Récit de la course : Les Terrasses du Lodévois - 47 km 2016, par Coureur du 34

L'auteur : Coureur du 34

La course : Les Terrasses du Lodévois - 47 km

Date : 17/4/2016

Lieu : Lodeve (Hérault)

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Distance : 47km

Objectif : Pas d'objectif

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Terrassé par les 47 kms du TTL

7h15, Lodève : nous arrivons un peu à la bourre ce dimanche matin 17 avril, juste le temps pour retirer le dossard et un dernier caca de la peur avant de prendre l’ultime navette qui décolle pour Soubès à 7h30.

 

7h50, Soubès : nous sommes enfin sur le plot de départ où le briefing a déjà commencé. Parmi environ 150 coureurs se cache une star du cyclisme : Laurent Jalabert, en chair et en cuisses, qui continue dans le sport avec des triathlons, des marathons et du trail maintenant. Très sympa, il se prête aux selfies de nombreux trailers du TTL, oui, le TTL, Trail des Terrasses du Lodévois, nommé par son acronyme à l’instar de l’UTMB ou la CCC : c’est quand même la super classe, non ?

 

8h, km 0 : par un temps gris et sous un ciel bas comminatoire, le départ est donné pour cette épreuve de 47 kms annoncée comme difficile. Le départ d’une nouvelle course ressemble souvent à l’ouverture d’une porte dans une pièce obscure, on ne sait pas trop ce qu’on va y découvrir. Ceci dit, je me sens prêt, en forme et bien entraîné quoiqu’un peu court au niveau du kilométrage et un soupçon fatigué.

Nous partons d’emblée à l’assaut du Plateau du Larzac, 400m de D+, en sous-bois, par le PR (balisage jaune) au début que l’on quitte vers la fin. Odeurs d’humus et de sous-bois humides, traversée d’un petit ru, ces premiers kilomètres donnent le ton : ça grimpe et ça promet d’être sauvage.

 

8h46, km 5.5: en haut nous attend un premier spot, les ruines de la chapelle St Clément-de-Man, un prieuré du X/XIème siècle.

Nous empruntons alors une piste DFCI puis rapidement un monotrace qui descend au pied de falaises. Après un peu de crapahutage, nous remontons le plateau du Larzac en montant par une faille rocheuse d'une 10aine de mètres dont on s’extrait par une échelle. Ça bouchonne grave alors on tape la discut’.

Une bruine légère s’invite juste quand nous sortons de la faille. Je me dis qu’il vaut mieux qu’il pleuve aujourd’hui qu’un jour où il fait beau (hum, hum). Elle se poursuivra quelques heures, forcissant par moments mais jamais en trombes. Heureusement le vent n’est pas fort et je n’ai pas froid.

 

9h08, km 7.5 : sur le plateau, il faut mettre les mains pour gravir les rochers et arriver tout en haut aux ruines de la chapelle St Vincent à 826m d’altitude, le point culminant de cette première partie.

L’ambiance crachin breton, grandes prairies, roches fantomatiques est très particulière.

Nous trottons un moment sur le plateau avant de replonger sous les falaises avec de nombreux passages en corniches et vues sublimes sur la vallée et l’autoroute tout en bas. Nous remontons une nouvelle fois dans les falaises par des failles (cordes et barres de fer scellées) et même une grotte (échelle) : il y a comme un parfum d’aventure !

Et puis nous replongeons dans les falaises pour descendre jusqu’à l’autoroute cette fois-ci. C’est très technique et ça glisse un peu, car la pluie ne s’est pas arrêtée.


9h55, km 12.1 : nous franchissons l’autoroute par un tunnel dessous et là, ouch, nouvelle surprise ! Une longue corde pour descendre dans une sorte de cascade de blocs rocheux et de béton sur une 50aine de mètres : c’est plus inquiétant que dangereux au final. Nous continuons à descendre en sous-bois, c’est compliqué car le sentier n’est pas très ouvert, il y a des feuilles, des roches et ça glisse, un leitmotiv sur la TTL.

Tout en bas, nous longeons la rivière Lergue rive gauche, eau limpide, grandes vasques et cascades : splendide !

Nouvelle courte échelle en descente et c’est le tout premier ravitaillement juste au nord du village de Pégairolles-de-l’Escalette (escalette = petite échelle : CQFD).

Je me sens bien mais je ne vais pas vite du tout, le terrain est extrêmement compliqué à courir, difficile de trouver un rythme et beaucoup de stops (cordes, échelles, blocs à franchir…).


10h10, km 13.7 : nouvelle surprise, pour traverser la Lergue vers sa rive droite, les organisateurs ont placé un pont de cordes entre 2 arbres, c’est Koh-Lanta ou Indiana Jones, au choix ! Une fois de l’autre côté, commence la seconde longue bosse de la journée et à mon goût, la moins intéressante en termes de décors si ce n’est le passage contre un vieux mas, le Mas Pater avec un magnifique four à pain. En plus, il flotte toujours autant, le terrain est détrempé et les passages boueux commencent.

Ça grimpe longtemps, je suis accroché dans un groupe de 4 qui peinent comme moi. Cependant, le moral est intact.

Nous nous approchons du plateau, la flore évolue, sapins et châtaigniers désormais, et retour dans les grands rochers. Je me sens mieux, je m’extrais du groupe.

 

10h58, km 16.9 : nous montons jusqu’au Fialays qui pointe à 809 m, soit 450m de D+ depuis Pégairolles, par un nouveau PR et faisons alors les montagnes russes au milieu des prairies et leurs asphodèles, des mini-canyons moussus, des dolomies aux formes originales. C’est exceptionnellement beau, alternant le très technique et le plus roulant. Depuis quelques kms, la 3ème féminine me suit quelques mètres derrière : je connais la chanson, elle va bientôt me déposer et je ne la reverrai plus, c’est écrit.

Nous courrons maintenant sur le plateau au nord du Cirque de Labeil, silencieux et sauvage, passons à côté d’une bergerie troglodytique, la Jasse des Bourdes, et au milieu de surprenants rochers dolomitiques. Le vent d’un souffle bucolique passe sur nous.

 

11h38, km 22.3 : après de nouvelles prairies, nous parvenons à Labeil sous les acclamations humides de bénévoles. Un peu de goudron et une dizaine de marches d’escaliers en descente plus loin, nous pénétrons dans les entrailles de la Terre, la grotte de Labeil. La frontale n’est pas nécessaire et c’est dans la pénombre que nous la traversons, cours d’eau souterrain, concrétions et groupe de visiteurs éberlués au programme. Enorme!

Après ce voyage au centre de la Terre, une grimpette nous ramène dans la somptueuse forêt de l’Escandorgue, par un PR en sous-bois parmi de fantastiques rochers et sous des arbres majestueux (châtaigniers, chênes, frênes, sapins). Nous en prenons plein les yeux comme plein les cuisses. Alors que je commence à me sentir un peu mieux, un coupe-feu de 500 mètres droit dans la pente nous fait grimper en sortie du bois puis dans les prés jusqu’au point le plus haut de tout le Trail des Terrasses du Lodévois, 864 m. De petits drapeaux flottant au vent annoncent le Centre Bouddhiste Tibétain en contrebas.

 

12h17, km 26.2 : c’est aussi le lieu du 2nd ravitaillement où je prends le temps de refaire les niveaux d’eau et de nourriture. Un moine en toge orange vient respectueusement nous serrer la main et nous encourager. La 3ème féminine passe en coup de vent, voilà, ça, c’est fait. Nous contournons ce splendide temple de Lerab Ling entouré de statues dorées de Bouddha et de fontaines, le tout très coloré et dépaysant, un côté Tintin au Tibet. En athée mystique, je prie intérieurement pour que le Dieu des crampes m’oublie aujourd’hui, qui sait, sur un malentendu, ça peut marcher.

Après la remontée par des escaliers parmi des chalets pour les visiteurs, nous rejoignons la route de Roqueredonde qui nous remonte dans la forêt de l’Escandorgue. Les organisateurs ont alors la bonne idée de nous faire plonger dans le versant par un monotrace sacrément joueur, un peu trop pour moi. J’y laisse de la gomme. Ils ont même ouvert des passages inédits dans des couloirs de hauts buis moussus, couverts des pans de tulle verte, c’est magique.

La pluie a cessé mais elle a bien imprégné le terrain comme on va le voir. Car voilà qu’arrive la portion la plus pénible à mes yeux de la course : sur le versant ouest du cirque de Labeil, nous faisons les montagnes russes sur un très long monotrace boueux, glissant à souhait. Quand y’en a plus, y’en a encore, de la boue partout, impossible d’y échapper. Nous traversons ru boueux sur ru boueux qui dévalent la pente. Alors je marche, dérape, me rattrape à une branche, repars, titube avec la souplesse d’un opossum guatémaltèque, les chaussures crottées comme une mouette enduite de mazout, cherche désespérément où poser mes pieds, manque de perdre une chaussure engluée dans la gadoue, me sens piégé entre les buissons et cette mélasse… Je galère et peste à haute voix, le mental à la dérive, je suis à « boue » de nerfs. Positivons, tous ces bains de boue aux pieds me préviendront certainement de mycoses aux orteils. Marqué moralement et empêtré physiquement par ce long passage, je me fais dépasser par plusieurs coureurs plus boue-immunes que moi. Nous repassons dans un chaos rocheux au pied de falaises pour revenir à Labeil après cette boucle de 10 kms environ. Au plus mal de tout le trail, ma motivation s’est écoulée par la bonde ouverte des envies, et je crains de vivre une nouvelle saison inédite de Walking Deads.

 

13h12, km 32 : sous quelques encouragements de bénévoles et le soleil désormais installé, nous repartons dans le versant est du Cirque de Labeil par le GR fréquenté qui descend à Lauroux. C’est bien la seule partie du trail qui emprunte un tracé 100% connu et balisé. Ces chemins délavés par la pluie sont le reflet de mon moral. La volonté est une chose mais le principe de réalité en est une autre, je n’ai plus de jambes. Alors je passe un bout de route à marcher avec un coureur encore plus mal que moi. Il a déjà fait ce 47 kms l’an passé et m’annonce qu’il craint encore plus que tout la dernière grosse bosse vers laquelle nous plongeons : il prophétise un enfer, un supplice. Echanger avec quelqu’un encore plus cuit que moi a paradoxalement la vertu de regonfler ma motivation ! Après quelques montagnes russes au pied de falaises, je le dépose et cours absolument tout seul, la première fois depuis le départ. Une longue descente d’abord en épingle puis à flanc de colline (où je rattrape une paire de coureurs) se termine au village de Lauroux, 4ème et dernier ravitaillement.


14h06, km 38 : j’en profite, j’y mange de l’excellente saucisse grillée avec des portions de bananes. Et à propos de banane, je fais rire les bénévoles qui font le pointage avec le « j’espère que l’ascenseur n’est plus en panne » copyrighté qui m’a valu un Otis de bronze au festival Carambar 2015. Ils me répondent qu’il y aura des cordes mais le problème avec les cordes, c’est que quand vous êtes très mal, vous pouvez les utiliser à mauvais escient.

Je me lance donc dans cette ultime ascension du plateau de Grézac un peu inquiet, bien que la montée commence tranquillou. Fatalement au détour d’un pré que nous contournons, nous nous enfonçons en sous-bois, coupons un DFCI et attaquons droit dans la pente vers le sommet, comme un petit air de Cap de Coste à la Verticausse. Succession de cordes et de murs glissants, mettre les mains est indispensable, et il va bientôt falloir lancer une alerte-enlèvement pour mes cuisses. Malgré tout, je gère, le cardio tient bon et je dépasse de nombreux participants qui font la rando-trail et ont 20 kms de moins au compteur. La bonne surprise, c’est que les crampes ne viennent pas troubler l’ascension, le miracle de la prière bouddhiste probablement. De temps à autre, je me retourne pour profiter des panoramas extraordinaires sur la vallée de la Lergue. Lentement mais sûrement, la cime approche et si je ne rattrape aucun concurrent du 47 kms, aucun ne me double non plus.

 

14h46, km 43 : après ces 350m de D+ arrive le sommet du Grézac et désormais, c’est terminus, tout le monde descend jusqu’à Lodève. Evidemment, le moral remonte en flèche, youkaïdi, youkaïda ! Le décor a changé aussi, c’est plutôt garrigue sous un soleil éclatant, j’ai l’impression de vivre une nouvelle course. Nous passons à côté d’un dolmen imposant puis empruntons un GR par une large piste et continuons ensuite dans un long monotrace pierreux. Au détour d’un virage, la ville de Lodève apparaît, c’est gagné. Plus bas, nous traversons un joli patrimoine, des capitelles et une draille entre des murs de pierres. Le monotrace se transforme alors en calade et rentre en ville où l’arrivée est donnée dans la salle des fêtes sur une estrade pour offrir aux concurrents quelques secondes de postérité méritée.

 

15h22, km 46.5 : je termine assez frais, requinqué par la longue descente, en 7h23 et une 46ème position sur 135 finishers (17 abandons, plus de 10% des concurrents).

Pas de blessure, pas de grosse défaillance, juste un gros coup de mou entre le 29 et le 33ème km. Et mes Brooks Pure Grit 4 ont bien tenu la distance avec une bonne tenue malgré le terrain extrêmement glissant. En termes d’alimentation, j’ai très apprécié les compotes de fruits, tout comme les barres figues-amandes, bien plus que les croquants sésame-amande. Porter des mitaines aurait été un plus pour les passages en corde et les rattrapages désespérés dans les branches.

 

Le Trail des Terrasses du Lodévois ne peut pas laisser indifférent. Outre un gros dénivelé avec cordes, barreaux métalliques et échelles au programme, traversée de grottes et failles en falaise, il est parsemé de sections très techniques et exigeantes dans les sous-bois sauvages et parsemées de rochers, complétées par des centaines de mètres de monotraces dans la boue épaisse suite aux abondantes pluies nocturnes. Les organisateurs ont fait le choix d’ouvrir et débroussailler certaines portions spécialement pour ce trail. Il est donc sacrément difficile pour moi.

A côté de ça, le TTL traverse une grande variété de décors et paysages différents : forêts de feuillus, de résineux, sous-bois moussus, couloirs de buis, garrigues, sentes sablonneuses dans les dolomies, monotraces pierreux, prairies herbeuses, allées d’asphodèles, causses indomptés, failles et canyons périlleux, falaises et corniches vertigineuses, vallées encaissées, panoramas à perte de vue... Il est parsemé de surprises inédites, comme la traversée de la grotte de Labeil, du temple bouddhiste, d’un pont de cordes, les échelles qui rajoutent un souffle épique au trail.

Moralité, c’est un condensé d’émotions souvent intenses et à mes yeux, le trail le plus dur certes mais aussi le plus beau et le plus original de l’Hérault.

 

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