Récit de la course : Grand Trail des Lacs et des Châteaux - 105 km 2018, par Renard Luxo

L'auteur : Renard Luxo

La course : Grand Trail des Lacs et des Châteaux - 105 km

Date : 26/5/2018

Lieu : Bütgenbach (Belgique)

Affichage : 1381 vues

Distance : 105km

Objectif : Se défoncer

2 commentaires

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GTLC 2018, la fagne ne fait pas de cadeau

En 7 ans de trailrunning, j’ai naturellement eu l’occasion de découvrir un peu près tout de ce qui se fait de mieux en Belgique. Et pourtant il reste un trou, béant, dans le « CV » : le GTLC et son 105 Km des « Fous furieux ».

Pourquoi ? Pas de langue de bois ici, j’avais délibérément zappé cette course ! En cause, un ratio Distance/D+ qui ne m’attirait pas, et la crainte de me traîner sur un parcours ultra roulant pour le rouleur que je ne suis pas. Un placement compliqué dans la saison aussi, un peu trop proche à mon goût des gros ultras montagnards.

Contre toute attente, je suis finalement au départ du GTLC 2018. Sur les conseils de Michel, lequel a un programme estival équivalent au mien, j’ai bousculé mon planning sur un coup de tête. C’est un pari risqué car la première partie de saison a été costaude en volume, avec quelques grosses perfs récentes qui me restent encore dans les pattes. « Sortir de la zone de confort » comme le lit l'adage … et moi comme un con, j’ai cliqué ! Rigolant

La semaine précédente, j’ai réussi à caler une toute bonne semaine d’entraînement bouclée par un WE « choc ». Tous les signaux sont au vert quand soudain, mardi assis sur mon siège de bureau je ressens une douleur inexplicable à l’adducteur droit, un peu comme s’il voulait cramper à la moindre sollicitation. Baume du tigre aidant, la gêne s’apaise au fil des jours sans toutefois disparaître complètement. Assez flippant à la veille d’un 100 Km, que du coup je n’aborde plus du tout confiant. Incertain Mais assez bavardé, place au récit !

Surister, gîte du petit fagnard, 2h15.

C’est toujours un peu particulier de se mettre en route en pleine nuit pour gagner un bled qui va tripler sa population pour le coup. Pas âme qui vive sur la route, ce n’est qu’à l’accueil des scouts qui orientent très efficacement vers les parkings dans une rue cul-de-sac qu’on réalise qu’il va bien se passer qqc ici. Je retrouve Michel et quelques autres connaissances au retrait des dossards. Parlons-en de ce fichu dossard ! A mon retour à la bagnole je ne trouve plus le mien. Je retourne le sac goodies distribué par l’organisation, rien ! Paniqué, je file vers la salle en courant, recroise Michel, et lui conte ma mésaventure. Un participant nous interpelle pour nous dire qu’il y a un dossard par terre sur la route. Et en effet, quelques mètres plus loin cette (***) d'enveloppe est là. Pfff, mais quel stress inutile, décidément ça commence bien ! Déçu

3h et quelques, on embarque dans les bus qui doivent nous conduire à Butgenbach, c’est ce qui fait toute la saveur des (rares) parcours en ligne. Pfff (bis), plus de places assises, l’ultra commence donc dès maintenant ! ¾ d’heure les guiboles bien tendues. Je sors du bus en ayant déjà mal un peu partout, idéal quoi …

  10' avant le départ avec :   ???                                                   Michel                                               R. Luxo

4h et une chique, c’est paaaartiiiiiiiiii ! Ni cinéma, ni sono tonitruante, ni discours. Pas de fioritures, c’est de l’ultra-rustique comme on aime ici chez les fagnards.

Le peloton de 195 frontales s’élance vers le tour du lac de Butgenbach. Comme d’hab je me place juste derrière la tête de course. Ces premiers 20 Km sont très roulants, et donc çà flingue de tous côtés. Et Pfff (ter) … les adducteurs rechignent déjà, et contre toute attente c’est le gauche qui couine le plus sévère. Le droit étant déjà en service minimum, il m’est impossible de pousser. Je vois Michel s’éloigner irrésistiblement et envisage déjà le spectre d’un abandon prématuré. Idées noires. En pleurs Passé quelques minutes de grosse gamberge, j’essaye de positiver en me préparant à l’idée que je suis parti pour une sortie longue de 56 Km qui se terminera à Malmédy (où mon ami Yves, bénévole sur le ravito, pourra peut-être me ramener à Surister). Inutile en effet d’hypothéquer les gros objectifs estivaux en se mettant minable ici. Bref, je me construis un scénario de repli et les explications qui vont avec, ce qui occupe l’esprit et raisonne comme un début d’acceptation de l’échec qui se profile.

J’ai ramené ma vitesse de croisière autour de 10 Km/h à plat, autant dire que le moteur ronronne comme un 6 cylindre en ligne à 120 Km/h sur autoroute. Les adducteurs apprécient aussi, « OK les gars nous voilà presque réconciliés, vous faites votre petit possible et je verrai ce que je peux faire pour vous ». Je m’étonne quand même d’être déposé par des nuées de coureurs, dont certains semblent déjà produire un effort conséquent à entendre leur souffle et voir leur foulée peu académique. On est quand même sur un 100 Km quoi ! WTF ?!?

L'aube sur les lacs

A force de gamberger, je passe largement à côté de cette aube mauve-bleue sur les lacs. Submergé de pensées négatives, je peste sur ce début de parcours exagérément roulant. « Voilà, t’es mal. Bien fait ! Ce trail n’est pas fait pour toi et tu le savais. Non seulement la mécanique ne suit pas mais en plus tu vas te faire ch***, double peine !  ». A l’approche du lac de Robertville, doublé par le mec de trop (tribute to Eddy de Pretto), je me fous une grosse claque. Criant


Le switch mental opère d’un coup. Les contrariétés physiques sont toujours là, mais une fois que le mode ultra est enclenché il se passe souvent qqc de magique. La frontale n’est plus strictement indispensable à 5h30, sauf sur les quelques sections parsemées de racines piégeuses en sous-bois. Comme elle ne servira plus à rien par la suite, je mets l’intensité max pour le confort et continuer ainsi à assurer une foulée aussi propre, sécurisée et économique que possible.

Premier ravito autour du 20ème Km. C’est spartiate, et on s’y attend sur un GTLC dont la réputation n’est plus à faire. Pas de boisson isotonique (il n’y en aura d’ailleurs jamais par la suite …), chose qui me contrarie un peu car je n’ai emporté qu’un sachet de secours. Heureusement, j’ai en réserve une provision de pilules Salt&Electrolytes d’Overstim’s, bien plus dosées. Les deux cannettes de coca 15 cl dans le sac ne suffiront pas pour atteindre Malmédy, donc je fais usage de l’ersatz disponible pour compléter mes flasques (1/3, complété par de l’eau). Moins d’1l bu depuis le départ, certes en partant un peu surhydraté, va falloir quand même songer à maintenir les niveaux ! Petit coup de gueule en passant : la multiplication des ravitos et zones d’assistances « privés » … OK, j’ai dû mal percevoir sur site de l’orga le côté extrêmement minimaliste des ravitos. Je l’accepte et ferai bon gré mal gré, encore qu’un peu de solide (pain, fromage, bouillons, charcut etc.) sur un ultra de plus de 100 Km me semble assez évident (en tout cas à mi-course). Mais voir des gars emporter le strict minimum et profiter d’une assistance pirate tout du long, ça heurte l’équité sportive et le concept de semi-autonomie. Bouche cousue

Je me remobilise en pensant aux portions un peu plus déniveleuses et techniques qui se profilent. Elles me conviennent intrinsèquement mieux, et permettront surtout de solliciter d’autres chaînes musculaires moins récalcitrantes. La dernière partie du lac de Robertville est rapidement avalée, place à la seconde entrée : la montée du plateau fagnard ! On contourne le mystérieux château de Reinhardstein par des sentiers enfin sélectifs. Le peloton se fige d’un coup, et moi je revis. Sourire La course a enfin commencé et comme le moteur répond bien, en avant pour une première partie de pac-man.

Nous quittons la vallée de la Warche au profit du ruisseau de Bayehon et sa célèbre cascade (tout est relatif, pas le Niagara ni Coo non plus …). Nous sommes ici sur des chemins habituellement empruntés par le trail des hautes-fagnes (en septembre), et qui me sont donc familiers. 

Montée de la piste de ski d’Ovifat, suivie immédiatement d’une descente assez raide en sous-bois. 2 Km de singles bien techniques pour enchaîner : pierres, racines, sections tourbeuses, c’est bon tout çà ! S’en suit un faux plat interminable de plusieurs Km qui nous mène sur le toit de la Belgique (Botrange). Il faut se résoudre à courir un minimum et les adducteurs me plombent à nouveau le moral. Alors que je ressasse le scénario bâchage à Malmédy, mais qu’entends-je ? Une voix familière qui revient de l’arrière, bon sang, c’est Michel !!! Il a jardiné 1 Km au niveau des lacs, moi qui le croyait déjà loin devant … On échange quelques mots à l’arrache mais obligé de le laisser filer car sur ces sections roulantes, il a toujours été intouchable. Je m’efforce de garder le contact visuel. Les caillebotis succèdent bientôt aux chemins 4x4. On se réjouit franchement qu’ils soient secs aujourd’hui. De la fagne à perte de vue, une plaine héritée de la dernière ère glacière : c’est somptueux ! Nous sommes au lieu-dit « Botrange », sommet du pays et son altitude 700 (enfin 694 mètres pour être précis). Le côté positif c’est que ça ne peut que redescendre ici, et en effet on repart sur d’interminables faux-plats, majoritairement bien inclinés cette fois. Certaines sections rectilignes sont franchement mononotes, que c’est looooooooooong, je m’ennuiiiiiiiiiiie. Bouhouhouuuuuu. Langue tirée

Le cap du tiers de course est franchi, on a contourné le Bayehon et le village de Longfaye pour retrouver une section fagnarde assez technique (enfin !). OK, « tu me vois ? je te vois ! » (tribute : Avatar), chaque nouvel hectomètre accompli éloigne les pensées négatives, surtout que je sais que se présentent maintenant une grosse section de 20 Km qui me convient parfaitement. Les adducteurs sont certes toujours un peu limite (et le resteront), mais la véritable inquiétude réside désormais dans la température ressentie à 9h du mat. On vide donc consciencieusement ses flasques avant le 2ème ravito, qui se présente rapidement. Déjà un marathon dans les pattes et on est pourtant encore nulle part ! J’y retrouve Michel, que j’essaie d’accrocher à la sortie.

15 Km et un bon 600 D+ jusqu’au ravito suivant, ça va piquer ! J’attendais ce moment avec impatience, fini de rire les rouleurs, it’s showtime !!! On dévale comme des possédés sur la Warche avant d’entamer le mythique chemin des crêtes. Une succession de montées et de descentes assez raides, de single techniques, et quelques vues époustouflantes ! J’ouvre la trace devant Michel, et en avant pour une mémorable partie de pac-man. Des grappes de coureurs du 60 Km défilent. Ils n’avancent pas vite, curieux ils viennent pourtant de partir ?!? Certains ne semblent pas conscients qu’ils se sont engagés sur un ultra, ou alors ça risque d’être vraiment très long pour eux. Notre tempo est assez présomptueux mais difficile toutefois de lever le pied sur ce secteur en montagnes russes tant la vitesse acquise en descente est profitable sur les multiples relances.


A quelques encablures de la ville s’offre soudain cette petite « bizarrerie » : la montée du calvaire de Malmédy ! Comprenons-nous, elle vaut clairement la peine (tant pour l’effort que pour l’intérêt patrimonial), mais ce qu’on ne comprend pas c’est que la boucle ramène pile au pied, et comme sur le reste du parcours il n’y a aucun contrôle ni pontage intermédiaire. On joue évidemment le jeu, mais difficile de reprocher à un coureur fatigué (ou un poil malhonnête) de saisir l’aubaine pour gagner 5-10’ au prix d’une misérable foulée. Je crois que tout l’esprit GTLC réside dans cette tentation damnée. Clin d'œil

Nous voici enfin à Malmédy, que nous traversons bon train en se faufilant entre quelques passants interloqués. Fidèles du Trail des Hautes Fagnes, nous connaissons bien la section montante (bitume puis chemin empierré) qui succède à la traversée du pittoresque pont de pierre qui enjambe la Warche. Le ravito est tout proche, mais l’orga nous fait quasi tout redescendre, en partie à travers tout, avant une dernière grimpette assez sèche de 120 D+ jusqu’au fameux monument Apollinaire. J’y enregistre le premier coup de moins bien de la journée, le « festival » de relances de la section précédente est bel et bien terminé.

Ravito 3 – 56 Km : check ! Il en reste 50 …



Alors qu’Yves, bénévole sur le ravito (au centre), s’efforce de remonter le moral des troupes je me retrouve à nouveau submergé de pensées négatives. C’est clair qu’outre les sensations bof-bof du moment, je suis contrarié par l’organisation générale de ce ravito. Pas de banc pour s’asseoir, 3 malheureux bidons de flotte au débit ridicule et complètement pris d’assaut par une nuée de traileurs tout aussi impatients que moi. Toujours aussi peu de victuailles consistantes (on est sur un 100 Km quand même …), pas de boissons isotoniques ni de « vrai » coca. Je récupère mon sac de délestage (pour peu j’oubliais !) avant de péter littéralement un câble en posant mon cul dans le talus. Criant Je renverse une flasque (retour dans la file grrrrr), fout la moitié de la précieuse poudre isotonique à côté de l’autre, et pour couronner le tout je renonce à ma traditionnelle routine de nokage des pieds après 50 Km. Tout simplement pas envie. Cet arrêt est long, mais pire encore, il est  totalement inefficace. Michel s’extirpe bien plus rapidement du chaos ambiant et me gratifie d’un : « J’y vais. Tu me rattraperas ! ». Mouais, et ben ça c’est pas gagné du tout …         
Pour parachever cet auto-bashing, je bourre n’importe comment mon sac de course, sans le réorganiser un minimum (ce qui me vaudra de belles plaies dans le bas du dos dues aux frottements) ni faire le tri (j’y retrouverai le soir 2 canettes vides, une demi-barre complètement désagrégée, et surtout ma frontale et sa batterie de rechange, tout cela transporté en pure perte). Ce manque lucidité me vaudra de louper une rubalise 200 mètres après la sortie du ravito, avec à la clé un jardinage de 3-4’ dans une sapinière récemment mise à blanc. F*** !!! Bouche cousue

Remonté comme un coucou, j’évacue toute cette énergie négative en me jetant à corps perdu sur les singles assez sympa qui mènent à la ferme Libert, et qui basculent sans transition sur le torrentueux ruisseau du Trô Maret. Celui-ci se remonte sur plusieurs Km, avec une série de portions très techniques. Çà j’aime toujours, et j’y double donc un paquet de coureurs alignés sur les plus petites distances. C’est cool, mais au Xème dépassement à l’arrache arrive ce qui devait arriver, je me viande lamentablement. Pas de gros bobos mais c’est tout juste si je ne m’énerve pas sur le pauvre coureur « responsable » de cette énième manœuvre de dépassement et de ses conséquences. Complètement nul Embarrassé, mais a posteriori j’interprète toutes ces pertes de contrôle comme les signes avant-coureurs de la défaillance qui surviendra plus tard. C’est que la fatigue qui commence à s’accumuler (Km 63), et le soleil qui cogne de plus en plus dur va déclencher le second coup de mou de la journée. Précisément au moment d’atteindre le ravito liquide rajouté par l’orga en prévision du long passage dans la fagne (en fait ce ravito arrive trop tôt selon moi et gagnerait à être déplacé quelques km plus loin -Mont Rigi ? - pour être réellement utile au gros du peloton). J’y retrouve Michel, mais cette fois je le devance en sortie.

Il commence à faire sérieusement chaud, la fagne semi-désertique n’offre guère de sections ombragées. On retrouve bientôt comme au matin de longues sections roulantes en faux-plat majoritairement montantes. Bien obligé d’y courir, de plus en plus à l’arrache …  Vers le 70ème Km, c’est aussi le retour des caillebotis, racines à gogo et sections tourbeuses où je manque de laisser une chaussure en tribut à la sphaigne acide ! Il y a un bon moment que je ne lève plus la tête pour profiter de cet environnement naturel exceptionnel. La lente descente du ruisseau de Polleur, très technique et piégeuse, me remet quelque peu dans le rythme, mais c’est un pétard mouillé. Une nouvelle section rectiligne (bien connue du Trail des Hautes Fagnes et que j’ai toujours détestée) sur chemin 4x4 provoque un échauffement assez douloureux sous la plante du pied droit, que du coup je ne peux plus dérouler comme il faut. Déjà que la foulée n’était pas fluide avec ce maudit adducteur (tiens je l’avais presque oublié celui-là !), maintenant j’ai l’air d’un canard boiteux. Après avoir fait le yo-yo depuis 10 Km avec Michel, je le vois irrésistiblement s’éloigner, on ne se reverra plus.


Pont du Centenaire sur la Hoëgne

Pour l’avant-dernière fois nous quittons le plateau fagnard, avec l’appréhension de devoir y retourner sous peu (gros cagnard en perspective !). 80 Km accomplis, voici le pont du centenaire, toujours aussi kitsch, lequel marque le début d’une des plus belles sections du parcours : la descente de la Hoëgne. Cascades, gros blocs de pierre, racines tortueuses, de multiples ponts de bois aménagés pour le plus grand bonheur des randonneurs, c’est féérique ! Mais les guiboles et les pieds endoloris n’apprécient plus, eux. Je regrette mon choix de chaussures, pas assez protectrices et dont l’amorti a tendance à se faire la malle au-delà de 50 Km. Du coup ça tape.             
On apprécie toutefois la fraîcheur des lieux, quelques km à l’ombre cela faisait longtemps.

Sans vérifier sur le roadbook, je me suis persuadé que le prochain ravito est situé sur le parking de Belle Heid. Ben oui, l’endroit est idéal, facilement accessible pour la logistique et les supporters. De fait, ceux-ci y sont nombreux, et ils ne sont pas venus les mains vides (équité de la course bonsoir !). Mais, mais, mais ?!? Je cherche. Quoi, il est pas ici ce (***) de ravito de (***) ??? Et bien non. Un bénévole m’annonce 3 Km et un beau p’tit mur à grimper (en fait deux …) pour le surplus. Gros coup au moral Langue tirée, je vais devoir rationner sérieusement l’espèce de soupe surchauffée qui clapote au fond de mes flasques et qui fait le bonheur des bactéries depuis plusieurs heures.

Ravito 4 - 84 Km - Que le supplice commence !

Un pas devant l’autre je continue néanmoins à dépasser l’un ou l’autre coureur des plus petites distances. Mais non d’un chien qu’il est loin ce ravitooooooo !!! 
Ah ben le voilà enfin tiens ! Il y fait pétant de chaud, certains sont assis ou affalés dans l’herbe. Je me garde de les imiter sinon je ne repartirai pas, ou alors avec des jambes de bois.
   
Les quelques victuailles disponibles sont disposées sous un petit abri en bois, et en dépit de mon modeste mètre septante je parviens à me prendre trois fois la planche du bas dans le front. Y en a marre ! Criant

En fait, je comprends très vite en repartant que le chargeur est vide. Le petit trottinement sur le faux-plat qui suit n’est qu’un bref feu de paille qui vient se consumer dans l’ultime remontée vers la fagne. Il reste une bonne vingtaine de kilomètres, et quels kilomètres …   
Avant de passer à la 3ème cuisson fagnarde il va falloir se farcir une section que je connais bien (parcours permanent extratrail) : la remontée de la Statte et son crochet par le rocher de bilisse. On est ici sur des chemins typiquement fagnards, jonchés de racines et de pierres, où il faut encore être capable de lever le pied suffisamment haut et de basculer souplement sur les appuis. Choses que je ne suis plus capable de faire, donc je subis, en m’explosant les orteils au passage. Le single en sous-bois qui serpente parmi les eaux vives est assez sublime mais là, franchement, je n’y vois et n’y entend plus rien.


La fagne nous attend avec en cadeau bonus 2 km de larges chemins roulants en plein cagnard. Je m’oblige à trottiner et paf, c’est la fameuse erreur 404 popularisée par le groupe « L’Impératrice ». La machine est PLAN-TEE !!! Surpris            
La descente de la Sawe, que je découvre (section magnifique avec son petit goût de Ninglinspo pour ceux qui connaissent), présente encore plus de technicité que la Statte. Basculant dans un mode rando-course (enfin surtout rando …), je suis pour la première fois redépassé par quelques coureurs du 60Km.


Pas la mine des grands jours ...

A côté des pépins musculaires, je ressens un début d’insolation, et les nausées qui vont avec … ça va être la toute grosse galère je le sais. Surtout qu’au dernier ravito un bénévole me balance négligemment qu’il reste 9 Km. Ça a beau figurer sur le roadbook depuis le début je luis fais répéter 3 fois. Noooooon, pourquoi tant de haine ? En pleurs

Je repars comme un zombie, avec un cardio qui commence à s’affoler. Comme par hasard je bute sur une racine 500m plus loin. Bardaf, c’est l’embardée. Quelques écorchures sans gravité mais ce fait de course anodin plombe définitivement ce qui me reste de mental. Bien sûr, on ne jette pas l’éponge après 100 bornes dans les pattes, mais en ce moment je vois tout en négatif et me met à maudire ce GTLC, et surtout le fait de l’avoir inséré dans mon programme au dernier moment. T’as joué, t’as perdu, bien fait pour toi.              
Je marche seul, sans témoin, sans personne, que mes pas qui résonnent … OK Jean-Jacques merci, mais tu sais quoi ? Y a encore un peu de D+ au menu !

Terre en vue : SURISTER !!! Sourire        
Les derniers kilomètres sont pénibles à plus d’un titre. Non seulement ils s’effectuent majoritairement sur bitume et chemins 4x4, mais en plus l’orga nous fait cruellement effectuer une boucle qui nous éloigne de l’arche d’arrivée pourtant si proche. Pffff, j’en ai plein les pattes. Dernier symptôme d’épuisement qui sonne comme un signal d’alarme majeur, une sorte d’asthme à l’effort limite crise de tétanie. Cela m’est déjà arrivé 3-4 fois, et quand j’en suis là je sais que les minutes sont comptées. Impossible de courir dans la dernière descente, où je m’arrête d’ailleurs plusieurs fois pour essayer de remplir mes poumons. Mon diaphragme me cisaille en deux, mais heureusement l’ultime montée se précise. Un beau petit mur où quelques spectateurs avinés nous prodiguent quelques derniers encouragements à l’ombre de leurs camping-car.

Question de dignité, je m’efforce de courir les derniers 500 mètres, quasi en apnée, en finir au plus vite avant le KO. La sono se fait entendre, le gîte est en vue. Virage à droite, passage de l’arche à moitié hagard, le calvaire est terminé.


A moins qu’il ne fasse que commencer ? Car à peine franchi la ligne, la tête me tourne et je m’affale dans l’herbe. La déshydratation est sévère et chaque fois que je me relève pour aller chercher un gobelet, les crampes se déclenchent un peu partout. Le photographe Gédéon immortalisera le moment à l’insu de mon plein gré (photo).


Tant bien que mal je regagne la voiture pour récupérer mes affaires et me délester du mélange de poussières et de brindilles imbibées de transpi et de crème solaire qui me recouvre. A cause des crampes qui se déclenchent dès que je me contorsionne un peu je dois même appeler à l’aide un infirmier pour enlever mes chaussettes de compression. Merci à lui, quant à moi j’ai définitivement touché le fond. De retour sur l’aire d’arrivée, la tête me tourne encore et je choisis de m’allonger à côté de l’arche. Tout à coup, mais qui voilà ? Michel ! Je m’apprête à le féliciter, convaincu qu’il a terminé depuis longtemps. Contre toute attente, il m’apprend qu’il a dû se coucher à l’ombre ¾ d’heure dans la fagne à cause d’un début d’insolation. En fait je l’aurai passé sans le voir … Il n’empêche qu’il améliore son temps de plus de 3h par rapport à l’an dernier et termine au pied du top 10.

Je resterai une heure sur l’herbe pour faire retomber la température et remonter la tension, avec des amis aux petits soins qui m’apporteront boissons, pain-saucisse, et surtout leur présence bienveillante pour que je puisse me refaire un peu.

EPILOGUE

A l’heure du bilan, je retiendrai en particulier les enseignements suivants :

  1. Satisfaction mentale d’avoir accepté de jouer le jeu jusqu’au bout en dépit d’adducteurs récalcitrants. Le fait de galérer dès le début de course et de devoir prendre km après km en laissant l’aspect compétitif de côté était une première pour moi. Après coup j’ai plutôt aimé çà, chose qui questionne une bigorexie bien installée depuis trois ans.

  2. La mauvaise gestion de course à partir du 40ème Km. Un capital fraîcheur offert sur un plateau d’argent par mes adducteurs (oui oui), galvaudé bêtement autour de Malmédy. Avec le recul, le fait de doubler par paquets les coureurs du 60, puis du 30Km m’a poussé dans un rythme totalement inadapté compte tenu de la distance.

  3. Inexpérience sur une course de plus de 100 Km où il est possible de courir presque partout, mais au prix d’une dépense physique insidieuse. Ce GTLC est une course très piégeuse dont le relief anodin pousse à la faute. Le taux de finishers (38% seulement ! Surpris)en témoigne.

J’ai bien l’impression qu’il va me falloir revenir en 2019 pour améliorer tout çà. Clin d'œil

Pour l'anecdote, un petit article de presse rédigé par un ami marchois qui relate mon vécu de course.


2 commentaires

Commentaire de MysterYo posté le 15-07-2018 à 18:50:06

Encore bravo pour la perf Thierry. Un récit dans lequel je me retrouve jusqu'au 84-86ème km, j'ai eu droit au coup de pelle rouillée au 3/4 du tracé, c'est con, mais c'est le jeu.

On se dit à l'an prochain alors, car je ne resterai pas sur un échec. :)

Commentaire de Renard Luxo posté le 15-07-2018 à 20:32:59

Merci MysterYo, tu affiches la mentalité que j'aime bien ! Oui on se dit r-v à l'année prochaine, pour finir ce GTLC et le finir bien tant qu'à faire :-)

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