Après le froid et la tempête … la canicule, …. en à peine 1 mois d'intervalle!!!
Si le Grand Raid 73 s'est déroulé dans des conditions septentrionales, la première édition du 80km du Verdon Ultra Trail ressemblait plutôt au Marathon des Sables !!!
Un bon 33 °C à l'ombre pour une course de 80 km (ramenée à 73 et quelques, (et 2500 m D+) suite à quelques difficultés pour le passage dans le camp militaire de Canjuers, semble-t-il).
Mais ce n'est pas vraiment une surprise, fin juin dans les gorges du Verdon ….
Arrivé à Aiguines, jeudi en fin d'après-midi, j'ai le temps de récupérer le dossard, faire quelques emplettes pour me faire pardonner mon escapade en solitaire et planter la tente dans le camping qui surplombe le village de quelques mètres, superbe position stratégique pour le départ de la course. Au briefing, je retrouve Jean-Philippe et son copain Paul,
tous deux finishers en moins de 40h de l'UTMB, fidèles des raids multisports, ce qui me permet de ne pas manger seul lors de la pasta-party. En effet, pas d'UFO déclaré en vue, il faut dire que je n'ai pas encore arboré la célèbre casquette, signe universel de ralliement des ultrafondus. J'aurais bien croisé Antoine Guillon avec lequel j'avais eu quelques échanges par posts interposés. Mais point d'Antoine.
La pasta party est généreuse et de bonne facture. Un coureur du 40 km nous rejoint à table. Philippe est carabinier au palais princier de Monaco … et bien sympatique. Comme tous ceux auxquels j'aurai posé la question, il sera au départ de l'UTMB fin août. On dirait que ce petit tour sympathique de 158 km a un certain magnétisme …
En remontant au camping, Philippe me dit son intention de dormir dans sa voiture. Que nenni lui dis-je, j'ai de la place dans la tente …. Et me voilà transformé en centre d'hébergement. Cela permet d'échanger un peu avant de dormir, ce qui ne tarde pas car il faut être en forme demain.
… Enfin dormir est un bien grand mot, car selon le 2 ème principe d'Aristote: "Tout corps couché sur un matelas mousse en pente se retrouve irrémédiablement coincé au fond de la tente". Philippe et moi passons notre nuit à ramer pour remonter vers le haut de la tente … voilà quelques mètres de dénivelé supplémentaires à notre actif !
Résultat : pas besoin de réveil pour être debout à 5h15!
Passons sur les préparatifs … nous voilà, Jean-Philippe, Paul et moi au deuxième rang sur la ligne de départ, calés juste derrière Marco Olmo et Sébastien Chaigneau , profitons-en, on ne les verra pas longtemps.
Le début de course est comme très souvent un peu rapide, mais je me laisse prendre au jeu. Nous sommes encore à l'ombre, il faut en profiter pour avaler les kms. Très rapidement, la colonne dont je fais partie se trompe d'itinéraire, mais un coureur qui a l'air de connaître toutes les pierres du coin par leur prénom, s'en rend rapidement compte et nous remet sur le droit chemin. A ma surprise, j'effectue ces premiers kms avec Jean-Philippe et Paul qui ont pourtant un palmarès bien plus élogieux que le mien. D'ailleurs, ce qui devait arriver arrive, vers la fin de la première grosse montée, je suis obligé de les laisser partir devant, Paul d'abord, Jean-Philippe ensuite. Me voilà seul … et cela me permet de mieux gérer mon rythme, qui était malgré tout influencé par leur présence. Je pense me situer vers la trentième place, mais à ce moment tous les formats de course sont encore mélangés (20km, 40km, 60km et 70 km plus le Verdon Trail Aventure (par étapes)). Sur un long plat, je cours de manière relativement continue sans trop puiser dans mes réserves. Je fais surtout attention à mon hydratation et mon alimentation. Par la chaleur qui commence à s'installer, la moindre erreur peut coûter très cher.
A propos d'erreur, je m'aperçois que j'ai des chaussettes de même modèle, mais d'une durée d'usage différente, et la plus ancienne tient mal à la cheville et glisse systématiquement sous le talon. Comme mes Compeed de protection se sont fait la malle très rapidement, la peau du talon frotte directement sur la chaussure : l'ampoule est inévitable, elle sera de taille conséquente. Mais elle ne me gênera qu'une fois la course finie, à froid !
En attendant, la course m'apporte ce que j'étais venu chercher. J'adore cette ambiance provençale avec le calcaire et ses nuances gris clair, les buissons de buis et de chênes, les touffes odorantes de thym et de serpolet. Un faucon me passe au-dessus de la tête. Les points de vue sont magnifiques, en particulier ceux qui donnent sur le lac de Ste Croix.
Les écarts commencent à se faire sentir et peu de concurrents sont visibles. Cela rend les rencontres encore plus sympathiques et les échanges sont brefs mais chaleureux.
Dans la première descente longue et technique, je me sens pousser des ailes et je lâche les chevaux, ce qui me permet de doubler quelques concurrents.
La chaleur se fait de plus en plus oppressante et je bois plus d'un litre par heure. Ceci me permet de ne pas trop souffrir. Lors d'un ravitaillement, un bénévole me dit (suite à ma question) qu'il ne peuvent pas mettre un seau d'eau à la disposition des coureurs pour se mouiller, suite à la décision de "l'Hygiène". On se demande ce qu'elle vient nous emm… ici l'Hygiène. Le sous chef de département hyperzélé qui a pris cette décision inique nous fait courir un risque (potentiellement vital, voir marathon du Mont St Michel 2005) de coup de chaud pour un éventuel problème d'hygiène si jamais on en venait à boire l'eau du seau plutôt que l'eau minérale dont le ravitaillement est abondamment pourvu. Du vrai n'importe quoi !
Tiens au fait, en parlant de bénévole, comme la plupart du temps, ceux que je croise sur cette course sont aux petits oignons, allant jusqu'à remplir les gourdes ou le Camelback directement sur notre dos. Des perles … merci à eux.
Par rapport à mes premiers trails, je passe un peu plus de temps aux ravitaillements, ce qui me permet d'éviter nombre des désagréments digestifs que je subis lors des ravitaillements pris à la volée. Cela permet aussi plus d'échanges avec les bénévoles … bref, que du bénef.
Me voilà arrivé au-dessus des gorges du Verdon et j'attaque tambour battant la descente du sentier du Bastidon que je reconnais, pourtant je l'ai emprunté il y a 20 ans ! Finalement, les quadriceps résistent bien, les descentes du Grand Raid 73 me les ont préparés. Arrivé au fond des gorges, je jette un rapide coup d'œil au Verdon et ses eaux turquoises;: toujours aussi splendides et j'attaque le morceau de bravoure de la journée: une montée souvent très raide de plus de 1100 m de D+, mi-ombragée, mi-ensoleillée. Je décide dès le début de gérer: rythme volontairement en-dessous de d'habitude, mais une régularité de métronome. Ainsi, certains qui me doublent en début de montée se font rattraper un peu plus haut. L'expérience acquise depuis un an me permet de mieux gérer mes courses … et c'est de bon augure pour l'UTMB.
La montée est entrecoupée par un bref passage sur route où se trouve un ravitaillement liquide. Quelle n'est pas ma surprise d'y retrouver Jean-Philippe qui commence un vrai calvaire qui s'achèvera prématurément dans la tente des secouristes avec une perfusion de près de 4 heures!! (comme beaucoup d'ailleurs, ce jour-là, je l'appris plus tard). Pour l'instant son symptôme principal est qu'il n'arrive pas à suive son rythme habituel et après une dizaine de minutes passés ensemble, je pars devant. Décidément, je me satisfais d'avoir pris le temps de bien m'hydrater.
La montée se poursuit et globalement, je double un peu plus de monde que je ne me fais doubler. A ce moment de la course, les moments de solitude absolue l'emportent.
L'arrivée au point culminant de la course est saluée par 3 bénévoles qui m'encouragent. C'est presque rien, mais çà fait du bien avant d'entamer la descente … qui s'avère technique au début puis roulante , mais je m'aperçois pour la première fois que je ne roule plus beaucoup. Comme souvent, ma vitesse de descente souffre plus de la fatigue que ma vitesse de montée. Moi qui adore les descentes, je trouve celle-ci trop "à l'arrache" pour la goûter vraiment d'autant que si je double 2-3 concurrent(e)s au début, je me fais doubler par le même nombre sur la fin. Il est temps de prendre une petite pause bien méritée. Celle-ci s'annonce, car me voilà arrivé dans la banlieue immédiate d'Aiguines … donc à une centaine de mètres de la place centrale où sont installés le podium et le 5 ème ravitaillement. En y arrivant, j'ai une deuxième surprise, j'y retrouve Paul qui s'apprête à repartir: il n'a pas plus de 10 mn d'avance sur moi!!!! Je le prends en photos car son visage est entièrement blanchi de sel.
Je m'assieds et prends le temps de reprendre des forces. Je demande des nouvelles d'Antoine Guillon et apprend qu'il n'est pas encore passé, alors que Sébastien Chaigneau est arrivé depuis 25 minutes: un temps canon qu'il nous a fait Sébastien: 8h39 dans les conditions de chaleur rencontrées, c'est très grand!. Entendant que je m'enquiers d'Antoine, sa femme vient me parler. Elle m'indique qu'elle attend Antoine d'un moment à l'autre. Au même moment, je lui dis que Marco Olmo est en train d'arriver. La moue de dépit sur son visage est très marquée : quelle supportrice tu as là, Antoine !! Les temps des premiers me permettent d'estimer le temps de course qu'il me reste : sans doute environ 4 heures, faut pas mollir. D'autant que ce ravitaillement sur la ligne d'arrivée, entre les terrasses ombragées des cafés engage justement à mollir. Abandonner ici est très tentant, et d'ailleurs, mes trois poursuivants sur le 70 km cèdent à la tentation pendant mon ravitaillement … vite mieux vaut partir d'ici rapidement, ce coin est trop dangereux !
Cette pause a cependant été salutaire et c'est par une alternance course/marche que je me dirige vers l'avant dernier ravitaillement d'où je repars flanqué d'un Allemand dont la démarche est hésitante voire franchement chaotique, mais qui avance… et j'apprends au passage que je suis 17ème … inespéré!
A partir de ce moment, j'entre dans le dur. Je n'arrive quasiment plus à courir que par intermittence. C'est le moment de faire jouer le mental. Mais celui-ci tient bien le coup. Nous arrivons sur les bords du lac que nous devons longer sur environ 10 km.
L'eau de ce lac me permet de tremper régulièrement ma casquette pour essayer de rafraîchir le moteur, c'est de plus en plus nécessaire.
A la bifurcation entre le 70 et le 60 km, je rattrape Paul qui me dit être explosé. Nous échangeons quelques mots, mais j'ai du mal à sortir de ma bulle, je me protège et protège ma fin de course. Je sens que Paul prend l'aspiration et j'ai l'impression que mon Allemand est en train de céder … jusqu'à un km plus loin, quand je me retourne, je m'aperçois que celui dont j'entends les pas juste derrière moi n'est pas Paul, mais mon éternel Allemand. Tiens, Paul doit vraiment avoir du mal (j'apprendrai plus tard qu'il a abandonné peu de temps après notre rencontre et qu'il a rejoint Jean-Philippe sous la tente des secours pour sa petite perfusion personnelle).
Me voilà donc 16 ème, je n'en reviens pas ! Cela me donne du courage et je serre les dents tous en calculant la distance qui me sépare du prochain ravitaillement, mais ce calcul est forcément très imprécis. Une bénévole m'indique qu'il reste 20 bons kms alors que j'avais calculé 11!, soit encore plus de 16 kms avant le ravitaillement je n'y crois pas trop, mais cette indication me met le doute … or je n'ai plus eau ni nourriture depuis une demi-heure cela commence à m'inquiéter. Je décide qu'il me reste 10 km avant le ravitaillement.
Un petit épisode de défrichage avec mon Allemand, suite à un petit trou dans le balisage me fait perdre un peu d'énergie. Mais je continue d'avancer. Tout à coup mon indécrottable Allemand s'arrête. Je me retrouve seul et me sens presque invulnérable … sauf que mon collègue germanique me rattrape peu de temps après puis me double pour la première fois. Et là tout d'un coup, en 200m je passe d'un état où je maîtrisais ma course à un état où je n'arrive plus à enchaîner plus de trois pas de suite (et pourtant c'est parfaitement plat). Je m'allonge sous le premier arbre venu et constate que je suis très nauséeux et que mon cœur bat la chamade. Panne d'essence. Je n'ai pourtant pas mal aux jambes, aucune crampe, mais le moteur ne pousse plus. Je sors la carte IGN où j'avais reporté le parcours, mais n'arrive pas à retrouver quelle est cette plage et cette anse devant laquelle je gis. J'estime être à 4 km du ravitaillement et je n'arrive même par à lever la tête pour lire la carte. Je laisse passer 35 mn mais mon état ne s'arrange pas. Mes poursuivants (2 jeunes qui ont l'air encore relativement frais) me doublent sans s'enquérir de ma santé qui pourtant m'inquiète à ce moment. J'ai peur d'un coup de chaud dont on sait qu'il peut être fatal, on l'a encore vu lors du marathon du Mont St Michel 2005. Je pense à mes 4 enfants et à ma femme et me dis que ces 8 kms que je ne ferai pas ne mérite pas que j'y risque ma santé voire plus. Enfin, au bout de 45 mn je décide d'appeler l'organisation pour me faire rapatrier … si près du but, c'est rageant, mais c'est le plus raisonnable. J'appelle, me traîne jusqu'à la route pour qu'on me trouve facilement (5 bonnes minutes pour parcourir les 50m qui m'en séparent !!!) et m'allonge sur le bas-côté. Une voiture de l'organisation passe à ce moment-là et me prend en charge jusqu'au ravitaillement où se trouve un secouriste. Et là, je m'aperçois que je n'étais qu'à 400m de ce damné ravitaillement(!!!!), lui-même situé à moins de 4km de l'arrivée … Si j'avais su j'aurais essayé, même très lentement, de pousser jusque là et voir si boire et manger m'auraient redonné juste ce qu'il faut d'énergie pour finir. Enfin pas de regrets à avoir je n'étais vraiment pas bien.
Pris en charge avec sympathie par les bénévoles, je rejoins en voiture l'arrivée et constate sur place l'hécatombe qu'a été cette course. Plus de 50 % d'abandons, dont une bonne partie de perfusés. La chaleur et la difficulté du parcours ont eu raison de bon nombre d'organismes pourtant affûtés. Antoine me rejoint et m'explique sa fin de course. Il était deuxième quand il a lui aussi souffert d'un bon coup de chaud au niveau du dernier ravitaillement. Il me dit qu'il a été obligé de se faire vomir pour pouvoir continuer et qu'il a marché par endroits à 1 à 2 km/h et qu'il finit plus fatigué que lors de l'UTMB 2005 qu'il a pourtant fini 4ème !! Il est finalement arrivé 3 ème à 40 mn de Marco Olmo, temps perdu dans les derniers km (1h15 pour les 4 derniers kms, un rythme de tortue pour lui). En tout cas cela me permet de faire sa connaissance, et il se montre éminemment sympathique. On se reverra avec plaisir fin août à Chamonix.
La course est terminée. Je l'ai trouvée superbe sauf quelques passages un peu quelconques dans la descente vers le lac. Elle est très dure, car beaucoup de sentiers sont très techniques et les appuis sont souvent chahutés, les marches à franchir sont souvent hautes. J'ai emmagasiné une expérience très précieuse pour l'UTMB et elle me sera utile pour tenir la distance. Je reviendrai, pour finir cette fois.
Merci encore à l'organisation et aux bénévoles qui nous ont concocté cette nouvelle épreuve qui a connu un sacré baptême du feu avec la chaleur et la présence de quelques grands noms.
7 commentaires
Commentaire de totoche58 posté le 01-07-2006 à 10:22:00
Félicitations pour ce beau récit et ces très belles photos meme si la fin de l'histoire n'est pas top top pour toi (maudite chaleur) alors que jusque là ta course était vraiment belle. Bonne chance pour l'UTMB.
Commentaire de akunamatata posté le 02-07-2006 à 19:29:00
c'etait chaud cette course!
felicitations pour avoir garde un peu de lucidite vers la fin, on ne sait jamais, les coups de chaleur c'est jamais bon pour l'organisme.
Akuna
Commentaire de Tamiou posté le 03-07-2006 à 13:27:00
Bravo Olivier, pour un débutant comme moi ton récit me donne des frayeurs sur la fin, quelque soit ta déception, tu as pris la bonne décision et comme tu le dis c'est de l'expérience acquise pour accomplir ce qui te tient le plus à coeur aujoud'hui et dont tout le monde parle, je n'entends plus que ça autours de moi, ça doit être une belle épreuve cet UTMB.
Commentaire de BOULANGER posté le 10-07-2006 à 22:14:00
olivier,
Quel récit de course à vous couper le souffle et les jambes...
Bravo pour l'exploit .
Trés amicalement
Jean Charles ( un peu jaloux)
Commentaire de Tortue géniale posté le 20-11-2006 à 10:09:00
Ca fout les frissons ton CR !
J'ai eu la chance de faire le Verdon Trail Aventure en juin 2005 où nous avons bénéficié d'un temps très clément malgré la date... moi qui déteste la chaleur, je t'avoue que ces 04 jours de course sont gravés à jamais dans ma mémoire...
Commentaire de joy posté le 08-02-2007 à 09:40:00
B R A V O !!!
Commentaire de gdraid posté le 30-03-2011 à 12:44:00
Il n'est jamais trop tard pour lire un bon CR.
Merci Olivier.
JC
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