L'auteur : ddfutmb
La course : Ardennes Mega Trail - 88 km
Date : 30/6/2012
Lieu : Les Hautes Rivieres (Ardennes)
Affichage : 2578 vues
Distance : 88km
Matos : Maillot Gore-tex rouge
3/4 Asics
Chaussure Asics Trail Upterra
Coupe-vent Asics Rouge
Camel-Bag Lafuma Cinetik 5 Pro (génial!)
Bâtons Leki
Accessoires (frontale, Mp3...)
Objectif : Terminer
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29 juin 2012, 8h40 du matin.
Je me réveille et instinctivement jette un coup d’œil à mon pied gauche. Depuis la veille au soir et mon dernier footing d'une demi heure, une « boule » s'est crée à l'extrémité de ma plante de pied me conférant un « deuxième talon » et une douleur moyenne à chaque pose au sol. Heureux mais stressé à l'idée de réaliser mon premier ultra-trail, je n'avais pas forcément besoin de ça. Panique à bord, pose de multiples crèmes, pique avec aiguilles (transpercer cette masse avec des aiguilles apparût comme une bonne idée sur le coup...), tout est tenté pour dissiper ce problème. Pris de panique, je décide même d'aller voir le pharmacien pour lui demander son opinion. Et là, verdict : « monsieur, vous avez un gros hématome, vous avez probablement cogner contre quelque chose sans vous en rendre compte. Je pense qu'il vous faut annuler votre course ». Deux possibilités, le coup de tête au pharmacien (!) qui sur le coup à fait monter ma tension à 20 (je lui signale avec certitude que je n'ai frappé contre rien avec mon pied mais son verdict restera inchangé) ou espérer que ce problème reparte comme il est venu (A ce jour, je n'ai toujours pas l'explication mais on se dirige vers un manque « d'hydratation » du pied. La crème NOK n'aurait pas été posée de façon régulière. Je valide dans le doute).
Ce que le pharmacien ne savais pas, c'est que je venais de découvrir le trail un an auparavant. Quelque courses courte distance et un intérieur sport sur la « Diagonale des fous »plus tard, je me dis : « Pourquoi pas moi ? La traversée de la Réunion, du nord au sud à travers des paysages grandioses, que demander de plus »? Mais après une courte analyse (161KM pour 9600M D+, on se rend rapidement compte qu'on ne les fera pas un doigt dans le nez, un dans le c.. comme dirais Gérard Darmon dans Le Cœur des Hommes 2) et les conseils de ma compagne qui a déjà été kiné sur l'épreuve en 2010, je sais qu'il me faudra un bon nombre d'années pour imaginer réussir un des ultras les plus mythiques du monde. Ça ne me gène pas, à 24 ans j'ai de la marge (j'espère) et je suis conscient des efforts qu'il me reste à accomplir. Fin décembre, lors du premier jour des inscriptions, je franchis le pas et décide de tenter mon premier ultra : ça sera l'Ardennes Méga Trail. Un ultra de 88KM pour 4800M D+. Une pierre dans le monde des ultra-trailers, un énorme rocher pour mes amis et ma famille qui pensent qu'il sera difficile d'y arriver. Je ne peux pas leur en vouloir. Je n'ai jamais pratique le running de façon régulière, mes seuls acquis sportifs provenant du football que je pratique depuis l'âge de 5 ans. La première étape vers les Ardennes se situe donc le 11 mars 2012 où je m'aligne au départ du trail des Poilus dans ma région, le Nord-Pas de Calais. Avec un objectif clair, parvenir au bout des 47KM et 1800M de dénivelé positif. Parce qu'en cas d'échec, il faudra une intervention divine pour aller au bout de l'Ardennes Méga Trail 3 mois et demi plus tard.
Départ 9h30 – Arrivée 14h57 et quelques secondes. Tout s'est bien passé. Pas de problème musculaire, un temps honorable (5h27'), un morale qui a tenu tout au long de l’épreuve. Double succès en somme, pour cette course et pour l'avenir. Il me faudra simplement rajouter 40KM et 3000M D+ en juin, ce devrait le faire (rires)! Quelques séquelles tout de même, mes genoux qui n'ont pas aimé et des douleurs qui s'intensifient au fil de la semaine qui succède la course. Médecin du sport, podologue et kiné me donnent semelles, conseils et exercices d'étirements afin de remettre tout cela en place. Mais ne m'interdisent pas l'ultra-trail. Que du bonus! Et puis j'ai une kiné à domicile! Impeccable! Un problème qui sera quasi résorbé au départ de la course.
Début avril – 28 juin. Ça y est, le plus dur est passé. Je viens d'en finir avec mon programme d'entrainement sur 13 semaines. Ce fut dur mais d'après ce que j'ai pu lire, entendre et demander comme conseils, l'ultra-trail est à ce prix. 120Heures d'entrainement depuis le 1er janvier et 1250KM parcourus, est-ce trop? Pas assez? La réponse, je ne l'ai pas encore mais en tout cas, je ne pourrais pas avoir de regret sur ma préparation. J'ai tout donné, aucune séance manquée, alimentation adaptée (je crois...On a quand même la baraque à frites dans le nord, c'est ne pas évident, rires...). Je suis prêt. Enfin, je crois. Les doutes sont tout de même difficile à dissiper même si l'excitation prend largement le dessus
Vendredi 29 juin, 19h.
Quatre heures de routes pour rallier Hautes-Rivières, un nom de commune qui ne présage pas que du bon! Récupérer le dossard et échanger avec quelques coureurs sympathiques, mettre la tente, manger, derniers préparatifs de course.
Le stress continue de monter mais heureusement, je ne suis pas seul. Mon frère (qui a conduit et qui n'aurait louper cela pour rien au monde), mon beau-père (l'expert de la vie en nature. Il a absolument tout ce qu'il faut pour être à l'aise en tente. Il me déleste d'une perte de temps en organisation. Le genre de mec qui peut te construire un centre commerciale avec un cure-dent et une pince à épiler!) et ma compagne (kiné, qui me masse la veille de l'épreuve) m'ont accompagné.
Je ne ferais pas cette ultra-trail seul en fin de compte. Je sais qu'ils seront importants à un moment donné de la course, mais je n'imagine pas encore à quel point. Une nuit (très) courte, je suis réveillé à 1h du matin et ne parvient plus à me ré-endormir. Il est 2h30, je décide de me lever et commencer à me préparer : petit-déjeuner, équipement, vérification du contenu du camel-bag, tout y passe et y repasse. Moi qui ne suis pas un manuel, je me débrouille pas mal en logistique (heureusement que j'ai au moins cela!!). Et ça aussi, ça va compter. Un petit tour dans la grande salle du déjeuner officiel pour prendre la température. Je ne veux pas en perdre une miette. J'ai tout donné pour être là, pas question de manquer ces petits moments de partage avec les coureurs et les organisateurs. Quelques coureurs d'ailleurs en profitent pour me charrier sur mon numéro de dossard : le 1! « Ça porte souvent malheur. La dernière fois que je l'ai porté, je ne suis pas allé au bout » me glisse un coureur qui finit de se préparer. On en rigole tous ensemble, ça nous dérident bien car le départ est proche et la tension monte! Enregistrement de la puce électronique, une petite place sur le départ et le temps pour mes accompagnateurs de me donner leurs derniers conseils : « va à ton rythme! Ne t'en fais pas, ça va aller »! Les derniers discours des organisateurs avant de lâcher « les fauves dans l’arène ».
Il est 5h06, plus de 700 coureurs (ceux du 88KM/4800M D+ et ceux du 50KM/2600M D+) se lancent dans une quête, aller au bout de l'épreuve, de soi-même pour découvrir ou re-décrouvrir la joie d'une arrivée et ce sentiment indescriptible qui nous habitent.
Départ de Hautes-Rivières, 30 juin 2012, 5h06.
Ca y est! Après des mois d'attentes, d'entraînements intenses! Nous sommes lancés! A bonne allure pour certains, tranquillement pour d'autres. On distingue rapidement ceux qui sont venus pour faire une performance et ceux qui viennent pour simplement tenter d'aller au bout. Les coureurs partis trop vite, ce n'est pas à ce moment qu'on les aperçoit. Mais un peu plus loin. Quand toi, tu es « carbo' » mais que lui est complément foutu (rires). En espérant malgré cela, que tout le monde aille au bout. Gérer un ultra trail, cela ne s'apprend pas dans les livres. Même si je le répète, tous les conseils sont toujours bon à prendre. Après un petit tour de 1,5km pour étirer le peloton, première montée et là : point de côté! Incroyable, je suis parti à allure « grand-mère redécouvre la marche après la casse du col du fémur » et un point de côté survient!! La course va être longue! Je prends instinctivement une barre de céréales et essaie de me détendre. Malgré le départ de la course, le stress n'est pas totalement redescendu. Je respire tranquillement. Le point de côté disparaît rapidement. Je suis alors le peloton, à 9km/h. Sans prendre le risque de me griller. J'en profite pour faire quelques photos malgré la brume persistante et un ciel encore relativement sombre. J'ai gardé la frontale par précaution et fait partie des nombreuses lucioles qui ont eu la même idée. On n'est jamais trop prudent. De plus, et cela est la conséquence du temps radieux qui régnait sur la France en cette fin du mois de juin, tous les sentiers de terre étaient devenus des champs de boues pas toujours faciles à traverser. Cela nous vaudra par ailleurs un rallongement de la course d'un bon 3km, le genre de nouvelles qui ne te fait pas chaud au cœur à certains moments de la course. Nous y reviendrons.
Aux petits sentiers et premières montées succèdent faux plats et petites parties bitumées. L'occasion de croiser régulièrement mes accompagnateurs qui m'encouragent autant qu'ils le peuvent. Il est à peine 6h du matin mais ils sont en forme. Moi aussi finalement. Le stress totalement disparu, je retrouve l'intégralité de mes moyens ce qui me permet de suivre le peloton devant moi. Des dizaines de trailers devant et derrière, avec le sourire (pour le moment en tout cas), ravis de faire partie de cette belle aventure. Le temps n'est pas encore magnifique mais ça viendra. Les premiers accrocs également. Alors que je suis sur un sentier monotrace à quelques encablures du premier ravitaillement, une erreur de concentration me fait chuter dans... un champ d’orties et de ronces. Je suis très en colère contre moi, le sentier était très étroit et je savais qu'à tout moment, je pouvais chuter si je me mettais à regarder en l'air. Mais ça n'a pas loupé. Les trois coureurs qui me suivaient me sortent alors de ce champ. C'est avec de belles éraflures en sang, sur une bonne partie de ma jambe gauche que je rejoins le premier ravito'. Il est 7h11.
Haulmé, 15,2KM, 7h11, 194e.
C'est le premier coup qui m'atteint moralement de la journée. Ma « boule » au pied gauche avait apparemment disparu, le point de côté du début de course n'avait duré que quelques minutes et j'étais finalement parvenus à prendre un bon rythme. Mais là, c'était une chute par faute de concentration. Mes accompagnateurs viennent tout de suite aux nouvelles. Je leur apprends mon petit détour pour faire une soupe aux orties. Ils veulent me nettoyer la jambe mais je me débrouille. J'en profite pour mélanger de la poudre énergétique avec l'eau fournie au ravitaillement. Un gel pour faire passer tout cela, j'en profite pour enlever mon coupe-vent et ma frontale et je repars. Un arrêt au « stand » bien géré en somme.
194e au moment de mon passage à Haulmé sur 439 participants, je me pose la question de mon rythme. 194e? Vais-je trop vite? Trop lentement? Je me dis finalement qu'il faut continuer sans se préoccuper de la place que j'occupe. De toute façon, je n'ai aucun objectif. Simplement de franchir la ligne d'arrivée. J'arrive rapidement et sans encombres au km17,6 vers Tournavaux qui constitue pour moi, la première grosse difficulté de la course. Une montée abrupte et très technique en raison de la boue et des nombreuses racines au sol. A l'aide de mes bâtons, je monte à une vitesse raisonnable ce qui me permet de suivre un couple totalement « hallu... Attends la suite...Cinant!!! Hallucinant! » (Petite référence à How I Met Your Mother pour les fans!). Tandis que la femme monte à un rythme raisonnable à l'aide de ses bâtons, son conjoint (ou ami, ou frère finalement, je ne les connais pas personnellement, rires...) la pousse d'une seule main afin de l'aider à monter. Lui, il est quasiment en train de voler. Avec un sac visiblement bien plus lourd que sa compagne et sans bâtons, il grimpe à une allure que je rêverais d'atteindre un jour. Dieu, si tu m'entends! Ce premier col dépassé, une bonne descente nous permet pour le coup de tester nos quadriceps. Là encore, bonne surprise puisque tout va bien. Les séances de renforcement musculaire portent leurs fruits. Autant que les nombreuses montées/descentes à Wissant, plus ou moins le seul coin du Nord-Pas de Calais où il est possible de faire du dénivelé sans avoir besoin pour ma part, de faire 200km aller-retour en voiture. Je continue de prendre des photos, même une petite vidéo souvenir et je rejoins, sous une chaleur qui se fait de plus en plus intense une belle arête qui me permet de voir les 4 fils Aymon. Une dernière montée/descente et j'arrive au ravitaillement n°2 : Bogny-sur-Meuse.
Bogny-sur-Meuse, 25,5KM, 9h09, 267e.
Aussitôt arrivé, je regarde mon frère qui venait de jeter un coup d’œil au classement, sur un des ordinateurs de l'organisation : 267e. J'ai perdu plus de 70 places en l'espace d'une dizaine de kilomètres. J'ai traversé un petit moment difficile notamment dans les deux/trois derniers kilomètres. Mais le plus important, c'est finalement de garder une bonne marge de manœuvre au regard des barrières horaires. Mes accompagnateurs me rassurent, il est tout juste 9h10. J'ai plus ou moins 1h20 d'avance sur la barrière à ce ravitaillement. Rassuré, je prends une nouvelle fois le temps de me désaltérer. La température a augmenté de manière sensible et malgré l'heure relativement matinale, cela tape déjà sur les organismes. D'ailleurs, je pense que ma dégringolade au classement à un petit lien avec cet embelli de la température. Eau, poudre énergétique, biscuits salés (pour changer), je refais le plein car d'après mes souvenirs et les différentes cartes « approches 3D » que j'ai eu dans les mains les jours précédents la course, c'est à partir de maintenant que ça se complique sérieusement. Qui plus est, la bifurcation vers le 50km se situe entre ce ravito' et le prochain. Il s'agit donc d'arriver en forme au km33,5 pour ne pas être tenté d'abréger la course. Je discute avec mon frère et ma compagne, tout en continuant de me ravitailler. Je jette un oeil sur le montée qui m'attend et qui me fait face. Cela s'annonce difficile me fait remarquer mon beau-père. Il n'a pas tort, quand je vois le « monstre » qui se profile face à moi mais j'essaie de ne pas y prêter attention. Un coureur d'une petite soixantaine d'années (je pense) qui arrive au ravitaillement se positionne à côté de moi. Il me propose gentillement du saucisson. Bien qu'amateur (et c'est peu de le dire), je refuse poliment par peur de le rendre quelques kilomètres plus loin. Je m’apprête à repartir après avoir enfilé la casquette et les lunettes de soleil. Ce même coureur me dis alors : « Prends ton temps petit. C'est une course mais ne te précipite pas ». L'expérience sans doute. Ce que je n'ai absolument pas.
Je décide tout de même de lever le camp et passe donc à travers une usine locale.
Bien sympathique et une nouvelle bonne idée de l'organisation. L'odeur n'y est pas revigorante mais ce petit détour me fait sourire. Le temps pour mon frère de prendre une dernière photo, de rassurer mes parents par téléphone et me voilà repartit seul vers les prochaines difficultés. Je reprends alors tranquillement mon rythme. Le « monstre » qui semblait se profiler devant moi n'était finalement qu'une montée progressive, certes longue mais parfaitement dans mes cordes. Petites montées, petites descentes, tout va bien même si de façon inexpliqué, mon moral baisse. La chaleur qui s'accentue me pèse (je ne suis pas un ami du soleil ou du moins des fortes chaleurs) et me dit finalement, que le route va être très longue. 25Km parcourus en 4h, même si le rythme me satisfait, cela me donne plus de 14h pour faire l'ensemble de l'ultra-trail. Sans compter les éventuels péripéties, les ravitaillements qui seront forcément plus long au fil de la course et de la fatigue et finalement le plus important : c'est simplement que le plus dur est devant. J'essaie tout de même de balayer ses mauvaises pensées avec mon mp3 et l'intérieur sport : « Seul au monde » sur Kilian Jornet. Certains écoutent de la musique, d'autres rien. Moi, sur mon mp3, j'ai de la musique et mes deux vidéos cultes (la bande sonore uniquement) : « Les Yeux dans les Bleus » et « Seul au monde », ce magnifique reportage sur notre héros espagnol. J'enchaine donc les petites difficultés sans trop de problèmes (physiques en tout cas). Je prends le temps d'admirer le paysage, de m'assoir sur un banc pour manger une barre de céréales tout en buvant de l'eau. Je reprends la course et suis du même coup un quarantenaire qui ne semble pas en être à son coup d'essai sur l'épreuve. J'arrive assez rapidement à l'intersection 33,5km avec un choix : continuer sur le 88km ou prendre la direction du 50km. Je ne me pose même pas la question et continue mon chemin, pour le 88km. La tentation de bifurquer sur le 50km n'est même pas apparue. Je me suis entraîné pour un ultra-trail de 88km, prendre la direction du 50km aurait été pour moi en tout cas un échec. Je continue avec un des rares plats qui permet de relancer la machine. Mais moralement, cela devient dur. Je suis clairement en difficulté sur ce plan là. Même si je sais que je n'abandonnerais jamais sauf grave blessure, je me rends compte que la longueur de l'épreuve est en train de gentillement peser sur mes épaules de novice. Je tente de faire le plein de pensées positives : mes premiers « succès » sur les épreuves précédentes, la joie d'une possible arrivée ce soir et de réussir cet exploit que je guette depuis le premier jour de mon inscription. Et enfin, à plus court terme de voir mes accompagnateurs au prochain ravitaillement. Dernière descente après une montée d'une bonne vingtaine de minutes, j'arrive au ravito' de la petite commune, au km 38. Où m'attends... personne.
Petite commune, 38km, 11h40, 248e.
Je les cherche du regard mais personne. Mes accompagnateurs ne sont pas au RDV sur ce ravitaillement. J'appelle mon frère dans la foulée et il confirme qu'ils ne peuvent pas venir en voiture jusqu'à ce point du parcours. Initialement, j'avais prévu de m'arrêter un bon moment à Petite-Commune. Histoire de manger les sandwichs que j'avais réalisé la veille et de prendre une vrai pause qui me permettrait de repartir « à neuf ». Mais déjà friable moralement depuis quelques kilomètres, je prends un vrai coup en constatant l'absence de mes 3 accompagnateurs. Je prends tout de même le temps de m'assoir après avoir rempli ma réserve d'eau pour la suite du parcours. Je n'ai pas faim mais je me force quelque peu. Je veux à tout prix éviter une hypoglycémie. Je regarde autour de moi. Les coureurs semblent également heureux de pouvoir s'arrêter mais préfère ne pas tarder. Je me demande pourquoi lorsqu'un coureur se retourne vers moi et me dit : « Çà se passe bien (je lui réponds par l'affirmative)? Tant mieux, car ce qui nous attends en sortant du ravitaillement va faire mal ». Ah bon ? Je ne me souviens pas du tout de la suite. Dans ma tête, la prochaine difficulté se situe aux alentours du 50km. Avec une montée très raide et très longue. Mon cerveau a fait le tri sélectif. Car c'est la côte de Madagascar qui nous attends après ce ravito' : « 200m de dénivelé positif sur 400m » me rappelle t-il. Nouveau coup au moral mais je me dis que je ne suis plus à ça près. Clairement, je suis dans le dur psychologiquement et toutes les mauvaises nouvelles qui pourraient s'accumuler ne pourront plus m'atteindre outre mesure. Je prends donc le temps de finir mon petit repas et repars de plus belle pour faire...demi-tour. Mes pensées étant dans le vide, j'en avais oublié mes bâtons. Faire demi-tour de 100m pour aller récupérer ses bâtons, c'est très (très) long quand ça ne va pas fort. Qui plus est, mes pieds commencent à être douloureux et semblent se « durcir » au fil de la course. Les semelles podologiques ne semblent pas être adaptées à une course aussi longue. Mais je suis décidé à repartir de l'avant, petit coup de mieux. J'en ai marre de me laisser abattre. C'est donc d'une marche ferme et décidée que j'arrive à la Côte de Madagascar et là je me dis : « Pas possible ». Je lève les yeux et j'ai l'impression que les coureurs en haut de la côte sont en train de tâter le ciel. Je prends mon courage à deux mains et je me lance dans cette montée de boues, de racines et de...cordes pour s'agripper. L'organisation a eu les bonnes idées d'accrocher des cordes sur les côtés afin d'éviter les chutes. Par moment et vue l'état du terrain, c'est quasiment indispensable. Mes longues heures à Wissant à monter le Cap-Blanc Nez vont néanmoins me sauver la mise sur ce coup...Je m'arrête deux fois en cours de route pour me « poser » sur mes bâtons et reprendre mon souffle. Je ne souffre pas au niveau des jambes mais le rythme que j'imprègne me fatigue rapidement. En effet, je décide d'en finir rapidement avec cette côte. C'est donc avec beaucoup d'énergies que je « grimpe » et arrive finalement au sommet. Je reprends une nouvelle fois mon souffle, jette un coup d'oeil malicieux à ceux qui sont tout en bas en pensant : « Chacun son tour » (rires). Après avoir passer ce cap sans finalement trop de casses et dans un temps honorable (un petit 25 minutes) je retrouve le sourire et l'envie de « tout casser ». C'est donc avec un morale retrouvé que je pars à l'assaut des 50 derniers kilomètres. Les 3 qui suivent en tout cas me permettent de garder un bon rythme, toujours autour des 9 voir 10 km/h. J'avance bien, mon corps et ma tête suivent, tous les signaux sont au vert. J'arrive ensuite sur une montée/descente très technique. La descente est même du domaine de l'extrême selon moi. Très raide et très glissante, les cordes et le bénévole en bas ne sont vraiment pas de trop. En tout cas pour moi qui ne suis pas un grand descendeur. Les quadriceps tiennent mais dès que la technicité s'élève d'un cran, j'ai quelque craintes et notamment celle de dévaler les pentes sur le visage. J'entame alors ma descente avec une extrême prudence lorsque j'entends : « Le voilà!! ». Mes accompagnateurs sont en effet de retour. Cela me stimule dans cette descente. J'essaie même de gagner du temps mais une petite glissade me rappelle à l'ordre immédiatement. Mon frère et mon beau-père me prennent en photo sur cette descente.
Je finis sans les cordes et hop, me voici approximativement aux km43. Plus ou moins la moitié de l'épreuve. Ma compagne qui se situait au virage suivant cette descente technique marche quelques mètres à côté de moi. Elle me dit qu'elle est fière de ce que je suis en train de réaliser et continue de m'encourager. Je continue donc mon chemin sur une portion bitumée où j'ai la surprise de faire arrêter par...un train!
Et oui, une nouvelle petite particularité de la course! J'en rigole et repars sur ce qui doit être une partie « facile » jusqu'au prochain ravito' à Anchamps, au km50,4. Aux faux-plats en forêts succèdent montée/descentes peu difficiles. Malgré cela, je perds le rythme et ressens pour la première fois une petite fatigue physique. Normal me direz-vous après un peu plus de 45km. Une baisse de régime qui prend de l'ampleur avec le soleil quasiment à son zénith. Il est plus ou moins 13h45 et la température a atteint les 30degrés. Je discute avec un ardennais qui réalise cet ultra pour la troisième fois et qui ne semble pas souffrir. L 'expérience de ces précédentes années l'aide sans doute. Au moins autant que ses capacités physiques. Il me dit qu'il sera plus long que l'année dernière mais qu'importe. Il semble savourer et c'est bien là l'essentiel. Je lui annonce quand à moi qu'il s'agit de mon premier ultra-trail et il me fait remarquer que ce n'est clairement pas le plus facile de tout l’hexagone pour débuter. Je fais deux kilomètres avec lui avant de continuer ma route seul. Tout seul. Trop seul. J'arrive à une barrière assez haute qu'il faut enjamber et reprends tranquillement ma route. Tranquillement est bien le mot tellement mon allure s'est sensiblement ralentie. Je suis à 8km/h à tout cassé sur ce faux plat et décide même de marcher. Personne devant, personne derrière, je jette un coup d'oeil aux arbres et au sol à la recherche de signes distinctifs de l'organisation. Tout va bien, je suis sur la bonne route. Mais je suis épuisé et rechute quelque peu moralement. Je n'ai plus d'eau dans mon camel-bag mais le ravitaillement semble se profiler. C'est d'ailleurs ce que je me dit lorsque j'aperçois ma compagne à une cinquantaine de mètres. Elle me rejoint pour me dire que le prochain arrêt est dans...un peu plus d'un kilomètre. Cette fois-ci, s'en est trop pour mon moral friable. Je doute clairement et je suis au plus mal, c'est une certitude. Ma compagne m'encourage et me dis qu'on y est presque. J'arrive tout de même au ravitaillement, quasiment KO, assommé par la chaleur et mon manque d'eau. Je pointe, 197e, et vais m'assoir sur un rebord. C'est maintenant que le plus dur commence.
Anchamps, 50,4km, 14h26, 197e.
Je fais la queue à l'intérieur de la petite maison qui fait office de ravitaillement. Je bois quelques verres d'eau et mélange un peu de poudre énergétique. Je suis « cuit » et j'ai mal au dos. Je prends le temps de m'assoir et discute un peu avec mon frère. J'ai du mal à articuler mes mots et il paraît que je « n'ai pas une belle tête ». Mais mon frère continue de m’encourager. C'était la seule chose que je leur avais demandé sur les ravitaillements. Quoi qu'il arrive : « vous m'encouragez. Même si je ne suis pas bien, vous m'encouragez et surtout pas me dire qu'il faut que j'arrête la course ». Faire le plein de pensées positives encore et toujours. Même si c'est dur. J'avais lu un article quelques jours précédents la course faisant référence aux fluctuations du moral au cours d'un ultra-trail. Ça venait de prendre tout son sens car en l'espace d'un ou deux kilomètres, je venais de « chuter ». Regard dans le vide depuis quelques minutes, je me lève pour m'étirer, notamment le dos qui commence à souffrir. Pas de bobos aux genoux, hanches et pieds. C'est toujours ça de pris. Je regarde un coureur en train de dormir contre un muret et me dis que je voudrais bien être à sa place. Mais si je m'allonge pour dormir, je serais incapable de me remettre un route, c'est une certitude. Je balais cette idée aussi rapidement qu'elle m'est venue et décide tout doucement de repartir. En marchant. Car la suite s'annonce compliqué. Une longue montée, raide et technique où une nouvelle fois, nos organismes vont être soumis à rude épreuve. Je me dis qu'il faut bien y passer et emboîte ainsi le pas d'un coureur. Le prochain ravitaillement est dans plus de 15km, la course se joue probablement maintenant. Car dans me tête, si je passe la plus grosse difficulté au moment le plus chaud de la journée, je n'abandonnerais jamais pour la suite. C'est une évidence. Faut-il encore passer...
Les premiers pas de ce sentier technique se font finalement sans trop de problème. Même si je ne suis plus à 100%, cette montée moins raide que la côte de Madagascar ne ponctionne pas tant d'énergies que cela. C'est la longueur de l'effort qui pèse. L'impression qu'on ne sera jamais en haut. Mais je continue de grimper. Je double le coureur de devant qui semble pas en grande forme. Je suis quasi sûr qu'il va abandonner tellement il donne le sentiment de souffrir. Pourvu que non. Je garde le rythme et arrive enfin, au sommet de ce qui doit être une des dernières grosses difficultés de la journée. Je n'ai pas tant souffert que cela mais prends tout de même le temps de m'arrêter quelques secondes. J'absorbe un gel afin de reprendre quelques forces en compagnie d'un coureur qui doit avoir mon âge. Il est bien mêmes si il m'avoue que cette montée lui a fait mal. Le contraire m'aurait étonné! On repart ensemble mais très vite, il atteint une allure que je ne peux pas suivre et décide de lâcher prise. Je ne veux pas prendre le risque d'aller trop vite et une nouvelle fois, de « sombrer » comme j'ai pu le faire avant le ravitaillement de Anchamps. Je rattrape finalement une poignée de coureurs dans un sous-bois où on a même l'occasion de voir des bûcherons à l’œuvre. Retour en forêt, petites montées/descentes comme d'habitude « casse-pattes » mais rien de neuf. Je poursuis mon chemin et arrive aux abords d'une descente légèrement technique. C'est à ce moment qu'un coureur glisse et tombe, heureusement sans trop de bobos. Je ne le sais pas encore, mais le petit coup de pousse dont j'avais besoin venait de se produire. Pas la chute de ce coureur bien évidemment mais après m'être assuré de sa parfaite santé, on sympathise rapidement. Il est du Nord-Pas de Calais et réalise cette ultra pour la troisième fois. Son meilleur temps sur le 80km est en 13h mais une blessure encore récente et un manque d'entrainement semblent l'avoir quelques peu pénalisé le jour de la course. Tant mieux pour moi finalement. Car pour la première fois de la journée, un coureur est à mon rythme. Cela nous permet de progresser tranquillement mais sûrement malgré les montées/descentes qui continuent de succéder. On prend le temps de discuter, de tout et de rien mais ça m'aide à au niveau moral. Les 15km séparant le dernier ravito' et le prochain semblaient être un gouffre pour moi qui n'avais jamais eu autant besoin de mes accompagnateurs. Mon camarade de course me permet donc d'oublier cela et de retrouver une certaine vigueur perdue quelques kilomètres plus tôt. Je reprends tout doucement le dessus et par conséquent, entrevois la ligne d'arrivée avec plus de clarté. Même si je sais que le chemin est encore long. Malgré tout, on décidé d'un commun accord de poursuivre cet ultra ensemble, au moins jusqu'au prochain ravitaillement. Toujours dans les bois, on avance vers un petit virage et une nouvelle descente quand : surprise ! Mon frère est la! Je lui fais remarquer que le prochain arrêt se situé dans au moins deux bornes. Il me confirme et me dit qu'il voulait simplement faire quelques minutes de courses avec moi.
Courageux pour une personne qui a une rupture des ligaments croisés (!). Je lui présente pour le coup mon partenaire de course à cet instant et il semble ravît de constater que j'ai repris le dessus. Que ce soit d'un point de vue physique ou psychologique. Il en remercie mon camarade qui s'en trouve presque gêné. C'est donc à trois et sur une foulée dynamique que nous arrivons au ravitaillement du km64,8 à Hauts Butées. Il est 17h52.
Hauts Butées, k64,8km, 17h52, 203e.
Enfin, le ravitaillement de Hauts Butées! Celui-là, il a été long à se dessiner. Lorsque je suis parti du ravito' de Anchamps, j'avais fait un calcul rapide : 15km à 5km/h si je ne suis pas en forme. J'en ai pour 3h! Très très long quand ça ne va pas fort. Mais avoir fait la moitié de cette distance avec mon compère de route m'a permis de reprendre des forces et d'arriver...frais ou presque à ce ravito'. Avec Pierre, mon ami coureur, on décide de reprendre la course ensemble mais après une pause bien méritée. Je sors un dernier bout de sandwich et m'assis à côté de ma compagne, rassurée.
Lors de notre dernière rencontre, c'est à peine si j'arrivais à parler. Là, je suis bien! Je n'ai pas été aussi bien depuis le début de l'épreuve! Et ce n'est pas fini! On discute donc à 5 avec mon beau-père et mon frère qui se greffent à la conversation. On rigole quelques minutes, parle un peu de l'équipe de France de foot! Eh oui, ça vient de tomber, Laurent Blanc ne veut pas prolonger avec les bleus. Le genre de nouvelle que mon frère n'oubliera jamais de me transmettre, même en plein ultra-trail! Il me connait bien. On refait le plein, poche à eau, poudre énergétique et on se redresse. Il est temps de repartir. Un bon arrêt d'une dizaine de minutes qui suffit amplement. Certains profitent d'un large espace vert pour se reposer tandis que d'autres déposent les armes. Mon beau-père me fait remarquer que depuis qu'ils sont arrivés à ce ravito' pour m'attendre, bon nombre de coureurs ont décidé d'arrêter les frais. Je trouve cela dommage car dans mon esprit, le plus gros est derrière. Mais bon, si ils stoppent, ils doivent avoir leurs raisons. J'avais lu plusieurs jours auparavant sur le site de la course, des explications sur le parcours. Aux alentours du km50, les organisateurs expliquaient que « les difficultés sont telles que vous ne pouvez plus tricher ». Effectivement, on ne peut pas. Pas sur une course pareil. D'autant que je viens d'apprendre par mon petit groupe que la course venait d'être prolongé. Les fortes précipitations qui se sont abattus ces derniers jours sur les Ardennes ont obligé les organisateurs a changé leur fusil d'épaule. Les coureurs ne traverseront pas la Meuse mais en feront le tour. Une double déception pour moi qui me serait bien passer de ces kilomètres supplémentaires et qui me faisait une joie de plonger ma tête dans ce cours d'eau. Mais qu'importe, je vais bien à tous les niveaux et il faut continuer. L'arrivée est encore loin et les barrières horaires ne diminuent pas. Même si de côté là, il semble que l'on soit large.
Pierre et moi-même partons donc à l'assaut des 26 derniers kilomètres qui nous promettent encore quelques surprises. Il m'annonce même que dans ces souvenirs des années précédentes, certaines montées « faisaient très mal ». Je verrais au moment venu. Repartis sur un bon rythme, notre association fonctionne bien. On n'hésite pas non plus à se relancer l'un et l'autre : « on essaie de courir »? On est là pour ça! Tout ce qui est couru n'est plus à courir! Et puis on se dit qu'à un bonne vitesse de course, l'arrivée n'en sera que plus rapide même si on évite le sprint. N'allons pas nous griller! De par son expérience, Pierre semble bien se gérer. Et me donne quelques conseils que je suis ravi d'engranger. On continue de discuter en enchainant une nouvelle montée. Progressive ce qui limite la difficulté. Bien calé dans ses bâtons, je suis sans problème. C'est dingue comme le corps réagit. Je suis plus frais qu'avant le départ de la course! J'en ai l'impression en tout cas. C'est donc sans grande difficulté que nous poursuivons notre route. On double alors un certain nombre de coureurs ce qui ne fait que confirmer notre bonne forme du moment. Certains coureurs semblent être fatigués mais pas près de lâcher. Il faut dire que le temps joue pour nous, les trailers. La température a clairement baissé depuis une bonne heure, les plus grosses difficultés sont derrière nous et l'arrivée se profile dans nos têtes. Comment ne pas y penser à 20km du graal? Une descente nous amène ensuite sur une portion bitumée où je croise ma compagne qui attends avec une autre jeune fille. Elle aussi attends son compagnon qui nous suit de près. Je la regarde et lui adresse simplement : « Je vais aller au bout »! J'en suis sûr maintenant. Je vais y arriver. Je suis trop bien pour que ça rechute. J'ai l'impression que je pourrais encore courir 30 bornes facile! Mais on va déjà faire les 20 qui reste! Ça sera déjà pas mal. Nous rejoignons une nouvelle fois la forêt pour arriver à un...ravito' surprise! Pour moi en tout cas!!
Ravitaillement, 72km, 19h20, 201e
Je regarde Pierre d'un air surpris : « Il y a un ravitaillement au km72 »? Apparemment oui! Il était au courant. Pas moi, ni mes accompagnateurs. Il aurait clairement été difficile pour eux de me rejoindre en véhicule de toute façon. Et puis, nous décidons d'un commun accord avec Pierre de ne s'arrêter que quelques minutes. Nous sommes tous les deux dans notre lancée de l'arrêt de Hauts Butées et souhaitons continuer afin de garder notre entrain. Le temps d'avaler une barre de céréales, de boire de l'eau et de remplir mon sac et c'est repartit. Nous reprenons notre rythme mais les difficultés nous rattrapent rapidement. Au km74, nous faisons face au Roc la Tour. Un rocher qui fait grincer des dents nos genoux et tous les muscles nécessaire à de bons appuis. Cette fois, ce n'est plus du trail, c'est carrément de l'escalade. D'ailleurs, je souffre! En l'espace d'un an, j'ai énormément gagné en endurance et en puissance au gré des entrainements, des courses et des conseils que j'ai pu recevoir. Mais les montées et descentes techniques, ce n'est pas mon crédo. Pas encore. Mon beau-père me l'avait fait remarqué deux mois auparavant lors d'une sortie canyon. Je peinais clairement sur les descentes où je devais m'appuyer sur les rochers ou petits cailloux très glissants. La peur de se ramasser sans doute. Et les miracles, cela n'arrive pas. C'est donc à un faible rythme que j'arrive au sommet, avec l'aide des organisateurs et de leur corde qui nous hisse sur la fin de cette montée. Pierre est arrivé depuis une bonne minute mais a décidé de m'attendre. Bien sympa ce coureur, ça se confirme! On reprends la route et une nouvelle fois, une montée genre « escalade ». Un coureur est assis avant la montée, il vient de se blesser au genou et doit abandonner. A moins d'une dizaine de kilomètres de l'arrivée, c'est vraiment un coup dont on doit pas se remettre facilement. Il semble d'ailleurs un peu perdu et blasé de devoir s'arrêter. Nous, on enchaîne pour se retrouver au dernier ravitaillement, à Naux.
Naux, 79,8km, 21h10, 199e.
Après avoir traversé un petit pont, Pierre et moi pointons pour constater que nous restons aux alentours de la 200e place. Rien de surprenant puisque nous doublons que quelques coureurs par-ci par-là...qui nous redouble plus tard. Nous sommes fatigués mais nous savons que la fin est proche. D'ailleurs, cela se sent. Ce ravitaillement a une ambiance du style « vous y êtes presque ». Les bénévoles vous félicitent de votre « exploit » même si nous ne sommes pas encore arrivée. La confiance est bien là cependant. Mes accompagnateurs ne s'y trompent pas d'ailleurs. Mon frère repartit dans le Nord pour le travail, ma compagne et mon beau-père arborent un sourire qui en dit long. Ils savent que je ne suis qu'à quelques minutes du bonheur. On profite de ce dernier ravito' pour prendre une ou deux photos et puis le classique : eau + poudre et barre de céréales. Physiquement, je sens que mes jambes tiennent mais que les lourds appuis me pèsent. Les quadriceps commencent à tirer mais pas de quoi s'inquiéter. Les douleurs aux pieds que j'ai depuis une bonne quarantaine de kilomètres restent supportables. Je n'ai pas de cloques mais mes pieds semblent s'être transformés en pierre. Avec mon compère, nous décidons, après un arrêt de presque 10 minutes de reprendre notre course. Une dernière portion de 11 ou 12 kilomètres qui doit nous mener jusque l'arrivée. J'en profite pour remettre mon coupe-vent (la température a bien baissé) et ma frontale. La nuit tombe tout doucement et nous en aurons besoin de nos lumières, c'est une certitude. Pierre me prévient rapidement, la dernière montée prévue au programme est très longue et très technique. Mes appuis flanchant progressivement, la nouvelle me rassure peu. Mais quand on est qu'à probablement 2 heures de l'arrivée, on ne s'en inquiète pas outre mesure. Effectivement, les premiers pas dans cette dernière portion donne rapidement des indications. Boue, racines au sol, pierres, cela ne ressemble clairement pas à une balade de santé. Et puis la bonne nouvelle de ce début de soirée, ma frontale qui éclaire...rien du tout. J'essaie de l'ouvrir afin de changer les piles mais rien à faire, j'ai l'impression qu'elle est scellée. Quand je vous dis que je ne suis pas un manuel. C'est donc avec une frontale sur deux que Pierre et moi continuons d'avancer. Il se retourne fréquemment et me prévient dès qu'il constate le moindre trou ou rocher qui pourrait me donner une entorse ou un ligament croisé en moins. Bien sympa de sa part car à ce moment ci de la course, sans frontale je risque (très) gros. Nous avons d'ailleurs du mal à retrouver notre chemin quelques fois, les signes distinctifs au sol ne sont que très peu visibles. Nous cherchons donc le moindre morceau de rue-balise. Arrivée au « sommet » de cette dernière montée où j'ai lâché les dernières fibres de chaque muscles me permettant de grimper, je me dis ouf! Le plus dur est fait! Quelle erreur! La descente de nuit sans frontale, je n'y avait jamais pensé avant (!). Et pour cause. Cela va juste se résumer à un calvaire. J'ai peur de courir, de tomber, de me blesser. Cette descente n'est pas forcément la plus technique de la journée mais le passage des précédents coureurs à laisser des traces. Une nouvelle fois, le nombre de trous et d'obstacles peut nous faire chuter à tout moment. D'ailleurs, Pierre se tord la cheville sur un rocher mais me rassure rapidement. Petits chemins étroits, passage sous un rocher, rien ne nous est épargné. Je râle un peu en disant à Pierre « ils nous auront fait souffrir jusqu'au bout ». Le bout ? On sent tout de même qu'on y arrive. On arrive d'ailleurs dans une grande ligne droite qui semble nous annoncer une sortie prochaine de la forêt. Toujours tout droit. On se force à courir même si la vitesse est faible. La nuit est totalement tombée, je n'y vois quasiment rien. Ce n'est pas le moment de prendre des risques. On croise alors quelques bénévoles qui nous disent qu'on y est. On entend la musique du podium à distance et aperçoit les lumières du petit stade. C'est proche mais 1 ou 2 km, c'est long quand on en a déjà fait 88! On sort effectivement de la forêt avant de passer sur un pont qui nous indique que l'arrivée de la course s'effectue dans ce sens, le long de la Meuse. Cela semble terriblement long. Après avoir parcouru plus de 1200km depuis Janvier, ce sont finalement les deux derniers qui seront les plus long. J'essaie tant bien que mal de savourer ces derniers moments de course. Je pense aux doutes qui m'ont accompagné durant toute la journée mais aussi aux bons moments. A mes accompagnateurs qui m'attendent sagement à l'arrivée et qui doivent se faire une joie de me voir arriver dans très peu de temps. Pierre continue de courir et élève même le rythme. Il veut également en finir pour savourer ce moment, cette arrivée. D'un commun accord, on a décidé de franchir la ligne d'arrivée en même temps. Il nous tarde d'y être. Je tente de suivre Pierre qui décidément est encore en forme quand nous arrivons à un virage que je reconnais. Cailloux rouges, parking bondés de voitures, nous sommes au stade! J'aperçois ma tente alors qu'une bénévole nous félicitent. Encore quelques mètres et nous y sommes! Il est 23h04 et après un effort de presque 18h, Pierre et moi franchissons la ligne d'arrivée. Ça y est, je suis ultra-trailer!
Et après...
Heureux comme des enfants, supportés par une horde d'inconnus positionnés à l'arrivée et qui nous applaudissent. Ma compagne me prends dans ces bras et me dis une nouvelle fois qu'elle est fière de moi. Je suis heureux. Mon beau-père me félicite également. Je remercie Pierre qui me rends la pareille. Sans lui, est-ce que je serais arrivé au bout? On ne le sera jamais mais c'est une certitude, sa présence m'a aidé. Dans les moments difficiles, être en « groupe » aide considérablement. Avant qu'on ne se sépare, je demande à ma compagne de faire une photo avec mon compère de route. Plus de 40km ensemble, cela méritait bien une ou deux photos. Je rends la puce électronique (je suis 201e) à l'organisation mais garde mon dossard. Ça sera un super souvenir.
Je bois un verre de coca avant de recevoir ma veste de « finisher ». Elle est toute simple mais je l'arbore fièrement. Fier d'avoir réalisé ce qui est pour moi un exploit, après tout ces efforts, à l'entrainement, par beau temps, par mauvais temps. Fier d'avoir tenu toute cette journée où les moments de joies se sont succédés aux moments de doutes. Content d'avoir pu également offrir ça à mes accompagnateurs qui ont été géniaux, de bout en bout que ce soit durant la course ou la veille.
Un passage par le dernier ravitaillement dans la salle de sport qui la veille nous avait accueilli pour la remise des dossards. Saucisson, pain, jambon, jus d'orange, coca, eau. Je prends tout ce dont j'ai envie. Les bénévoles, qui ont été fantastiques du petit matin au soir (même ) la nuit) m'adressent leurs félicitations. Je suis ravi. Une (petite) douche gelée pour enlever un minimum de terre qui recouvre mon corps et le repas de l'organisation. Il est 00h20, il est temps de regagner ma tente pour un repos bien mérité. C'est fini déjà, mais je suis heureux. Tout simplement.
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1 commentaire
Commentaire de Gogo_Gobiox2 posté le 13-10-2012 à 20:08:09
Bravo!!!
Super récit, très détaillé et bien écrit!
Beaucoup d'inspiration pour moi, encore la tête dans le guidon, en entraînement!
A bientot sur les chemins!
Quentin
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