Récit de la course : Championnat du Canigou 2007, par Jacques 34

L'auteur : Jacques 34

La course : Championnat du Canigou

Date : 5/8/2007

Lieu : Vernet Les Bains (Pyrénées-Orientales)

Affichage : 1614 vues

Distance : 32km

Objectif : Se dépenser

8 commentaires

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Excursion champêtre en pays Catalan....

C’est le samedi 4 aout en fin de matinée que Sandrine et moi arrivons à Vernet les bains, petite station thermale catalane et surtout, pour ce qui nous préoccupe, point de départ du « championnat du Canigou », un des objectifs incontournables de l’année et pour lequel, bien sûr, aucune préparation sérieuse n’a été suivie !

Sur la place du village, l’ambiance sportive est bien présente, avec partout des athlètes en tenue, musclés et bronzés, déjà prêts à partir ; habillé en touriste, je me sens un peu décalé. Je regarde le sommet, la haut, et commence à me poser des questions : est-ce bien raisonnable ?

 

La randonnée, même parcours que la course, a lieu aujourd’hui et les premiers ne devraient pas tarder, avec un temps de 8 heures environ. Le stand d’accueil du Club Alpin Français est installé, et nous allons chercher des infos sur les itinéraires possibles le long du tracé pour Sandrine le lendemain. Il y a pas mal de possibilités en mixant voiture et marche. Dialogue rassurant avec une membre du club :

« Demain il y a la course, vous savez ? » « Ben… oui,  je vais essayer de la faire… » (coup d’œil de la dame à mes jambes par-dessus la table)  « Bah, ça devrait aller, vous avez de gros mollets … »

 

Ainsi rassurés, nous partons déjeuner loin de la foule dans le parc du Casino –qui accueillera le repas d’après course du lendemain, et montons en voiture sur une partie du parcours, Col de Jou puis refuge de Mariailles par une piste poussiéreuse interminable. Il fait frais, belle vue sur le sommet, des organisateurs montent les ravitaillements. Au retour, nous échangeons quelques mots avec un coureur expérimenté ; pour lui, le plus dur est avant Mariailles et si l’on y arrive en forme, la suite doit bien se passer. Il faudra s’en souvenir…

 

Les campings de Vernet étant complets,  nous avons trouvé place un peu plus bas au bord de la voie du train jaune. Une visite expresse de Villefranche de Conflent, un repas rapide –riz, thon, tomate- et au lit.

 

Le lendemain, à 5 h 30, le jour se lève à peine ; nous plions rapidement la tente, déjeunons de jus de fruit et biscuits, et en route pour Vernet où partout des coureurs s’échauffent. 6 h 45, Sandrine me dépose et continue en voiture jusqu’au Col de Jou. Je rejoins le départ et prends place à l’arrière du peloton. A 7 h 02 et nous sommes près de 800 à emprunter les 2 km goudronnés  qui mènent à Casteil. Du monde partout, dans les rues et aux balcons, des encouragements, des plaisanteries : idéal pour ne pas s’angoisser, d’autant plus qu’autour de moi  le rythme démarre doucement. Après Casteil, sentier pour couper les lacets de la route et premiers raidillons. Je me sens bien et commence à remonter la file de coureurs, puis au bout de 40 mn (500 m de dénivelée) c’est le col de Jou et le premier ravitaillement.

 

Petite pause pour boire et manger quelques abricots en regardant la tour de Goa, et nous repartons par le sentier découverte. Il me semble que la pente se calme, je continue de remonter des coureurs en alternant petite foulée et marche rapide, ce qui me maintient à un rythme cardiaque modéré….Le temps passe vite et au bout de 42 mn je suis au refuge de Mariailles, où Sandrine m’attend pour la photo. Elle est montée à pieds et a retrouvé en route les porteurs de charge  (8 kg, pensez y pour l’an prochain !) partis de Vernet à 6 h 30. Elle me trouve l’air frais et en forme, c’est plutôt rassurant, et comme nous ne sommes pas (trop) pressés je reste 3 ou 4 minutes de plus, en buvant et grignotant. Je dois être à 750 ou 800 m/h de dénivelée, il n’y a plus qu’à continuer.

 

Le chemin descend ensuite légèrement, suivant un canal d’irrigation, puis reprend un peu de hauteur. Passages boueux, pierres humides, blocs chaotiques : les presque 11 km qui mènent de Mariailles à Arago, pour seulement 400 m de dénivelée, ne me semblent pas de tout repos. Les dépassements sont parfois difficiles, je continue prudemment de remonter quelques coureurs. Tout le monde n’a pas ces précautions, et deux rapides me dépassent, bondissant dans une zone rocheuse, l’un prenant appui pour l’atterrissage sur le dos du coureur qui me précède. Bon… je profite quand même du paysage, de l’odeur des sous bois dans le matin, des petites épilobes et de la gentiane ponctuée. Les organisateurs ont disposé quelques indications kilométriques sur cette partie, bonne idée !

 

Au bout d’une heure 10 environ, j’atteins l’abri Arago, entouré de tentes. Le ravito est assuré par les courageux montés la veille avec tout le matériel et qui ont dormi sur place. Les gobelets sont disposés dans une ingénieuse planche à trous et la nuit a du être fraîche à en juger  par la température de l’eau : glaciale ! j’ai du mal à boire, heureusement mon « camel back » n’est pas encore vide. Là aussi je grignote et passe un peu (trop) de temps avant de repartir, mais  lorsque je me remets en route le sommet ne parait plus très loin : seulement 600 m de dénivelée, en commençant dans des prairies presque plates (les plans de Cadi ?)

Et petit à petit, après quelques pas, je sens une contraction qui arrive dans le bas des cuisses, au dessus des genoux. Jambe gauche, puis droite… au secours, voici les crampes ! Après seulement 2 h 30 de course, c’est décourageant ! je réduis le rythme, gobe deux pastilles de sel supplémentaires en buvant un grand coup et m’arrête même pour un peu d’étirements. Il va maintenant falloir gérer : la suite se fera sur la petite frontière qui sépare la poursuite de la course de l’écroulement tétanisé.

 

Je repars doucement après m’être fait doubler par des dizaines de coureurs. La pente se redresse progressivement et la température est agréable. Le soleil commence à éclairer la montée finale et loin devant allume une auréole flamboyante dans la chevelure d’une concurrente ébouriffée par le vent. La pelouse fait place à la roche, et s’il trop tard pour la gentiane de Koch, la Linaire des glaciers est bien fleurie. Dernière source sur le parcours, et les « deux hiboux madrés » du programme me donnent à boire une eau toujours glacée. J’enrage, car le souffle et la motivation sont là et je me sens à l’aise sur ce terrain, mais à chaque marche un peu haute, à chaque pas un peu appuyé, la menace de crampe et la douleur reviennent. La cheminée finale est déjà pleine de monde, tandis que nous effectuons une longue traversée pour en rejoindre la base. Je ne suis pas le seul à souffrir, d’autres  concurrents paraissent bien raides ou s’étirent.

 

Dans la cheminée, c’est l’embouteillage ! il y aurait bien moyen de dépasser à gauche ou à droite avec un peu plus d’escalade mais dès que je me laisse entraîner à trop forcer sur les jambes, je dois rapidement réduire le rythme, voire m’étirer un peu….

 

Et soudain ! des gens au dessus qui se penchent, notent les dossards, encouragent… c’est déjà  le sommet, après 3 h 31 ! Le bonheur total ! la vue est grandiose, même si la brume cache la mer. A l’ouest, là bas, Vernet parait tout petit tout loin dans la vallée…

 

Quelques raisins secs, encore des pastilles de sel, toucher la croix –c’est la tradition- et progressivement le randonneur prend … le pas sur le coureur, avec l’envie de sortir le casse-croûte et de profiter du paysage. Bon, il reste à peu près 16 km de descente, alors  on reviendra une autre fois pour faire du tourisme ! Je resserre les lacets, et après 9 mn d’arrêt je me lance dans la descente. Aïe aïe aïe… le changement de rythme et d’effort n’arrange rien, et il faut là aussi contrôler prudemment mes pas, ce ne sont plus seulement les cuisses mais aussi les mollets qui menacent de se contracter !

Le peloton est déjà bien étiré ; un coureur me rattrape et reste un peu à mon niveau, d’après lui nous sommes à 13 km/h mais j’ai quelques doutes, nous n’allons pas très vite…

 

Nous retrouvons la pelouse, puis les pins, et le ravitaillement du refuge des Cortalets. Pas mal de monde, une source, un accueil chaleureux sous les arbres. Je me gave d’eau, de pastèque, de pastilles de sel, quelques étirements contre un arbre, et refais le plein du « camel bag ».  La descente continue, alternant piste et chemins escarpés, avec des racines qui dépassent de partout et une terre poussiéreuse. Nous croisons des excursionnistes en calèche et je hèle le meneur : « combien, le cheval ? aaallez, je fais un bon prix… » mais il ne fait pas d’offre intéressante…. Les kilomètres semblent s’allonger, les lacets dans la forêt sont innombrables, je fais l’accordéon avec les coureurs devant sans parvenir à les rattraper. Tant que je conserve un rythme régulier sans trop forcer, je repousse les crampes et la douleur ; mais toujours, le moindre pas de côté, le moindre appui un peu brusque, un arbre à enjamber ou une glissade et je sens les muscles qui se contractent violemment, il faut ensuite de longues minutes pour effacer les effets de ce faux pas.

 

A nouveau, quelques balises kilomètriques et j’essaie d’évaluer ma vitesse : alors, depuis le 23, voyons… 5 mn, 5 mn 30, 6 mn, 6 mn 30… Mais il est où ce … de 24 ??? ah, le voila. Bon, je dois être à peine à 9 à l’heure, sur un sentier facile, c’est désolant ! enfin, je me concentre pour ne pas faire de pas inutile et essayer de finir.

 

Ravitaillement de Balatg, avec, bonne surprise, encore de la pastèque. J’essaie cette fois de ne pas m’arrêter trop longtemps, car le redémarrage est dur. Par contre, la piste qui suite est agréable, régulière, et je me sens moins fragile, l’espoir de terminer en forme revient peu à peu. Un tunnel dans la roche ; l’échelle de l’Ours... la végétation et la température redeviennent méditerranéennes, il commence à faire chaud. Je rejoins quelques coureurs, et soudain, le tracé quitte la piste et plonge droit dans l’pentu ! Aïe (encore) cette fois c’est à l’arrière de la cuisse que tout se solidifie après un pas de côté. Je ne le connaissais pas, ce muscle là… à nouveau, réduire le rythme, boire encore et encore, et progressivement ça se calme. Nous rejoignons la piste, puis à nouveau coupons les lacets par un raide sentier dans les bois, il faut suivre le balisage de près pour arriver au ravitaillement des citernes. Encore de la pastèque, de l’eau et du sel ; plus que 5 km et l’ambiance se détend,  bizarrement je me sens de mieux en mieux. Le chemin descend jusqu’à un torrent avec de belles vasques, l’envie me vient de prendre 20 minutes pour un bain mais il ne faut pas exagérer… Ensuite, forcément, après avoir traversé le ruisseau il faut… remonter ! je redoutais un nouveau changement de foulée mais finalement, c’est plutôt mieux comme ça, et la petite côte passe sans problème. Un chemin large ensuite, plein de pierres qui roulent et à deux reprises je manque de peu la chute –sur trois (faux) pas ma vitesse instantanée a du dépasser les 40 km/h…

J’essaie encore de négocier le vélo d’un vététiste croisé sur le chemin, mais sans conviction, j’ai retrouvé confiance en mes jambes.

 

Dernier ravitaillement au col de Juell, plus que 2,5km et là c’est l’enthousiasme : je vais y arriver ! encore un peu de piste, puis du goudron qui nous ramène à Vernet. Encore un ravitaillement imprévu, je m’arrête juste pour le plaisir et dire 2 mots, puis commence à accélérer. L’ambiance est chaleureuse, partout des gens avec un mot d’encouragement ou quelques applaudissements, cela rappelle un peu Marvejols-Mende ! croyez le, même si plus de la moitié des coureurs sont déjà passés, même si l’on a mal, que l’on est sale et fatigué, être applaudi au détour d’un virage par un bouquet de belles adolescentes donne plus envie de lever les bras et de partir dans un –modeste quand même- sprint que de grimacer de douleur !  Au virage suivant, Sandrine est là, qui prend quelques photos puis se met à courir avec moi. Encouragé par sa présence, j’accélère encore (un peu) et parviens à dépasser un concurrent, puis soudain c’est la ligne d’arrivée et la fin de la course… Je reste un moment hébété, dégoulinant, le souffle court, ayant du mal à réaliser que oui, je l’ai fait, et je tiens encore debout… 5 h 45, c’est bien plus qu’envisagé au départ, mais les souvenirs, les images, les émotions et les douleurs relèguent  le chrono au second plan.  Sur la tribune, les vainqueurs du jour, et particulièrement le premier, qui avec un temps jamais vu de 3 h 04 ! Impressionnant !

 

Et avant de me jeter sur le ravitaillement d’arrivée, dans ma tête un peu embrumée, déjà l’envie de revenir l’an prochain.

8 commentaires

Commentaire de titifb posté le 04-09-2007 à 15:17:00

Merci Jacques pour ce CR. Ca me donne envie de me joindre à toi l'an prochain...Mais j'aurais intérêt à m'entraîner sur du plus long pour "tenir" la distance et la dénivelée. Combien au fait ?
A bientôt peut-être !

Commentaire de Benoit_11 posté le 04-09-2007 à 16:54:00

Salut Jacques,

On a du passer la cheminée ensemble car j'y suis arrivé en 3 h 30...
En tout cas, merci pour ce récit qui m'a fait revire cette course magnifique.

A bientôt,

Ben

Commentaire de photogone posté le 04-09-2007 à 18:11:00

Bonjour
Bravo pour ton récit
Cela fait un mois déjà et l'envie de remettre ca me trotte dans la tête.
pour ton info quelques photos sur le site de Photogone.
Salutations photographiques et sportives
Photogone (Pascal)

Commentaire de bigout66 posté le 04-09-2007 à 20:48:00

Salut Jacques,

merci pour ce beau cr très sympa.
Ca fait 2 ans que je veux la faire cette course avec à chaque fois un empêchement, l'an dernier autre course le même jour et aujourd'hui retour de blessure avec aucun entraînement ça m'a paru suicidaire.
J'espère pouvoir être de la partie l'an prochain et pourquoi pas t'y croiser.

@+ ;-)

Commentaire de agnès78 posté le 04-09-2007 à 20:59:00

Merci beaucoup Jacque pour ce très beau récit d'une région non moins magnifique
Belle course!
A bientot dans le sud ou sur les chemingggs
gros poutoux
agnès

Commentaire de akunamatata posté le 05-09-2007 à 09:13:00

merci pour ce CR tres bien ecrit, et dire que j'etais inscrit a cette course. hum regrets de ne pas avoir ete la!

Commentaire de Tito posté le 16-09-2007 à 09:13:00

Joli recit qui vient de me refaire vivre ma course, avec les crampes en moins, mais c'est vrai que les encouragements ont leur importance sur ce type de course où l'ont passe par des émotions indescriptibles a ceux qui n'ont jamais fait ce type d'épreuves et qui nous prennent pour des "fous".
Quand on y a gouté, on y revient, surtout sur des tracés d'une telle beauté.
Christophe

Commentaire de Kiki14 posté le 22-11-2007 à 16:33:00

juste un petit mot pour te dire BRAVO pour ta course et ton courage et merci pour ton récit qui donne (malgré tout) envie de tater de cette aventure...

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