L'auteur : Anne-Laure_70
La course : Swiss Irontrail T 201
Date : 5/8/2016
Lieu : Pontresina (Suisse)
Affichage : 2480 vues
Distance : 201km
Objectif : Pas d'objectif
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Voici mon récit de cet ultra-trail de 201 km et 11440 m d+. Je me suis efforcée de le rendre le plus précis possible, d’une part pour faire mon propre débriefing, et aussi pour qu’il puisse peut-être servir de base à quelqu’un qui envisagerait d’y participer.
En fin de mon récit, le billet de mon ravitailleur, une course dans la course. Et du coup, c’est un peu long, désolée...
Swiss Irontrail T201, 05-07.08.2016
Vendredi, Davos, 3h45 du matin, je n’ai quasi pas dormi, il fait nuit, il fait froid, il pleut des cordes. Me voilà parmi quelques folles et fous au départ du Swiss Irontrail T201, l’ultra-trail le plus long de Suisse.
Tout le monde se cache à l’abri le plus longtemps possible. Personne n’est pressé de se rendre sur la ligne de départ, là-bas sous les trombes d’eau. Déjà enfilé la veste, qui ne retournera pas dans le sac ces trente prochaines heures. Ce qui m’attend, la distance -folle, le dénivelé -monumental, la météo –exécrable, tout ça ne m’atteint pas. Je suis dans ma bulle, concentrée uniquement sur la première étape.
Venez, je vous emmène sur les sentiers grisons pour une belle et très longue balade.
(Fuorcla Crap Alv, photo de la reconnaissance)
Préambule
Un ultra-trail de 201 km ! Et 11440 m d+, un temps limite de 64 heures : Objectivement, mais quelle folie ! Si on m’avait dit il y a dix ans que je me lancerais dans une course pareille, j’aurais bien ri : pensez voir, une course de plus de 200 KILOMETRES, jour et nuit en une seule étape, le tout sur des sentiers de montagnes qui ne font que monter et descendre !
Pourquoi me lancer dans cette aventure ? Parce que !
J’ai bouclé le Swiss Irontrail T121 en 2015. Que faire en 2016 ? L’idée aurait été de courir un ultra de 160 km, pour garder une progressivité raisonnable dans l’augmentation de la distance. Comme je n’ai rien trouvé d’intéressant pas trop loin, je me suis quand même inscrite sur le T201, dans l’intention d’aller au moins jusqu’à Lenzerheide (160 km).
L’objectif est donc particulier cette année, car il n’est pas forcément de terminer, mais d’aller plus loin que la dernière fois. Je n’ai aucun objectif de performance ou de classement. Le but est surtout d’avoir du plaisir et de rester en bonne santé.
Comme les années précédentes, j’ai la chance de pouvoir bénéficier d’une assistance personnelle, assurée par Super Ravitailleur. Il sera à mon entière disposition 64 heures sur 64, et en cas de besoin je pourrai l’appeler à toute heure du jour et de la nuit. Il dormira dans le minibus et sera autonome sur toute la durée. Il est expérimenté et connait tout le parcours. C’est un gros plus pour moi de pouvoir compter sur lui.
(Super Ravitailleur, mon assistant personnel)
Au Swiss Irontrail, il n’y a aucune restriction concernant les assistances privées. L’organisateur est très arrangeant sur ce point, un grand merci à lui.
La préparation
Pour ce qui est de la préparation physique, j’ai repris mon plan de l’an passé. J’ai aussi axé sur la perte de poids, avec 6 kilos laissés sur le bord des chemins d’entrainement. Je passe presque tous les week-ends en montagne, pour encaisser les dénivelés positifs et négatifs, et aussi pour m’acclimater à l’altitude.
Me voilà aussi repartie dans un cycle reconnaissance du parcours, étude des cartes topographiques, calcul des temps de passage, de la marge sur les barrières horaires, établissement du tableau de marche, du protocole d’assistance et du plan de ravitaillement. Car comme je suis très tortue pas du tout hase, je dois tout préparer et planifier dans les moindres détails pour éviter les mauvaises surprises et réussir à passer les susmentionnées barrières horaires.
Alors étudions ça. Suite à mes reconnaissances et mes temps de passage des années précédentes, je peux déjà me calculer un tableau de marche. Il ne me manque que la première étape Davos-Bergün. Par rapport au T121 de l’an passé, cette étape a été modifiée. Elle passe par une autre vallée et un autre col, ce qui rallonge de 4km, et la mauvaise surprise, la voilà : bien que la distance augmente, la 1ère barrière horaire est plus serrée, 1h45 de moins, 4,78 km/h de moyenne sur 9 heures. Gloups !
Cela me fait prendre conscience que là, fini de rire, adieu les courses pour enfants, là on joue dans la cours des grands, des vrais ultra-traileurs aguerris et que le niveau demandé est bien plus élevé. Vais-je réussir à passer cette première barrière horaire ?
Il faut donc impérativement reconnaitre encore ce début de parcours et cela n’a pas été facile. Pour cette reconnaissance prévue à la mi-juillet, pas de chance, il avait neigé l’avant-veille. La traversée entre le Scalettapass et la cabane Kesch était enneigée, rendant la progression difficile tant sur le sentier dans le dévers que dans les portions type « pierriers ».
Notre reconnaissance nous mènera de Davos à Bergün en 7h30 et en rajoutant la portion Bergün-Naz de 1h15, le total est de 8h45. La barrière horaire à Naz : 9h00. Oups, 15 petites minutes de marge d’entrée de jeu sur une course de 64 heures, ça craint. S’il faut déjà foncer à toute berzingue sur les premiers kilomètres, ce n’est pas gagné. Tous mes temps de passage suivants vont être décalés, et les BH se rapprochent trop. J’accuse un peu le coup, j’avoue que mon moral en est atteint, car j’avais tout calculé et prévu tip top en ordre jusqu’ici, et là, tout s’effondre.
Donc deux constats s’imposent : primo, par ici, le climat est rude même à la mi-juillet, un vrai pays de loup. Secundo, il me faudra aller plus vite.
Je suis repartie en reconnaissance le week-end suivant. Le sac a subi une cure d’amaigrissement drastique, je cours au lieu de marcher et la reco par temps ensoleillé et chemins secs m’amène en 6h15 à Bergün. Ouf, la marge sur la BH remonte à 1h30. Mon moral remonte aussi !
Avant le départ
Davos, jeudi, 17h zéro minute et zéro seconde. La porte de l’école s’ouvre pour les formalités de départ. Il y a la queue. Du coup, comme nous sommes parqués devant la porte, nous en profitons pour faire la sieste en attendant (qu’est-ce que nous sommes malins, quand même…) 18h50, Super Ravitailleur va voir où ça en est, puis au bout d’un moment me fait un SMS pour me dire de venir. Quel luxe de ne pas devoir faire la queue et de garder mon influx, merci à lui.
Voilà, dossard, puce, tracker GPS, cartes topos sous plastique OK, il n’y a plus qu’à remplir et déposer les 3 sacs d’allègement.
Le lecteur se demande certainement à ce stade : mais va-t-elle enfin parler de sa course ? Oui, oui, cool Raoul, j’y arrive, voilà.
1ère étape : Davos-Bergün.
Ma stratégie sur ce tronçon : aller vite pour me construire une marge sur la BH. Ce sera l’étape qui conditionnera tout le reste de la course mais il faudra que j’évite quand même de me griller. Ensuite, les barrières horaires suivantes sont plus larges. C’est paradoxal pour ce genre de course : partir fort pour gérer ensuite, alors que le bon sens voudrait plutôt que l’on ménage sa monture dès le départ pour espérer aller loin. Enfin, c’est le choix de l’organisateur d’avoir serré la vis, à moi de m’adapter.
Je découpe cette étape en 5 parties.
Davos-Dürrboden : aller particulièrement vite jusqu’à ce premier ravitaillement officiel, 14 km, 600 m d+.
Dürrboden-Scalettapass : ça grimpe, 3 km, 600 m d+ sur un bon rythme, mais sans exagérer.
Scaletta-cabane Kesch : 8 km, relativement peu de d+, un long passage à 2500 m avec une bonne pente à la fin, courir partout où c’est possible.
Kesch-Punts d’Alp, une grande descente 830 m d-, assez roulante, avec quelques bons raidards. Ne pas traîner, mais économiser les cuisses.
Punts d’Alp-Bergün : en fond de vallée, 8 km en majeure partie sur route, à courir tout le long.
Aire de départ à 03h45 avec des participants cachés un peu partout pour s’abriter de la pluie battante. 188 personnes étaient inscrites, mais uniquement 155 motivés se présentent au départ. C’est l’effet Météo Pourrie. On annonce une pluie abondante, 30 à 40 litres (!) pour toute la journée de vendredi, neige en altitude, 0 degré à 2000m et vents tempétueux, le bonheur quoi… Puis nuit sèche, samedi matin meilleur, puis retour de la pluie, peut-être, ça se peut bien, mais pas sûr, on ne sait pas trop, prévision incertaine… Il faut savoir qu’après le départ de Davos à 1500 m, les premiers 120 km se passent entièrement entre 1800 et 2700 m. Ben, ça promet une belle et longue galère… Mais moi, ça m’est quasi égal, je suis bien équipée, j’ai Super Ravitailleur et j’ai de l’expérience dans ce genre de conditions.
Ambiance spéciale. Arrière-cour d’une école. Forte pluie. Comme nous sommes en Suisse, je pourrais aussi écrire qu’il tombe des hallebardes, ou des seilles, ou qu’il roille comme vache qui pisse. Tout le monde s’abrite un peu partout jusqu’au dernier moment. Pas de briefing, pas de musique grandiloquente, pas de speaker hystérique, mais un gars qui nous chante a capella une prière et un autre qui a joué… du cor des Alpes ? Ou ai-je mal vu ? Moi je le vois juste partir…pas sur la course naturellement…
Car tout à coup, ça part…sans compte à rebours ni coup de feu, ah bon, alors allons-y.
Ça trottine derrière la voiture de police ouvreuse. Sortie de Davos, 5 minutes de course, le peloton est déjà très étiré avec des cassures et voilà le premier couac : bifurcation, le balisage indique un sentier montant dans la forêt, comme prévu officiellement sur la carte. Mais les concurrents devant moi sont restés sur la route goudronnée en direction du golf. Mais c’est quoi ce cirque ? Pas de bénévole pour nous guider, grosse hésitation. Ça discute ferme avec d’autres participants, jusqu’à ce que Super Ravitailleur surgisse de la nuit et nous mette tous d’accord : (je cite de mémoire)
-Mais c’est koâ ce bo%*el ? Et kesse vous f*%&ez, de bleu ? On va pas y passer la journée ! Ils sont tous partis sur la route, alors faut suivre le mouvement, de chien !
Super Ravitailleur s’est donc exprimé en français (enfin oui, bon, plus ou moins, hein ?) mais tout le monde a bien saisi le sens profond du message. Alors comme il nous l’a demandé si gentiment, moteur par la route. Car dans le fond, il n’a pas tort : si on pétouille 5 minutes après seulement 5 minutes de course, ça ne va pas le faire, c’est clair. Et d’un côté tant mieux, sur la route, ça ira plus vite.
Deux kilomètres au pas de course plus loin, la voiture de police barre la route et on nous indique de monter un petit sentier pour reprendre l’itinéraire prévu, ouf.
Le balisage est très irrégulier et comme il fait très nuit avec cette pluie battante, il n’est pas évident de s’orienter, surtout que le peloton est déjà très étiré. 5 ou 6 gars restent d’ailleurs avec moi, car ils ont remarqué aux bifurcations que je connais le parcours.
Nous remontons toute la vallée. C’est très joli par ici, quand il fait jour et qu’il ne pleut pas…
(A cause de la pluie, je n’ai pas emporté mon appareil photo. J’ai donc inséré quelques photos de la reconnaissance)
Je cours tout ce qui est courable, sinon, nordic walking dynamique.
Entre Guleringen Hus et Chintsch Hus : après 60’ comme prévu, j’arrive à un parking que nous avons jugé plus commode d’appeler « Swiss Team », on se demande bien pourquoi. C’est mon premier point d’assistance avec mon Super Ravitailleur. Afin d’être la plus légère possible pour pouvoir courir vite, j’étais partie sans nourriture et uniquement 2 dl à boire. Donc ici, Super Ravitailleur me tend un mini-Biberli, et pendant que je l’avale en vitesse, il me glisse dans le filet le sachet avec la nourriture. J’embarque aussi une demi-flasque d’eau.
Super Ravitailleur s’est un peu brouté sur ce coup, car sans lampe frontale, il ne voit pas ce qu’il fait et en plus je l’éblouis avec la mienne. Du coup, nous avons dû nous rapprocher de l’éclairage du bus un peu à l’écart pour y voir clair. Et du coup également, les 5-6 copains qui m’accompagnaient ont voulu faire de même. Mais heureusement pour eux, Super Ravitailleur a tôt fait de les remettre gentiment dans le droit chemin.
Une minute d’arrêt : peut mieux faire. Redépart avec assez de nourriture solide pour tenir jusqu’à Bergün à 31 km et du liquide pour aller jusqu’à Dürrboden à 7 km. Des trombes d’eau s’abattent sur nous. Le jour se lève gentiment. L’ambiance pluvieuse rend le tout assez sinistre et glauque, le paysage est sauvage et rude.
Dürrboden, 2007 m, 1h55 comme selon mon tableau de marche. Plus de 7 km/h de moyenne, je suis assez contente.
Remplissage des 2 flasques puis go pour le Scalettapass à 2606 m, passé aussi dans les temps prévus. Le jour s’est levé. Il pleut un peu moins mais le vent souffle très fort. Je m’arrête au col pour manger et profite de l’arrêt pour enfiler les surmoufles et le surpantalon goretex, avant d’attaquer une longue traversée de plus de 4km à flanc de montagne.
Heureusement, la neige de juillet a complètement fondu. A ma première reconnaissance, il y en avait 20 cm et il m’avait fallu plus de 1h45 juste pour cette traversée. Aujourd’hui, malgré la température, il ne neige pas, mais cette fois, c’est 10 cm d’eau sur le sentier. Impossible de faire autrement que de patauger dedans. Puis la pente augmente en direction de la cabane Kesch.
(Photo de la reconnaissance)
Chamanna digl Kesch, cabane de Kesch en français, 2608 m, 1h30 depuis Scaletta comme selon mon roadbook.
Remplissage des flasques, un peu de bouillon et ça repart dans la descente sur Bergün. Avec les pieds trempés et congelés, j’ai l’impression d’avoir les souliers de ski aux pieds et n’ai pas de bonnes sensations. Heureusement que cette descente est roulante : en trottinant à bon rythme, ça réchauffe assez vite.
J’arrive en bas à Punts d’Alp, 1777 m. Selon la carte, on devrait emprunter plusieurs fois des sentiers parallèles à la route pour descendre vers Bergün. Or à la première bifurcation, c’est bien signalé que c’est par la route, alors ok pour la route. Puis à la 2e bifurcation, c’est mal balisé et je prends à tort le sentier au lieu de poursuivre sur la route. Je comprends pourquoi à la sortie du chemin, car il y a eu des éboulements et il faut remonter droit en haut la pente pour rejoindre la route. Ce n’est pas une difficulté majeure mais assurément pas un bon plan de faire passer 150 personnes par là. J’ai perdu 5-10 minutes, mais comme on prendra la route finalement jusqu’à Bergün, je suis contente d’avoir eu cet intermède non goudronné.
La densité des coureurs est déjà très faible. J’ai vu deux concurrents dans la descente avant Punts d’Alp, puis plus personne jusqu’à Bergün.
Bergün, 1366 m, km 38, 10h08 (roadbook 10h11).
Le temps d’aller dire bonjour au poste de contrôle, et me voilà dans le bus à avaler un bout de sandwich et un Biberli.
Crémage des pieds, puis redépart après m’être changée entièrement, sauf le bustier. A posteriori, lors de mon débriefing, je me pose la question : pourquoi n’ai-pas enfilé de bustier sec ? Je l’ignore, peut-être par peur d’en manquer plus tard si je me change à chaque fois. Etait-ce une erreur ? Ce détail aura eu peut-être son importance sur la suite des évènements, on le verra bien plus tard. Je quitte Super Ravitailleur à 10h21 (prévu 10h26). Toujours sous une forte pluie et toujours en tenue de cosmonaute.
2ème étape : Bergün – Naz – Samedan
Stratégie à partir d’ici : rester dans les limites de mon tableau de marche calculé plus large, pas plus, mais pas moins non plus.
Après la traversée du camping, nous suivons un petit bout de route forestière bienvenue car enfin un bout de chemin pas inondé. Puis cette montée devient casse-pattes, parfois roulante, parfois pleine de cailloux, racines voire escaliers en bois aujourd’hui détrempés, alors attention. Le tout avec de petites redescentes.
(Photos de la reconnaissance)
C’est assez bucolique, surtout quand il fait beau, avec une vue sur les ouvrages d’art réalisés pour le chemin de fer. Cette ligne de l’Albula est d’ailleurs classée Patrimoine Mondial par l’Unesco. Elle traverse plusieurs fois la vallée, avec des tunnels et des viaducs en colimaçons. Un voyage avec le Bernina Express vaut le déplacement, je vous le garantis.
Il y a aussi des ponts sur la rivière qui descend de l’Albula en grondant avec de gros bouillons.
(Photo de la reconnaissance)
Gagné 10’ dans la montée vers Naz alors que j’ai vraiment l’impression de ne pas avancer vite. C’est la preuve que je suis en forme. Ou alors, a posteriori, que je vais trop vite sans m’en rendre compte et que je le payerai plus tard ?
Je me réjouis d’arriver à Naz. L’année passée, j’y fus très bien accueillie à grands coups de sonnailles par deux adorables retraités, puis deux bénévoles féminines furent aux petits soins avec moi, avec par exemple du Nespresso dans une vraie tasse, what else ? (Je n’ai toujours pas d’actions chez Nestlé)
Cette année, le poste de ravitaillement se situe au même endroit, sous une tente avec des bancs, mais point de sonnaille. Les cloches sont là, mais pour les faire sonner, c’est self-service... L’accueil est par contre toujours aussi sympa et c’est le plus important, non ? Je profite de manger des pâtes avec sauce tomate et fromage râpé, un peu trop cuites. Après la course, je me dis qu’il faudra que la prochaine fois, j’essaye de manger plutôt des pommes de terre au lieu de ces pâtes trop cuites.
Petit aparté : Naz est un minuscule hameau dont l’accès par une route non goudronnée est difficile, et pas moyen de garer un véhicule. Pourtant, c’est ici que depuis cette année se situe la barrière horaire. Cela est étonnant, car que se passerait-il si quelqu’un arrivait en retard ici ? Il redescend à pied vers Bergün ? En effet, Bergün est un gros bourg, avec des commerces, des hôtels, un accès routier. Il y a aussi une gare pour pouvoir rentrer en train vers Davos le cas échéant. Alors pourquoi Naz et plus Bergün ? Et pourquoi ce ravitaillement ici qui fait double emploi avec celui de Bergün ? Mystères et boules de gomme.
C’est à Naz que se séparent les T201, T121 et T91, c’est-à-dire les parcours des adultes, des ados et des enfants , à moins que ce ne soient respectivement des fous bigorexiques gravement atteints, des légèrement givrés et des gens normaux : le T201 continue de remonter la vallée principale de l’Albula, alors que demain les T121 et T91 grimperont vers les cols Tschitta, Ela et Orgel.
Je remplis une flasque et repars après 8 minutes, alors que j’avais prévu 20. Le moral est bon, je suis un peu en avance sur mon tableau de marche, et je ne me fais pas de soucis quant à savoir si je progresse trop vite, car je n’ai pas du tout l’impression de forcer. Je ne pense pas à la suite, aux cols en altitude, à la pluie et à la température. Je vise uniquement le prochain point de rendez-vous avec Super Ravitailleur d’ici 1 heure.
Je poursuis, toujours sous une pluie battante. On reprend un sentier dans la forêt tantôt roulant tantôt semé de pierres et de racines, d’abord à plat, puis avec une forte pente. Voilà le Lai da Palpuogna. Mais c’est quoi ce truc, me demanderez-vous ? Un petit tour sur le net nous apprend qu’il s’agirait du plus beau lac de Suisse, qui pourtant n’en manque pas. Effectivement, le site est merveilleux. Enfin, surtout quand il fait beau, hein ? Car aujourd’hui, la magie du lieu est différente : le lac a débordé, ce qui nous oblige à de nouveau patauger et à être très prudents sur toutes les passerelles en bois. D’ailleurs à la dernière, il y a quelqu’un qui a planté sa tente de camping. Mais quelle idée, me dis-je, de camper à cet endroit, dans les marécages et par ce temps… C’est en fait un des différents points photo. Chapeau à la photographe qui est restée au froid et dans cette humidité pendant d’aussi longues heures (environ 8 à mon avis entre les premiers et les derniers).
Bien entendu, avec tout ça, mes pieds sont à nouveau trempés : ça valait bien la peine de changer de chaussures à Bergün ! Repataugeage dans l’herbe mouillée pour rejoindre le sentier forestier qui nous amène à l’alpage de Crap Alv. C’est là que l’on croise la route du col de l’Albula et où m’attend normalement Super Ravitailleur.
Alpage de Crap Alv. Il pleut des seilles. Pas besoin aujourd’hui de remplir mes flasques à la fontaine, Super Ravitailleur m’emmène à l’abri dans un hangar de la ferme. Il y a des cyclotouristes emballés dans leur sac de couchage qui dorment par terre dans un coin (il est donc midi et demi).
Super Ravitailleur a tout préparé sur le pont d’une remorque : du solide à emmener pour la suite et un sandwich que je me force à manger, du moins un petit bout. Avec ce froid et après seulement 8h39 de course, je me force à boire et je n’ai pas très faim. Après tout, j’ai mangé des pâtes il y a une heure à peine.
Je repars. Il vase comme vache qui pisse et le vent souffle toujours à décorner les bœufs, donc la veste, capuchon et surmoufles sont encore de mise. Je porte le surpantalon coupe-vent depuis le Scalettapass, et ne le quitterai pas avant Samedan, 10 heures plus tard. Jamais je n’ai pratiqué du sport en étant autant emmitouflée aussi longtemps.
Une portion pierrier qui redescend, avec un coucou au photographe.
Voilà encore une traversée de la route goudronnée. Super Ravitailleur est là pour m’encourager, car on ne se reverra que 4 heures plus tard. Il faut maintenant attaquer le col Fuorcla Crap Alv, avec des seaux d’eau qui s’abattent sur moi.
Un vent glacial m’accompagne, les sentiers sont détrempés. L’eau qui dévale des sommets est canalisée sur lesdits sentiers et j’ai une impression permanente de remonter des ruisseaux. Juste avant le passage du col, ce sont carrément des rafales de neige qui balaient la montagne. Le froid remonte insidieusement depuis mes pieds congelés vers les mollets, puis vers les genoux, qui commencent à me faire mal. Le col Fuorcla Crap Alv culmine à 2461m. Ce n’est pas la descente de 650 m d- sur Spinas qui va me réchauffer, car le début est très raide et c’est un passage où il faut déjà faire très attention par temps sec.
(Photo de la reconnaissance)
Il est fortement déconseillé de tomber ici, vu la pente herbeuse très raide en contrebas. Le sentier est complètement boueux, avec toutes les autres personnes qui sont passées avant moi, une vraie patinoire. Impossible de mettre les gaz, et en plus je me trouve un peu bouchonnée derrière trois concurrents/tes qui n’avancent pas très vite. La plus jeune surtout (20 ans ?) semble avoir des soucis avec les genoux et boîte un peu.
Après m’être posée la question d’un éventuel dépassement, je reste prudemment derrière même si à mon rythme je serais peut-être descendue un peu plus vite. Comme la descente n’est pas très longue, j’aurais finalement peut-être gagné 2 petites minutes, ou éventuellement une chute (mais ça, ce n’est que partie remise).
Le trio et moi arrivons enfin au bas de cette descente et longeons la rivière sur une route d’alpage tout-à-fait roulante. C’est un plaisir de courir, pardon, je voulais écrire trottiner, et de se réchauffer enfin les pieds. Et de doubler par la même occasion le trio composé de Daniela, Rebecca et d’un gars que oups je n’ai pas retenu son nom, désolée.
Ravitaillement de Spinas (1819m), pause express dans cette petite gare/restaurant perdue au milieu de rien. Je me réchauffe avec un bouillon avant d’attaquer la montée du Margunin, 600 m d+.
Ça part très raide sur un sentier difficile visiblement bien moins fréquenté par les touristes. C’est le col le plus technique de toute la course. Des racines et des marches dans la forêt sur le premier tiers. J’y double un concurrent asiatique. Puis plusieurs traversées d’un même ruisseau. À la reconnaissance, cela avait déjà étonné Super Ravitailleur : étrangement, on le traverse toujours de droite à gauche, et jamais dans l’autre sens ! Il s’agit d’un ruisseau magique ! Il y a quelque chose qui nous a échappé, ou alors, c’est la quatrième dimension ?
(Photo de la reconnaissance)
Les traversées dudit ruisseau durant la reco s’étaient faites en gardant les pieds secs. Evidemment impossible aujourd’hui, et de toute façon, lesdits pieds sont déjà trempés.
Traverser sans glisser et se casser la figure au milieu de la rivière sera le défi du prochain quart d’heure, un bain par cette température n’étant pas du tout indiqué. Je monte donc sur la droite pour voir comment se présente le 2ème passage : bof bof bof. Heureusement que le trio arrive, ainsi que le concurrent asiatique. Quelqu’un prend l’initiative et se lance, et hop, tout le monde suit sans encombre et se mouiller davantage les pieds, bien joué et merci !
On attaque donc tous plus au moins vite la suite, surtout Rebecca la petite jeune (qui en fait a 30 ans) qui va bien dans les montées. Cette partie au-delà de la limite des arbres est plus cailloutée, avec des marches, puis devient plus terreuse et boueuse sur la fin.
(Photo de la reconnaissance)
Col du Margunin, 2426m : le vent souffle toujours très fort mais il ne pleut plus, enfin youpie alléluia !
La descente se passe d’abord sur un sentier d’alpage assez roulant mais très boueux aujourd’hui. Et c’est parti pour les chutes, d’abord Rebecca, imitée par moi-même ensuite en voulant doubler le trio. Le tout sans mal car l’herbe est détrempée et les cailloux moins présents. Nous arrivons dans la forêt et son sentier sablonneux et assez roulant, ceci sur le sec bien entendu. Car aujourd’hui, il est non seulement boueux, mais en plus il est bouseux, car quelqu’un a eu la bonne (?) idée d’y faire monter ses vaches. Certaines de ces dames sont carrément couchées au milieu du chemin. Pas merci Sans même le vouloir, je distance le trio facilement.
Samedan est en vue. Le goudron du haut du village et la traversée en direction de la gare me font du bien grâce aux encouragements des passants, des touristes et de toutes les personnes qui se trouvent là (nous sommes vendredi 16h55 ).
Samedan, 1711 m, km 60, première base de vie. 12h55 de course. Avance sur le roadbook 15 minutes. A posteriori, je vois que c’est du 4,6 km/h de moyenne, ce qui à mes yeux est rapide compte tenu du profil, du terrain et de la météo.
Super Ravitailleur arrive à ma rencontre. Je lui demande s’ils ont prévu le Karcher comme dans les courses VTT tellement j’ai de la boue jusque derrière les oreilles.
Pas de Karcher, mais mieux ! Super ravitailleur m’informe qu’il y a possibilité de prendre une douche : ok adjugé vendu, c’est une douche que je prendrai. Elle n’était pas prévue et d’ailleurs, selon le site de l’organisation, il n’y a pas de douches prévues ailleurs qu’à l’arrivée à Davos. Merci à l’organisateur pour sa souplesse et sa réactivité face aux conditions météos.
A peine assise, un bénévole m’apporte mon sac d’allègement : quel service, merci !
Vite à la douche avant de prendre froid. Quelques personnes essaient de faire sécher les chaussures et les habits avec les sèche-mains/cheveux à disposition. Certains ont leur propre sèche-cheveux, mis dans le sac d’allègement transporté par l’organisation : une bonne idée à reprendre pour une prochaine fois, même s’il est à mon avis plus simple de glisser dans le sac d’allègement une paire de chaussures sèches, habits, linges et tout le matériel pour la douche.
La douche, donc : la température de l’eau est idéale, assez chaude pour ne pas avoir froid, mais pas trop pour que je ne m’y attarde pas. Je peux bien me décrasser les pieds qui vu leur couleur en avaient bien besoin.
Crémage des pieds, habits secs, et direction pasta. J’y retrouve Daniela qui vient d’arriver en compagnie de Rebecca et de Oupschaisplusonnomdésolée. Elle est frigorifiée. Je lui parle des bienfaits de la douche. Malheureusement pour elle, les deux autres ne veulent pas s’attarder, donc Daniela n’a pas le temps pour une douche. Dommage pour elle, à la vitesse où son trio et moi progressons, nous allons certainement avoir 2h30 d’avance sur la prochaine barrière horaire de Pontresina. Alors perdre 10 minutes pour une douche me semble bien peu.
Donc, après la douche et changement complet de tenue, pastas (grosses et trop cuites), un bout de sandwich, chips, thé. Mon sac est prêt, merci Super Ravitailleur.
J’avais prévu un arrêt de 30 minutes, il aura duré 50. Me voilà donc avec un petit retard insignifiant de 6 minutes sur mon tableau de marche. Je suis très contente, pour l’instant tout roule, estomac, pieds, jambes, tête, et ceci malgré la météo très hostile.
Mais avant de sortir, contrôle du matériel pour tout le monde ! On veut voir la couverture de survie, la lampe et le téléphone. C’est quelque part logique et prudent, vu la météo, la nuit qui tombe et les étapes à venir, avec cette nuit plusieurs passages à plus de 2700 mètres d’altitude. Petite frayeur, le sachet de congélation Ziploc n’est pas resté étanche et mon téléphone est tout mouillé à l’intérieur ! Mais le bidule fonctionne toujours, ouf ! C’est l’avantage de n’emporter qu’un téléphone pas smart, mais tout bête, simple et léger en course : c’est increvable et ne se décharge pas intempestivement. Super Ravitailleur part au pas de course vers son stock de matériel chercher un autre Ziploc et de quoi essuyer le téléphone. Voilà, feu vert, go !
3e étape : Samedan – Pontresina
Je repars à 17h46. La pluie a enfin cessé, mais le vent souffle toujours et la température a baissé.
Prochaine difficulté : la grimpée sur Muottas Muragl, 740 m d+. Mais avant, il faut traverser la plaine de l’Engadine, et avec ce vent il n’est pas évident d’y courir, ou plutôt trottiner.
La montée se passe en grande partie dans la forêt sur un joli sentier. Elle paraît ensuite interminable, car le sommet n’est visible qu’au tout dernier moment. Par contre, dès qu’il n’y a plus d’arbres, la vue est magnifique sur toute la vallée de l’Engadine.
Arrivée à Muottas Muragl, 19h25, 14 minutes de retard. Il s’agit d’un restaurant au sommet d’un funiculaire. J’en fais le tour car j’avais noté qu’il y avait un ravito ici, mais ce n’est pas le cas… Zut, car j’avais emporté un minimum d’eau dans l’idée de compléter ici. Petite erreur de concentration lors de l’établissement de mon plan de ravitaillement. Ceci dit, ce n’est pas avec cette température que je vais me déshydrater. Il me faudra patienter jusqu’à un ruisseau un peu plus loin que j’avais repéré lors d’une reco.
La suite : une petite descente assez roulante en faux-plat de 100 m d-. J’y redépasse le trio Rebecca/Daniela/le gars. La vue par ici est exceptionnelle, Franz Weber disait que l’Engadine est la plus belle vallée du monde, et à mon avis il n’avait pas tout tort.
(Photo de la reconnaissance)
Pied de la montée vers la cabane Segantini, 400 m d+. Il y a ce ruisseau à ce croisement de chemins et comme il n’y a plus de vaches, pas de bouses et donc pas de soucis pour y prendre un peu d’eau... Je remplis une moitié de flasque, que je ne boirai finalement pas.
Un peu derrière, mon trio habituel. Et juste devant, il y a un groupe d’Asiatiques.
Cette montée sur Segantini débute sur un sentier facile, puis ce sont des marches qui font que nous avons l’impression de monter un grand escalier naturel.
(Photo de la reconnaissance, vue en arrière sur Muottas Muragl)
Le sentier sort ensuite de l’abri relatif pour passer sur l’arête, dernière pente avant la cabane Segantini. On pense que pour le petit bout qui reste, ça devrait aller, mais non, cette arête n’est pas si courte que ça et c’est vraiment exposé au vent. Donc une petite pause s’impose, pour enfiler pantalon coupe-vent, gros gants et surmoufles. C’est bien la première fois que je fais du trail avec les gants de ski de rando aux mains. Heureusement que j’avais tout pris avec depuis la maison, et heureusement que Super Ravitailleur et moi avions décidé de le mettre dans le sac au dernier ravitaillement de Samedan.
Chamanna Segantini, 2731 m, 20h30, un drapeau, mais personne, pas de ravito. De toute façon, ce n’était pas prévu. La vue est magnifique, Pontresina et le Val Roseg que nous allons remonter cette nuit.
(Photo de la reconnaissance)
1000 m de descente nous attendent tout de suite après la cabane.
Malgré mon arrêt, le trio n’arrive pas. Je dépasse le groupe d’Asiatiques au départ de la descente. C’est assez raide mais globalement assez roulant sur un sentier bien entretenu habituellement très fréquenté par les randonneurs. Arrêt à mi-chemin pour appeler Super Ravitailleur pour lui dire que je ferai une sieste à Pontresina. Je profite aussi de sortir la lampe. Elle éclaire comme en plein jour, ce qui me permet de rattraper encore un autre concurrent qui me laisse passer mais qui n’en profite pas pour me suivre.
À l’entrée de Pontresina, un habitant ou un touriste me demande ce que je fabrique là à 21h30. Je lui explique en quelques mots ce qu’est cette course, le parcours, etc… Il a beaucoup de plaisir à discuter avec moi, m’encourage et je lui dis encore une fois merci, c’est gentil. Ce type de rencontre est très sympa et c’est aussi pour ça que je participe à des ultra-trails.
Pontresina, 1805 m, km 73, 17h40 de course, 21h40, barrière horaire à 00h30, retard sur le plan de marche 28 minutes.
J’ai perdu 20 minutes, mais rien de dramatique. J’ai l’impression de bien gérer et la marge sur la BH est confortable.
Mon Super Ravitailleur est là, fidèle au rendez-vous. Il me guide vers la 2ème base de vie. Ce n’est pas dans un centre sportif, mais dans un centre de congrès, moins bien adapté pour ce genre d’épreuve : pas de douches, pas de vrai dortoir. Quelques concurrents sont plus ou moins allongés sur des fauteuils à l’étage, il faut passer parmi eux pour aller aux toilettes avec la lumière qui s’allume automatiquement. Ce n’est franchement pas terrible pour y dormir, malgré la moquette et les plantes vertes. Pontresina est pourtant une grosse localité, il y a certainement moyen d’y trouver un centre sportif ou une salle de gym, mais peut-être est-ce trop éloigné ? En tous cas, dommage pour nous, mais heureusement pour moi, j’ai Super Ravitailleur (et le bus aménagé…)
Je me crème les pieds et me change entièrement, bois un thé, mange un peu et repars assez vite. Je suis en retard sur mon plan de marche, mais comme j’ai presque 3 heures d’avance sur la BH, je vais profiter de faire une sieste de 20 minutes dans le bus. Elle n’était pas prévue, a posteriori je ne sais pas pourquoi j’ai décidé d’en faire une. Peut-être pour rester bien et de ne pas entamer mon capital forme avant l’étape suivante qui sera longue. De toute façon, c’est l’heure d’aller au lit, non ?
Le bus est garé à la sortie de la localité sur un parking tranquille juste à l’entrée du Val Roseg : bien joué, Super Ravitailleur !
4e étape : Pontresina - Sils - Maloja
20 minutes de micro sieste, sommeil profond. Je repars pour la longue remontée du Val Roseg, dans la nuit noire mais sans la pluie. Il fait 5°. 7 km en faux-plat dans la forêt, sans vent, du coup avec une tendance à m’endormir et à prendre un faux rythme. Ce qui fait que je mettrai finalement 1h20 pour arriver au pied de la montée suivante : pas terrible, la moyenne horaire sur ce tronçon.
Grimpée suivante, 750 m d+ en direction de la cabane Surlej au sommet du col du même nom, sur un chemin assez raide mais plutôt roulant au début. Quelques participants s’arrêtent pour s’alimenter et j’aperçois quelques lumières plus haut, c’est encourageant.
Mais la deuxième partie de la montée me paraît plus difficile aujourd’hui. J’ai l’impression de ne jamais arriver à la hauteur des panneaux pédestres qui indiquent que nous sommes presque à la cabane. Le balisage est quasiment inexistant sur cette portion où je rencontre des vaches. Mais que font-elles là ? Après réflexion, je ne vois pas du tout où cela pouvait être.
Il est quand même dommage de faire cette section de nuit, car de jour, le panorama sur les glaciers et les 4000 du massif de la Bernina vaut le coup d’œil.
Le final avant le col est un labyrinthe de dalles rocheuses partout et pas de sentier clairement visible. Je m’étais déjà trompée de jour à la reco, je galère et jardine un peu…et je mettrai finalement 1h51 pour atteindre la cabane, contre 1h25 à la reconnaissance… Je vais évidemment moins vite, mais là j’ai vraiment l’impression d’avoir en plus tourné en rond…Il faudra que je fasse quelque chose pour l’année prochaine, car si le parcours reste identique, j’y serai de nouveau forcément de nuit et je m’y perdrai à nouveau.
Fuorcla Surlej, 2755 m, quand même, enfin ! La cabane est plongée dans l’obscurité. A la reco, la gardienne m’avait confirmé qu’elle dort quand les concurrents passent durant la nuit (Petit aparté, sa tourte aux noix est délicieuse).
(Photo de la reconnaissance)
Pas de ravitaillement prévu ici, c’est encore 3 km plus loin. Une route d’alpage bien cailloutée en faux-plat descendant et remontant nous y emmène. J’ai de la chance, il n’y a pas de neige et pas de vent non plus.
Station Murtèl, 2702 m, 2h50 du matin, une station intermédiaire de la télécabine du Piz Corvatsch et un restaurant, où nous attend un ravito bienvenu avec du thé, bouillon, etc…J’y retrouve une dizaine de participants.
Je bois un thé et reçois un SMS de Super Ravitailleur. Il s’inquiète au vu du retard important pris : 2 heures ! Je lui réponds par SMS que c’est OK. Il m’appelle dans la foulée, en s’enquérant de ma forme physique et mentale. Un peu mal au ventre, comme un point de côté à droite, j’ai essayé d’aller aux toilettes, et je suis assez contrariée d’avoir perdu mon chemin avant Surlej et aussi d’avoir égaré autant de temps.
Redépart pour la descente vers Sils. Ça démarre par un bon raidard, attention aux glissades. Le balisage est de nouveau quasi inexistant. A part une flèche au début sur le poteau des panneaux pédestres sur lequel est indiqué Sils, il n’y a ensuite plus aucun piquet-fanion réfléchissant. Puis une longue traversée en pente plutôt descendante.
Je retrouve le trio Daniela/Rebecca/Oupschaisplusonnomdésolée. Ils ont quelques difficultés à s’orienter, à cause de lampes pas très efficaces et d’une méconnaissance du parcours. Tout le contraire de moi, avec ma lampe qui éclaire comme en plein jour (1200 lumens, ça cause) et surtout qui sais où je vais, merci la reconnaissance. A mon avis, aller sur le site Swissmobile pour imprimer et emporter une carte topo détaillée au 20'000 ou 10'000 de ce passage n’est pas une sotte idée. (https://map.wanderland.ch/?lang=fr&route=all&bgLayer=pk&resolution=250&X=631750&Y=189000&layers=Wanderland ) Ou alors, une reco de jour de ce tronçon Pontresina-Sils, ce qui en plus permet de profiter du panorama fabuleux sur « la plus belle vallée du monde ».
(Photo de la reconnaissance)
Quant au panorama de cette nuit, c’est à peine si on voit un peu d’éclairage public en plaine vers Silvaplana. Et de temps en temps les lumières de quelques très rares concurrents.
Je dépasse donc le trio qui ne s’accroche pas et continue mon chemin sur cette longue traversée. C’est assez cabossé mais le sentier reste quand même relativement roulant (je sais, c’est assez contradictoire) jusqu’à un torrent : impossible de le traverser à pied sec même par beau temps. Donc mes pieds, qui étaient déjà bien froids, sont à présent froids ET mouillés, ZUUUUUT !
Ce qui m’amène à la prochaine bifurcation et à la descente finale plus raide sur Sils.
Juste avant cette bifurcation, j’aperçois une lumière vers le haut. C’est en direction de Station Furtschellas. Nous n’y allons pas du tout. Bizarre, cette lampe à cette heure de la nuit. Arrivée à la bifurcation, le balisage de course est inexistant, rien, nada, que dalle, même pas la flèche orange habituelle attachée au poteau métallique des panneaux de tourisme pédestre. Il n’y a que le panneau jaune qui indique Segl vers le bas.
En ce qui me concerne, pas de soucis, je sais où je vais, mais je me dis que pour les Asiatiques, salut la course d’orientation et bonjour la partie de jardinage.
Car voilà le piège : Segl est le nom romanche de Sils, Sils est le nom allemand de Segl. Segl et Sils sont une seule et même localité ! Or, sur le panneau pédestre à Station Murtèl, il était écrit Sils. Et sur la documentation de course, par exemple la timetable, on ne trouve nulle part la mention de Segl, on ne parle que de Sils. Ceci dit, sur les cartes topos au 50’000 fournies par l’organisateur, il est bien fait mention de Sils/Segl.
Petit aparté linguistique : Il faut savoir que dans la région et selon les vallées, la langue est soit le romanche, ou plutôt une de ses nombreuses variantes, soit l’allemand, ou plutôt un dialecte alémanique. Et pour compliquer encore plus, on parle aussi l’italien dans certaines vallées. C’est ainsi que les cols s’appellent Pass, Passo, Fuorcla, ou Furschella, que beaucoup de localités portent deux noms, par exemple sur notre parcours de course Bergün/Bravuogn, Pontresina/Puntraschigna, Bivio/Bevia, Lantsch/Lenz, Lenzerheide/Lai. On dit chamanna (abrégé Cna) ou Hütte (pour cabane en français de Suisse romande et refuge en français de France). Et sur les panneaux de tourisme pédestre, on peut donc trouver toutes ces dénominations. Mais de manière générale, l’allemand tend à supplanter le romanche, et on en a une illustration dans notre documentation de course.
Absorbée par mes pensées, musique dans les oreilles, je sursaute quand tout à coup quelqu’un arrive à toute vitesse derrière moi. Tiens, le trio ne court pas aussi vite et je n’ai vu personne d’autre… Voilà un gars. Nous échangeons une phrase ou deux en allemand avant de nous rendre compte que nous sommes tous les deux francophones ! Ça fait du bien de parler un peu français. C’est Sébastien, un jeune Neuchâtelois de moins de 30 ans.
C’est lui qui se trouvait justement sur les hauteurs en direction de Furtschellas et c’est sa lampe que j’avais aperçu là-haut. A la bifurcation, bien qu’aidé de la carte, il était parti sur le mauvais chemin. Quand il a vu ma super lampe qui partait dans une autre direction, il est vite redescendu.
Sébastien n’est par contre pas convaincu par notre itinéraire, bien que je lui confirme être sûre et certaine à 100%. De toute façon, nous devons aller à Sils/Segl, alors autant y aller par le chemin le plus court. Et c’est juste à ce moment-là que nous retrouvons nos balises, ces piquets avec fanions oranges et réfléchissants. Ils seront d’ailleurs extrêmement présents jusqu’à Sils, et il sera impossible de se tromper aux prochains embranchements. Étonnantes, ces différences qu’on constate dans le balisage. Y aurait-il eu un débalisage sauvage entre Roseg et les hauts de Sils/Segl ? Sébastien file devant, avec une bonne vitesse. Merci à lui pour la compagnie.
J’arrive seule à Sils/Segl à 5 heures du matin (roadbook 2h52) où mon très cher Super Ravitailleur m’attend : que je suis heureuse de le trouver là ! J’ai droit à un sandwich et surtout des encouragements bienvenus, car je marque un peu le coup. Il fait 5° et voilà 25 heures que je suis partie de Davos. Je suis toute seule depuis un sacré bon moment, à part l’intermède avec Sébastien.
Je repars, Super Ravitailleur m’accompagne jusqu’à la sortie du village encore endormi. Il s’agit maintenant de rejoindre Maloja à 8 km. De nuit, c’est un peu long, par une route non goudronnée qui longe le lac Lej da Segl/Silsersee de façon très monotone et propice à l’endormissement.
C’est long, long, long, puis on emprunte un sentier sur quelques kilomètres, et dès Isola, à nouveau une route : long, long, long… Le jour se lève, une nouvelle journée commence.
Et soudain, voilà Super Ravitailleur qui vient à ma rencontre, yes ! Je passe le panneau des 100 km. C’est la mi-course.
Maloja, 1800 m, km 101, 6h24 (au lieu de 4h02), barrière horaire à 9h30
J’avais prévu une pause de 01h05. Ce sera 1h10 en réalité. Se laver, crémer les pieds, se changer entièrement, tartines avalées difficilement, puis départ vers le bus pour une nouvelle sieste bienvenue de 20 minutes, un sommeil profond.
Puis encore quelques tartines, du thé et du café.
Voilà, 7h35, 2h20 de retard sur le plan de marche, je suis prête pour attaquer cette nouvelle journée de samedi.
C’est la mi-course. A posteriori, en étudiant mes temps de passage réels, je constate que j’ai eu besoin de 26h24, plus la pause ici, pour la première moitié de la course, dans des conditions météorologiques épouvantables. Et que j’ai jusqu’à dimanche soir 20h, pour rallier l’arrivée 100 km plus loin, soit 36h25. Donc à ce moment-là, ça aurait dû le faire à l’aise. Mais sur le moment, tout ceci ne me traverse pas l’esprit, je me concentre alors uniquement sur la prochaine étape.
La météo annonce du soleil, mais toujours du vent, et des températures fraiches. Donc a priori idéales pour moi. Je décide d’embarquer mon appareil photo.
5e étape : Maloja - Bivio
Moteur pour la montée du Pass Lunghin, 850 m d+. Je ne l’ai gravi qu’une fois en reconnaissance il y a déjà 2 ans, dans un brouillard tel que nous avions dû nous orienter au GPS.
Heureusement peut-être que je n’y suis pas retournée car ce matin la 1ère partie est une galère…
J’ai la sensation très désagréable de ne pas avancer, il y a des marches assez hautes, des escaliers en bois, un sentier très raide avec de nouveaux des marches et l’eau qui descend du col, canalisée sur le sentier donc transformé en ruisseau et de nouveau les pieds trempés. Il est écrit que j’aurai les pieds mouillés pendant quasi toute la durée de la course…
Points positifs : il fait beau et la vue est bien dégagée sur la « plus belle vallée du monde ».
Et là en bas, depuis la base de vie de Maloja, Super Ravitailleur veille sur moi.
Un autre point positif : ma rencontre avec Max, 60 ans, qui participe pour la 3ème fois au Swiss Irontrail T201 et qui n’a malheureusement jamais réussi à terminer, et qui me dit que ce sera celle-ci ou jamais.
Un peu plus haut, il y a aussi Susanne, une W50. Max me distance un peu afin d’essayer de la rejoindre. Susanne fait peur à un troupeau de vaches qui ont l’air de s’emballer. J’espère qu’elles se seront calmées d’ici que j’arrive car l’année passée au T121, sur les hauts de Savognin, j’avais connu une mésaventure qui aurait pu mal tourner.
Passage du troupeau sans encombre, du coup un photo s’impose.
Arrivée aux lacs et pour les photos suivantes, ce n’est pas gagné car le brouillard s’installe.
Pour les pieds froids et trempés, c’est gagné depuis longtemps, et en plus, la neige mouillée recouvre le sol. L’altitude est de 2500 m et tout est blanc, alors que cette nuit, je n’ai par chance pas eu de neige même à 2700 à Segantini ou Surlej.
En fait la neige est la bienvenue car il est plus facile de suivre les traces, sans devoir se concentrer sur les balises. Car avec le brouillard et la neige, on a vite fait de perdre son chemin par ici, vu le terrain très minéral, avec des dalles rocheuses et des gravats sans aucune végétation et pas de sentier visible.
Pass Lunghin, 2645 m. Ce col marque une triple ligne de séparation des eaux : une goutte d’eau, enfin je veux dire un flocon de neige tombé ici finira soit en mer du Nord, soit en Méditerranée, soit dans la mer Noire. C’est le centre de l’Europe.
La descente vers le Septimerpass est blanche, 330 m d-, prudence.
Septimerpass, 2310 m, sans neige. Il y a des balises auxquelles ont été rajoutées des lampes de poche qui clignotent. Elles sont bienvenues (les balises, pas les lampes de poche, car il fait jour, faut suivre !) car tout le faux plat qui suit est une vaste plaine, sans un vrai sentier unique et on aurait vite fait de se perdre, même de jour. Je félicite pour le bon balisage la bénévole qui se trouve à une bifurcation et qui me demande comment je vais. Puis un long plat sur un sentier roulant nous emmène sur la descente encore plus roulante sur route vers Bivio.
Je double Max qui se ménage dans les descentes et arrive au ravitaillement de Bivio où m’attend Super Ravitailleur.
Bivio, 1769 m, km 115, 31h55 de course, 11h55 (prévu 9h32). A posteriori, je vois que la moyenne est descendue à 3,5 km/h, avec il est vrai 2 x 20 minutes de sieste.
Le poste de ravitaillement est situé dans un bistro. J’ai droit à des applaudissements et des félicitations chaleureuses en arrivant. C’est assez petit, 2 ou 3 tables. Petit mais très sympathique. Il y a plus de bénévoles que de concurrents. À part Susanne et moi, personne.
Susanne est déjà attablée et c’est difficile pour moi car je n’ai envie de rien. Je suis un peu en panne de moral et ce malgré un retard tout relatif stabilisé depuis Maloja à 2h20. Mon roadbook était de toute façon un peu trop optimiste pour la nuit passée. J’ai toujours un peu mal au ventre, comme un point de côté à droite. J’essaie d’aller aux toilettes mais ça ne passe pas.
Tout le monde est aux petits soins avec moi, à me dégazer du Coca ou m’apporter du cake au chocolat. Apparaissent aussi devant moi des sandwichs, des chips, des biscuits salés, une salade de pâtes maison, un Twix, merci mon Super Ravitailleur.
La pause dure 27 minutes, j’en avais prévu 30.
6e étape : Bivio – Savognin
12h20, je repars sans la veste ni les gants, une première depuis le départ hier matin. La température dépasse enfin les 10°.
Direction Savognin, pour une partie sans grand dénivelé ni cols à haute altitude mais assez longue quand même (22km). Heureusement depuis cette année, on ne passe plus le Furschela da Colm, sinon c’est carrément interminable, beaucoup plus technique et avec du dénivelé en plus.
Ça ne va pas bien. La 1ère montée de 350 m d+ est un calvaire, je dois m’arrêter après chaque épingle d’un sentier assez raide mais sans marches. J’ai de la peine à respirer et le vent arrive de face. Je prends un gel et repars, motivée par essayer de rattraper ou au moins suivre de loin un gars plus haut devant moi. Gars qui n’a pas finalement pas l’air d’aller beaucoup plus vite (ou moins lentement) que moi.
Je rattrape Max en fait. Il ne s’est pas attardé à Bivio et va toujours assez bien dans les montées. Nous passons par le marécage de Murtèr, et qui dit marécage dit… pieds mouillés, mais oui ! Impossible de trouver un passage pour garder les pieds secs ici même par ce super beau temps et vent asséchant. C’est mon destin, c’est écrit dans l’Evangile selon saint Dynafit, Anne-Laure, les pieds mouillés tu as eu, tu as et tu auras, ainsi soit-il, amen ! Et si t’es pas contente, amen quand même ! Faudrait que je lise l’Evangile selon saint Goretex pour ce genre de conditions…
Max s’accroche sur la courte descente sur Alp Natons. Voilà la montée de Kanonensattel. Ça va mal. Je m’arrête pour prendre encore un gel, sortir la carte pour regarder le d+ : moins de 300 m, ouf ! Car si ça va bien dans les descentes et les plats, j’ai de plus en plus de peine à respirer dans les montées. Du coup, Max s’arrête aussi et Susanne qui discute avec un groupe de randonneurs également.
Max est cuit et me demande de l’aider pour cette prochaine grimpée. Je voudrais bien le soutenir à réussir à boucler son Swiss Irontrail, mais là, je suis trop dans le dur. Je lui réponds que je suis désolée, mais que j’ai trop de peine dans les montées. C’est Susanne qui le motive et ils partent tous les deux comme des bolides, pied au plancher à une vitesse supersonique (ou presque). Je me contente pour ma part de mettre simplement un pied devant l’autre jusqu’au col.
(Vue en arrière sur Alp Natons)
Puis je courotte dans la descente sur Salategnas et le plat en direction de Tigias. J’arrive à trottiner sur toute la traversée du haut-plateau d’Alp Flix.
J’aperçois le ravitaillement un peu plus loin. Susanne y discute avec les bénévoles locaux.
Ravitaillement d’Alp Flix dans le hameau de Tgalucas, 16h26, roadbook 13h07, 3h20 de retard. Je constate que je ralentis de plus en plus.
Tout le monde est très accueillant et il ferait bon y rester plus longtemps, mais bon, faut y aller. Petite photo d’un groupe qui encourage les participants à grand renfort de sonnailles. Merci pour les encouragements. Ils sont tout surpris d’être pris en photo, mais comme je l’ai déjà écrit, c’est aussi grâce à eux que l’aventure est belle.
J’échange quelques mots avec Susanne. Nous sommes bien contentes de poursuivre à flanc de montagne et de ne pas devoir nous coltiner la grimpée vers le Furschela da Colm. Nous évitons ainsi un bon raidard de 500 m d+ pour commencer, suivi d’une interminable traversée technique, puis très technique même, avec un pierrier bien gratiné. J’avais reconnu cette portion il y a deux ans, et ce fut une galère. Alors en course, avec la fatigue, ce serait encore pire. D’ailleurs, TomTrailRunner en avait fait une description dantesque dans son non moins épique récit de course ici (merci et bravo à lui au passage !) : http://tomtrailrunner.kikourou.net/billet.php?idbillet=7
L’organisateur a fait l’impasse sur ce col, car il était difficile à baliser, vu le terrain.
Départ du ravito sur un route carrossable avec de jolis chalets, avant de reprendre un sentier technique qui nous amènera sur Plaz Beischen. D’après un touriste rencontré au début de ce chemin, ce sera sec tout le long : je ne sais pas par où il est monté exactement, mais pas par notre itinéraire, car après moins de 500m de plat sur ce joli sentier bien fréquenté, c’est une descente dans la forêt sur un chemin plein de cailloux et de racines et sur lequel l’eau se canalise : c’est donc à nouveau l’impression de courir dans un ruisseau…
Je reçois un appel de Super Ravitailleur. Le tracker GPS ne fonctionne plus depuis Alp Natons, Super Ravitailleur ne sait pas trop où j’en suis et s’inquiète. Super Ravitailleur m’annonce qu’à Alp Natons, j’étais 59ème sur 84 participants encore en course. Déjà 50% d’abandons, je ne sais pas trop qu’en penser.
Je profite de la pause téléphone pour replacer le tracker GPS dans une position plus favorable. Je repars en courotant. En fait, actuellement ça ne va pas si mal, parce que ça descend beaucoup et remonte peu, sur des sentiers de plus en plus roulants, voire carrément des routes goudronnées. En plus, je rattrape et dépasse Max.
Juste avant la dernière longue traverse entre Tinizong et Savognin, je double un participant du T121. C’est le premier que je vois et c’est bizarre, car l’année passée, le T121 ne passait pas par là. Après consultation des cartes, je vois que le T121 descend en fait directement sur Savognin depuis le Pass digls Orgel, sans passer par le fameux pâturage où les vaches nous courent après. Peut-être y-a-t-il eu d’autres mésaventures plus graves que la mienne l’année passée ?
Tinizong, un sentier à plat, mais en fait non, aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il monte et descend tout le long. Je suis à présent essoufflée même sur cette portion facile. Ça siffle un peu en respirant. Et toujours des douleurs abdominales. Mais que m’arrive-t-il ? Je commence à gamberger. J’ai comme un déclic dans ma tête : comment vais-je pouvoir continuer comme ça ? Ce ne sera pas possible, je vais être contrainte de jeter l’éponge sous peu.
Je suis plongée dans ces idées noires quand un concurrent du T121 devant moi se fait sauter dessus par deux chiens non tenus en laisse. Le gars s’énerve très fort avec la propriétaire, qui répond sur le même ton. Je n’ai pas tout compris à leur dialecte suisse allemand, mais ça devait être gratiné et fleuri.
Cet intermède me sort un peu de ma gamberge négative centrée sur ma petite personne, voilà une route goudronnée pour une traversée de ce gros village de Savognin.
Savognin, 1176 m, km 137, 38h16 de course, barrière horaire 22h, 18h16 au lieu de 14h37 prévu, le retard a encore augmenté, 3h40 désormais. A posteriori, je constate que la vitesse moyenne augmente un peu, 3,6 km/h, alors que je me suis traînée.
Super ravitailleur m’attend et a déjà tout préparé à l’intérieur du centre sportif/halle polyvalente/école. C’est le super luxe ici, de la place, des douches, dortoir, écran géant avec la position des participants sur la carte, etc.
J’avais prévu 1h30 de pause. Nous récupérons mon sac d’allégement, je pars directement à la douche, un vrai bonheur, en plus il n’y a personne. Je me restaure bien, puis direction le bus pour une sieste.
Je peine à m’endormir car je n’arrive pas à respirer normalement même à l’horizontale en ne faisant aucun effort. Là je m’inquiète pour de bon, et après un long moment de gamberge, j’arrive à la conclusion inéluctable : je vais devoir abandonner. Mais je m’endors finalement profondément.
Je me réveille spontanément après 20 minutes qui sont passées en 1 seconde. J’ai l’impression que ça a donné le tour, je me sens mieux. Je me dis que cela ira encore mieux après avoir mangé encore un petit quelque chose.
Je fais part à Super Ravitailleur de mes soucis, que je m’inquiète pour la suite, que je me suis rendue compte dans l’étape précédente que j’avais de plus en plus de mal à respirer fort dans les montées et que je suis de plus en plus lente. Il me dit que je souffre peut-être d’un refroidissement ou que je développe un asthme à l’effort.
Super Ravitailleur me suggère d’aller voir le médecin. Mais non, je ne pense pas être aussi mal en point, alors pas de médecin. En fait, je n’ai pas envie que le toubib me dise d’arrêter ici, je ne veux pas entendre ça, je ne suis pas prête à accepter un abandon après tous ces efforts dans ma préparation et depuis le départ. Inacceptable à ce moment-là.
7e étape : Savognin – Lantsch/Lenz
Je m’équipe pour la nuit à venir et en route pour le dernier tiers de cette épreuve.
Redépart à 19h46, quel timing, pile 1h30 de pause comme prévu.
En sortant, je croise Sébastien…mais que fait-il là ? En effet, il court presque 2 fois plus vite que moi…mais il est aussi presque 2 fois plus jeune. Il me répond qu’il a peu d’expérience sur genre d’épreuve et qu’il a dormi 2 fois 3-4 heures. Il a effectivement l’air super frais.
Je me sens un peu mieux et repars à l’assaut de cette étape « facile » à venir. Une portion de transition qui traverse quelques villages et hameaux par des sentiers faciles, sans dépasser les 1500 m d’altitude.
Dans la montée de Riom, je me fais doubler par Max et j’ai de nouveau beaucoup de peine à respirer. Est-il est normal de respirer ainsi après 40 heures d’efforts ? Le froid, l’humidité, avec les pieds gelés et mouillés des 24 premières heures auraient-ils eu raison de mes bronches et de ma santé ?
Je commence à tousser car j’ai le super « glémeux » type toux grasse en fond de gorge et surtout un sifflement à l’aspiration et l’expiration. Je m’arrête. Que faire ? Surtout pas de décision hâtive ! Me voilà à cogiter et surtout me dire que ce n’est vraiment pas normal, que je vais me griller les poumons à continuer malgré tout, voire pire.
Selon le protocole prévu en cas de coup dur, j’appelle Super Ravitailleur. Je lui demande de me rejoindre et de faire un bout de chemin avec moi pour voir comment et avoir son avis.
En attendant qu’il arrive, je m’assois sur le bord du trottoir au centre de Riom. Un habitant vient près de moi pour me dire qu’il est impressionné par ce que nous réalisons et me félicite. Je lui confie que je ne vais pas bien du tout. Il vient s’assoir à mes côtés et me demande s’il peut faire quelque chose pour moi. Trop chou Merci encore à lui. Merci aussi aux deux concurrents du T121 qui se sont aussi arrêtés pour m’inviter à me prendre sur leur porte-bagage. Merci, mais non, car j’attends Super Ravitailleur.
A son arrivée, nous marchons un bout de chemin ensemble. A la montée suivante, je cale, incapable de prendre mon souffle. Super ravitailleur me sort la phrase que j’attendais, espérais ou redoutais, je ne sais pas trop : il me dit qu’il faudrait envisager d’arrêter, qu’il serait plus sage d’en rester là, avant que la situation n’empire.
Conciliabule entre Super Ravitailleur et moi : de toute façon, vu que je ralentis de plus en plus, il me sera impossible de rallier Davos sans me faire rattraper par les barrières horaires. Que je pourrais éventuellement continuer jusqu’à Lantsch/Lenz, pour atteindre l’objectif initial de 160 km. Mais que je serai sur les rotules alors que l’objectif était aussi d’avoir du plaisir et de rester en bonne santé. Autant arrêter ici et passer une vraie bonne nuit dans un lit, une nuit blanche en moins et du temps de récupération plus important pour la suite de la saison. De toute façon, j’ai déjà dépassé ma plus longue distance et longue durée en course, donc l’objectif est atteint. De plus, ce n’est peut-être pas qu’un simple refroidissement.
Nous convenons qu’il serait plus prudent de consulter le médecin de course et d’aviser ensuite. Mais nous décidons aussi que je ne prendrai aucun éventuel médicament, ni n’accepterai aucun produit, ni rien d’autre administré par le médecin dans le but de finir la course. Si je dois me médicamenter, je m’arrêterai. Nous pratiquons en effet du sport depuis des années sans aucune médication, quelle qu’elle soit. Nous voulons rester fidèle à cette philosophie. Il est donc exclu de continuer sous médicament le cas échéant.
Donc retour à Savognin chez le médecin. Une bonne heure de batterie de tests : électrocardiogramme, taux de sucre, pression, etc. Tout est ok. Le médecin m’informe que je n’ai pas de problèmes cardiaques, ni rien de grave, qu’il s’agirait d’un gros refroidissement qui ne va certainement pas s’améliorer cette nuit et sur les 60 derniers kilomètres. Mais un examen plus approfondi sera nécessaire auprès de mon médecin traitant. Et que dans l’intervalle, il me conseille de me reposer et de stopper ici ma course.
Bien que super-méga déçue, je décide donc d’arrêter ici. Il m’en coûte beaucoup, car le Swiss Irontrail était mon unique objectif de l’année, que j’avais préparé minutieusement depuis des mois. Un de mes buts était de rester en bonne santé et ce ne sera visiblement pas le cas.
Je passe au bureau de course. C’est fini.
Mon Swiss Irontrail s’est donc achevé après Riom vers le km 140. 7400 m d+ selon mon Polar et 8300 m d+ selon l’organisateur
Epilogue
Comme j’avais déjà pris ma douche, c’est donc rapidement que je peux me coucher vers 22h et profiter d’une bonne nuit de sommeil réparatrice.
A 5h, Super Ravitailleur est réveillé par le bazar que je tiens à farfouiller dans le frigo, car je suis affamée. Nous décidons de déjeuner et ensuite de partir sur Davos pour récupérer le sac d’arrivée et rendre la puce électronique et le tracker GPS.
À 8h dans l’aire d’arrivée quasi déserte, des participants en terminent dans l’indifférence générale. C’est le revers de la médaille d’une course où sur le T201 il y a 188 participants inscrits, 155 au départ et 64 à l’arrivée. 34%, respectivement 41% de finishers : dur dur le Swiss Irontrail 2016 !
En route pour la maison, nous profitons de suivre via Tractalis les derniers concurrents encore en course. Et je constate avec émotion que Max en a terminé Bravo à lui Et Susanne aussi, ainsi que Sébastien. Bravo !
Rebecca et Daniela par contre ne sont pas arrivées au bout.
Bilan
A l’heure du bilan :
Dans la semaine suivante, j’étais contente d’avoir abandonné au moment où je l’ai fait, intimement convaincue d’avoir pris la bonne décision.
Cependant, au moment d’écrire ces lignes, je me sens forcément frustrée :
Je n’ai pas l’impression d’avoir gambadé par monts et par vaux pendant 40 heures car je n’avais aucune ampoule aux pieds, aucune douleur musculaire ou articulaire et pas spécialement sommeil. Je ne me sentais pas particulièrement fatiguée au moment de l’abandon.
Vraiment pas de chance avec cette météo le premier jour.
Le rendez-vous chez le médecin de famille a confirmé un « bête » refroidissement.
Le « bête » refroidissement s’est soigné tout seul en moins de 7 jours de repos.
10 jours après la course, je courais de nouveau comme une gazelle (vitesse d’ultratraileuse, hein ? c’est-à-dire 9 km/h), sans aucun problème respiratoire ou autre.
Je suis aussi sereine :
J’étais encore bien lucide après 40 heures.
Mon moral est resté dans l’ensemble bon, malgré des conditions météo exécrables.
Grâce à cet abandon, j’ai pu profiter pleinement de mes deux semaines de vacances fin septembre (grand bleu et pas un nuage) pour faire des reconnaissances de parcours d’autres ultra-trails, et de profiter des magnifiques paysages de ces randonnées en montagne.
J’ai de nouveau acquis de l’expérience.
Points positifs personnels
Je me rends compte a posteriori de ma bonne préparation : les pieds, jambes etc. sont restés nickels et ont répondu présent jusqu’au bout.
Les micro siestes de 20 minutes me conviennent bien, mon sommeil a été profond les trois fois et je me suis réveillée spontanément sans réveil.
Notre binôme avec Super Ravitailleur a bien fonctionné, nous avions tout préparé en amont, et pour l’improvisation, je peux compter sur lui.
La préparation de cette course a servi à faire des sorties d’entrainement sympas dans nos belles régions de montagne (les Grisons, le Valais).
Mes résolutions suite à mes erreurs
Ne pas perdre trop de poids les mois précédents, car j’ai l’impression d’avoir affaibli mon organisme qui n’a pas supporté la météo, alors que d’habitude, je ne suis jamais malade. Perdre du poids oui, mais bien en amont et le stabiliser bien avant la course.
Partir trop fort est une erreur, mais ça, je le savais déjà avant. Il faut avoir les nerfs solides pour être ultra limite sur les premières BH. Et surtout, il ne doit rien arriver de fâcheux. Je vais travailler ce point.
Ne pas stresser à cause de ces barrières horaires, alors qu’objectivement j’avais suffisamment d’avance.
Idem concernant mon roadbook et le retard pris, alors qu’au niveau BH, j’étais bien.
Changer de bustier régulièrement si les températures sont glaciales.
Alimentation en course : manger des pommes de terre ou de la salade de pâtes maison s’il fait chaud, et pas des pâtes trop grosses et trop cuites.
En cas de prévisions météo aussi mauvaises, lors de la prise de dossard se rabattre sur le T121 et ne pas s’entêter malgré tout sur le T201. Car ceux qui sont arrivés au bout cette année sont des gens a priori bien plus expérimentés que moi sur cette distance folle. D’ailleurs, il y en a qui ont enchainé avec l’UTMB puis le Tor des Géants ou 4K. J’ai donc cumulé la difficulté de la météo avec cette distance inconnue pour moi.
Points positifs organisation de la course
Quelle belle région ! Tout est fait pour le tourisme pédestre : hébergements, transports publics, entretiens des sentiers, balisage, buvettes, etc. Mieux que le Valais de ce point de vue.
« Petite » course sans trop de monde, très cosmopolite. Parler l’allemand et l’anglais : un plus. Densité des coureurs très faible, idéal pour qui aime la fameuse solitude du coureur de fond et pour celui qui veut éviter les courses trail-business surpeuplées.
Pas de points, tirage au sort ou autre : tout le monde peut y participer.
Attribution de 4 points (6 nouveaux) UTMB pour le T121, et attribution en cas d’abandon de 3 points aussi (5 nouveaux) pour le T201 jusqu’à Maloja, et 4 (6 new) dès Savognin. Le T91 n’existera plus en 2017.
Pour les suiveurs et la sécurité : un système de suivi GPS en temps réel au point et dans l’ensemble très fiable (Tractalis).
Pour les suiveurs : toutes les infrastructures sont accessibles sans restriction, même les douches ! (Même si cela n’est pas officiel, mais chut…)
La date placée de telle façon qu’il est possible d’enchainer sur un autre ultra en septembre. Ce sera encore mieux en 2017, une semaine plus tôt.
Points négatifs organisation de la course
Cette année, pas de SMS météo via le chronométreur, qui n’est plus Datasport. Ceci dit, le bulletin météo était affiché dans tous les postes de ravitaillement.
Balisage perfectible cette année.
Départ de la course déplacé au vendredi à 4h (au lieu de jeudi 8h), avec une arrivée dimanche à 20h (au lieu de samedi minuit). Donc une courte et mauvaise nuit précédente, et pour le lundi suivant, c’est un congé obligatoire.
Cette année, nous avons trouvé l’organisation un peu « light », ambiance morose à Davos, pas de briefing par exemple avant la course. Etait-ce dû à la météo ? Ou à l’heure très matinale du départ et l’interdiction de faire du tapage nocturne ?
Pour 2017, quelques changements
La date est donc avancée d’une semaine, 28 au 30 juillet.
La distance est encore augmentée : 214 km.
Quelques modifications de parcours
300 m de dénivelé de plus entre Scaletta et Kesch, youpie !
On ne passe plus le col technique du Margunin, 600 m d+ en moins, dommage…
Après le Lunghin, la longue descente très roulante vers Bivio est supprimée car on remonte sur 2 nouveaux cols (2671 m et 2586 m) avec 300 m d+ supplémentaires, youpie bis !
Tracé plus direct entre Tiefencastel et Lenzerheide.
Merci à l’organisateur pour sa belle course.
Merci à tous les bénévoles pour leur accueil et immense respect pour leur engagement.
Merci à tous les participants qui ont partagés avec moi.
Merci aux habitants de la région pour leurs encouragements et sollicitude.
Merci tout spécial à mon Super Ravitailleur pour son appui.
Le Swiss Irontrail T201 vu par l’assistance
Cette année encore, j’ai la chance de pouvoir assister Anne-Laure durant toute sa course. Mission que j’ai acceptée :
Être à sa disposition à chaque heure du jour et de la nuit, ainsi qu’avant le départ et après l’arrivée.
Prendre en charge tous les aspects logistiques.
Prendre des décisions en cas de baisse de lucidité.
Et aussi rebooster en cas de baisse de moral.
Improviser s’il le faut.
C’est moi qui m’adapte à sa course et pas le contraire.
Et pour ce qui me concerne, pour manger, dormir et tout le reste, c’est article 22 « débrouille-toi ! »
Je pourrai suivre Anne-Laure en temps réel grâce au tracker GPS dont sont munis tous les concurrents. Mon outil le plus précieux, à part le véhicule : un smartphone pour le suivi GPS via l’application Tractalis, le téléphone, les SMS et le réveil.
Nous avons aussi préparé un classeur avec tous les détails de la course : Timetable, cartes topographiques détaillées, plan de ravitaillement, contenu du sac, protocole lors de nos points d’assistance, inventaires, le tout écrit en grand et sous plastique, car je ne suis pas à l’abri d’oublier quelque chose ou de faire une erreur lorsque la fatigue sera là.
Pour l’avoir reconnu en compagnie d’Anne-Laure, je connais tout le parcours, donc je visualise bien le terrain et la vitesse de marche envisageable. Les reconnaissances m’ont aussi permis de me rendre compte du temps de trajet par la route, de repérer les coins tranquilles pour dormir et où se garer vers les bases de vie.
Bref, nous avons mis tous les atouts de notre côté pour que cette aventure se passe au mieux.
La course
Pour moi, la course a déjà débuté le mercredi soir par un coup de chaud : sur la route en nous rendant à Davos, un message apparaît au tableau de bord du bus : « Garnitures de freins, veuillez passer à l’atelier ». Gros coup de stress. Heureusement, Davos est une localité d’importance et on y trouve des concessionnaires.
Jeudi matin, au lieu de nous reposer, direction l’atelier à la première heure. Malheureusement on m’annonce qu’ils n’ont pas les pièces et qu’il faut les commander. Elles seront là pour la journée de vendredi. Oui, mais moi, j’ai une course le vendredi, c’est impossible de passer au garage ce jour-là. Que faire ? Louer un autre véhicule ? Je dispose d’un véhicule adapté : un minibus aménagé, doté d’une couchette, d’un chauffage stationnaire, ainsi que de la place suffisante pour tout le matériel. J’emporte tout ce qu’il faut pour être en autonomie totale du jeudi soir au lundi matin. Je ne perdrai ainsi pas d’influx à rechercher un magasin ou un restaurant. Alors louer un autre véhicule au pied levé me parait inconcevable.
Un examen visuel révèle toutefois qu’il reste 5 mm d’épaisseur sur les plaquettes de frein. Le garagiste me dit que ça tiendra tout le week-end si je ne conduis pas debout sur les freins. Bon alors on fera avec, tout comme ce message au tableau de bord qui n’arrêtera pas d’apparaitre toutes les 5 minutes. Et j’entendrai bien au bruit lorsque les garnitures de freins arriveront en bout de course.
Deuxième coup de chaud : ce jeudi, il fait justement très chaud à Davos, et à cause de ces soucis de freins, nous devons renoncer à aller nous reposer au frais en altitude vers le Flüelapass. Le contraste avec les températures durant la course sera d’autant plus marqués : 20° de moins en 12 heures.
Nous profitons de l’après-midi pour réviser nos différents points de rendez-vous, quel matériel, quelles chaussures, etc. Nous avions tout préparé à l’avance, tout est déjà consigné par écrit. Les 5 paires de chaussures sont numérotées, avec déjà la paire de chaussettes à l’intérieur. Je sais où est rangé quoi, et si jamais, il y a l’inventaire par écrit dans le classeur.
Prise de dossard, souper, puis nous essayons de dormir. Vers 23h, un gros orage éclate, et ça donnera le ton des prochaines 20 heures : pluies très abondantes ininterrompues.
Davos 4h
C’est parti.
J’accompagne Anne-Laure et le peloton depuis le départ jusqu’au bus que j’ai garé à la sortie de Davos, sur l’itinéraire de la course. Puis moteur jusqu’à Dürrboden, ou plutôt à 5 km en aval, car cette route sur la fin est si étroite que je n’ai aucune envie d’y croiser les véhicules d’assistance des premiers concurrents qui redescendraient déjà. Essuie-glace à fond, sous des trombes d’eau et dans la nuit noire, je n’y vois pas grand-chose et suis très prudent.
J’arrive au parking « Swiss team », nommé ainsi car lors de la reco étaient parqués là les véhicules des skieurs de fond de l’équipe suisse. J’y retrouve un bus California qui fait de l’assistance comme moi. Premier coup d’œil sur le suivi GPS. Ça marche bien, je vois parfaitement où est Anne-Laure. J’aperçois les lumières au loin, puis les premiers passent. Quelques concurrents ne se compliquent pas la vie à emprunter le sentier, ils passent sur la route.
Selon le suivi GPS, Anne-Laure devrait arriver…maintenant…et la voilà ! Le suivi GPS via Tractalis est très précis, avec en fond soit une carte assez sommaire genre Openrunner, soit une photo satellite avec une fonction de zoom. Y apparait aussi la vitesse instantanée du concurrent, sa catégorie et son classement. Tractalis va me rendre bien service. On peut suivre jusqu’à 20 personnes en même temps, qu’il faut sélectionner au préalable. Je filtre toutes les féminines.
Le ravito sauvage se passe moyen, vu que je n’y vois rien sans ma frontale. Anne-Laure repartie dans la nuit et la pluie, j’hésite tout d’abord de dormir ici un moment et de repartir de jour, mais je décide finalement de rouler pour profiter des routes désertes. Redescente vers Davos et je vois encore les lumières des derniers concurrents un bon bout plus bas : Le peloton est déjà très étiré. Allez, en route direction Tiefencastel et Bergün, 50 km de route de montagne, environ 1h15.
Vingt minutes après Davos, une vague lumière orange clignote au bord de la route. Je ralentis à 10 km/h, et là, je vois de gros rochers sur la route. A cause du déluge qui s’abat sur la région depuis hier soir, il y a eu un éboulement. Le cantonnier vient juste d’arriver et est en train de sécuriser le tronçon, à défaut de le débarrasser de ces rochers. Mais là, il lui faudra de plus gros moyens.
Je me faufile. Quelle chance ! 5 minutes plus tôt, j’aurais peut-être percuté un de ces blocs et ma course se serait arrêtée ici. Merci au cantonnier d’avoir eu la bonne idée de passer avant moi ! Et c’est en prévision de ce genre d’aléas que nous avons quand même préparé les sacs d’allégement transportés par l’organisateur. Ainsi Anne-Laure pourrait malgré tout continuer sa course en cas de défaillance de son assistance.
Vers Filisur, le jour se lève et j’aperçois la rivière en train de déborder en contrebas. Vraiment pas de bol avec le temps : la pire dépression de tout l’été, pile aujourd’hui ! J’espère que l’organisateur sait ce qu’il fait, à envoyer les concurrents sur les hauteurs avec ce temps.
Bergün 6h45
Sur le parking juste après le poste de ravitaillement. Le California de tout-à l’heure est là, ainsi que d’autres véhicules d’assistance. Coup d’œil à Tractalis : Anne-Laure va passer le Scalettapass, elle est dans son planning. Je décide de faire une sieste. Pour ce faire, il faut transvaser tous les sacs sur les sièges avant pour faire de la place, pour que je puisse avancer la banquette, rabattre le dossier et déplier le matelas. Et voilà, mon lit est prêt. Je m’allonge pour une sieste de 45 minutes, avec la pluie qui tambourine sur le toit.
Sommeil léger, les réveils sonnent pour la deuxième fois de la journée. Replier le matelas, remettre la banquette et le dossier en place, aller rechercher les sacs sur les sièges avant, le tout sans sortir de cet espace réduit vu la météo, c’est la gymnastique que je ferai d’innombrables fois jusqu’à la fin de la course. C’est très bon pour ma souplesse, vu mon double mètre.
J’ai le temps, alors je vais chercher mon deuxième petit déjeuner de la journée à la petite boulangerie repérée à la reco. Retour au bus, déshabillage des habits mouillés sans inonder partout, puis manger un délicieux Bretzel salé au beurre, puis un sandwich au pain de Sils, excellent, le tout avec un thé chaud. C’est bon pour garder le moral, car cette météo aurait plutôt tendance à me faire déprimer, surtout en considérant le temps magnifique qu’il a fait la veille.
Je prépare l’intérieur du bus pour accueillir Anne-Laure qui sera trempée : papier journal partout, afin que le bus ne se transforme pas en dépotoir d’entrée de jeu. Puis je vais voir le poste de ravitaillement officiel. Contrairement à l’an passé, il se trouve à l’intérieur de la salle de gym. C’est bien achalandé : des tables, des bancs, il y a la possibilité de manger chaud, boissons diverses, salé, sucré, etc. Je ne savais pas que cette salle serait ouverte, nous avions décidé de faire le ravitaillement au bus, alors je vais m’y tenir.
Voilà Anne-Laure, tout se passe comme prévu, je m’occupe de son sac pendant qu’elle mange et se change.
12 minutes d’arrêt, puis la voilà repartie sous les trombes d’eau.
Avant de repartir, au calme et sans stress je prépare tout pour le prochain RDV à Crap Alv et la base de vie de Samedan. Je vais chercher les souliers secs dans le coffre et les mets dans un sac au pied du siège passager. J’ôte mes habits de pluie et les mets à sécher sans mettre de l’eau partout à l’intérieur. Je trie les habits mouillés laissés par Anne-Laure, ceux qu’il faut faire sécher, ceux qui vont au linge sale. Puis je prépare les sacs que je transporterai à l’intérieur de la prochaine base de vie : chaussures, habits, nourriture, boissons. Quand tout est prêt sur le siège passager, je me mets en route.
10h30, départ vers l’alpage de Crap Alv. C’est sur la route du col de l’Albula, c’est étroit et difficile de croiser par endroit, heureusement peu de monde, merci la météo. Il y a aussi des travaux, avec feux rouges. Je double deux concurrents qui montent par la route. Ont-ils perdu le balisage ou prennent-ils au plus simple et rapide ? Quoiqu’avec toutes ces épingles, ce n’est pas forcément plus rapide. L’un deux est en short, alors qu’il fait 6° et qu’il pleut très fort. A tout hasard, je note son numéro de dossard, pour voir plus tard s’il arrivera au bout. Et bien non, ceux que j’ai vus en short court depuis le départ vont tous abandonner.
Impossible de me garer à l’alpage de Crap Alv sans m’installer chez l’habitant, aussi comme j’ai le temps, je me gare un km plus haut en attendant. Il y a encore un autre concurrent qui au lieu de prendre le sentier prévu remonte par la route. Encore ? Pourtant le balisage était très clair à l’alpage. Déjà à la sortie de Davos juste après le départ, c’était pareil. Je me demande combien de gens prennent des raccourcis, sciemment ou pas.
Alpage Crap Alv 12h45
Voilà, Anne-Laure est en approche, je redescends jusqu’à la ferme et me gare au moins pire. Incroyable ce qu’il pleut, avec de telles quantités depuis hier soir. Il fait 5°. Il y a un hangar ouvert, je m’y installe avec le ravitaillement. Ce n’est qu’au bout d’un moment que je aperçois dans un coin des gens couchés par terre dans des sacs de couchage, et des vélos avec sacoches.
Voilà Anne-Laure. C’est à peine si elle mange quelque chose. J’espère qu’elle n’a pas l’appétit coupé par le stress et qu’elle s’alimente quand même en chemin. Je lui fais un point météo, à savoir pluie encore 5 heures, puis nuit sèche.
La voilà repartie. Je remballe mes cliques et mes claques, moteur, avec de nombreuses manœuvres pour me sortir de là, le tout avec les vitres latérales embuées. Je n’y vois rien, alors je les ouvre et la pluie tombe dedans, zuuuut. A peine reparti, un km plus haut, je croise le concurrent que j’avais vu remonter la route tout-à-l’heure et qui est en train de redescendre vers l’alpage de Crap Alv.
Je lui fais signe qu’il fait fausse route, il s’arrête. Nous discutons, tout d’abord pour savoir en quelle langue nous allons échanger. Ok pour l’anglais. Je lui dis qu’il est faux, mais au lieu de redescendre jusqu’à l’alpage de Crap Alv, il ferait mieux de continuer de remonter la route encore un km ou deux, car on recroise l’itinéraire un peu plus haut.
Il se rend bien compte que je fais l’assistance de quelqu’un, et me demande quelle est la météo pour les prochaines heures. Very very bad, que je lui réponds. Je ne suis pas du genre à enjoliver les choses et de raconter des bobards, d’ailleurs moi-même je n’aime pas trop lorsque sur mes courses, un bénévole me dit qu’il reste 5 minutes de montée alors que c’est 20 en réalité. Du coup, il me demande s’il peut monter avec moi et si je peux le déposer à Samedan. Oui, mais ça veut dire que tu abandonnes ? Tu es sûr ? Tu ne veux pas faire une pause et prendre une décision dans un moment ? Non, il en a marre de ce mauvais temps. Bon ok, je l’embarque. Il est bien entendu trempé jusqu’aux os, j’ai mis un sac plastique sur le siège pour éviter sa putréfaction précoce (le siège, donc). Jukka est finlandais et complètement frigorifié, je lui sors mon thermos de thé chaud et règle le chauffage à fond. En route.
1 km plus haut, voilà une place pour se garer, vite un tracker check : Anne-Laure est sur le sentier juste en dessous et va traverser la route. Je saute hors du véhicule et ai juste le temps de l’encourager que la voilà déjà partie dans la montagne.
Retour dans le bus et moteur en direction du sommet du col de l’Albula. La route devient enfin plus large. Mais d’abord, il faut un peu attendre que la buée sur les vitres s’estompe. Evidemment, avec deux gars bien mouillés à l’intérieur, et les affaires pendues un peu partout à l’arrière qui sèchent, la ventilation a bien de la peine. Bon, en route, prudence, tout en conversant avec Jukka. Je lui demande comment il fait pour s’entrainer pour une course aussi montagneuse et à cette altitude. Il me dit qu’il enchaine les montées d’une colline de 30 m d+ derrière chez lui en Finlande. Et qu’il n’a jamais eu de problèmes avec l’altitude, d’ailleurs il est déjà monté à l’Elbrouz à 5600 m sans soucis. Il a aussi participé plusieurs fois à l’Ironman d’Hawaï. Ah oui, d’accord, Jukka, c’est un client. Mais la météo a quand même eu raison de lui.
Samedan 14h
Une fois arrivé à Samedan, je laisse Jukka et essaie de trouver le meilleur compromis entre me parquer au plus près, au plus tranquille, à plat : coup de bol, ce sera à quinze mètres de l’entrée de la base de vie. Puis je vais voir comment c’est organisé, où sont les toilettes, etc. Je vois qu’il y a des douches : excellent !
Je profite aussi d’observer comment sont organisés les autres suiveurs/ravitailleurs. Un concurrent avec un sac minuscule a perdu ses gants après Bergün : il a franchi les cols Crap Alv et Margunin sans gants ! Le gars demande aux bénévoles s’il y en a quelque part. Pourtant ici on récupère le premier sac d’allègement et ce concurrent bénéficie d’une assistance privée, mais pas de gants de réserve malgré tout ? Si j’étais son assistance, je foncerais dans un magasin en ville fissa pour aller en acheter une paire ou deux, quitte à les lui donner au pied de la grimpée suivante sur Muottas Muragl ou à Pontresina. J’ai vu par la suite que ce concurrent est quand même arrivé au bout, malgré la température et la météo. Je ne sais pas s’il a retrouvé des gants, mais un grand bravo de toute façon, il y a des surhommes qui sont fait d’un autre bois que le commun des mortels (russe, le bois, ceci expliquant peut-être cela).
Puis je vais repérer le chemin d’arrivée et celui de départ. Régulièrement, je tchèque Tractalis pour surveiller la progression d’Anne-Laure. Je regarde aussi les prévisions météo.
Il faut aussi que je m’occupe de la veste, du surpantalon, des gants et surmoufouffles qui sont en train de sécher depuis Bergün, et je change régulièrement le papier journal à l’intérieur des chaussures mouillées. Tout est placé à proximité de la buse de sortie du chauffage stationnaire : quelle belle invention, le Webasto ! Ceci dit, il faut éviter si possible de faire fondre les souliers ou de mettre le feu au véhicule...
16h10, la maman d’Anne-Laure m’appelle pour savoir comment ça se passe. Elle veut lui faire la surprise de venir dimanche à Davos pour l’arrivée. Sympa, mais ce n’est de loin pas encore fait. De plus, si Anne-Laure arrive au bout, elle ne sera certainement pas très réceptive à ce moment-là et n’aura qu’une idée, aller au lit. J’essaie donc de dissuader sa maman à demi-mot. Mais elle a déjà pris son billet de train, et sa copine aussi. Soit, alors je la tiendrai régulièrement au courant par SMS.
Je consulte le classement live, il y a déjà une trentaine d’abandons. Je suis aussi toutes les concurrentes féminines grâce à Tractalis. Il y a une concurrente féminine que j’avais déjà rencontré l’an passé, une finisheuse du T201 : Anke. Il se trouve qu’à Bergün, Anke avait une heure de retard sur Anne-Laure, avec la limite de la barrière horaire aux fesses. Est-ce voulu ? Ou plafonne-t-elle ? C’est intéressant, je vais la suivre de près, pour voir comment une finisheuse de l’an passé gère sa course. A Bergün, Anke était quasi lanterne rouge (147, Anne-Laure 106).
Puis peu avant l’arrivée d’Anne-Laure, je me rends dans la base de vie et étale tout le matos dans un coin à l’écart. J’ouvre le classeur à la page « contenu du sac ». Ceci afin de ranger les choses toujours au même endroit, ainsi Anne-Laure sait toujours où est rangé quoi. La timetable est prête aussi, où je peux prendre des notes pour le prochain RDV et y noter l’heure réelle d’arrivée et de départ.
Puis je pars à la rencontre d’Anne-Laure. La voilà. Visiblement victime d’une chute, avec de la boue partout. Elle me raconte qu’elle a subi une tempête de neige au Fuorcla Crap Alv et une chute au Margunin. Je la guide, lui explique comment fonctionne la base de vie. Je m’occupe de son sac pendant qu’elle vaque à ses petites occupations.
Pendant qu’elle se douche, je lave son surpantalon, ses surmoufles et sa veste au lavabo. Heureusement que nous avions prévu tout cet équipement en 3 exemplaires. Mais j’en ai déjà un qui sèche dans le bus depuis Bergün, je viens de donner à Anne-Laure la dernière réserve et nous n’en sommes même pas au premier tiers de la course.
Anne-Laure repart, après un contrôle partiel du matériel obligatoire avec un bon pic de stress à cause du téléphone mouillé.
Je rassemble tout le matériel étalé. Petit inventaire de ce qui est encore sec : donc plus de vestes, ni de surmouffles, ni de surpantalons. De même, je n’ai plus de pantalon de course long en réserve. Anne-Laure en avait un au départ, a changé à Bergün, en a récupéré le 3ème ici dans le sac d’allègement, le 4ème se trouve dans le sac d’allègement de Savognin. Nous avions pris tous ses pantalons longs, les mi-longs et les shorts, mais ce ne sera pas suffisant. Il faudrait en fait prévoir du long pour changer à chaque étape, soit 9 pièces. Mais jamais nous n’avions envisagé qu’il puisse faire aussi mauvais et froid aussi longtemps en plein mois d’août. A retenir pour la prochaine fois.
Je n’ai donc pas le choix, il me faut réussir à faire sécher un des pantalons mouillés avant Pontresina et l’autre pour Maloja. Mon stock de papier journal est aussi en train de diminuer à la vitesse grand V à force d’en mettre et remettre dans les chaussures. Nous en avions prévu 5 paires, Anne-Laure porte déjà la 3ème, et la 4ème est dans le sac d’allègement de Savognin. Reste une paire sèche dans le coffre du bus. Donc pas le choix non plus, il me faut aussi les faire sécher. Heureusement la météo ne prévoit pas de pluie pour les prochaines heures. J’ai donc des vestes, des gants, des surmoufles, des pantalons, un linge de douche et les semelles intérieures des chaussures qui pendent partout à l’intérieur du bus, les souliers par terre devant la sortie d’air chaud du Webasto, plus mes affaires à moi, pas triste… Il va sans dire que ça sent assez le fauve dans le bus.
Pour les assistances, cette course est en train de virer au cauchemar logistique. Mais bon, je ne vais pas me plaindre et vais bien arriver à me débrouiller, car pour les concurrents/tes qui n’ont pas d’assistance personnelle, cette course doit virer au cauchemar tout court. Je retourne donc un long moment vers les sèche-cheveux des douches pour faire sécher au maximum les affaires mouillées.
Une heure et demie après le départ d’Anne-Laure, je croise Anke au moment de sortir de la salle de gym. Je tente un « Bonjour Anke. Ça va ? ». Je n’ai droit qu’à une onomatopée bourrue en réponse, Anke n’a visiblement pas envie de parler. Tant pis pour moi, je la laisse et moteur vers Pontresina, un saut de puce de 10 minutes.
Pontresina 19h45
Pour commencer, manger, puis une petite sieste digestive. Puis consulter le live : c’est l’hécatombe au niveau des abandons. Ça ne m’étonne pas, vu les conditions météo. Faudra-t-il que je le dise à Anne-Laure ? Après réflexion, non, car elle fait sa course contre elle-même uniquement, et je n’ai pas envie de lui donner de mauvaises idées.
Tractalis : Je vois qu’Anke est repartie de Samedan, mais sa marge sur la barrière horaire de Pontresina ne va pas être grande. Je me demande même si elle va réussir à la passer. Il y a aussi 2 autres participantes féminines pas loin d’Anne-Laure, Rebecca et Daniela.
21h05, Anne-Laure m’appelle pour me dire qu’elle fera une sieste à Pontresina. Ok, je prépare la couchette et me rends à la base de vie, 1 km à pied plus haut en ville. Il ne pleut plus, tant mieux, mais ça caille.
Anne-Laure arrive et va se changer. Je constate que cette fois ses souliers sont restés secs, yes ! Anne-Laure ne mange quasi rien. Je m’inquiète un peu, j’avais souvenir que l’an passé elle mangeait plus que ça. Mais non, elle n’a pas d’appétit. Anne-Laure se rend au bus pour dormir un moment, pendant que je range et prends un peu mon temps. Lorsque j’arrive au véhicule-dortoir, Anne-Laure est déjà en train de se rééquiper pour la suite, après une micro sieste de 20 minutes. Et la voilà partie dans le noir du Val Roseg. Il est 23h. Je profite de la couchette pour m’installer à mon tour pour un sommeil léger et agité de 2h30.
Drrrriiiiinnng, le réveil. Quelle est la situation selon Tractalis ? Anne-Laure a passé Surlej, mais n’est pas encore arrivée à Murtèl. Elle a pris beaucoup de retard, il y a peut-être un problème. Et les autres ? Rebecca et Daniela sont repassées devant Anne-Laure, elles n’ont visiblement pas fait une longue pause à Pontresina. Ou alors Anne-Laure progresse vraiment lentement. Et Anke ? Ouh-là, elle est repartie de Pontresina 10 petites minutes avant le cut après 25 minutes de pause et se trouve actuellement dans le val Roseg juste un peu plus haut que ma position.
Dès que je vois qu’Anne-Laure est au ravitaillement de Murtèl, je lui envoie un SMS. Sa réponse est très laconique, du coup je l’appelle. Je la sens un peu lasse, lui dis que son tableau de marche était calculé serré, et que de toute façon, tenir ce roadbook n’est pas la priorité, et que la barrière horaire de Maloja est largement à sa portée.
Départ sur les routes désertes vers Sils Maria.
Sils Maria 3h30
Tout est prêt pour accueillir Anne-Laure, un casse-croute sur un banc public. Le village est plongé dans le noir, l’éclairage public est éteint à ces heures. Je m’allonge un moment, mais pas moyen de dormir. Je suis trop inquiet, trop stressé, trop dans la course, trop dans le plan de ravitaillement. Bon, alors départ pour une petite balade nocturne à la lampe frontale. Sils est un village tout à plat, avec quelques belles habitations.
Je passe devant la maison de Nietzsche, l’auteur de la fameuse phrase « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort » extraite de son essai « Le crépuscule des idoles ». En fait, la citation complète serait : « A l’école de guerre de la vie, ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort ». Elle s’applique parfaitement à l’ultra-trail, cette guerre contre soi-même, le parcours et les éléments naturels, chaque course ajoute de l’expérience qui rend plus fort. Mais alors, tous les participants de tels ultras seraient-ils des idoles ? Mais de toute façon, le crépuscule est déjà loin et on se dirige gentiment vers l’aube.
Bon, ça ne vole pas haut, la philosophie à 4h du matin, où se trouve Anne-Laure ? C’est bon, j’ai encore le temps. Par la même occasion, je vois qu’une concurrente se trouve actuellement sur la route principale de l’autre côté du lac de Silvaplana. C’est clair, par cet itinéraire, il y a beaucoup moins de dénivelé et ça va plus vite. D’ailleurs, elle avance à 78 km/h. C’est quand même très pratique, ce suivi GPS en direct, on voit vraiment tout. Plus tard, cette concurrente a aussi fini par abandonner.
Une heure de promenade en long et en large à travers Sils, et je n’ai aperçu aucun participant. Voilà Anne-Laure, petit ravitaillement en 5 minutes, je laisse tout sur place et l’accompagne un bout. Puis retour, tout ranger et moteur pour Maloja à 10 minutes.
Maloja 5h15
Sur le parking, je retrouve les véhicules-dortoirs habituels : la dame qui dort dans son break Subaru, la Hollandaise qui dort dans son Berlingo, le California, etc. Je prépare le bus pour qu’Anne-Laure puisse venir y dormir, je vais placer le matos pour le ravitaillement à l’intérieur de la base de vie, un centre sportif. Puis je pars à la rencontre d’Anne-Laure. Le jour se lève, les nuages se sont dissipés, la lumière est fabuleuse. Les sommets sont blancs : de la neige fraiche est tombée jusque vers 2500 m.
Là-bas au loin, un coureur à pied qui arrive dans ma direction. Un habitant du cru certainement je pense, un gars qui fait son footing matinal. Mais non, il porte un sac de traileur et un dossard : c’est un participant du T201 ! Incroyable, car il court, il ne trottine pas. Mais que fait-il là ? Avec cette vitesse, il devrait déjà être bien plus loin. Je ne le sais pas à ce moment-là, mais je viens de croiser Sébastien.
Sa tactique : courir vite et faire des pauses de plusieurs heures. Tout le contraire de celle d’Anke : s’économiser au maximum en flirtant avec les barrières horaires et se reposer par tranches de 10 ou 20 minutes. Ces 2 méthodes fonctionnent, car Anke et Sébastien sont arrivés au bout. Mais on ne pourrait certainement pas échanger comme ça ces 2 méthodes, car il faut tenir compte des qualités de chacun :
Tactique Sébastien : il faut être capable de courir aussi vite, et faire de longues pauses implique une assistance personnelle quasi obligatoire pour pouvoir enfiler du sec, ne pas prendre froid et bien dormir.
Tactique Anke : il faut avoir des nerfs d’acier pour jouer aussi longtemps avec les barrières horaires, se connaitre parfaitement pour ajuster sa vitesse et être capable de mettre un coup de collier le cas échéant.
Tout-à-coup, voilà Anne-Laure. Je l’accompagne sur le dernier km. Elle va se changer, mange un peu, puis va se coucher. Elle n’est pas très causante, peut-être à cause de la fatigue, ou qu’elle préfère rester dans sa bulle, ou alors il y a un problème. Elle doit certainement être un peu contrariée par les 2h20 de retard sur son tableau de marche, mais franchement, elle a amplement assez d’avance sur la barrière horaire.
La voilà qui revient déjà de sa sieste. Petit déjeuner, et c’est reparti vers le col Lunghin. Je reste sur place un bon moment, en suivant sa progression avec les lunettes d’approche. J’ai l’impression qu’elle ne va pas si bien, car un peu plus bas, un groupe de randonneurs avance presque à la même vitesse. Anne-laure se retrouve avec un autre participant, et j’en aperçois encore un autre un peu plus haut.
En route. Il est 9h et j’ai jusqu’à 11h pour me rendre à Bivio. La route longe les lacs de Sils et de Silvaplana sur une dizaine de km. Que c’est beau. Il n’y a personne, la lumière est rasante, le ciel est bleu, les lacs aussi, les arbres verts, et les sommets blancs. Le paysage est fabuleux : mon meilleur souvenir de toute la course. Il faut le dire encore une fois : l’Engadine, c’est beau !
Il fait bon chaud dans l’habitacle avec le soleil en face qui me chauffe à travers le pare-brise. Et paf, j’attrape un énorme coup de barre. Toute la fatigue accumulée depuis mercredi soir me tombe dessus d’un coup, et le stress et l’adrénaline de la course n’y font rien.
J’attaque la montée du col du Julier sur une bonne route bien roulante. Je lutte contre mes paupières, mais impossible de continuer comme ça jusqu’à Bivio. Un grand parking au sommet du col, j’installe la couchette en vitesse, tire les rideaux, règle mes deux réveils sur 45 minutes, ferme les yeux et les réveils sonnent. Mais ils débloquent, ces machins ! Mais non, c’est vraiment déjà l’heure. Mais je suis où, là ? Quel jour on est ? Je ne me sens pas bien, je suis nauséeux et vaseux. Il faut que je me remette les idées en place au plus vite et que je retrouve un peu de pêche. Alors une dose massive de caféine, merci le Red Bull Zero, puis un petit pas de course aller-retour sur le parking en t-shirt dans l’air vivifiant. Bivio est à 15 minutes. Allez, fenêtre ouverte, musique à fond, et moteur !
Bivio 11h
Coup d’œil à Tractalis : Anne-Laure a maintenu son rythme il me semble, et devrait arriver vers 11h30. Le poste de ravitaillement est mal situé pour les suiveurs car il est impossible de s’y garer. A moins de faire comme certains/nes, se garer sur les parkings des jolis restaurants à côté. De nuit, cela ne m’aurait pas gêné de me garer ainsi mais là, il va être midi et nous sommes samedi. Tant pis, je me gare vers la déchetterie et emporte tout le bazar pedibus jambiscum vers le poste de ravitaillement à travers les vielles ruelles pavées. En plus ça me réveillera.
Anne-Laure arrive et elle a droit à une ovation de tous les bénévoles qui sont là. Elle ne raconte pas grand-chose, me dit juste qu’elle a un peu mal au ventre. Je lui propose un Coca dégazé, ok elle veut bien.
Pendant qu’elle se rend aux toilettes pour quelques ablutions, un bénévole s’empresse de lui dégazer un Coca avec enthousiasme (…il y en a partout), tout fier de contribuer à la course de la petite madame. Car un autre bénévole, nous ayant entendu nous exprimer en français, me demande de quelle région de France nous venons. Ben non, on ne vient pas de France, on est de Suisse Romande, du canton de Fribourg en fait. Mine surprise chez les bénévoles. Il faut savoir que par ici, la Suisse Romande est considérée comme une contrée exotique, dont les habitants pourtant suisses parlent une langue qui n’est ni un dialecte alémanique, ni le romanche, ni l’italien, c’est dire si les Romands sont des Suisses très étranges. Surtout quand je leur ai raconté que nous avons fait tout le parcours en reconnaissance ces 3 dernières années et que Anne-Laure en est à sa 3ème participation. Du coup, le responsable du poste s’adresse à moi en français, tant bien que mal mais il fait l’effort. C’est le seul membre de l’organisation que j’ai rencontré durant toute a course qui parle un peu le français, avec la dame lors des formalités la veille du départ.
La petite madame est de retour et s’assied devant son Coca dégazé. Elle échange quelques mots avec une autre concurrente qui est là, Susanne. Elle mange à peine, et uniquement parce que j’insiste. Voilà, elle se lève et quitte ce petit local, sous les hourras admiratifs et enthousiastes de la foule (10 personnes).
Je l’accompagne un bout. Mais je la laisse assez vite, car j’ai l’impression que je la gêne plus qu’autre chose. Anne-Laure est visiblement dans son petit monde, focalisée sur l’étape suivante.
Je retourne au ravitaillement pour tout ranger, puis observe la pente avec les jumelles. Anne-Laure monte très lentement et s’arrête régulièrement. Elle subit un gros coup de mou, ou alors il y a quelque chose qui ne va pas. Mais vu son expérience, je ne m’en alarme pas outre mesure car je sais qu’elle saura réagir au niveau alimentation. D’ailleurs, elle a tout ce qu’il faut dans son sac pour se donner un coup de fouet. Et moi de toute façon, je ne peux rien y faire pour l’instant. Il y a un gars au-dessus d’elle, ce serait bien si elle arrive à faire la jonction.
Que devient Anke ? Elle est toujours en course et a quitté Maloja 5 minutes avant la BH. Elle est au Lunghin. Rebecca et Daniela sont dans la dernière partie de la descente vers Bivio.
Savognin 13h45
Je dois attendre et m’y reprendre à deux fois pour réussir à me garer où je voulais, car ici il y a aussi les assistances des T121 et T91. J’ai amplement le temps, alors une sieste pour commencer après avoir mangé.
15h, visite à la base de vie. Le nombre de sacs d’allègement du T201 encore là est impressionnant, une trentaine de participants seulement sont déjà repartis. Coup d’œil au classement live, il n’a y plus que 84 personnes en course, quasi 50% d’abandon déjà. La météo de la première journée a fait de gros dégâts. Du coup, Anne-Laure est 59ème. Mais son signal GPS est bugué et bloqué à Alp Natons, ce qui peux arriver selon comment le sac est orienté. Anne-Laure a donc certainement fait une pause et enlevé son sac à cet endroit et le signal GPS fonctionnera à nouveau dans quelques temps.
Je vais voir aux douches : personne. Parfait, je vais en profiter car ma dernière douche date de mercredi matin, et il n’y a pas que les habits et chaussures mouillés qui sentent la bête dans le bus.
Commence une longue attente. Toujours pas de signal GPS, et pas de SMS non plus. Je calcule à quelle heure Anne-Laure devrait arriver au ravitaillement d’Alp Flix, mais à l’heure dite, toujours rien. J’attends encore un moment. Selon le tableau de marche et avec le retard de 2h20 accumulé, elle devrait déjà être dans la descente avant Tinizong. C’est embêtant, ce GPS en panne. Allez, je téléphone, il y a peut-être un problème, de toute façon des encouragements en ce moment lui feront certainement du bien.
Anne-Laure décroche rapidement, c’est déjà un bon signe. Je lui demande comment ça va, physiquement et mentalement. Ça a l’air moyen. Pour la rebooster, je lui dis qu’elle était 59ème au dernier pointage GPS, et que derrière il y a eu énormément d’abandons, mais qu’elle, elle est toujours en course, bravo et courage ! A partir de maintenant, elle dépasse sa plus longue durée et distance en course, 125 km et 36 heures.
Voilà, le GPS fonctionne à nouveau, je peux suivre sa progression. Qui est lente, très lente, toujours plus lente. Je revois mes calculs pour estimer son heure d’arrivée ici régulièrement. Le retard augmente beaucoup, mais la marge sur la barrière horaire reste toujours confortable : 4h si elle arrive à 18h.
La maman d’Anne-Laure me demande comment ça va. Je lui écris que je ne suis pas très optimiste, même si Anne-Laure a visiblement repris un peu de poil de la bête depuis mon coup de fil vu que sa vitesse augmente à nouveau depuis quelques minutes. Ceci dit, ça descend, alors faudra voir la suite.
C’est finalement à 18h16 que je l’accueille en bas vers le pont.
Anne-Laure ne parle pas beaucoup, et part directement à la douche, puis au lit. A son réveil, elle mange un plat de pâtes et me confie qu’elle a de la peine à souffler dans les montées. Pas bon signe, ça, je savais qu’il y avait quelque chose. Je lui suggère d’aller voir le médecin. Non, elle ne veut pas, elle veut repartir. Que dois-je faire ? L’étape suivante est « facile », et je peux accéder au parcours quasiment partout car il y a beaucoup de villages et de routes. Donc, en cas de problème plus grave, je pourrais intervenir facilement jusqu’à Lantsch/Lenz et la récupérer. Alors OK, de toute façon, c’est elle qui décide, et la connaissant et sachant son investissement pour cette course, elle ne va pas laisser tomber avant que ça n’aille vraiment plus.
Anne-Laure s’équipe pour une nouvelle nuit dehors. J’ai justement sa maman au bout du fil, mais Anne-Laure ne veut pas parler, elle est dans sa bulle. Et la voilà repartie.
Je range tout le commerce et m’attarde un peu. Il y a Susanne qui est là, et qui ne fait rien : elle ne mange pas, ne s’assied pas, elle est juste là, debout, équipée de pied en cap prête à repartir. Je me demande si elle est vraiment encore 100% lucide. Je l’aborde, mais elle n’a pas envie de me parler. Je serai étonné de voir plus tard que Susanne est quand même arrivée au bout du T201, quand je repense à cette dernière fois que je l’ai vue à Savognin.
Le téléphone sonne, C’est Anne-Laure qui me demande de la rejoindre à Riom, car ça ne va pas et elle veut mon avis. OK, j’arrive de suite, moteur et en route.
Sur place, nous marchons un moment, et dans la bosse suivante, Anne-Laure s’arrête car elle n’a plus assez d’air. Elle est essoufflée et se traîne comme une personne de 80 ans. Que dois-je lui dire ? Il faut qu’elle s’arrête, ça c’est sûr. J’essaie de faire passer le message de manière claire, mais sans la brusquer, en exposant des faits tels que vitesse moyenne, barrières horaires, santé, vacances en septembre. Je vois bien qu’elle a compris, aussi nous décidons de retourner voir le médecin à Savognin.
Pendant que le médecin l’ausculte, j’écris un SMS à sa maman : « AL est chez le médecin car elle ne peut plus respirer, je ne suis pas optimiste ». Coup de fil tout de suite en retour, la maman est toute affolée et veut des détails. C’est vrai que j’ai été très maladroit avec mon SMS. Je lui dis que ce n’est pas aussi grave que ça et qu’en fait, je parlais du médecin de la course, qu’elle est en de bonnes mains et que je n’étais pas optimiste pour la suite de la course.
Le médecin livre son diagnostic : un bon refroidissement, repos très conseillé et poursuite de la course pas du tout conseillée. Quelques larmes coulent, grosse déception, mais Anne-laure s’est rendue à l’évidence : malgré son énorme investissement pour cette course, son seul objectif de l’année, elle doit abandonner.
Merci à ce jeune médecin venu spécialement d’Allemagne pour cette course pour son tact et sa diplomatie, tout en délivrant un message clair.
Savognin 22h
Et voilà, c’est fini, pour nous deux. Une bonne nuit de vrai sommeil d’une traite de plusieurs heures et pour moi, enfin le moment de décompresser et de revenir dans le monde réel.
Merci à tous ceux qui s’investissent pour cette belle course.
Respect à tous ceux qui sont arrivé au bout, si ce n’est du parcours mais au bout d’eux-mêmes de toute façon.
Et mon immense admiration pour ceux qui ont bouclé le parcours sans assistance personnelle.
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5 commentaires
Commentaire de Jean-Phi posté le 02-01-2017 à 12:02:16
Chapeau à tous les deux pour votre course et assistance ! 140 kms dans ces conditions, ce n'est pas rien et ta prépa semblait pouvoir te mener plus loin dans d'autres circonstances. Cette année, tu seras non seulemetnau départ mais également et surtout sur la ligne d'arrivée ! Félicitations en attendant !
Commentaire de Anne-Laure_70 posté le 03-01-2017 à 18:10:04
Merci :-)
A l'arrivée, je ne sais pas, mais au départ assurément!!
Commentaire de PhilippeG-639 posté le 02-01-2017 à 14:20:32
Un immense bravo pour ce défi Anne-Laure !
Pas facile de commenter à distance mais on se rend quand même compte de l'investissement en terme de préparation, motivation, repérage, calculs, etc...
Chapeau bas car malheureusement cette 1ère journée pluvieuse a tout gâché.
C'est déjà extraordinaire d'avoir pu en parcourir autant !
Beau récit, bien détaillé, parsemé de belles photos qui donnent bien envie de tenter cette incroyable aventure.
On se rend bien compte de l'importance du suiveur et de l'assistance (félicitations à lui :-) )
Merci pour ce partage et bonne poursuite de tes aventures (nouvelle tentative en 2017 ?)
Philippe
Commentaire de Anne-Laure_70 posté le 03-01-2017 à 18:18:07
Un immense bravo pour m'avoir lu jusqu'au bout Philippe!
Pas l'impression d'avoir fait vraiment quelque chose d'extraordinaire, car malgré tout j'ai eu du plaisir. Nouvelle tentative en 2017!
Bonne poursuite à toi aussi dans tes aventures. Pourquoi résister à tes envies? On se croisera en juillet à Davos?
Anne-Laure
Commentaire de TomTrailRunner posté le 11-08-2017 à 12:23:03
J'avais loupé ton récit ....et j'ai pris le temps de tout lire : que d'émotions.
en tout cas un magnifique exemple de lucidité : RESPECT
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