Récit de la course : Black Mountain Trail - Le KV 2018, par jedaf

L'auteur : jedaf

La course : Black Mountain Trail - Le KV

Date : 3/3/2018

Lieu : St Amans Soult (Tarn)

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Distance : 18km

Objectif : Terminer

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Objectif Nore. 18 km de plaisir.

3 heures du matin, samedi 1er mars 2018.

Les alarmes conjuguées de la tablette et du smartphone me projettent hors du lit et, dans mon ignorance à les interrompre, les appareils gisent sur le sol de la chambre continuant à hurler leur appel à me tirer des songes où je n'arrivais pas à plonger, trop excité par l'idée de n'être pas en retard au Black Moutain TRAIL de St Amans Soult.

Il faut être fous, nous le sommes.

Mon fils me rejoint à 3 heures 30 alors que j'examine, hagard, la surface morose d'un café impuissant à me réveiller totalement.

Nicolas s'est inscrit pour la Coupo Cambo dont le départ sera donné à 6 heures pour une course de 55 kilomètres et 3600 m de dénivelé positif. Il l'a déjà fait deux fois, depuis l'origine en fait puisque la saison 2017 a été annulée pour cause de mauvais temps. Je me suis inscrit pour l'Objectif Nore, dans la deuxième vague qui part à 10 heures 10. J'apprendrai qu'il y a 13 vagues de 60 coureurs qui partent à 10 minutes d'intervalle. Je parcourrai 18 kilomètres dont un dénivelé positif de 1000 mètres concentré sur les 9 premiers kilomètres.

Nous grimpons dans la voiture pour 70 minutes de route en direction de St Amans Soult après la ville de Mazamet. Nous souhaitons arriver trois quarts d'heure avant la première course ; d'abord pour stationner au plus près ensuite pour avoir le temps de retirer les dossards, de se changer puis de profiter du buffet petit déjeuner à disposition. Il ne faut pas croire que c'est parce que nous pouvons galoper à travers bois pendant des heures que nous sommes disposés à parcourir plus de 200 mètres à pied depuis la voiture vers la salle de l'organisation. L'homme est un concentré de paradoxes et son intelligence sert à les justifier.

C'est un merveilleux moment que celui qui précède la course alors que le véhicule est stationné, que l'inscription est finalisée et que l'on savoure le dernier café en nous dirigeant vers le sas de départ. A l'approche du clocher que l'on devine dans l'obscurité pâlissante, on perçoit les premières rumeurs de l'animation. De tous les recoins surgissent des coureurs en tenue. Leur dossard est rouge, le rouge des 55 kilomètres. Respect pour cet effort-là.

Cette fois-ci, je n'imposerai pas à mon fils la corvée de courir avec moi. Il peut se faire plaisir avec les 55 kilomètres et je courrai les 18 kilomètres qui, à priori, ne devraient pas me poser trop de problèmes.

Le sas se remplit des 3 ou 400 inscrits dont bon nombre ne repasseront pas la ligne d'arrivée en tant que finishers. Le présentateur lance la musique puis égrène le compte à rebours à l'issu duquel les coureurs s'élancent en direction de la Montagne noire. Déjà certains forcent l'allure pour gagner quelques places comme s'ils ignoraient qu'il avaient quelques heures pour cela. Très vite la place se vide pour les deux prochaines heures, c'est à dire jusqu'au départ de la Black Race de 33 kilomètres. On aperçoit peu après les premières frontales qui dessinent au loin le sentier.

Enfin 10 heures. Équipé de pied en cap, mon réservoir d'eau bien rempli, des barres chocolatées plein les poches, je suis dans le sas de départ en compagnie des 60 coureurs de la deuxième vague. Je sens l'adrénaline qui, depuis déjà 24 heures, commence à expliquer à chaque cellule de mon corps qu'il est temps de se préparer à sortir le grand jeu. La musique est lancée, le présentateur décline le compte à rebours et nous partons tranquillement.

J'ai appris à ne pas tomber dans l'erreur de courir au rythme des autres, surtout des plus rapides. Il convient de bien se connaître, de savoir ce que l'on est capable de faire et ce que l'on ne peut se permettre. Deux erreurs sont à proscrire, pour ma part tout au moins, à moins d'être un sportif d'un haut niveau, coller aux basques de gens qui sont plus rapides, ce qui est le meilleur moyen d'épuiser son énergie irrévocablement, et rester au niveau des moins rapides ce qui est un excellent moyen de ne jamais atteindre la vitesse de chauffe qui est la vôtre. J'ai couru souvent, j'ai appris, j'apprendrai encore.

Nous parcourons quelques centaines de mètres sur le bitume puis nous entrons dans une sente forestière. Très vite la pente va s'accentuer et nous ne cesserons pas de grimper jusqu'au Pic de Nore à 9 kilomètres et à 1211 mètres d'altitude.

Je ne connaissais pas le principe des départs en vagues successives et je le comprends maintenant. Les sentes sont presque toujours des monotraces. Nous empruntons parfois de larges chemins de randonnée mais ce n'est que sur quelques centaines de mètres puis très rapidement nous sommes à nouveau orientés face à la pente à travers la forêt. Il est donc très malaisé de courir de front ou de doubler un coureur. Le départ par vagues fluidifie le parcours.

Je me surprends à grimper assez aisément. J'ai inauguré aujourd'hui la marche avec deux bâtons. Je l'avais déjà essayée mais jamais sur la totalité d'une course. Cela est d'une grande aide. Souvent il m'arrive d'avoir mal aux cuisses. Ce n'est pas le cas maintenant. J'ai même la triste et honteuse satisfaction de doubler dès les premiers kilomètres quelques coureurs qui ont peut-être abusé de leurs forces et qui se sont arrêtés pour récupérer.

Les forêts sont magnifiques. Il n'y a pas de fourrés, de ronces, les sentiers ne sont pas excessivement rocailleux. La terre n'étant pas argileuse, elle ne colle pas aux chaussures même si parfois le chemin se confond avec un ruisseau. Nous traversons de magnifiques cascades. Je n'ai pas pris ma petite caméra, je le regrette. Je ne suis toujours pas fatigué au 5ème kilomètre de l'ascension quand nous apercevons la Cabane des Chasseurs.

Souvent les ravitaillements se résument à de l'eau, des bananes (j'ai horreur des bananes ! ), des fruits secs, des cakes et autres gâteaux salés ainsi que l'incontournable coca. Ici, on tombe d'abord sur un gril mécanique à l'ancienne où rôtit un alléchant morceau de viande. Sur le présentoir abondamment pourvu je me jette sur une excellente saucisse de Toulouse fraîchement grillée. A côté un plat que je ne connaissais pas sous cette forme, je pense reconnaître du fricandeau tarnais grillé. Allez, je me lance ! « Vous n'allez pas partir comme ça ? » me lance l'aubergiste en me montrant des gobelets emplis d'un liquide rubis qui ne me semble pas le moins du monde pétillant. Je saisis le gobelet de vin en me débarrassant discrètement de celui contenant de l'eau. Bien d'autres mets sucrés ou salés sont à disposition, le local est chaleureux et l'affluence importante. Je finis mon gobelet et je reprends la route les deux bâtons d'une main l'autre tenant fermement un énorme morceau de fricandeau gras à souhait.

Un doute alors m'envahit. Est-ce bien raisonnable ?  J'ai les jambes molles, une douce torpeur a commencé à m'envahir. La saucisse peut-être trop vite avalée tente de s'accrocher aux mucosités œsophagiennes, le fricandeau peine à trouver son passage, lt le vin dépose sur mes muscles une délicieuse pellicule alcoolisée. Je me force à courir, je me demande si je parviendrai à retrouver le rythme serein qui était le mien avant cette délicieuse escale. Mais les calories ingérées trouvent vite le chemin de la machine à courir.

La sente est maintenant dans une grande forêt de hêtres et des parcelles de neige commencent à consteller le sous-bois. La pente est suffisamment douce pour que l'on trotte le plus souvent. Il y a des coureurs c'est vrai mais nulle gêne. Nous devons être à 900 mètres. Il reste 4 kilomètres avant le sommet. La neige apparaît de plus en plus. Elle n'est pas jeune, elle a commencé à cristalliser mais bientôt nous courons dans une couche qui nous recouvre les pieds. Bientôt nous rejoignent les coureurs de la Coupo Cambo qui ont déjà 30 kilomètres dans les jambes.

Alors que je descends vers un ruisseau, dans une petite vallée au fond d'un bois, je vois un coureur au dossard rouge qui se vautre dans l'eau, qui se relève en maugréant et qui entreprend l'ascension du sentier que je suis en train de descendre. Il me croise sans un regard et disparaît. Curieux mais il est le seul que j'ai rencontré dans ce sens jusqu'à présent. Je franchis le ruisseau en essayant de ne pas me mouiller les pieds (qui le sont déjà d'ailleurs) et je retrouve la piste balisée qui à cet endroit se confond avec celle de la Coupo Cambo. Nombre de coureurs aux dossards de couleurs variées s'y côtoient. Il m'apparaît soudain que le concurrent qui m'a croisé tout à l'heure se sentira un peu seul quand il s'apercevra qu'il s'est trompé de route. J'aurais pu le détromper mais je l'ignorais alors. J'hésite à lui courir après... Je plaisante.

Nous grimpons à nouveau à travers bois. Un coureur visiblement à l'aise me dépasse avec une petite guitare et, quelques mètres devant moi, se met à chanter « L'Auvergnat » de Brassens tout en torturant son instrument, ou supposé tel, qui émet des accords de protestation douloureux. Moment étonnant, incongru, j'aime.

Tout à coup nous émergeons sur le bitume. Depuis un moment déjà, je sentais à un rafraîchissement de l'air et à un souffle que la forêt ne laisse pas en général se développer que nous approchions du sommet. Au bout de la route le Pic de Nore, impressionnant dans sa désolation sur fond de Pyrénées hélas un peu embrumées. Des coureurs partout marchent vers ce phare mythique. Une vraie kermesse. Je m'évertue à trotter jusqu'à la station mais je reprends la marche une centaine de mètres avant d'être dirigé vers notre balisage. Il ne faut quand même pas exagérer, les calories de ma saucisse sont dans le rouge, celles du Gaillac sont évaporées, ne restent que celles du fricandeau qui doit me durer jusqu'au prochain ravitaillement. Il souffle un vent glacé que rien n'arrête. Je ne me plains pas, certaines années les coureurs affrontent un blizzard polaire. Quand aux pisteurs qui nous encouragent et nous guident ils sont transis.

Là, les coureurs de la Coupo Cambo sont dirigés vers Pradelles Cabardès où ils reviendront une deuxième fois vers le Pic de Nore. Nous sommes orientés vers la deuxième partie du trajet tout en dénivelé négatif. Je crains un peu ce type de parcours qui peut être très éprouvant pour les cuisses et traumatisant pour les chevilles. La partie non boisée est un chemin couturé de profondes ornières boueuses et de couches de neige. La course y est très aléatoire et quelques coureurs se vautrent misérablement dans la boue neigeuse sans mal heureusement car il n'y a pas de rocaille. Il est étonnant de voir certains coureurs se jouer des terrains glissants. Ou ils ont un gène de gecko, ou des chaussures de la Nasa, ou ils transpirent de la bave d'escargot, ou leur témérité frise l'inconscience. Sur un sentier très pentu, le chemin était constitué de roches sur lesquelles coulait un ruisselet d'eau. Il m'était impossible de poser un pied sur une surface lisse sans que celui-ci ne glisse comme sur une plaque de verglas. Un coureur me double sautant de roche en roche comme un izard à la saison des amours ayant aperçu une femelle en bas résilles dans la vallée d'à côté. Comment fait-il ?

Nous arrivons au ravitaillement du Portail de Nore. Encore un véritable point de convivialité. Heureusement qu'il ne fait pas froid et que l'Objectif Nore est court car le lieu est surchauffé et le buffet toujours aussi garni, il y a même une crêpière attitrée qui propose de délicieuses crêpes au sucre. J'ai envie de mettre en avant la formule « Vous qui entrez ici perdez tout espoir... de repartir si vous avez l'imprudence de vous asseoir et de vous servir un verre de vin en desserrant vos lacets de chaussure. »

Je me restaure et je repars pour 8 kilomètres de bonheur. Il n'y a que des sentes à travers bois où l'on peut courir à son niveau jusqu'à la vallée. Il suffit de se laisser couler à l'image des multiples ruisselets qui empruntent souvent le même trajet que nous. Le début est dans la neige avec quelques sections à risque modéré puis tout est dans les bois.

On atteint la Croix de la Roque où un extraordinaire panorama couvre St Amans Soult et toute la vallée comme un paysage de conte de fée. Le dernier kilomètre dans le sentier est moins agréable puisque le chemin très étroit est taillé dans les fourrés, encaissé, glissant et servant actuellement de lit à un ruisseau pluvial. Nous ne pouvons éviter de courir dans l'eau avant d'atteindre la route goudronnée qui nous emmène à l'arrivée au pied de l'église en 200 mètres où l'on peut courir librement. Une petite côte et la ligne d'arrivée est franchie, sans fatigue excessive, un parcours que j'ai très modestement accompli en 2 heures et 45 minutes. Ma place de 493ème sur 781 coureurs me satisfait alors que mon unique objectif assumé et affiché est de « Finir et pas le Dernier ».

Dois-je préciser que le buffet à l'arrivée est à la mesure de l'ensemble de la journée, très complet. Nicolas qui courrait la Coupo Cambo arrive à 15 heures 30. Je suis changé, restauré et reposé, prêt à repartir quand il clôt son parcours en 9 heures 26 minutes à la 154ème place sur 278 coureurs finishers.

Un long arrêt buffet, au soleil, par une belle journée qui rappelle la proximité du printemps et nous repartons en sachant que la saison 2019 nous comptera sans doute à nouveau parmi les participants.

Merci aux organisateurs pour nous avoir offert l'une des plus belles courses de la région.

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