Récit de la course : Grand Trail de Stevenson - 56 km 2016, par cabalex

L'auteur : cabalex

La course : Grand Trail de Stevenson - 56 km

Date : 15/7/2016

Lieu : Le Monastier Sur Gazeille (Haute-Loire)

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Distance : 56km

Objectif : Se dépenser

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LE SOLITAIRE DE STEVENSON

GRAND TRAIL DE STEVENSON 2016 :

ETAPE1 : 56 KM (2132m D+) BOUCLE AU DEPART

DU MONASTIER SUR GAZEILLE (HAUTE - LOIRE)

 

LE SOLITAIRE DE STEVENSON

 

Ce 15 juillet, une journée particulière commence, hors du temps. Il est 7 heures et je m’apprête à m’élancer sur les chemins de Stevenson, du nom du romancier écossais devenu célèbre avec son « voyage avec un âne dans les Cévennes ». Capricieuse telle l’ânesse Modestine en son temps, il y a plus d’un siècle, ma montre GPS ne veut pas démarrer, c’est un signe, ce ne sera pas une journée comme les autres. C’est une course unique à laquelle je participe : course par étapes de 3 jours, du Monastier sur Gazeille (Haute Loire) à Saint Jean du Gard dans les Cévennes, sur le parcours effectué par l’écrivain. Le récit poétique du voyage solitaire de Stevenson, en 1878, à travers les beaux paysages du Velay, du Gévaudan, de la Lozère et des Cévennes, dans un esprit de communion avec la nature, a quelque chose de commun avec l’esprit du trail.

Il est possible de ne participer qu’à la première étape, une boucle de 56 km au départ du Monastier, une façon pour les organisateurs de toucher un public plus large et d’avoir un aperçu du GR70. J’opte pour ce format de course d’un jour et le classement général regroupera donc trois distances (56, 156 et 194 km, selon le choix des participants).

Au départ de l’Esplanade Stevenson, nous sommes une centaine de coureurs, la plupart des spécialistes de l’ultra trail, tel Ludovic Trabuchet, une connaissance rencontrée il y a quelques années avec Denis Clerc. Ce dernier, journaliste sportif et marathonien d’origine, a depuis contracté le virus de l’ultra trail (distance supérieur à 100km) et partage ses aventures sur les réseaux sociaux grâce à sa caméra Go Pro avec son surnom, « Zinzin reporter ». Ces belles images vidéo tantôt émouvantes, tantôt risibles voire pathétiques, témoignent des splendeurs et excès de l’ultra trail. Je préfère l’écriture et une pratique plus raisonnée, sur des distances et des parcours où l’on court plus que l’on ne marche.

VIA FERRATA

Sans repère chronométrique et ne connaissant quasi personne, je m’élance donc à mon rythme, en pleine descente sur route et me retrouve rapidement dans le groupe de tête. Je me dis que derrière, la plupart des coureurs se réservent car le cumul des efforts sur trois jours n’est pas comparable avec l’intensité d’un effort sur une journée. 37 coureurs sont quand même inscrits sur le 56 km donc il est intéressant d’échanger entre participants sur le format de course choisi, car la gestion de course en dépend. Sans forcer l’allure, nous entamons le GR70 à trois, quatre coureurs devant, sur des sentiers caillouteux. Je repère bien les dix premiers kilomètres car le final se fait en sens inverse, sur le même tracé. Les sols volcaniques du Velay sont inégaux, le parcours annoncé casse-pattes, je reste donc prudent sur mes appuis. Ma hantise : s’égarer sur un chemin de traverse et chuter. Mes deux gamelles d’il y a trois semaines au trail de la Vigne aux Caves, avec multiples égratignures, hantent encore mon esprit. La descente technique sur le village de Goudet succède à des sentiers roulants autour de Saint Martin de Fugères. Mes devanciers dévalent les pentes rocailleuses aisément quand je prends mon temps de ne pas mordre la poussière. Le charme du patelin est vite tempéré par un passage délicat : aux bords des gorges de la Loire, les organisateurs nous font longer une falaise, à quelques mètres au-dessus de l’eau, passage sécurisé avec une main courante (à l’aide d’un câble). Les adeptes de la via ferrata sont servis ! Je ne prends aucun risque et perds contact avec mes compagnons d’échappée. On récupère ensuite des monotraces le long de la Loire avant une ascension régulière vers un plateau. Seul dans la montée, j’ai en point de mire le troisième et le récupère avant le sommet. On s’encourage mais il ne peut suivre mon allure pourtant modérée. Le second n’est pas loin, cela me galvanise, les jambes sont encore d’attaque, au ravitaillement de Costaros (km 25), je commence à croire à un éventuel podium.

PAS PLUS VITE QU’UN ANE

Illusion perdue, peu à peu, le coureur de devant s’éloigne. Avec l’enchainement des montées et descentes souvent caillouteuses à souhait, mes cuisses commencent à couiner et la foulée raccourcit. Me voilà seul sur des chemins larges avec un beau panorama sur le mont Mézenc. Plus de trente bornes dans les pattes, je commence à en baver, je l’ai bien cherché ! Cela rameute de l’arrière et un et deux et trois coureurs, certains faisant la totale des trois jours…le tour du magnifique village médiéval d’Arlempdes (km 39) et la montée-descente dans sa forteresse est une parenthèse sympa au milieu d’une nature sauvage. Dans certaines ascensions, je ne vais pas plus vite qu’un âne (4-5 km/h quand même), Stevenson avait au moins de la compagnie animale, rebelle au début puis docile. Mes jambes dociles à l’effort matinal se rebellent au soleil du midi. La première féminine, annoncée le matin comme une sérieuse concurrente, me dépasse toute fringante au dernier ravitaillement du Goudet (km 45), alors qu’elle court encore les deux jours suivants ! Je rétrograde à la huitième place. De là, je récupère le chemin aller, on croit le connaître mais la perception et les sensations ne sont plus les mêmes. D’abord, la longue remontée au petit trot dans le pierrier étroit, avec vent de face, où je croise de nombreux randonneurs. Puis des sentiers où je peux de nouveau courir à une allure correcte. Le fait de marcher m’a permis de récupérer un peu. Le fameux second souffle advient après Saint Martin de Fugères, je croise des enfants à dos d’âne. J’apprécie enfin cette solitude si particulière du coureur de fond, voulue et subie à la fois. Je ne me souvenais plus que le premier passage caillouteux était si long à l’aller, en descente dans le final, ces changements de terrains soumettent les jambes à rude épreuve. Reste la dernière remontée sur route vers Monastier, l’équivalent de deux fois la côte de Beaunant (dans le final de la SaintéLyon). Je termine quasiment à la marche puis au sommet, un peu dans le cirage et manquant de lucidité, je me dirige directement vers la salle des fêtes quand on m’indique un chemin de détours, ce qui me rallonge de 500 mètres, qu’importe après 55 bornes ! Passé un joli pont de pierres, j’en termine à la 8ème place au général en 5h42’. Après un moment de récupération, je converse avec le directeur de course, Frédéric Touret, qui me confirme que c’est des trois jours, le tracé le plus difficile. Je termine 3ème ou 4ème du classement du 56 km mais cela reste anecdotique. Je retiens surtout que sans un volume d’entrainement adapté, il m’est difficile de garder une allure constante au-delà de trois-quatre  heures de course sur un trail long. J’y étais presque arrivé aux Coursières en mai, mais c’était un peu moins dur et plus court.

Je pense aux coureurs qui vont traverser notamment la Lozère et les Cévennes, une belle région découverte à vélo il y a une dizaine d’années.

Au retour, Laurence m’offre un baptême de l’air qu’elle a gagné, cela me changera du plancher des ânes…

 

 

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