L'auteur : anyah
La course : Verdon Canyon Xtrem - 110 km
Date : 13/6/2014
Lieu : Moustiers Ste Marie (Alpes-de-Haute-Provence)
Affichage : 2630 vues
Distance : 110km
Objectif : Terminer
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39 autres récits :
Verdon Canyon Xtrem 110 km 7800 D+- Moustiers Sainte-Marie (04) - vendredi 13 juin et samedi 14 juin 2014
Le Jour J arrive enfin et commence plutôt bien : après une matinée au boulot, Mark me rejoint et nous filons à Moustiers. Retrait du dossard, dépot du sac de rechange, installation au camping, derniers préparatifs et repas de pâtes convivial. Nous montons au village de Moustiers, très chouette ambiance. A 22h, le départ est donné, nous sommes (je crois) 180.
J'ai un petit rythme de 7 km/h pour la première étape de 20 km (il y a 6 étapes d'environ 20 km) et nous longeons le lac de Sainte-Croix sous la pleine lune : c'est magique. Arrivée à Aiguines pour le 1er contrôle : quelques minutes d'arrêt pendant lesquelles j'ai le temps de recharger en eau mon camel bag et manger une soupe. Je repars vite et nous montons vers le Grand Margès (1500m). Dans cette montée, je fais 3 arrêts techniques (incroyable : mes intestins n'ont pas supporté la soupe !) et une petite série de crampes mais je réussis à me retaper rapidement.
Le balisage est extrêmement précis et lumineux : avec toujours une balise dans le champ de vision, il est difficile de se perdre. (Je lis que l'organisation aurait téléphoné au vainqueur muni d'une puce GPS pour lui dire qu'il était sur le mauvais chemin : est-ce vraiment normal ??) (Lire ci-dessous dans les commentaires les réponses d'Antoine et des concernés : merci à eux pour ces précisions).
Certains chemins sont comme des tunnels dans la végétation, c'est très humide et glissant. Extraordinairement technique. On était prévenus et les chemins autour de chez moi sont comme ceux-là. C'est le genre d'endroit où il ne vaut mieux pas courir... surtout de nuit. Question sécurité, je rencontre 3 personnes postées à des endroits difficiles équipés de corde. Mais en cas d'accident, aucun moyen d'être évacué sauf sur ses deux jambes et encore faut-il pouvoir appeler les secours : sur le parcours, la couverture réseau est très parcellaire. Je trottine quand c'est possible mais je maintiens une vitesse horaire de 4,5 km/h (arrets compris). Avec tant de dénivelé, c'est conforme à mes prévisions.
Au lever du soleil, nous découvrons l'extraordinaire paysage sur le lac de Sainte-Croix : c'est fantastique. A 6h38 (km 38), je pointe au contrôle du Camping Galetas, et je réveille Mark dans notre tente. Je me change, refais le plein, mange un peu et je repars. 2ème traversée du Pont Galetas (c'est celui qui donne sur les gorges du Verdon et sur lequel j'ai tant de souvenirs : ici en photo avec Romina dans le Raid Provence Extrême). Nous montons 600 m d'un coup dans la forêt, j'ai un bon rythme et je double. Arrivée sur le plateau herbeux, plusieurs concurrents dorment et j'aurais dû en faire autant !
Dans la partie suivante, j'ai un coup de barre monumental et j'avance très lentement. C'est une partie très technique et vertigineuse, sécurisée avec des cordes. Heureusement que j'ai fait des Via ferrata dans ma vie, ça m'a aguerrie mais devant moi, certains ont le vertige.
Quand j'arrive enfin à la route, Mark est là sur son vélo. Il fait le tour des Gorges et fait un détour pour me voir. Nous sommes très synchro (comme toujours dans la vie :-). Je suis en mauvais état, je ne suis pas suffisamment lucide et il me fait allonger sur le bas côté pour tenter de dormir 5 mn. ça me fait vraiment du bien et je repars pour les derniers 4 km où j'avance mieux.
J'arrive au Chalet de la Maline à 13h00, très en avance sur mon planning, je mange des pâtes et je m'allonge sur un lit de camp. Quand je demande ma position, on ne peut me la donner mais on me dit qu'il y aurait déjà 50 abandons.
C'est alors que dans un demi-sommeil, j'entends les mots "Alerte Météo France aux orages de niveau 3". Merde alors ! Avec Mark (Mr Expert-Météo), nous avions surveillé l'évolution des prévisions et nous savions que ce trail serait arrosé, mais une alerte 3, c'est pas prévu ! Je regarde autour de moi : personne ne semble inquiet. Je remballe vite et je pars dans le fantastique sentier qui descend vers le Verdon pour le traverser par la nouvelle passerelle et remonter aux Cavaliers. Il commence à pleuvoir alors que je suis tout en bas. Je mets mon Kway et je suis vite trempée dedans et dehors... Il fait encore chaud et ça monte sec par de grosses marches très glissantes.
L'orage tonne, je vois les éclairs, des petits grêlons et il tombe des cordes. Mark m'avait dit qu'il est impossible d'être touché par un éclair au fond d'une gorge donc je continue. J'arrive à la route et Mark est là comme prévu, cette fois-ci avec notre voiture. Il pleut fort à nouveau puis ça cesse.
Il est 15h. Je pars avec 2 Suisses dans la montée de la Petite Forêt. Bon rythme et on avance bien, mais il pleut à nouveau. J'ai gardé mon Kway donc je continue sans mes compagnons qui s'arrêtent pour s'équiper. Il y a maintenant beaucoup de concurrents du parcours du 60 km qui nous rejoignent (et nous dépassent) et nous montons à la file dans cette très belle forêt de hêtres. Mais l'orage redouble, je vois des petits grelons puis des gros, ça fait mal. Je m'arrête avec une dizaine d'autres sous un grand arbre. Nous jetons nos bâtons à la pointe métallique un peu plus loin. Notre groupe grossit. Les grelons aussi : ce sont maintenant des billes. ça fait vraiment très mal. Comme me l'expliquera Mark ensuite, dans un orage, les grêlons n'ont pas seulement la force de leur propre poids dans la chute, ils sont projetés à terre par la masse d'air et le souffle de l'orage. Ce sont des projectiles.
J'ai vraiment peur, je ne panique pas, mais je ne sais pas quoi faire ! Où aller pour se protéger ? Le niveau de grelons au sol monte jusqu'à 20cm. Si nous grimpons encore, il fera plus froid et les grelons risquent d'être plus gros : je me dis qu'un grelon comme balle de ping-pong, ça peut traverser le crâne et tuer quelqu'un ! Je me sens vulnérable avec ma casquette et ma capuche pour seule protection. Les éclairs sont effrayants. Il fait très sombre. Il est 17h.
Soudain, je vois des coureurs dans l'autre sens : je les reconnais ce sont les 3 avec qui nous jouons au chat et à la souris depuis ce matin. Le meneur du groupe nous dit qu'il faut descendre car c'est trop dangereux. Je comprends qu'il a raison et je les suis. Puis les dépasse. Je n'ai jamais couru (environ 4 km ?) aussi vite en descente.
Devant nous, le sol est complètement blanc traversé de torrents d'eau, de boue, de débris dévalent la pente et font des marques dans la grêle. On ne voit plus le sentier : heureusement qu'on peut suivre les balises dans l'autre sens. Je cours comme une malade. La boue, les pierres glissantes, les racines, la grêle : il ne manque que des peaux de banane ! Me voici enfin sur la route, certains ont sorti leur couverture de survie. Je fais du stop plutôt que d'attendre un hypothétique rapatriement.
Depuis un moment je m'inquiète pour Mark qui s'inquiète pour moi aussi évidemment : notre prochain RDV était au sommet du Grand Margès. Je sais qu'il a garé la voiture à Aiguines et est monté à pied à contresens pour me retrouver. Pas de réseau téléphonique. Quand nous nous parlons enfin au téléphone, il me dit avoir ressenti les vents et le souffle formidable de cet orage démesuré au sommet du Grand Margès.
A Aiguines, la salle du contrôle est transformée en cour des miracles. Les bénévoles nous bichonnent mais l'ambiance est tendue. Mark arrive enfin : après 93 bornes en vélo ce matin, voilà qu'il se met au trail ! Nous partons à 18h30, retour à la tente, retour à Malines à 20h30 pour récupérer mon sac et croiser juste les derniers coureurs qui sont rapatriés. Il fallait être très rapide pour échapper à l'orage. Pour les plus lents, impossible de passer à travers !
Bilan sportif : 77 km et 3800 de D+. J'ai compté les 4 km que j'ai fait en descente pour fuir l'orage. Pas de bobo ni de courbatures, pas de chute : je suis au point question entrainement. Il me faudrait juste apprendre à descendre un peu plus vite sur des sentiers techniques. Mais je me dis aussi que descendre vite est facteur de chute et de blessure, donc pour le moment, ça va bien comme ça!
Equipement et alimentation :
- lampe : ça fait rigoler tout le monde quand on me voit avec cette frontale très proéminente, mais je n'utilise que ma lampe de vélo (Hope) qui fait penser à une lampe de mineur. Avec Mark on avait acheté cet équipement pour nos longues distances en vélo. Elle se porte sur la tête et je mets la batterie au fond de mon sac. Le poids d'une batterie doit être d'environ 300gr. Avec 5 positions, elle éclaire comme une mobylette et dure largement toute la nuit. J'ai une 2ème batterie que j'ai mise dans mon bag drop à la Maline pour la 2ème nuit. J'ai entièrement confiance dans cette lampe, souvent des coureurs se placent derrière moi pour profiter de l'éclairage.
- sac à dos trop petit (Quechua extend 12l), je n'ai pas la place pour un vêtement chaud ni un rechange, mais il est vrai qu'avec mon arrêt prévu à la tente, et le sac à la Maline, je me suis changée 2 fois.
- batons Ultra Distance Z Black Diamond : ils sont super ces bâtons, je les ai beaucoup plus utilisés en descente que d'habitude et j'ai fait 100% des montées avec. Quand je ne m'en sers pas, ils sont pliés sur mon ventre, glissés entre la ceinture ventrale et celle de la poitrine.
- chaussures : Asics Fuji Attack, ce sont celles qui ont le plus de grip, j'ai entière confiance en descente. L'amorti est assez moyen mais je n'y suis pas sensible étant d'une constitution très robuste. Inconvénient : les crampons s'usent très vite, une paire tous les 2 mois...
- Kway Raidlight 10000 machins, 250 gr. grand comme la main plié. Assez déçue vu le prix, j'ai été trempée à l'intérieur par ma sueur mais il est vrai que je n'ai pas eu froid sur le corps. En fait, on ne reste isolé de l'humidité que si on ne bouge pas, et sans bouger on a froid...
- camel bag 3 litres : c'est nécessaire avec un ravito tous les 20 km par cette chaleur. Je l'ai rechargé à chaque contrôle avec de l'eau plate et un sac de 3 cuillères de malto et 3 cuillères de poudre iso. C'est bien mais le malto a tendance à coaguler et à boucher le tube, il faut vite remuer et souffler dans le tube. Avec ce mélange, je mange beaucoup moins. Le camel bag plein prend beaucoup de place dans le sac !
- petits trucs : une pastille de sel toutes les 4h environ. Sporténine régulièrement. Et gingembre confit en petit cube: c'est bien car ça rafraichit la bouche, picote le nez et surtout je trouve que ça me booste.
- GPS : j'ai un GPS géonaute avec la trace du parcours. Il a une autonomie de 10h et un grand écran. Je l'ai rechargé en courant avec une batterie amovible (se charge sur secteur + port USB) qui a la taille d'un paquet de cigarettes et que j'ai glissée dans la manchette sous mon bras. Tout a bien fonctionné. J'ai aussi une montre et un GPS de secours (sans la trace). J'ai besoin de connaître ma vitesse horaire moyenne, c'est l'habitude du vélo ! Je m'étais calée sur une progression (arrêts compris) de 4,2 km/h.
- Pour manger : barres de céréales, pâte d'amande et rien d'autre : mon estomac tourne au ralenti, donc je dois très peu manger mais souvent.
Sur mon blog, le même récit avec les super photos de Mark !
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7 commentaires
Commentaire de Michel11 posté le 16-06-2014 à 07:28:22
Beau récit, avec ta petite frontale on ne pouvait pas ne pas te voir sur le départ,
C est sûrement l'orage le plus violent que j'ai connu en course ....
Commentaire de Antoine_06 posté le 16-06-2014 à 17:29:10
Bonjour, je voudrais donner une précision car il y a une erreur qui pourrait faire penser à une négligence de la part de l'organisation :
"mais les concurrents n'ayant pas été invités à laisser leur numéro, on ne peut les joindre..."
C'est faux. Dans les bulletins d'inscription il fallait renseigner 2 numéros de téléphone, le votre et celui d'un contact en cas de problème.
Ayant passé une partie de la soirée au PC course je peux vous dire que cela nous a servi. Nous avions perdu la trace de certains coureurs qui n'avaient pas signalé leur abandon et nous avons pu les appeler, ou appeler le contact indiqué.
Antoine Troullier
Commentaire de anyah posté le 16-06-2014 à 17:42:41
Merci pour cette précision Antoine, un concurrent m'a dit le contraire mais je rectifie mon récit tout de suite ! bonne continuation
Commentaire de Antoine_06 posté le 16-06-2014 à 17:57:32
Concernant cet autre point :
"Je lis que l'organisation aurait téléphoné au vainqueur muni d'une puce GPS pour lui dire qu'il était sur le mauvais chemin : est-ce vraiment normal ??"
Je recopie ce que j'ai déjà expliqué sur la page Facebook :
- Moi : Comme le précise Léa Lizardo-Pigois c'est une confusion entre les infos visibles depuis le PC course par la balise de Thomas et une modification de parcours faite 3j avant qui a conduit à un quiproquo. Les 2 coureurs de tête (du début jusqu'à l'arrivée !...) ont été induits en erreur et ont fait 3km D300 supplémentaires, se faisant rattraper par un groupe de 3 "chasseurs" qu'ils avaient largués. Ils n'ont donc profité d'aucune grâce de l'organisation.
- Phil Yap : je ne comprends pas, on parle de la montée a plein voir !? c'est vrai qu a cet endroit apres la petite source on partait a gauche vers col de l'ane (plus simple mais moins beau) au lieu de plein voir sur la droite (plus technique) si c'est là y avait une rubalise qui faisait barriere
- Moi : Oui Phil, mais des corrections ont peut-être été apportées entre le passage des premiers et le tien suite à ces échanges. Quoiqu'il en soit on ne peut pas accuser les leaders d'avoir été téléguidés
Voilà, donc pas de téléguidage, aucune aide externe, Thomas et Lionel ont fait des aller-retour pour trouver la bonne piste. Ils ont été contactés car devant leurs errements nous avons cru à un débalisage. C'était une intervention de sécurité car il ne fallait surtout pas qu'ils partent vers Plein Voir que l'on avait volontairement supprimé car trop dangereux.
Antoine
Commentaire de brague spirit posté le 17-06-2014 à 08:39:13
Anyah,j'espere pour toi,que le dicton,jamais deux sans trois,ne sera pas.
Après ton stop,sur l'UT2M,celui çi,plutot voulu,dans le Verdon,sans doute,plus sage,pour ta sécurité.
As tu coché un ultra sup 100km,pour les prochains mois.
L'UTAT est un bon plan.
Commentaire de anyah posté le 19-06-2014 à 21:48:31
Merci à toi : on verra bien mais j'admets que j'ai l'habitude des objectifs surdimensionnés... disons qu'autrement je m'ennuie. Puisque rien ne m'effraie, j'ai osé m'inscrire à l'UT4M, et j'espère que la trilogie sera contredite. Mais je donne ma langue au chat : qu'est ce que cet UTAT ?
Commentaire de Bacchus posté le 18-06-2014 à 22:12:29
Quelle aventure !! j'en aurais pas mené large vu les conditions que tu nous décrit
Merci pour ce super récit.
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