Récit de la course : Ultra Trail Côte d'Azur Mercantour 2015, par alain94

L'auteur : alain94

La course : Ultra Trail Côte d'Azur Mercantour

Date : 4/9/2015

Lieu : Nice (Alpes-Maritimes)

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Distance : 140km

Objectif : Terminer

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Le récit

Ultra Trail Côte d’Azur Mercantour

 

Comme en 2014, j’ai décidé que le principal objectif de la saison trail 2015 se situerait autour de fin août. Cela permet une montée en puissance durant le printemps et le début de l’été, en participant à quelques belles courses de format intermédiaire qui sont pléthore dans le calendrier trail.

Chamonix n’ayant pas voulu de moi cette année, j’avais malgré tout l’embarras du choix avec les courses des Pyrénées (GRP, Tour des Cirques), celles de l’Isère (UT4M, Echappée-Belle) et le nouveau venu, l’Ultra Trail Côte d’Azur Mercantour.

 

 

 

Azur Sport Organisation et ses partenaires (département des Alpes Maritimes et ville de Nice entre autres) ont créé un site internet séduisant avec notamment une vidéo commentée du tracé en 3D qui fait rêver : rallier les plages niçoises à Saint-Martin de Vésubie au cœur du Mercantour en passant par quelques sommets emblématiques du massif.

Cependant beaucoup d’inconnues subsistent autour de ce nouvel ultra, mais après tout, il reste plusieurs mois aux organisateurs pour apporter les réponses attendues.

Mon choix se porte donc rapidement sur l’UTCAM, essentiellement pour des questions de calendrier et de logistique.

 

Les mois passent et je suis de moins en moins rassuré quant à ma capacité à terminer cet ultra, surtout après mon abandon au 80km du Mont-Blanc qui était censé valider la première partie de saison.

J’ai l’impression d’avoir raté mon bac fin juin et je ne pourrai pas accéder aux grandes écoles début septembre. Heureusement, je l’aurai au rattrapage (mais sans mention) à l’occasion du Courchevel X-trail début août.

 

La préparation passe aussi par l’élaboration d’un road-book. Un tableau de marche que j’ai du mal à finaliser. Les modèles utilisés habituellement (pour des formats plus courts) donnent des résultats qui me paraissent incohérents en regard du profil assez particulier de cet ultra.

 

 

 

En effet, les plus grandes difficultés sont concentrées sur la seconde partie du parcours, avec notamment 2 ascensions de plus de 1000m dans les 30 derniers kms. De plus, sans connaissance du type de terrain (il semble que plusieurs secteurs soient hors sentiers) il est très difficile d’évaluer les temps de parcours. Du coup, ce sera un road-book fait à l’expérience, et au pif dont l’objectif sera surtout de permettre aux accompagnants de savoir à peu près où je me situe à tout instant.

Le parcours peut être découpé en tronçons qui correspondent aux 4 sections du relais à 4, chacun se terminant à une base de vie.

 

 

 

Nice – Levens 33kms, 2151m D+ 6h45 arrivée 20h45 – départ 21h15

Je  prévois 30mn d’arrêt à Levens pour me restaurer et me préparer pour la nuit.

 

Levens – Roquebilière 41kms, 2686m D+ 10h20 arrivée 07h35 – départ 08h35

Une heure de pause au gymnase de Roquebillière à peu près à mi-parcours où sera déposé le sac d’allègement.

 

Roquebilière – Boréon 35kms, 2887m D+ 9h30 arrivée 18h05 – départ 19h05

Une heure de pause dont si possible 30mn de sommeil avant d’affronter la deuxième nuit.

 

Boréon – St-Martin de Vésubie 31kms 2376m D+ 10h30 arrivée 5h35

Deux grosses ascensions de nuit, puis la descente sur La Colmiane et  St-Martin

 

Jeudi 3 septembre 16h00

Me voici Quai des Etats-Unis pour le retrait du dossard.

Vérification des documents et du matériel obligatoire, fourniture du sac d’allègement et du dossard, fixation de la puce sur le sac, tout se passe en quelques minutes grâce à des bénévoles compétents et souriants. De nombreux photographes et attachés de presse gravitent dans cette zone. Ils attendent avec impatience les discours qui vont lancer officiellement la première édition de cette nouvelle épreuve.

Le président du Conseil Général, le maire de Nice, le président d’Azur Sport Organisation, et enfin Sébastien Camus qui a contribué avec son frère Sylvain à l’élaboration du tracé, se succèdent à la tribune. On sent une volonté et un investissement dans l’organisation de cet Ultra dans le but d’atteindre rapidement la notoriété des grands ultras internationaux, tout en ayant une pensée pour la famille de Hervé Gourdel, niçois et guide de haute montagne assassiné il y a quasiment un an, et à qui cette course est dédiée.

 

 

 

Un stand photo permet de se tirer le portrait avant le départ, on pourra en faire de même à l’arrivée et ainsi comparer l’état du bonhomme

 

 

Vendredi 4 septembre 12h00

Il fait chaud, environ 26°C, ce qui est tout à fait normal pour la région à cette saison, mais je n’y suis pas habitué. A une heure du départ fictif, on cherche les rares coins d’ombre aux alentours du départ, et cet escalier est vraiment le bienvenu.

 

Peu avant le départ, j’échange quelques mots avec Clotilde G. et David M. avant d’aller me positionner dans le SAS. Une banderole géante sur laquelle est imprimé le logo de l’Ultra Trail Côte d’Azur Mercantour est déroulée au-dessus des coureurs, sous une musique assourdissante, la scène est filmée par un drone.

 

Enfin, à 13h15 Eric Chiotti donne le coup de pistolet, et c’est parti pour le départ fictif.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les 2 frères Camus vont donner le tempo pour ces 4 kms qui vont nous mener au départ réel situé Place Alexandre Médecin, point de départ du GR5. Ce parcours devait  initialement passer par l’ancien château, et s’étirer sur près de 7 kms, mais à la demande générale les organisateurs l’ont finalement réduit au minimum.

Il faut dire que cette section urbaine où les trailers côtoient la circulation automobile n’est pas la meilleure chose imaginée par ASO, même si l’on comprend leur souhait de partir des bords de la Méditérannée.

 

Le « convoi » est même stoppé pour raisons de sécurité afin de regrouper tous les concurrents puis on parcourt les quelques centaines de mètres qui nous séparent de l’arche de départ en marchant.

 

 

 

Start  - Passage : 04/09 14:06:31 - Temps Réel : 0:00:29

 

Le départ est donné avec quelques minutes de retard, et les premières pentes ne tardent pas à se présenter. Le bitume laisse place à un sentier très rocailleux pour atteindre la crête de Graus, puis on contourne le Mont Chauve en courbe de niveau avant de descendre sur Aspremont, toujours dans la rocaille où il faut être très vigilant pour la pose des pieds. Je laisse passer de nombreux coureurs qui tels des cabris semblent voler en effleurant à peine les pierres.

 

KM9 ASPREMONT - Passage : 04/09 15:40:59 - Temps Réel : 1:34:57 – D+ 690m

 

Nous arrivons à Aspremont, Km 9 où je pointe en 1h34mn57s. Comme prévu, je suis parti assez lentement pour éviter de gaspiller mon énergie à combattre la chaleur.

 

 

Le GR emprunte la route quelques mètres et j’y aperçois Michel, on se donne rendez-vous au premier ravitaillement à Tourrette-Levens, quelques kms plus loin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je ne m’y arrête que quelques secondes, le temps de faire le plein des flasques et repart rapidement. Je ne veux pas risquer une élimination à la première barrière horaire située au col de Châteauneuf qu’il faut franchir avant 4h15 de course. Je déplie pour la première fois les bâtons dans la montée qui suit Tourette, je les garderai jusqu’à l’arrivée. Après 400m de Dénivelé, nous passons un col vers  la Pointe de Rougier, j’en profite pour me retourner et admirer le panorama sur la baie de Nice.

 

 

Nous apercevons au loin les ruines de Châteauneuf, situées peu avant le col et le premier ravitaillement solide. J’aperçois David quelques dizaines de mètres devant moi.

 

 

 

 

 

 

 

Dans le dernier raidillon sous les ruines, je vois Michel qui est venu à ma rencontre.

 

 

 

 

 

 

 

Un dernier regard sur la baie avant de plonger sur le col par une route bitumée.

 

 

 

 

 

KM19 COL CHATEAUNEUF - Passage : 04/09 17:43:28 - Temps Réel : 3:37:26 – D+ 1210m

 

 

Je pointe en 3h37mn26s au col de Châteauneuf, Km19, soit 7 mn de plus que prévu, mais une grosse demi-heure avant la barrière horaire, et c’est bien là l’essentiel.

 

 

 

 

Le ravitaillement est plutôt succin, les chips et la rosette qui fond au soleil ne me tentent pas. Je me rabats sur les excellentes figues séchées.

Un coup d’œil au roadbook avec Domi et Michel pour estimer l’heure du rendez-vous suivant à Levens où j’avais prévu  d’être à 20h45. Je revois à la baisse et pense y être plutôt vers 21h. Je repars avec David, la piste est très roulante dans un premier temps, avant de laisser place à un sentier mono trace qui va nous conduire au sommet du Mont Férion à 1412m où je passe peu avant 20h.

 

KM28 FERION - Passage : 04/09 19:54:35 - Temps Réel : 5:48:33 – D+ 2151m

 

La vue est superbe sur l’arrière-pays. On s’engage dans la descente assez technique. Je me retourne, David n’est plus là, j’apprendrai deux jours plus tard qu’il s’est blessé dans cette descente piégeuse et abandonnera à Levens.

 

J’espère arriver de jour à la base de vie, mais la descente me parait interminable et la nuit me prend à quelques centaines de mètres du ravitaillement que j’atteins à 20h56.

 

 

 

 

 

 

 

 

KM33 LEVENS - Passage : 04/09 21:23:55 - Temps Réel : 7:17:53 – D+ 2151m

 

Michel et Domi sont aux petits soins avec moi : vidage des poubelles, remplissage des bidons pendant que je me change et me prépare pour affronter la première nuit. La soupe chaude est la bienvenue, accompagnée de pain de campagne, charcuterie et fromage.

Je repars à 21h23, Michel et Domi rentrent sur Nice, on se donne rendez-vous à Roquebillière vers 8h, on convient que j’appellerai peu avant d’y arriver.

La nuit va être longue. Je rejoins rapidement deux traileurs avec lesquels j’avais déjà fait le yoyo dans la monté du Férion, et je me cale dans leurs pas. Autant ne pas être seul en ce début de nuit, même si cette première partie est relativement facile en descente jusqu’au Pont du Cros où l’on traverse la Vésubie. A les entendre, ils semblent bien connaître le coin. En fait, ils ont fait Briançon – Nice par le GR5, et ont donc déjà fréquenté ce sentier.

Dès le Pont du Cros franchi, nous traversons la nationale et le GR s’élève franchement en coupant les lacets de la route qui rejoint le Cros d’Utelle. Je laisse mes deux acolytes partir, plusieurs autres coureurs me doublent, je réaliserai plus tard que ce sont des concurrents des relais, le 2nd coureur du relais, parti de Levens est frais avec seulement quelques kms dans les jambes à ce moment-là.

Nous sommes maintenant sur une partie en balcon où l’on peut courir. Puis nous arrivons à la « balise 6 », lieu de pointage.

 

 

KM41 BALISE 6 - Passage : 04/09 23:24:31 - Temps Réel : 9:18:29

 

A cet endroit, nous laissons temporairement le GR5 sur notre droite pour monter vers la Madone d’Utelle via le col d’Ambellarte. La pente semble raide, cette impression est d’ailleurs confirmée en regardant au-dessus de nos têtes le défilé des frontales qui gravissent les derniers hectomètres avant la Madone d’Utelle.

Malgré l’heure avancée, il doit être environ minuit 30, les clameurs d’un public motivé malgré la fraîcheur font chaud au cœur lorsqu’on déboule enfin sur ce plateau. Une ascension de plus (ou de moins à faire). Il faudra que je revienne de jour pour admirer le paysage. On emprunte la route quelques dizaines de mètres avant de reprendre le sentier qui descend droit sur le village d’Utelle. Je rejoins tour à tour les 2 concurrents, espacés de quelques dizaines de mètres et nous arrivons ensemble au village d’Utelle.

 

 

 

KM47 UTELLE - Passage : 05/09 01:03:12 - Temps Réel : 10:57:10 – D+ 3151m

 

Nous sommes au tiers de la course, enfin en distance, et je ne sais pas s’il faut s’en inquiéter ou s’en réjouir ?

Le ravitaillement est installé sur la place centrale au cœur du village. Plusieurs coureurs sont assis et tentent de récupérer quelques forces. Le tronçon qui nous attend est assez vertigineux et requiert toute notre vigilance, particulièrement de nuit. Je me force à manger malgré mon manque d’appétit. Je sais que j’aurai besoin d’énergie pour atteindre le ravitaillement suivant au col d’Andrion situé 12 kms plus loin et  à plusieurs heures.

Dès la sortie du village, nous laissons la route à main gauche pour reprendre le GR5.

Le sentier s’élève rapidement jusqu’au col de Castel Gineste, puis s’infléchit légèrement. Nous évoluons tantôt sur une crête, tantôt le long de ce qui semble être une falaise où quelques  passerelles en bois ont été installées pour pallier à l’éboulement naturel du sentier. La nuit noire cache la dangerosité de cette zone assez aérienne et je m’astreins à fixer mon regard devant mes pieds dans le halo de la frontale. Je dépasse 2 ou 3 concurrents dans les quelques lacets qui nous amènent sous le Brec d’Utelle, ça fait du bien au moral car je n’avais vu quasiment personne depuis Utelle.

 

 

KM53 BREC UTELLE - Passage : 05/09 02:35:42 - Temps Réel : 12:29:40 – D+ 3921m

 

Je plains les bénévoles qui bravent l’humidité et le froid, mais ils nous accueillent avec un grand sourire et quelques mots d’encouragement, ce qui est très réconfortant.

Il faut être vigilant dans les premiers mètres de la descente, où je mets les mains sur les rochers pour m’assurer dans ce passage assez technique. Puis s’ensuit un long passage en courbe de niveau sur le sentier où les pierres ont laissé place à la terre et l’herbe humide sur les côtés. J’ai une grande frayeur en voyant au sol des insectes noirs venir vers moi. Je réalise qu’il s’agit en fait des végétaux qui bordent le sentier. Eclairés par la frontale qui avance, leurs ombres mobiles semblent venir vers moi. Etait-ce ce qu’on appelle une hallucination ? Je m’arrête pour une pause technique, j’en profite pour mettre ma veste après avoir arrosé abondamment les champignons.

On s’élève maintenant dans un bois où les racines des arbres traversent allègrement le sentier. La pente est raide. Bientôt j’aperçois les lueurs puis les bruits qui proviennent du ravitaillement.

 

 

 

 

 

KM59 COL ANDRION - Passage : 05/09 04:18:56 - Temps Réel : 14:12:54 – D+ 4250m

 

Il fait froid, 3 ou 4 coureurs dorment sur des chaises enroulés dans des couvertures.

Les bénévoles sont aux petits soins avec les quelques coureurs qui s’affairent à la table de ravitaillement. Je vide mes poubelles, refait le plein des flasques et repart rapidement avant de me refroidir.

On quitte le GR5 pour une piste forestière sur quelques centaines de mètres, puis à nouveau un sentier qui s’élève rapidement, il reste environ 300m pour atteindre le Mont Tournairet qui marque vraiment la fin d’une ascension de 1800m de dénivelé depuis le pont du Cros, franchi 7h auparavant. La suite est une succession de faux plats montants ou descendants sur sentier ou dans l’herbe trempée par la rosée naissante, qui nous amène successivement à la Pointe de Siruol,  la baisse puis la tête de Courpatou et enfin la tête de Siruol.

 

 

KM66 TETE SIRUOL - Passage : 05/09 06:04:48 - Temps Réel : 15:58:46 – D+ 4837m

 

J’ai un moral de feu en attaquant la descente. 1400m à dévaler jusqu’à Roquebilière. A 10 mn près, je suis dans les temps prévus, les jambes vont bien, la tête aussi, avec les premières lueurs du jour qui commence à poindre. Mais je vais vite déchanter. La première partie de la descente s’effectue droit dans la pente, sur l’herbe détrempée et piétinée par les concurrents passés auparavant. Le premier km à 35% est une véritable savonnette, la plupart des coureurs chutent devant moi. Je m’arc-boute sur mes bâtons pour ne pas glisser, je descends à 2km/h. C’en est presque dangereux.

On tombe enfin sur un sentier et la descente peut se poursuivre paisiblement. J’adopte un rythme de marche rapide qui me permet de m’économiser et profiter du paysage maintenant qu’il fait grand jour. Le sentier s’enfonce dans une sorte de gorge entre les crêtes de Graissacan et celles de la Villette et la descente est finalement assez impressionnante.

Nous rejoignons une piste pour une légère remontée, puis une route. On s’approche du village, je révise et prépare dans ma tête tout ce que je vais faire durant l’heure de pause que je m’accorde, car je sais qu’une autre course commence après Roquebillière. Les derniers hectomètres paraissent longs, il faut traverser une partie de la ville pour arriver enfin au gymnase.

 

 

KM75 ROQUEBILLIERE - Passage : 05/09 08:50:33 - Temps Réel : 18:44:31 – D+ 4837m

 

J’arrive au gymnase peu avant 8h, 20mn après l’heure prévue, soit une babiole. La barrière horaire étant à 12h45, je n’ai pas d’inquiétude à avoir de ce côté-là, j’ai prévu 1h de pause.

Un coup de fil à Domi et Michel, ils sont sur la route et prévoient d’être là dans 30mn, ce qui me laisse un peu de temps pour m’organiser. Je rentre dans le gymnase, un rapide coup d’œil pour visualiser les différentes zones puis je récupère mon sac d’allègement. Je m’installe sur une chaise proche des toilettes et douches.

Après une bonne douche chaude, j’enfile des vêtements secs et propres, ça fait un bien fou. Je me sens au top niveau physiquement et moralement. Voilà Domi et Michel. La nuit a été courte pour eux et la journée s’annonce longue, mais ils vont pouvoir profiter des longues étapes pour apprécier les vallées de la Gordolasque, puis le vallon de la Madone de Fenestre et enfin du Boréon.

 

Je n’ai pas très faim mais avale tout de même une assiette de pâtes et un fruit. De nombreux coureurs profitent du gymnase et de ses lits de camp pour dormir après une première nuit blanche. Pour ma part, je n’en ressens pas le besoin, et j’ai prévu de faire une sieste au Boréon en début de deuxième nuit.

 

Je quitte le gymnase à 08h50. Cette heure de pause m’a vraiment régénéré, je me sens tout neuf au départ de cette deuxième partie de la course.

 

Le soleil chauffe déjà le fond de la vallée et va être présent tout au long de la montée interminable vers les terres rouges via la Croix de Suolcle, 1200m plus haut.

 

 

 

 

 

On part vers le Nord pour contourner le camping et traverser la Vésubie  avant de prendre un sentier ombragé qui monte vers Belvédère en coupant la route à plusieurs reprises.

 

 

 

 

 

Après avoir traversé le village, nous empruntons une route sur quelques centaines de mètres, c’est le dernier moment de répit avant la montée en plein cagnard.

 

KM83 CROIX DU SUOLCLE - Passage : 05/09 10:52:05 - Temps Réel : 20:46:03 – D+ 5667m

 

La montée régulière et le sentier assez facile permettent de progresser sans trop de difficulté, d’autant plus que la chaleur est tout à fait supportable. Les 400 derniers mètres nous conduisent au point haut du serre de Clapeiruole. Il ne reste plus que 300m à redescendre sur un sentier en dévers assez technique, à l’ombre des mélèzes pour atteindre le ravitaillement au relais des Merveilles, via la vacherie de la Gordolasque.

 

 

KM89 RELAIS MERVEILLES - Passage : 05/09 12:41:24 - Temps Réel : 22:35:22 – D+ 6235m

 

Il fait chaud, malgré l’altitude – nous sommes à 1600m – et les quelques minutes de pause à discuter avec Domi et Michel sont réconfortantes. Je m’emploie à ne rien oublier dans le rituel habituel : vidage des poubelles, remplissage des flasques et poche à eau. Une fois de plus je mangerai assez peu, l’appétit n’est toujours pas là.

 

Nous passons devant le relais des merveilles où sont attablés en terrasse de nombreux touristes et randonneurs qui savourent leur déjeuner à l’ombre de parasols.

Domi et Michel m’accompagnent sur les quelques centaines de mètres de bitume qui précèdent le début de la montée vers la Cime de la Valette de Prals.

 

Il reste 4 ascensions, et celle-ci n’est pas forcément la plus simple avec ses 950m de D+ à gravir. Mais on a la chance d’avoir une météo exceptionnelle qui nous permet de profiter des paysages environnants, même si le plus souvent les yeux sont rivés au sol pour assurer correctement la pause des pieds.

 

Le début de l’ascension en plein cagnard n’est pas évident, le sentier zigzague à travers des prés où l’herbe est jaunie par une sècheresse qui dure depuis trop longtemps. Rapidement les mélèzes offrent une ombre appréciable, mais n’en rendent pas pour autant la montée moins difficile. La pente est régulière, et je finis par prendre un rythme régulier. Je croise un coureur qui redescend, abandonne et semble bien plus atteint moralement que physiquement. Nous parvenons en crête, on aperçoit les lacs de Prals en contre-bas, et le sommet à quelques encablures qui sera rapidement atteint.

 

KM95 CIME DE PRALS - Passage : 05/09 14:46:06 - Temps Réel : 24:40:04 - D+ 7171m

 

La première partie de la descente, toujours en crête est assez roulante, mais je n’arrive pas à courir. Ce n’est pas très important, je profite des paysages, et respire la montagne à pleins poumons. La baisse de Férisson marque un changement dans la descente qui était jusque-là relativement aisée. Nous bifurquons sur la droite pour s’enfoncer dans la forêt, le sentier devient assez technique avec de nombreux blocs rocheux. Je croise plusieurs randonneurs qui viennent retrouver et encourager leur poulain.

 

Parmi eux, Michel qui est venu à ma rencontre, quelle surprise !

Nous ferons le dernier km de descente ensemble, il me trouve encore relativement frais au regard des 100kms que je viens de parcourir.

 

 

 

 

 

 

 

KM101 VALLON MADONE - Passage : 05/09 16:31:19 - Temps Réel : 26:25:17 - D+ 7171m

 

On retrouve Domi au ravitaillement, je m’accorde quelques minutes de répit avant de repartir vers la Cime de Pisset. On remonte la route sur 100m avant de prendre le sentier qui traverse le ravin. Ensuite la montée s’effectue dans les pins, puis à découvert. Après la cime, le sentier poursuit en crête avant d’entamer la descente vers le Boréon.

 

J’ai doublé un seul coureur depuis le ravitaillement, il faut dire que les quelques dizaines de coureurs encore en course sont éparpillés sur les 40 derniers kms, on ne peut pas dire que l’on se marche sur les pieds !

 

La descente est assez technique dans sa première partie, jusqu’à la vacherie du Boréon, puis nous prenons une piste où quelques faux-plats succèdent à des sections très roulantes où l’on peut courir. Enfin quelques lacets sur un sentier monotrace nous conduisent à la base de vie du Boréon.

 

 

 

 

 

 

 

 

Je pénètre sous la tente et vais rapidement m'asseoir pendant que mes deux assistants s'affairent pour préparer mon ravitaillement. Je change le haut et remplace le tee-shirt technique léger que je porte depuis Roquebillière par un tee-shirt chaud à manches longues qui va être nécessaire pour affronter la nuit qui s'annonce fraiche. J'avale un bol de soupe, un morceau de banane et je pars m'allonger sur un lit de camp après avoir retiré mes chaussures. Enfin, les pieds peuvent se détendre et respirer. Je déplie la couverture et demande à Domi de me réveiller dans 30mn.

 

 

J'ai l'impression qu'il s'est écoulé seulement 2mn lorsque Domi me réveille. Je suis dans le "coltard" ce qui indique que j'ai dû dormir, même si j'ai eu l'impression de tout entendre autour de moi. Je m'assieds et remets mes chaussures péniblement, me lève  et me prépare pour repartir, buff sur la tête, frontale, je suis paré.

 

 

 

 

 

KM110 BOREON - Passage : 05/09 19:55:25 - Temps Réel : 29:49:23 – D+ 7724m

 

 

Voilà 29h48 que le départ a été donné sous le soleil de Nice. Je réalise que j'ai dépassé le temps de ma course la plus longue qui était jusque-là la TDS.

 

 

 

 

Je suis toujours un peu groggy, mais les premiers hectomètres sur bitume sur une route en faux plat montant vont permettre de me réveiller en douceur.

 

 

 

Il reste 30kms à parcourir qui vont être très longs compte tenu du profil. La première des deux ascensions restantes, le mont Archas  est annoncé comme la plus difficile du parcours et je ne suis pas rassuré à l'attaque des 1000m de dénivelé, alors que la nuit tombe. Nous quittons la route par un sentier qui s'enfonce dans les bois ... en descente jusqu'à la traversée d'un ru. Puis viennent les premières pentes raides, en lacets sous les épicéas. Je prends un rythme lent mais régulier. Un groupe de 4 coureurs me rejoint, je les laisse passer et me calque sur leurs pas, mais je sens que je vais être en sur régime et je les laisse partir. Au fur et à mesure de la montée, la pente s'infléchit légèrement mais le vent qui a fait son apparition alors que nous sortons du bois souffle de plus en plus fort. Je rattrape les 4 coureurs qui se sont arrêtés pour se couvrir et sont maintenant dispersés. Le vent redouble d'intensité lorsque le sentier flirte avec la crête. Je profite de l'abri d'un rocher pour m'arrêter et enfiler ma veste, c'est une véritable épreuve car tout s'envole. Deux coureurs repassent, je ne les reverrai plus. Leurs frontales en point de mire me laissent à penser que je suis proche du sommet.

 

 

 

 

 

KM116 ARCHAS - Passage : 05/09 22:16:40 - Temps Réel : 32:10:38 – D+ 8790m

 

Les deux bénévoles entrouvrent à peine leur tente à mon passage au sommet, et je les comprends tellement le vent et le froid sont cinglants. Ils me demandent si tout va bien et m'indiquent le chemin à prendre, en faisant un angle de 90° sur la gauche par rapport à la montée. En fait chemin n'est pas le terme approprié, on part droit dans la pente sur l'herbe blanchie par la rosée gelée. La pente s'accentue et atteint 40%, la descente devient très délicate, le terrain glissant. On va de balise en balise sans visibilité au-delà de la suivante.

J’aperçois tout au loin une lumière qui grossit au fur et à mesure que j’avance, je réalise qu’il s’agit du ravitaillement tout en bas, le chemin est encore long. Enfin on arrive sur une piste, on traverse le torrent et me voilà au ravitaillement.

 

 

KM120 ANDUEBIS - Passage : 05/09 23:25:26 - Temps Réel : 33:19:24 – D+ 8790m

 

Je m’y arrête seulement quelques minutes pour refaire le plein et manger une bricole, je ne veux pas me refroidir. C’est reparti pour la dernière ascension, encore 1060m à gravir pour atteindre le Mont Pépoiri, point culminant de la course. La première partie jusqu’aux vacheries d’Anduebis est relativement facile, le terrain est par moment imbibé, puis la pente s’accentue, le chemin est maintenant caillouteux et le vent se lève à nouveau. Un replat permet de souffler, nous sommes au niveau des lacs et j’aperçois quelques frontales au loin mais qui semblent aller du côté opposé au mien. En fait on part sur la droite pour atteindre une crête qui nous mènera au sommet. Nous y voici, c’est un soulagement, sauf pépin, je devrais aller au bout, malgré une ampoule qui me gêne sous l’avant du pied droit. On poursuit en crête après le sommet, ça descend assez peu, ça remonte pour franchir le mont Pétoumier puis la tête du Brec, enfin la descente est facile puis on rejoint une piste où l’on peut courir régulièrement. Un coureur me rejoint, je n’avais plus vu personne depuis des heures, on fera la descente ensemble jusqu’au prochain ravitaillement. On aperçoit des lumières, certainement la station de la Colmiane, mais il est très difficile de nuit d’estimer la distance qui nous en sépare. On n’en finit plus de cette piste monotone, où d’ailleurs on manque de se tromper quand  le balisage quitte la piste pour suivre un sentier à travers bois. Nous arrivons enfin sur une route bitumée, nous sommes dans la station, encore quelques dizaines de mètres et nous voilà au ravitaillement.

 

 

 

KM132 COLMIANE - Passage : 06/09 04:10:06 - Temps Réel : 38:04:04 – D+ 9914m

 

Les deux bénévoles présents semblent frigorifiés, je prends une boisson chaude tandis que mon compagnon de route s’octroie une pause et s’assieds quelques minutes. Du coup, je repartirai seul, je ne veux pas me refroidir et j’enchaîne pour les 10 derniers kms. La première partie est un sentier bien agréable en sous-bois, et quasiment en courbe de niveau pour atteindre le col du Suc. Nous sommes maintenant à découvert sur une large piste qui remonte pour atteindre le col de la Colmiane. On aperçoit les lumières dans le bas, est-ce St-Martin, ou plus vraisemblablement Venanson que nous allons traverser. On arrive sur une route puis on enchaîne sur la crête de Spivol, assez aérienne.

 

KM137 SPIVOL - Passage : 06/09 05:17:11 - Temps Réel : 39:11:09 – D+ 10055m

 

Peu après le pointage, on attaque la dernière partie courte, mais assez technique,  en lacets pour rejoindre Venanson. Nous voilà sur la route puis rapidement au cœur du village. Je double un groupe de 3 ou 4 coureurs qui prennent leur temps. Pour ma part je suis euphorique à l’approche de l’arrivée et cavale comme jamais. J’ai en outre l’espoir de terminer en moins de 40h, ce qui était mon objectif initial. On quitte à nouveau  la route pour un sentier facile le long des maisons, je double à nouveau un coureur qui semble en difficulté vu son allure. Enfin on arrive sur le pont qui traverse la Vésubie et c’est la montée vers l’arrivée, on rentre dans le village, puis on tourne à gauche pour remonter la rue du Docteur Cagnoli et sa gargouille et enfin se profile l’arche d’arrivée sur la gauche à 50m.

 

KM141 SMV - Passage : 06/09 06:09:35 - Temps Réel : 40:03:33 – D+ 10100m

 

Je franchis la ligne, un bénévole me passe la médaille au tour du cou. Domi est là, quelle surprise à 06h du matin, Michel est parti à ma rencontre mais on s’est manqué. Le voilà qui revient.

 

 

Je glisse maladroitement dans l’émotion quelques mots dans le micro de l’organisateur puis me dirige vers la fameuse machine à se tirer le portrait. Il n’y a pas foule et on en profite pour en faire une deuxième, avec Michel et Domi.

 

 

 

 

Voilà, l’aventure se termine, je ne réalise pas encore l’exploit accompli. L’accueil et la logistique post-course sont plutôt succin. On va errer quelques minutes à la recherche de douches qui seront finalement celles du stade municipal tout en bas du village, sans eau chaude. On assiste au départ du trail de la Vésubie, 42kms et 3000m D+ qui emprunte une partie de la fin du 140Kms. Je leur souhaite bien du courage !

J’aurai un petit regret qui est de ne pas avoir pu profiter davantage des paysages, une grande partie des sommets ayants été franchis de nuit.

Je termine par un grand remerciement à Domi et Michel, non seulement pour le soutien logistique, mais pour tous les messages et encouragements tout au long de ces 40 heures passées à arpenter les sentiers du pays Niçois et du Mercantour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexe : Lettre de félicitations du Président du Conseil départemental des Alpes Maritimes

 

 

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