien de pouvoir dérouler un peu, descente un peu technique, certains n’avancent pas, ça fait du bien de doubler un peu. Je me régale dans la descente, je récupère 22 places sans trop d’effort, c’est cool !
J’arrive à la base de vie vers 14h. Il commence à faire faim, et en plus, je sais qu’il y a les burgers, j’en rêve depuis 3h ! J’arrive donc à Soulcem, et là grande surprise, j’ai un comité d’accueil qui m’attend, coach Alizée (une collègue avec qui on a beaucoup couru entre midi et 2 et qui a bien tourné en athlé). Elle est là avec Rémi son copain et les parents de Rémi. C’est super chouette, ils sont tous super contents de me voir. Je ne connais pas les parents de Rémi, mais ils sont aux petits soins avec moi. Je récupère mon sac, je prends le temps de manger tout en discutant avec mes supporters du moment. Je vais voir pour récupérer mon burger, et là, grande désillusion, il n’y en a plus ! Tristesse et désespoir... J’hésite à abandonner suite à cette douloureuse annonce ! Non, je rigole, je vais reprendre à manger. Tout passe, je m’empiffre de pâté, jambon, chips et bien d’autres choses, la diète sera pour un autre jour. Je mets ma batterie de frontale à charger dans mon sac de délestage, je dois faire une erreur, je le verrai plus tard, mais ça me causera des problèmes plus tard.
Bilan à la première base vie, 32 km pour 3500 de déniv, déjà une belle grosse matinée, pas trop chaud, le moral est bon, les jambes vont bien, même si je commence à monter moins vite. En avant pour la suite, j’ai une boucle d’une trentaine de km avec environ 4000 de déniv en grande partie en Andorre et je retourne à cette base de vie surement en plein milieu de la nuit.
Je repars donc du ravito, accompagné de mon équipe de supporters. Je repars tranquillement, je quitte coach Alizée et sa team qui m’encourage et me donne plein d’énergie, et me revoilà parti sous le soleil.
Le chemin est une route carrossable légèrement montante dans un vallon très tranquille, c’est très agréable.
Je partage un peu le chemin avec un gars, je lui pique de la crème solaire, le soleil tape, l’ambiance est bonne, on rigole. On récupère 2 autres mecs que je verrai quasiment jusqu’à la fin. L’un d’eux dit tient, regardez, on va là ! on lève la tête, à s’en faire mal au cou, c’est tout là-haut, abrupte. Je rigole, je lui dis ouais, on va faire un grand tour pour arriver là. Et là, la route carrossable est barrée, le balisage tourne et va dré dans le pentu dans la fameuse pente. Ah ben en fait, on ne va pas faire de détour, on y va direct, j’ai oublié qu’on était sur la PicaPica, on enchaine les kv !
C’est donc parti pour un kv avant d’atteindre les portes de l’Andorre. Je souffre de la chaleur, je commence à avancer beaucoup plus lentement en montée, je lutte pour ne pas me faire doubler. J’arrive tant bien que mal en haut, où un groupe de bénévoles chante à tue-tête (ça me rappelle le Moretan), je chante aussi, je fais la chanson des bénévoles, ils sont ravis !
Me voilà enfin en Andorre pour la fameuse boucle, le décor est magnifique, un super panorama à 360.
Arrivé en haut, j’attaque une descente pas trop raide. Je récupère du réseau internet, c’est cool, je vois tous les messages d’encouragement, j’envoie des vocaux. Je suis content d’être là, vivre pleinement l’instant, avoir le privilège d’avoir la santé pour gambader ainsi. J’arrive vers 17h45 au Ravito d’Arcalis tenu par des Andorrins. C’est cool, le ravito est super garni, quelques spécialités espagnoles. Je mange des tortillas, du fromage de brebis et de la soupe. On continue à bouffer tout ce qui passe. J’en profite, certains n’arrive plus à s’alimenter. Je prends même le luxe de prendre un double expresso, ils ont une Nespresso, la classe à Dallas !!!
Me revoilà parti dans cette station de ski. On essaye de commencer à faire des groupes pour faciliter les montées, mais je n’arrive jamais à suivre la vitesse, mes jambes ont du mal en montée, ça me durera toute la nuit. Les décors dont magnifiques, nous traversons des troupeaux de chevaux en liberté.
À un moment, je guette ma montre et le dénivelé qui ne cesse d’augmenter, jusqu’à voir apparaître le nombre fatidique, 4808 ; je n’aurai pas fini le Mont Blanc cette année, mais j’aurai monté son altitude, petite pensée à cette ascension magique du Mont Blanc en juin.
On enchaine plusieurs pics d’environ 500-600 de déniv et, à chaque fois, c'est la même histoire, on me propose de suivre les groupes, mais ils vont tous trop vite, j’ai mal aux jambes. Et à chaque descente, je m’envole, je redouble tous ceux qui m’ont doublé précédemment, grand jeu qui durera toute la nuit. C’est sympa, on connait les prénoms de chacun, les problèmes physiques de chacun : certains n’ont plus de jambes, un autre n’arrive plus à manger, certains crampent, mal de dos etc etc. On est une petite famille d’une vingtaine de personnes, on prend soin les uns des autres, ce n'est pas une course, c’est une aventure !
Les lacs s’enchainent, chacun plus joli que l’autre, toujours autant de cailloux. Quand on est en haut, beaucoup de vent, la veste de pluie est très utile. Chaque bénévole nous attend avec un petit mot, un encouragement. À un certain moment, on entend de la musique, des sirènes, des chants, une équipe de bénévoles survoltés s’époumone. L’ambiance est bonne, c’est marrant. Ils sont paumés dans la montagne, à côté d’une bicoque de berger, leur slogan très recherché : C’est la PicaPica, ça monte et ça descend. Ils n’ont pas tort, c’est l’idée.
Le soleil disparait gentiment en décorant les nuages de couleurs magnifiques. Je suis tout seul dans ma montée, c’est assez féérique. J’ai mis la musique, je balade tranquille bercé sous des airs de musiques basques. Puis peu à peu, la nuit vient m’engloutir. Je ne mets pas encore la frontale, j’avance pas à pas dans le brouillard frais, je chante à tue-tête « Emmenez-moi tout au bout de la terre... » Et d’un coup, j’ai du répondant, j’arrive à un col avec 2 bénévoles. On discute un peu, la descente est très technique, on va donc mettre la frontale, et je plonge dans la nuit en leur souhaitant bon courage pour affronter la nuit et le froid. La descente est super agréable, bien technique, je vois que je fais vite la différence. Certains n’avancent pas, moi je m’envole, emporté par ma musique. Je m’amuse, je vais de balise en balise, une belle recherche de chemin, je saute de bloc en bloc et je descends 1000m comme ça tout en doublant du monde.
J’arrive à la cabane de Croutz. Ça fait bizarre de voir plein de monde. Certains sont dans un sale état, certains essayent de dormir, des supporters sont venus attendre un copain. Je prends le temps de bien manger, je m’assois un peu, il est 22h30, la nuit va être longue, un gros morceau nous attend derrière. Une fois les pleins faits, je repars affronter la nuit. La montée est extrêmement dure, les jambes sont raides et je n’avance pas beaucoup mais le moral est bon. Cependant, au niveau mental, c'est autre chose, j’arrive dans un univers parallèle !
Je ne comprends pas où je suis : tantôt la lune est derrière moi, puis devant moi ; j’ai l’impression qu’elle se déplace, ou qu’il y en a deux. Je me demande si je peux avoir des coups de lune, s’il existe de la crème lunaire. La Lune joue à cache-cache. Quand je lève la tête, les étoiles viennent toucher la montagne, mais est-ce que ce sont des frontales ? je suis perdu, j’ai l’impression d’être suivi, mais non, je suis seul dans l’immensité de la nuit. Je me chante des chansons « la meilleure façon de marcher, c’est bien sûr la nôtre, c’est mettre un pied devant l’autre et recommence… » Je m’amuse, je me raconte des blagues, je me demande ce qu’ils ont mis dans le dernier ravito, mais c’est de la bonne !
J’arrive donc tout en chantant vers un bénévole, il me demande si ça va, je lui dis ça va, à part que je n'avance pas un cachou, ça va. Et là, il me dit « tu n’avances pas, mais tu es quand même 111ᵉ ! » Ah d’accord, eh ben ça fait plaisir mon petit père, je ne pensais pas ça !!!
Je continue donc gentiment, on me double un peu. À chaque fois, on me propose d’accrocher le groupe, j’essaie, et je pète à chaque fois. Merci bien les gars, mais ne vous inquiétez pas, je vous récupère à la prochaine descente. Ma réputation est faite, je serai le descendeur toute la nuit.
J’arrive au pied de la Souracane, une belle arrête, avec 800m de vide de chaque côté. La fin se fait à quatre pattes, costaud le truc, j’aurais quand même mis une corde. J’ai des pertes de lucidité, certaines fois, je peine à garder l’équilibre, une vraie sortie de PMU. J’essaie de me raisonner, une erreur et ça peut finir mal !
On arrive tant bien que mal en haut de la fameuse Souracane. J’ai bien mal aux jambes, j’y ai laissé pas mal de plumes, tout le monde m’a doublé. Je me refais un peu la cerise en haut, ça fait du bien de manger un morceau. Il est 1h20, la fatigue commence à se faire sentir. Je pars donc dans la descente avec un petit groupe. Dès que ça commence à être courable, je mets le clignotant à gauche, chaos les nulllos ! (vous me retrouverez plus tard). Et là, l’ambiance est magique, j’ai mis la playlist peaceful, je vole de bloc en bloc, j’avale cette descente, il y a une forme de grâce, je fais des bons, c’est super ludique de chercher son chemin au milieu de ces énormes blocs, certains n’y arrivent pas du tout, mais moi je m’éclate ! j’avance dans cet amas de blocs, hors du temps, bercé par ma musique tranquille, rien ne m’arrête, pas de douleur, l’instant est merveilleux. Au détour d’un chemin, je croise 3 bénévoles en kilt, délire, ils sont heureux d’être là. Je les remercie et je file dans la nuit. Arrivé en bas, je sais ce qui m’attend : on doit remonter pour atteindre le dernier col avant la base de vie. Je n’ai pas envie de remonter, j’étais bien dans la descente. J’essaie de plaisanter avec le bénévole, il ne comprend pas, il m’assure qu’il y a 250m de déniv. Génial !!!! Ne jamais croire un bénévole !! désolé, mais je t’ai haï dans la montée, c’était long ces 250m, c’était plutôt 500 bien tassé !!!! mais c’est très joli, on voit les serpentins de frontales dans les descentes et montées précédentes, il y a quand même pas mal de monde derrière !
L’arrivée au col est dure, je n’ai plus de jambes, le moral n’est pas trop là, j’en ai marre, la montée me soule. Il doit être 3h du matin, j’ai sommeil, premier vrai coup de moins bien, il faut puiser dans le mental. Ça y est, le col est enfin là, je discute un peu avec le bénévole qui m’encourage, me montre tout le chemin parcouru, les petites frontales des poursuivants, il m’aide à faire mon sac. Je le remercie, lui souhaite bon courage, et je plonge dans la descente, en avant au refuge. Je débranche le cerveau, et je remonte tout le monde, c’est génial, ça me réveille, 1000m de déniv à descendre. Je fais une Pommeret. Je remonte les morts, véritablement, certains dorment au bord du chemin, moi je fonce à toute berzingue ! c’est génial, je me régale. La fin est quand même longue, hâte d’arriver au ravito. Me voilà à nouveau à Soulcem, Soulcem 2 pour être précis. J’arrive pour récupérer mon sac, il n’est pas préparé. Ils ne m’attendaient pas à ce que j’arrive si vite, eh ben oui les pt’it gars, j’avance pas en montée, mais en descente, faut pas me chercher !
Je prends donc mon sac, objectif, faire une méga pause, on s’en fiche de perdre du temps, l’objectif est de se refaire la cerise. Donc je mange, je me change, je me douche (je prends une bouteille d’eau et j’essaie d’enlever la crasse) j’essaie de manger des pattes, et tout ce qui passe, mais pas très faim, bon il est 4h30 du mat aussi Bernard ! Je vais voir s’il y a de la place au kiné pour tenter de ramollir les 2 bouts de bois qui me servent de jambes. Il y a deux nanas kinés qui sont enroulées dans une couverture de survie, elles sont mi-ravies de bouger, mi-deg, car elles essayent de dormir. Merci à vous !
Une fille par jambe, et lets-go les massages. Elles me défoncent les jambes, mais ça fait du bien, je passe sur le ventre et elles attaquent mes mollets, l’une d’elle me dit que j’ai des gros mollets, et ouais ça ce sont des mollets de descentes ! je comate à moitié sur la table. Le doc passe pour savoir mon état, si j’ai des douleurs, si j’arrive à m’alimenter, à boire, à pisser... mais t’es qui, t’es de la police ??? Non, c'est cool, tout le monde est au petit soin. Les kinés ont fait du super boulot, changement de jambes effectué ! Mesdames les kinés, vous m’avez sauvé les jambes, je ne savais pas que c’était possible.
J’essaie d’aller dans le dortoir pour dormir un peu, mais je ne parviens pas à m’endormir, je m’assoupis légèrement.
Bilan à Soulcem 2, 65 km : pratiquement 7500 de déniv (beau ratio) le moral est bon, je n’avance plus trop en montée, mais je récupère chaque fois le retard en descente, il fait bon, et je suis large niveau barrière horaire.
Aller hop, trêve de plaisanterie, on a un chantier à finir !!! on s’attaque aux 3000 !
Je repars donc dans la nuit, je me paume un peu, puis pas moins de 30mn après le départ, ma frontale lâche, je change la batterie, pareil, je change de frontale, plus de batterie non plus, voilà autre chose. Ma recharge n’a pas marché, je suis donc en pleine nuit sans frontale… Je croise un gars, je lui demande s'il veut bien que je reste devant pour que je voie où je marche, une belle galère !
Le gars me propose sa frontale de secours, c’est sûr que ce sera plus simple. Je lui demande comment je lui rends, tkt, on trouvera bien. Je le remercie (je lui ai déjà parlé la veille, un gars de l’Hérault bien sympa). Je rattaque donc la montée infernale, 1500 de déniv raide, bien raide, dré dans le pentu !
Et bizarrement, les jambes répondent, je monte bien, le déniv se mange comme du petit pain, ça fait trop plaisir. Le Jour se lève rapidement, j’aurai eu besoin de la frontale moins d’une heure. Je me pose un peu, et j’en profite pour attendre mon sauveur de frontale pour lui rendre. On repart ensemble, on discute bien, c’est cool aussi de discuter, ça fait longtemps que je n'ai pas parlé à autre chose qu’aux étoiles et aux ombres qui me suivent. Je suis rebaptisé pour la journée, je suis l’alpin.
On s’arrête régulièrement discuter avec les bénévoles sur le passage. La montée est très raide, je me reprends un coup de moins bien, je dois m’arrêter manger du sel, j’ai plus de jus. Je reprends péniblement le chemin, le soleil commence à taper.
Je reçois des messages de coach Alizée, Rémi est sur le 40 km, il avance très bien, il devrait arriver au col à 10h08. Ça me déprime d’avance, j’ai un mur devant moi, je n’avance pas, et le TGV arrive. J’essaie d’accélérer, mais c’est dur ! contre toute attente, j’arrive à me hisser en haut du col tant bien que mal, j’y laisserai quand même quelques points de vie. En haut, 2 bénévoles au col, ils sont là que pour nous. L’un deux me propose son jus de fruit, yes trop cool, je lui échange contre des cacahuètes. Je prendrai sa briquette au retour, on repasse par là après avoir fait le Montcalm. L’ambiance est tout autre ici, il y a beaucoup de monde, les premiers du 40 km déboulent comme des maboules, les mecs courent même en montée, quelle étrangeté !!!
On attaque donc le Montcalm, premier 3000 de la bande, on se fait doubler de partout, on encourage les dératés, ils saluent notre courage, c’est cool. Arrivé 50m sous le col, je prépare ma connerie du moment : il est l’heure de placer mon attaque ! je me mets donc à courir, pour arriver tout frais devant la bénévole qui s’empresse de me biper, pensant que je suis dans le top 10 du marathon. Elle voit mon dossard, beugue, me dit « mais tu es sur la PicaPica ? » oui, « mais pourquoi tu cours ? » ben c’est marrant !!! 😉 Bon, je profite un peu du paysage, je reprends mon souffle après mon attaque de débile, on encourage les fous (les fous rapides, nous on est fou, mais pas rapide). Pas de trace de Rémy, on enchaine donc sur le prochain 3000. Je m’arrête entre temps savourer ma petite briquette de jus d’orange 😊, on récupère en chemin un gardois, Guillaume de son prénom. Nous sommes désormais 3 compères de la Pica, Sylvain, Guillaume et moi. On attaque le second 3000, coté espagnol. Il se fait tranquille, le Pic d’Estats. Johanna et ses comparses bénévoles nous y attendent, c’est la trompette du Montcalm. Elle nous joue un morceau, c’est beau ! ça redonne de l’énergie !
Dans la redescente, je récupère Rémi. Je salue sa performance, il fait de même, il précise quand même qu’il reste encore un beau morceau. Un joyeux Ta Gueule s’échappe de ma bouche, je sais que c’est pas fini ! On attaque direct le 3ᵉ 3000, où il y a une balise d’orientation au sommet, on nous poinçonne notre dossard, délire !!!
On prend la descente, la chaleur se fait de plus en plus sentir. On s’arrête au col plus bas où il y a un ravito pour le 40. On négocie de manger un peu, on commence à avoir la dalle ! On a passé les 9000m de dénivcumulé ! On doit ensuite redescendre, quitter l’autoroute des marathoniens pour remonter ensuite sur le dernier 3000, le Souillo. Les bénévoles nous préviennent, c’est une boucherie, il n’y a que 300m de déniv, ressenti 700. Je vois le concept. On prend notre temps, Sylvain impose le rythme, et on arrive patiemment en haut. Je vais vraiment piocher dans le mental, j’ai très chaud, j’ai mal partout aux genoux, aux mollets, les pieds me font super mal, je crame au soleil. La fin se fait sur des cordes, on laisse les bâtons, et on se hisse jusqu’en haut. J’ai la tête qui tourne, un bénévole me dit de prendre mon temps. Les bénévoles nous préviennent qu’ils viennent de fermer l’ascension du Souillo en bas, à 30 minutes près on ne passait pas, de gros risque d’orage, peut-être même que le dernier bloc sera shunté, pas cool ! Guillaume et Sylvain repartent vite, moi il faut absolument que je mange un bout, je suis sec !
Je rattaque la descente après avoir grignoté un peu. Enfin un peu de descente, j’en ai marre de monter, 9500 de déniv les jambes commencent à encaisser. On descend gentiment en récupérant plein d’autres gars de la Pica. On est tout un groupe quand on rejoint l’autoroute des marathoniens et randonneur. Le ravito du Pinet est bientôt là, on a faim !!!
On atteint le Pinet, et on met une claque au ravito ! On demande des infos météo, pas de nouvelles sur la suite du parcours, on en saura plus en bas à l’Artigue, une fois qu’on aura avalé les 1100 de déniv négatif. Je connais la descente, elle est bien courable. Je lâche mes deux comparses du jour, je leur dis que je les attends en bas. Si la course doit s’arrêter là, autant le faire avec classe, on ne finit pas pépère, je veux descendre comme un dératé. Je mets les écouteurs, salut mes accompagnateurs, et je débranche le cerveau. Les jambes déroulent, c’est génial, la musique m’emporte, je descends à la Jack sparow !!! Je double les mecs du 40km, ils hallucinent de me voir en cannes. Je me fais plaisir, je n’ai pas envie que la course soit shuntée, certes mes jambes seraient contentes, mais je ne suis pas venu pour ça, je veux tout faire, et on va quand même passer les 10 000 de déniv, c’est classe quand même. Dans cet énervement de potentiellement pas finir, je continue ma descente de folie, je vole sur le chemin, dans la foret, il y a plein de monde, tous hallucinent en voyant la couleur du dossard, et ouais les mecs, j’ai 9500 de déniv dans les pattes, mais je cours !!!
J’arrive au ravito pleine balle !! Mon pointage d’arrivée ne fonctionne pas, mais j’ai bien dû doubler une dizaine de dossards Picapica. Arrivé à Artigue, aucun shunt n’est prévu, parcours maintenu, yes génial. Bon c’est cool, mais vu ma descente, j’ai plus de jambes hahahaha. On a un coin de ravito prévu pour nous. Une bénévole est au petit soin, elle se fait un point d’honneur pour qu'on ne se lève pas, c’est super chou. Elle est au petit soin, elle nous propose à boire, un plat de pattes, avec un peu de gruyère, mais malheureusement, elle n’a pas d’ustensile pour servir le fromage, elle est toute gênée, elle me dit qu’elle a les mains propres. Je me marre, nous, on est tout crasseux, on s’en fout royalement, tu peux cracher dans mon assiette, j’ai la dalle !! Merci à cette bénévole qui fera tout pour notre confort. Je vois qu’il y a des kinés, oh bonheur !!!! Je me rince comme je peux, ça fait du bien un peu d’eau fraiche, et je vais voir s'ils ont de la place. J’attends un peu et je laisse le kiné voir s'il peut re-sauver mes jambes. Toujours les mêmes douleurs au niveau des genoux dans les montées et les mollets sont ultra-durs. Je reste une bonne demi-heure, c’est trop top. J’en profite pour comater un peu. Je remercie le kiné, aller hop troisième paire de jambes de la journée.
Sylvain et Guillaume arrivent quand je sors du kiné. Je les préviens, on va pouvoir continuer le parcours. Génial ! Ils ont tous les deux leurs femmes qui leur font l’assistance, ravito éclair pour eux (enfin à peu près). J’avais hésité à repartir tout seul, mais c’est pas cool, je suis avec eux depuis le début de la journée, on continue ensemble. Une fois tout le monde prêt, contrôle de sac fait (ils vérifient veste de pluie et surpantalon, on va se faire saucer !) nous voila repartis !
Au programme 1400 de déniv, tout le monde nous a avertis, c’est très raide, et la chaleur cuit tout le monde, mais ça va, les nuages arrivent. On avance bien, Sylvain donne le rythme, je suis ses pas. Impossible pour moi de donner le rythme, je suis quand même bien amoché. À un moment, je fais ambiance Nouvel An, 10, 9 ,8,7,6,5,4,3,2, 1 ça y est, nous avons 10 000m de déniv au compteur, c’est grave la classe !!!! La pluie arrive, le chemin se raidit, c’est une espèce de petit sentier en pente, assez casse-gueule, puis on atteint les cailloux. On alterne entre pluie et pas pluie, on fait que de mettre et enlever la veste. Là, je prends un très gros coup de mou, on s’arrête plusieurs fois. Les gars m’attendent, c’est cool. Dans le brouillard, on croit voir des maisons apparaitre, mais non, ce sont de gros cailloux. La fatigue commence à se faire sentir, et les premières (ou deuxièmes) petites hallucinations arrivent. On refait 15 fois les calculs, combien de déniv il nous reste, combien de temps on va mettre, quand est-ce qu’on va arriver.
Les gros cailloux ont laissé place aux grosses dalles. Je me suis refait la cerise, ça va mieux. Je prends les commandes, je monte bien dans ces petits pas d’escalade, mon terrain de jeu, c’est ludique. Plusieurs fois, on croit voir le refuge, une yourte, une tente, mais non à chaque fois, c'est un caillou. Je gueule à chaque fois pour voir si les bénévoles répondent, signe que l’on arrive, mais rien, je continue à mener l’allure, et ça y est, enfin, on bascule de l’autre côté, et enfin le sommet est là. Un bénévole sort de sa tente pour nous checker, et ça y est, il recommence à pleuvoir, et puis c’est bizarre, l’eau est salée ??? et oui, les larmes commencent à couler, nous venons de faire 11 000m de dénivelé, il ne reste plus qu’une bagatelle de 400m pour terminer. À priori, on va le faire, on va boucler ce chantier, on repart avec le caillou, c’est fou !!!!!
On attaque la descente, je me dis que je vais les abandonner là, descendre à toute berzingue, mais non, en réfléchissant, on n'est pas là pour ça, on va finir ensemble, on a fait une belle aventure ensemble, on ne va pas se quitter comme ça ! La descente est très compliquée, c’est la première fois que je ne cours pas dans les descentes, c’est très technique. Petit à petit, on réalise qu’on est en train de boucler cette Picapica, on va être finisher, c’est énorme. Ça glisse. Puis, petit à petit, la nuit nous engloutit, pour la deuxième fois de cette aventure. La descente est extrêmement longue, beaucoup de glissades, des petites chevilles qui tournent, des glissades encore. Le chemin est long. Le brouillard, la pluie, on ne voit plus rien. Plusieurs fois, je crois entendre des voix, parfois voir des frontales, mais non, personne, mon cerveau me joue des tours. À un moment, je vois des pains posés sur un rocher, de simples cailloux, plus loin, je prends peur, je vois une petite tête humaine posée sur un caillou, décidément les hallucinations, c’est quelque-chose !!!! On se relaie avec Sylvain pour mener l’allure, cette descente est extrêmement complexe. On essaye d’avancer vite, mais c’est dur, on double quand même quelques personnes. La descente est interminable. Je prends les commandes, j’accélère le pas, j’en ai marre, le refuge n’arrive pas, les jambes crient, les pieds pleurent, la descente est interminable. Il pleut, je fais que de glisser, je dis « glisse » quand je glisse, et « flaque » quand je vois si je mets les pieds dans une flaque. Puis enfin, on aperçoit le refuge. Stratégie, on se change, on remet des couches (il pleut énormément) et on essaye de pas trainer au refuge.
Au refuge, l’ambiance est bonne. On avale une super soupe à l’oignon, je continue à bouffer tout ce qui se présente à moi, les mélanges sont radioactifs ! Une fois tout le monde changé, on rattaque la dernière montée, la dernière de ce chantier, cette boucherie de cailloux. La montée est comme la descente, on ne voit rien, ça glisse et c’est interminable. Chaque virage, on croit que c’est bon, et chaque fois, c'est plus loin. Tout le monde en a marre de monter. Je mène la danse. On démarre gentiment pour arriver à digérer ce qu’on vient d’avaler. La montée n’en finit plus, dans cette ambiance brouillard et nuit, on ne voit rien, la bagatelle de 4OOm se fait longue finalement. Et puis soudain, après plus d’une heure de montée je pense, c’est enfin la bascule finale, la descente qui nous emmène à Auzat. On va boucler la boucle, on va récupérer notre caillou.
La première partie de descente est encore très technique, cailloux et gadoue. Je fais que de glisser. Il fait chaud, il s’est arrêté de pleuvoir. On s’arrête virer nos vestes, j’enlève le pantalon de pluie, je suffoque. Sylvain nous dit que ça fait 2 jours qu’il a 2 chansons en tête, l’âne trotro, et le petit poisson. On rigole, et on continue la descente, en entonnant joyeusement : « l’âne trotro, âne trotro,, trop trop rigolo ! » puis « Les petits poissons dans l'eau nagent, nagent, nagent, nagent, nagent. Les petits poissons dans l'eau nagent aussi bien que les gros. Les petits, les gros nagent comme il faut. Les gros, les petits nagent bien aussi ». C’est lunaire.
Puis peu à peu, les glissades se font plus rares, et on peut commencer à courir. On s’est tous dits en haut, s'il reste des jambes pour courir, on finit à fond. Je prends donc les commandes, et on file à vive allure dans les 7 km qui nous sépare de l’arrivée. C’est super agréable, on allonge la foulée, ça fait du bien d’enfin courir. On commence pleinement à réaliser ce qu’on a fait, on va arriver au bout. Les émotions commencent à arriver. Guillaume et Sylvain appellent leur femme pour réveiller les gosses et aller à l’arrivée. Moi je vois tous les messages d’encouragement, ça fait chaud au cœur. Je donne un peu de nouvelles, et on continue sur notre lancée. On va finir ensemble. Je me rappelle que j’ai signé une règle du BGSA : il est interdit de finir une course main dans la main, mais bon, je m’en fous, aujourd’hui, on va partager, et puis de toute manière, ce n’est pas une course, c’est une aventure ! La joie nous empare, on commence à crier des éPicaPica » !!! ou Beng Benga, à crier en plein milieu de la nuit. Le sentier se raidit, on descend très rapidement, les jambes font mal, les pieds sont meurtris, mais on s’en fout, on continue à vive allure, on double encore du monde, qui nous demande comment on arrive à courir. Notre seule réponse, « PicaPica » , on est taré. Sylvain nous dit qu’il finit en slip, une tradition sur toutes ces grosses courses. On s’arrêtera se changer plus tard.
On commence à entendre le speaker et l’ambiance de Aueat, avec le trail nocturne, il y a grave de l’ambiance. Rien ne nous arrête, et même si l’un de nous se casserait la jambe, on le pousserait jusqu’à l’arrivée ! La musique est de plus en plus forte. Ils doivent voir nos frontales fendrent la nuit. On passe un dernier pointage, on continue de crier dans la nuit, c’est l’euphorie. Puis 30 secondes après, les lrmes qui montent, un cocktail explosif émotionnel. On arrive dans un village, on doit être à 1 km de l’arrivée, on s'arrête, Sylvain se change et met son plus beau slip. Il repart donc en slip avec son sac de trail. On continue notre descente effrénée. Puis au détour d’un chemin, on voit 2 mecs en slibar, puis 400m plus loin, deux autres, des potes de Sylvain, tout le monde est euphorique. Après un passage d’escalier, on passe dans le champ où j’ai dormi avant de partir. On boucle la boucle. Puis enfin, on débarque dans Auzat, les femmes et enfants nous rejoignent et on coure à fond vers la ligne d’arrivée. On rentre dans le parc, on est les 3 de front, entourés de toute l’équipe, et on arrive enfin sous cette arche, on a le droit à une haie d’honneur. Nahu et Gilles, les directeurs de course, nous attendent, et ce sont les grandes accolades, les larmes coulent. Nahu me fait choisir un caillou. Il y en a encore beaucoup, nous sommes 77ᵉ, il y a encore du monde derrière !
Je choisis un caillou, mon caillou. J’y suis arrivé. J’ai bouclé un des ultras les plus difficiles d’Europe. Les larmes coulent, on s’enlace, tout le monde nous félicite. L’ambiance est à la fête, ça chante, ça danse. On va chercher nos bières et on trinque à cette PicaPica. Nous faisons maintenant partie des braves, les finishers de la PicaPica. L’introspection aura été totale, la contemplation du lieu aura été permanente, l’effort toujours soutenu, mais c’est bon, on l’a fait.
« Et puis il y a ceux qui franchissent la ligne. Les braves de la Picapica. Eux aussi, le plus souvent, laissent facilement couler les larmes une fois les tensions retombées. Ils ont conquis les sommets, ils se sont affranchis de tous les obstacles que l’on a mis sur leur chemin. Imaginez tout de même 110 km pour 11500m de D+ avec par endroits comme la porte ouverte d’un four pour vous cuire à petits feux. L’antichambre de l’enfer. Aucun de vos muscles n’est épargné. La Picapica, c’est un énorme chantier. Ce sont les douze travaux d’Hercule réunis en un seul. Des milliers de cailloux, de rocs, de blocs et autres pierres. C’est du minéral à l’état brut. C’est le rêve devenu ultime pour beaucoup de traileurs de notre époque. C’est sûrement la plus « rude » de France.
Alors oui, il y a ceux qui ont réussi à aller au bout. Ils ne sont pas nombreux, mais ils ne seront plus tout à fait jamais comme les autres. Ils garderont dans les yeux cette petite flamme qui ne s’éteindra plus. Ils auront « simplement » fait un petit pas de plus vers l’éternité.
La PicaPica est née dans la tête d’un passionné qui se prénomme Nahu. Elle est devenue en quelques années le Graal de certains courageux un peu fous. C’est ceux-ci justement que l’on appelle désormais les « braves de la Pica » ! »
Merci aux bénévoles et à toute l’organisation.
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3 commentaires
Commentaire de Galopaïre posté le 10-12-2024 à 18:27:24
D'énormes FELICITATIONS !!!
Ton récit est super agréable à lire et connaissant les lieux, je me retrouve dans tes descriptions.
Je n'ai pas encore eu le courage de signer pour cette PicaPica mais sa petite soeur la PicAriège est un de mes meilleurs souvenirs de course.
Alors ? L'éternelle question, plus dur ou moins dur que l'Echappée Belle ?
Commentaire de AureLynx posté le 10-12-2024 à 21:43:10
Merci pour ce récit de course passionnant... on s'y croirait :-)
La PicaPica, ce sera probablement ma dinguerie de l'année.. Enfin je suis encore en cours de réflexion (les inscriptions ouvrent demain !), mais j'ai bien l'impression que je vais oser m'inscrire . lol
J'ai fait l'intégrale de l'Echappée Belle en 2021, et depuis je suis bénévole sur l'Echappée Belle chaque année. (je vis dans le massif de Belledonne aussi, les cailloux, c'est mon terrain de prédilection :-D )
Pour la Picapica, une connaissance m'a dit que cette année les ravitos étaient décevants car peu à manger, (je n'avais eu sinon que des retours positifs sur ce trail jusqu'à présent), quel est ton avis sur les ravitos ? Merci
Commentaire de lionelbard posté le 11-12-2024 à 16:54:07
Je sais pas dire si c'est plus dure, finalement je ne l'ai pas fait en entier.
Et pour les ravitos, a part les burgers manquant a soulcem, et une legere restriction à Fourcat, c'est génial, il y a de tout, vraiment au petits soins. Des bénévoles en or
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