Récit de la course : Ultra Tour du Beaufortain 2012, par marcus 39

L'auteur : marcus 39

La course : Ultra Tour du Beaufortain

Date : 21/7/2012

Lieu : Queige (Savoie)

Affichage : 1350 vues

Distance : 103km

Objectif : Pas d'objectif

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U T Beau

Pour une fois, mon CR ne se fera pas sur une base de vaudeville avec calembours et allusions à profusion. Là, c’est du sérieux alors il sera plus dans le ressenti, les sensations, le psychologique…Et si le CR proportionnel à l’effort, il promet d’être long et dur à lire, surtout sur la fin.

 

Un UTB, qu’est ce que c’est ?

-En terme de distance, c’est 5 semis ou 2.5 marathons, ou Grenoble-Annecy par la route :

 -En terme de déniv + :6200m c’est 2’000 étages soit 35 000marches d’escalier, environ 1.5 fois Chamonix- sommet du Mont Blanc, un km/effort de l’ordre de 165Km, c’est 1.5 fois la grande transjutrail, 2 fois le trail des Aiguilles Rouges…

 -En terme de durée d’effort, c’est 5 à 6 Marathon, 4 à 5 Transju en ski de fond, c’est une trentaine de 10km de suite…souvent au dessus de 2000m.

-En terme de calories consommées par bibi, c’est entre 5 et 6j de nourriture.

-une technicité importante qui demande une attention et donc une fatigue nerveuse, le tout sur +/- une journée de 24h (sans dormir)…

 

Des chiffres imposants, mais qui se réduisent avec une bonne préparation sur du long terme. Et vu que j’avais pris la décision de m’inscrire un an à l’avance, je me suis préparé sur cette durée : grosse saison de ski de fond et retour plus rapide que d’habitude à la course à pied au printemps, en accumulant les Kms et le déniv. Seul quelques courses pour voir un peu : Ecotrail de Paris 30km avec 28km de cap dans les jambes, grand trail du Salève et Transjutrail 35km. Et deux/trois courses courtes sur route (dont le tour du canton de Genève) pour faire le complément avec la VMA et le travail en côte.

Un chiffre de plus, c’est les 5kgs perdus au printemps…c’est toujours mieux de ne pas se les trainer sur 103km…

Je mentionne également le temps passé penché sur le site internet de la course et sur les cartes à imaginer le déniv, à appréhender la microtoponymie, à rêver des paysages…

 

Bref, l’échéance approchait et j’ai fait la reco du parcours fin Juin, sur 3j : Avec deux cocos aux profils de traileurs bien différents : Alain, expert lapin de Garenne mais pas trop Chamois, et Bernard, tri amphibie néo-traileur (sans oublier Maud, qui nous a lâchement lâché le premier soir !) on se ballade bien, pas trop vite, on passe beaucoup de temps dans la neige, on coupe les parties les plus hautes qui ne passeraient pas à pied, on voit ce qui va et ne va pas dans l’alimentation et le matos…. Bons refuges, …Mais on se rend compte de la distance à parcours….outch !

 Pour moi, la suite de la prépa est un peu compliquée : durant la semaine de vacances que je passe en altitude (1900m) dans le chalet au combien accueillant de la Boire (Oisans), je chope un truc bizarre, sans doute en buvant de l’eau à une fontaine lors d’une grosse rando le premier jour des vacances. Bilan : des vertiges, des courbatures, des nausées et surtout pas de force pendant 4j : comment je vais pouvoir faire 103km…. Lorsque je me décide à écourter les vacances pour aller me soigner, les symptômes se réduisent d’eux-mêmes. Bref, la semaine qui devait permettre de faire des Km avec du déniv en altitude ne sera que alitement et smoothies.

Ne reste plus que deux semaines, durant lesquelles je suis presque au repos : juste du vélo tous les jours pour aller au boulot, et une séance de CAP plaisir durant laquelle je teste un peu le nouveau sac, car oui, j’ai oublié mon sac de trail au chalet…On se refait pas.

Cette coupure me fait vachement de bien : les jambes semblent revivre---

Je fais ce que je peux pour finir la mise en condition : je bois beaucoup (d’eau), je mange bien, je fais de bonnes nuits…

 

Je me rends donc à Queige avec l’envie de bien faire et de finir dans des conditions correctes mon premier 100Km, même si je sais bien que la prépa n’est pas optimale malgré les 28 000m D+ et 600Km de trail (sans compter vélo et natation).

 

Ne restera plus qu’à me rendre compte que j’ai oublié ma poche à eau chez moi (et m’en faire gracieusement prêter une par ma sparring-partner Aurélie). Et je ne vous parle pas des bâtons de trail carbon que j’ai cassé peu avant la course, donc choix pléthorique pour revenir au final sur la saine base des bâtons carbone de ski fond…, qu’il a fallu recouper et préparer fissa. Et dire que j’ai failli oublier les chaussures chez moi…Quand on n’a pas de tête…

 

A Queige, Aurélie est déjà sur place et m’attend au camping. Après de longues et âpres discussions sur nos possibilités et horaires d’assistance et sur la distance qu’elle parcourra avec moi en fin de course, nous nous rendons au briefing chaud bouillant, et au retrait des dossards. Tout est super bien organisé (premier bravo aux orga). Vu la chaleur, on en profite pour s’hydrater avec un hydrixir ® au malt et houblon…

Petit repas au bistrot de Queige, ou les cartes du parcours servent plus que les fourchettes.

 

On se projette alors vers le camping pour nous tenter de dormir un peu : des traileurs tout maigres dans tous les coins, avec des t-shirt UTBM, Diago et autre ultra pas rigolos de derrière les fagots…’ya que des maigres… ! ‘ que des bigorexiques !!! Avec mon camion de Babos et mes cartons de bière à l’intérieur, je fais figure de touriste de prés à vaches…

Bref, pour une fois, la nuit se passe tranquillou, sans trop de stress.

 

Réveil à 3h15 (un samedi matin, ça fait un peu tôt quand même…). Plein d’essence, vidange, graissage de la mécanique, chargement du coffre,,,et je file sur les 500m qui me séparent du départ, pas trop en avance. J’en profite pour me prendre une petite gamelle, déséquilibré par le sac assistance qui sera apporté par l’Orga à mi parcours…

 

Pas le choix (et ça m’arrange bien) je me place en queue de peloton : 400Traileurs, ça fait du monde tout de même…Bernard est devant. On devait partir ensemble,,,on se retrouvera bien après.

Et le bal des frontales est lancé.

 

Le premier Km est presque plat (en tout cas par rapport à la suite). Comme d’hab, je ressens le stress dans les mollets : des tensions…ça passe vite, comme ce premier plat : on attaque vite la première montée de 1500m, pour aller à la Roche Pourrie. Elle est bien longue et certains secteurs sont bien raides. Je me mets pas dans le rouge…j’utilise bien les bâtons pour économiser le reste. Je me cale derrière des gens, on double un peu des gens qui soufflent fort…Il fait assez lourd, mais je suppose trouver du vent frais au sommet.

Peu avant le sommet dans une partie technique, je coupe la frontale. Je la rangerai dans le sac au sommet (en 2h30). J’en profite pour manger un truc : Oui, il faut être un peu plus malin que d’hab et bien manger et boire régulièrement, sur 103km, le moindre problème peut vite se transformer en cauchemar, surtout que le temps annoncé n’est pas top. Et être à l’écoute de ses sensations. Je n’ai pas vu Bernard, je pense revenir sur lui dans la descente, car il y est moins rapide que moi.

 Assez vite, même si je suis lucide, je perds la notion de temps de course et surtout d’heure de la journée…

 Petite descente puis remonté vers le col des lacs. On y arrive beaucoup plus vite que lors de la reco. Tout y était enneigé et on passait sur les pierriers très inclinés…pour éviter la neige…

 La descente vers la route du col de la Bâtie ne se fait pas en schuss car plus de neige. Mais c’est bien technique, ce qui me plait. Je commence à me sentir bien et la montée vers le col de la Bâtie se fait tout en courant. J’y passe en 3h15.

 Traversée avec un and down. On rigole un peu mais qques chutes devant moi rappelle l’attention à l’ordre,

 La suite de la traversée est bien technique

Ravito N°1 des Arolles : je fais le plein du camel (qui était dans tous les cas un peu trop dosé en Go2 fruit rouge). Je mange un petit bout de tout et me rend compte que le Beaufort est (sans surprise) extra…ça promet pour le régime qui est habituellement Coca-Comté et qui sera à défaut Coca-Beaufort.

Je suis 317eme et je passe en 4h08 (pour 17km…et +1900m…faites le calcul).

 On arrive ensuite au Lac Tournant, très joli spot, mais pas mal sombre à cette heure donc on n’en profite pas trop. Ici, un bénévole sorti de son duvet nous attend. Bien courageux le gars…

 On repart ensuite pour la plaisante descente vers le lac de St Guérin. D’abord roulante (sur piste) elle devient de plus en plus technique : sur la fin, on croirait que les bergers du coin ont fait pousser des pierres dans les champs.

 

 A la passerelle de St Guérin, Aurélie patiente (patiemment) et me demande si je me suis endormi en route (je suis +/-320eme en un peu moins de 6h). Elle me dit que je semble bien (encore heureux, on a fait environ 1/5eme du parcours). Elle me dit aussi que Bernard est passé il y a prés d’une heure et qu’il semblait un peu marqué : ok je suis parti très doucement, mais lui, il a dû partir assez vite…Bref, j’espère bien le retrouver par la suite. Le temps de marcher un peu avec Aurélie et de croquer un bout de sandwich sans cornichons (Snif !), elle me propose de me retrouver au sommet du Cormet d’Arêches, ce qui n’était pas prévu. La montée du Cormet est pas mal grasse. Je remonte doucement du monde, en activant un peu les bâtons. Je finis la montée en compagnie d’un cheval et d’un âne…Se reconnaitra qui veut.

 

Ravito N°2 au Cormet d’Arêches,7h de course. : un coup de soupe, un peu de Beaufort et c’est parti. Je souhaite une bonne attente à Aurélie, car le secteur suivant, jusqu’au ravito 4 du plan de la Lai, est long, dur et surtout technique…

Mais superbe, malgré le brouillard et le vent qui commence à rafraichir : la croix du berger, puis le col du coin avec des super sentiers…et des sensations toujours très bonnes.

Au col du coin, ça caille et il y a déjà pas mal de gens qui semblent souffrir. Le début de la descente vers lac d’Amour est bien raide et technique, et il ne faut pas se tromper…La suite en traversée est très technique, et avec des gens autour, il est difficile de courir.

 

 Au lac d’Amour, le sentier longe au raz de l’eau, c’est exaltant. Mais il longe tellement prés qu’il ne faut pas se rater…Au bout du lac, des supportrices s’égosillent pour chaque concurrent. C’est très sympa et ça permet de ne pas penser à la montée qui suit, vers le col à Tutu. Montée que l’on n’a pas pu faire à la reco, mais que j’avais déjà faite avec le matos d’escalade pour aller grimper la Pierra Menta. Dans mon souvenir, c’était raid. Et bien ça n’a pas changé : c’est très raide et régulier dans la raideur…J’ai un petit coup de mou que je gère tranquillement. Un mec est assis sur une pierre dans un virage,,,Je ralentis avant le col pour ne pas rester au vent en attendant que les gens descendent sur la corde posée. Mais vu le bordel sur la corde, je préfère descendre dans le pentu à coté.

Sur le début de la traversée vers Presset, il y a deux autres passages de corde qui sont bien plus dangereux. J’apprendrai plus tard que Bernard a fait un belle glissage dans ce secteur, et selon ses termes ‘’je me suis arrêté avec mes mains et mon nez,,,’ Il se fera aussi un peu mal aux genoux.

Je ne suis pas en super forme alors je suis tranquillement et prévoit un bon ravito au refuge de Presset…Le temps du ravito, que je passe assis, je me gèle (il fait parait-il 4°C). Alors dès que la soupe est passée, je repars, mais je peine : j’ai des frissons et mal à la gorge : pas bon, pas bon…J’espère ne pas avoir pris un coup de froid qui sur cette course me serait fatal.

A nouveau, je suis étonné du temps pris par les concurrents aux ravitos…

 

On atteint ensuite le col du Grand Fond par un bon raidar, pas trop long…

 

Puis on traverse sur un chemin très technique pour aller à la brèche de Parozan.

 

Vue du haut, c’est réellement impressionnant : un immense pierrier régulier, et des gens qui descendent dedans, tout petits en bas…Ne voulant pas me briser les cuisses et le reste, je reste tranquillement derrière un groupe qui va molo. Un gars nous passe comme une balle, tout droit dans les pierres... (il me doublera plusieurs fois en descente, avant que je le retrouve plus tard, assis (définitivement ?) à un ravito).

Un petit névé bien rigolo en bas : on skie dans des traces, comme en ski de fond classic : c’est assez reposant pour les jambes de ne plus taper au sol.

Ensuite, c’est une grande traversée légèrement descendante, qui nous conduit vers la Grande Berge, au dessus du barrage de Roselend. On quitte les cailloux pour retrouver un peu de végétation. Ce secteur est très sympa : il est possible de courir beaucoup et j’en profite.

 

Une remontée pour atteindre la Grande Berge et on file dans la descente en direction de la route du Cormet de Roselend, vers plan de la Lai/Mya. J’essaie de joindre Aurélie pour lui dire que j’arrive, mais le téléphone est capricieux et ne passe pas suffisamment. J’arrive vers la route en courant sur la piste. Aurélie m’attend sur un caillou, en discutant avec une autre ‘supportrice’ (ça papotte sec..).

 

Ravito 4 plan de la Lai : 11h15 de course, je suis 234eme (j’ai gagné une centaine de place dans ce secteur technique, depuis St Guérin): gros arrêt pour moi, je trouve une place dans la tente. D’autres préfèrent rester dehors, au vent… ?

Changement de tee-shirt, grosse alimentation, crémage des pieds, coordination de la suite de l’assistance…15’ d’arrêt. Et c’est reparti.

 

Encore moins de notion réel de l’heure de la journée, car pas de montre et pas de repaire au soleil avec le brouillard et le plafond bas…et sans doute parce que mon esprit n’est pas calé sur un temps d’arrivée, mais sur la ligne d’arrivée et mon état physique.

 

J’attaque tranquillement le montée du col de la Sauce, dont le souvenir de la reco était amer (rires). Je finis de ravitailler dans les premiers hectomètres, puis je prends mon tempo de sénateur. Je me cale à 25m d’un gars et je reste à cette distance :

-pour avoir une vitesse +/- constante,

-pour avoir un point de mire,

-pour ne pas être seul,

-pour lui mettre une pression continuelle, afin qu’il lâche mentalement au regard de ma résistance, et me permette de gagner un place…Non, c’est pas vrai…je suis pas comme ça.

Mais en fait, je n’arrive pas à rester derrière et je double doucement mais surement. Je me parle intérieurement pour me dire d’aller tranquille : ‘be cool, soit intelligent, ne t’énerve pas’……..tiens, j’ai dit cette dernière phrase à haute voix, sans le faire exprès, mais ça a plus d’effet, je recommence donc à plusieurs reprises.…. Au col de la Sauce, je jette un petit coup d’œil à l’itinéraire pris lors de la reco, vers le vallon de la Sauce, tout droit en bas (car le reste du parcours nous avait été indiqué comme trop dangereux avec la neige).

 

Je récupère du monde en attaquant la Crète de Gittes. C’est super chouette, pas trop raide mais faut pas se tromper dans la coordination pédestre…Il fait bien froid avec le vent, et j’hésite à m’arrêter pour remettre une couche : Depuis un petit moment, je commence à avoir du mal à savoir comment m’habiller : trop chaud, trop froid, ça ne va jamais. Avec le brouillard, c’est assez féerique.

 

Bref, après une brève descente, on passe au refuge de la Croix du Bonhomme. Je pensais m’y arrêter à l’abri pour m’habiller, mais le ‘jeune’ contrôleur me dit que la suite n’est pas trop ventée. Je lui fais confiance…à tort. Encore beaucoup de vent vers le col du Bonhomme et dans le début de la descente vers la Gittaz. Cette descente est super technique, avec tout ce qu’on peut imaginer comme couvert différents : des gros cailloux/pierrier en haut, des dalles, des ruisseaux (seul endroit où j’ai un doute sur le parcours, ne voyant pas de fanions…), des prés, des chemins gras, puis moins gras mais très pentus. Content d’arriver au chalet de la Sauce/Curé. On va attaquer le chemin du Curé, creusé dans la roche au dessus d’un torrent grondant, mais avant celé, un petit secteur en bordure de torrent, sur un petit sentier, et surtout un gros pont de neige ou il ne faut pas imaginer ce qui passe dessous (mais les contrôleurs ont le sourire, alors..).

 

La descente du chemin du Curé pousse au respect, faut pas trop faire le malin,,,La descente se poursuit vers le hameau de la Gittaz rendu accessible par une passerelle. Ça fait presque 800m de descente depuis le Bonhomme et la technicité a fait du mal aux cuissots.

 

Ravito 5 Hameau de la Gittaz : 15h07 de course, je suis environ 190eme. Connaissant la suite, je ne suis pas pressé de partir du ravito (mais je pars tout de même avant les gens arrivés avant moi). Je fais le plein et repars, seul, alors que j’aurais bien voulu être accompagné, pour le tempo. Que faire ? ralentir pour attendre qqun ou accélérer. Ni l’un ni l’autre : prendre un rythme qui va bien, se mettre dans sa bulle (se parler un peu à haute voix…mauvais signe non ?), faire fonctionner les bâtons. Le début se fait sur un chemin peu utilisé, enherbé. On récupère ensuite une piste, longue mais qui grimpe peu…J’ai doublé quelques gars dans la montée. Le temps de remettre un tee-shirt (car il commence à faire frais, même sans vent), et ils me sont tous repasser devant. Comme un cadet, je me dis : merde, tous ces efforts pour rien. La petite voix intérieure qui m’intime de me calmer ne parle pas assez fort et je m’énerve à essayer de revenir sur les gars…

 

Bref, j’arrive au col de la Gittaz (qui est plus une bosse qu’un col), super jolie, herbe rase, petits lacs, végétation riche…et des contrôleurs qui ont posé la tente et fait du feu alors qu’il n’y a pas un morceau de bois à 5km à la ronde…Sont bien courageux.

Il faut que je mange, je ne me sens pas bien. Je n’arrive pas à trouver la motivation pour courir dans les secteurs descendants qui longe la grande perrière par la gauche…Je marche vite et m’économise, mais je vois que je perds du terrain et des places. Heureusement que les parties techniques me permettent de recoller.

Avant le Bolchu, on vire tribord pour monter un bout du col de la Fenêtre. Je pensais galérer, mais je me sens bien et double un peu.

 

La suite est une longue traversée plus ou moins technique, pour arriver aux abords du col du Joly, et au ravito N°6. Je me sens bien, le soleil donne pour la première fois de la journée, je suis un groupe de 4 qui ne va pas assez vite, mais je ne peux pas doubler…Avant le col, une petite descente raide. Un des mecs n’a pas de bâtons, version old school, sauf qu’il ne peut presque plus descendre,,, Sans bâtons, je ne pourrais pas envisager de faire un Ultra…

 

Sur la partie presque plane avant le ravito, un pote m’appelle. Ça fait du bien de discuter un peu. Il a fait l’ultra d’Andorre quelques semaines auparavant, alors il me donne des petits conseils…Je ne sais pas trop comment je fais, mais j’arrive à courir, à lui parler, à porter les bâtons et à manger un bout en même temps,…

 

Ravito 6 : col du Joly : 17h10 de course, je suis 170eme. Ce ravito ressemble un peu à un hôpital de campagne : une tente, des tables et des gens pas trop en forme dedans. Les bénévoles sont aux petits soins, je fais le plein, mange bien même si la faim se réduit beaucoup, une bonne soupe. Je sens que les gens hésitent et prennent leur temps pour repartir, en groupe le plus souvent. Moi, je ne tiens pas en place, mais je prends tout de même le temps de tomber le short pour mettre un collant long…et c’est reparti en courant dans les descentes, les plats, les montées douces…C’est mon heure d’euphorie : je suis super bien, les bras s’active, les jambes sont comme neuves, le moral est excellent, surtout que j’aime bien la nuit et la course à la frontale. Le sentier traversant qui était presque impraticable à la reco a été retracé et c’est un plaisir de courir au plat sur un terrain souple. La nuit tombe très vite et je m’oriente alors par rapport aux halos des frontales (et au balisage qui est irréprochable). Je suis vraiment bien, mais avec un peu de recul, je comprends que cela peut être très passager, et que le retour de bâtons pourrait faire très mal. Mais je me dis qu’il faut avancer tant que je peux comme ça et qu’ensuite on verra. Dans la remontée avant le col de Very (ou Aurélie m’attend), les sonnantes nous indiquent que nous ne sommes pas seuls.

 

J’arrive au pas de course au col du Very. Je passe en 18h20 de course, je suis 140eme. Aurélie plaisante avec les contrôleurs, qui sont bien installés. Je ne m’arrête presque pas, car il fait froid. Jusqu’aux Saisies, Aurélie va m’accompagner en vélo. Elle galère un peu avec son vélo dans les montées du mont de Vores et autres, et un peu aussi dans les descentes (pas faciles de nuit). On fait gaffe à ne gêner personne. Ma période d’euphorie commence tout doucement à s’effriter. Les jambes deviennent durent et il devient difficile de courir. Mais j’avance à un bon rythme et la présence de ma serre-fil m’oblige à aller de l’avant.

 

Ravito N°7 aux Saisies, Je passe en 20h27 de course, je suis 156eme. (Bernard est passé 45’avant) : ravito rapide, mais je prends le temps de m’assoir 2’ et de boire un coca. Rien d’autre ne me fait envie…Depuis le ravito, on voit la farandole de luciole qui monte vers le signal de Bizanne. Pas impressionnant de jour, on a l’impression que c’est immense et très loin de nuit…

Un gars prend le train et repart avec nous en direction du lac artificielle au bas du village. Un groupe de Jeun’s fait le fête et chantent. C’est marrant, mais ça nous fait pas avancer tout ça… On attaque la montée. Je préfère que Aurélie soit devant pour donner un rythme (que je ne peux d’ailleurs pas toujours suivre, donc elle ralentit). J’ai des gros coups de mou dans la montée : J’expire au maximum, comme pour faire sortir la fatigue (comme l’alcool avant un alcootest…). Je me force vraiment à mettre un pied devant/au dessus de l’autre sans m’arrêter.

Je ferme tout doucement le cerveau et me fixe sur mes pieds et mes bâtons…

 

Enfin, on retrouve la route au sommet. Le mec qu’on a tiré toute la montée part devant comme un malpropre, au profit d’un groupe qui passait par là…on passe au sommet en 21h20 (soit presque une heure entre l’entrée du ravito des Saisies et le sommet de Bizanne, alors que c’est juste en face). Bernard n’a plus que 32’ d’avance (J’apprendrai plus tard que sa chute avec arrêt nasal lui a causé une douleur au genou qui s’est amplifiée sur la fin)

 

J’en avais gardé sous le pied toute la course pour pouvoir ne pas être trop mal pour la fin, en plat descendant jusqu’à la croix de Coste puis dans la dernière descente…mais je commence à sentir le poids de la course, surtout une grande lassitude mentale car je sais que je vais finir sauf blessure, et je voudrais me télé-transporter en bas pour ne pas faire ces -1500m… Heureusement, je ne suis pas tout seul.

 

Je marche bien jusqu’à la croix de Coste. Je me fais doubler 4-5 fois, mais je m’en fous. On attaque la vraie descente et je me sens pas super : je ne peux plus courir, les marche me font mal aux cuisses, je sens que mes appuis ne sont pas sûr du tout et je suis embrumé…Je me demande comment les autres font pour courir : moi dans ce contexte, je peux juste marcher. Et Aurélie me fait remarquer que ma super frontale ne claire pas beaucoup…Nan, c’est bon, on continue (plus très lucide le gars). Elle me dit qu’il faut changer les piles. Ah, oui, pas bête, je n’y avais pas pensé. Et ça change tout : je suis moins embrumé, les appuis sont plus francs…mais je ne course pas pour autant.

Et cette descente est TRES longue : presque 10km -1300m depuis la Croix de Coste…Je reconnais des passages faits à la reco, mais la plupart du temps, je suis Aurélie qui me couve.

Je vois des champignons sur le chemin…Oulà, ça va pas fort. Je préfère ne pas en parler à Aurélie qui va croire que je fais des hallucinations. Et puis d’habitude, on mange les champignons puis on voit des choses, moi je ne mange rien et je vois des champignons…

 

Ça devient vraiment pénible : les cuisses sont très dures et douloureuses. J’ai envie de descendre en roulade, ça ferait moins mal. Je n’arrive pas encore à m’imaginer à l’arrivée. Bizarrement, je dis que je vais aller me coucher direct sans faire les 500derniers mètres, et que je prendrais bien une douche avant.

 

On aperçoit déjà quelques lumières. Même si je me dis que c’est trompeur, qu’il reste encore beaucoup de chemin, je ne peux m’empêcher de calculer intérieurement l’altitude à laquelle nous sommes, pour déterminer ce qu’il reste à descendre.

 

Une petite chute dans les aiguilles de pin et on continue à descendre. Il fait de plus en plus chaud, mais comme ma thermo-régulation est déficiente, je ne sais pas comment gérer ça. On arrive dans le village, qui sommeille à cette heure tardive (il est presque 4h…) presque 4h !!! il faut que je me speed pour finir sous la barre des 24h…et vu que j’en ai un peu marre de me faire doubler, je cours sur les 500derniers mètres de plats, content de ne plus avoir à descendre. Je suis étonné de pouvoir le faire, mais c’est aussi pour finir plus vite…

 

Je passe l’arche d’arrivée (rehaussée, encore une marche à montée (et donc à descendre)) avec Aurélie. Pas d’émotion particulière, juste envie de me poser dans mon sac de couchage.

Je ne regarde pas le temps, je ne vois pas la tente de massage et de récupération des lots finisher, je vois juste la marmite de soupe, le bol posé devant moi trop chaud…

On regagne le camping, et bien qu’éclaté, je prends le temps de prendre une douche : Sans doute peur de l’inconfort collant dans le sac de couchage. Et je me couche en buvant tranquillement la soupe qui a refroidit. Levé à 9h, la nuit fut bonne, et le repas à suivre bien sympa aussi.

 

Renseignements pris, j’ai fini en 23h49 (+/- 10’ derrière Bernard). Content d’avoir fini, dans un état mental correct…surtout que le pourcentage d’arrivant est faible 54% cette année (contre 65% d’habitude) : je fini 165/220 arrivants, sur 400 partants.

Content car l’objectif est atteint, ce qui signifie moins de pression au quotidien, je vais pouvoir souffler un peu et penser à autre chose. Je suis un tout petit peu déçu par mon temps (je visais 23h, mais sur le parcours de l’an dernier qui avait 200-300m de déniv en moins…)

Content aussi et encore une fois de la gestion de course : G bien géré les temps forts et les temps faibles (comme dirait Thierry Lacroix), bien géré l’alimentation et l’hydratation (pas de crampes). Et content d’avoir bien préparé la logistique et le matos et le bonhomme : pas de pb de matériel, pas de douleurs insoutenable (à part les cuisses à la fin, ce qui n’est pas anormal)

Avec le recul, je pense que j’aurais pu aller un peu plus vite, car j’en ai trop gardé sous la semelle pour la fin, qui dans tous les cas est dure.

Je pense aussi que ma préparation était un peu juste (et je le savais en partant).

 

C’était peut être mon premier et dernier trail long : ça demande trop de chose et d’investissement (et encore, je ne suis pas un fada de l’entrainement et de la diététique)

 

Je remercie les gens qui ont compris ce que représentait pour moi cet Ultra :

-Ma copine, qui n’a pas rechigné à me voir partir m’entrainer,

-Aurélie, qui m’a fait l’assistance et qui m’a heureusement accompagné sur la fin.

-et bravo et merci à l’organisation et aux bénévoles ; au top.

 

 

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