L'auteur : defi13
La course : Trail du Gypaète - Les 3 Lacs - 76 km
Date : 3/6/2023
Lieu : Thyez (Haute-Savoie)
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Distance : 76km
Objectif : Pas d'objectif
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Après une année 2022 bien remplie avec de jolis objectifs convertis (mon premier marathon sur route et le trail des Templiers), je m'étais dit que je devais tester un nouveau trail d'une distance plus ou moins équivalente aux Templiers mais dans des conditions alpines avec un sérieux dénivelé. Je n'avais pas éprouvé de difficultés particulières à finir les Templiers (bon ok, les 15 derniers kilomètres avec 3 descentes et 2 montées sont une véritable épreuve physique et mentale) et je voulais re-tester un format de 60 à 80km dans une version D+ 3 étoiles. Je ne voulais surtout pas aller me frotter à un + de 80km de peur d'essuyer un échec de plus sur ce genre de format (DNF sur la MaxiRace 2016 et le MMB90k en 2018).
En regardant de nombreux profils je trouvais qu'un 60k était déjà amplement suffisant s'il présentait un profil alpin d'environ 4000d+. Une fois passée cette réflexion et sûr de mon choix, je regardé les dates compatibles avec mon emploi du temps en évitant de le positionner trop tôt ou trop tard dans le premier semestre de manière à pouvoir rebondir pendant l'été qui allait suivre et être capable de me ré-entraîner suffisamment tôt en prévision de l'échéance. Bref le premier weekend de juin matchait bien avec mes possibilités, ainsi qu'un autre vers la fin mai et un au milieu du mois de juin. J'ai ensuite pris le temps de décortiquer les calendriers des courses et le trail du Gypaète s'est peu à peu imposé comme une évidence. Il présentait une distance assez longue, un profil accidenté, pas du tout roulant et avec de belles ascensions et descentes. Le dénivelé positif total était de 4800m. Il était présenté comme une épreuve authentique, avec de magnifiques points de vue, difficile, intimiste avec peu de participants. Cette description m'a séduit car j'ai connu de grosses épreuves avec beaucoup de public et j'avais envie de tester un trail avec peu de participants.
En parlant de l'entraînement, d'ailleurs j'avais éprouvé des difficultés à me remettre en selle après les Templiers. J'ai ressenti quelques douleurs au genou, rien de bien méchant, mais sensible pendant 1 bon mois et surtout une grande lassitude, peu de motivation à recourir. J'ai cumulé très peu de kilomètres en novembre, décembre et janvier. Bref, en janvier je me suis décidé à reprendre une activité normale (40km minimum par semaine comprenant une séance de qualité). J'avais aussi très envie de refaire de la vitesse et je me suis dit que cela pourrait me donner une bonne base pour ensuite basculer sur mon plan trail. J'avais surtout envie de battre mon vieux record du 10km datant de mes 40 ans (40:40) et celui réalisé à l'entraînement l'année de mes 45 ans (39:39). J'ai posé un plan de 7 semaines sur le calendrier qui comprenait évidemment des séances de vitesse et quelques unes de foncier pour un volume de 45-50 km par semaine pour 4 séances. Au passage, j'ai trouvé cette préparation assez peu prenante et peu fatigante (en la comparant à une préparation marathon) et j'ai pu me présenter sereinement aux 10km de Savigny sur Orge le 19 mars où j'ai réalisé ma meilleure perf avec un 38:40. J'en suis sorti galvanisé et les séances de vitesse passaient désormais sans difficulté.
La semaine suivante j'ai basculé sur le mode trail en incorporant des sorties plus longues et petit à petit du dénivelé. Mon volume hebdomadaire est rapidement passé de 40km pendant ma prépa 10km à 60km, puis 70, 80, 90. Après 2 ou 3 semaines à 80km je redescendais à 50km pour assimiler le travail. Je voulais vraiment incorporer une ou 2 vraies courses de 20 à 30km pour me tester, mais à chaque fois elle ne rentraient pas dans mon calendrier. J'ai fait un déplacement jusqu'à la forêt de Fontainebleau le 20 mai où j'avais prévu de faire 2 tours des 25 bosses pour un volume total de 32km et 1600d+, mais je me suis perdu pendant les 2 tentatives... à refaire en mode randonnée pour ne pas perdre la trace gps ou le balisage tantôt trop présent tantôt trop discret... J'ai finalement assuré un pic à 115km hebdo trois semaines avant le trail puis j'ai récupéré, relancé et enfin décroché doucement, une petite piqûre de rappel et j'ai reposé l'organisme 10 jours avant l'évènement. Je dirais que la phase d'affûtage n'a pas été optimale car j'ai eu envie d'incorporer 2 mini séances de 6-8km à 5:30 dans les 10 jours précédant le trail, mais tant pis.
J'ai eu l'occasion de décortiquer le parcours, lister les choses a emporter et préparer ma todo list. La veille de la course je suis parti en emmenant à bord de ma voiture 3 co-voituriers que j'ai déposé à Chalon-sur-Saône.
J'ai poursuivi mon chemin et je suis arrivé à Thyez d'où partait la course. Je me suis penché assez tardivement sur l'organisation qui a son importance, car pour le trailer extra-savoyard qui ne vient que pour l'évènement elle a son importance :
Après avoir retiré mon dossard à l'Intersport de Cluses ainsi que le lot participant (un pot de confiture), j'ai filé sur le lieu de départ de la course (Thyez, forum des lacs). Je suis ensuite parti à Marnaz (gymnase Pierre Rosset) où arrivaient toutes les courses. C'est là qu'il faut garer son véhicule pour monter ensuite dans un bus qui transporte tous les coureurs jusqu'au départ. Une petite gymnastique mentale pas bien compliquée, mais à appréhender avant la course d'autant plus que le réveil est matinal.
A mon retour chez mes logeurs AirB&B j'ai pris mon repas emporté avec moi et j'ai vite filé en chambre pour préparer mes affaires. J'avais prévu de courir en short et teeshirt vu les températures clémentes, une casquette et la lampe frontale sur la tête, j'ai préparé mes bâtons que j'ai beaucoup hésité à prendre avec moi tant je me sens plus libre sans ces bâtons sur le parcours roulant des Templiers par exemple. Toutefois compte-tenu du profil je me suis dit qu'ils me serviraient. J'ai bien chargé mon sac 5l des équipements obligatoires (bande de strapping, veste étanche, vêtement chaud pour le haut du corps). C'est surtout le chargement pour être (semi)auto-suffisant qui a rempli mon sac au maximum ... 2x500ml d'eau dans des flasques devant (et une de plus dans le dos par sécurité), 4 gels, 4 pâtes de fruits, 2 compotes et 2 portions de cake aux fruits, un tube de cachets de sels minéraux. J'avais l'impression d'être un bibendum... je me charge très peu lorsque je participe à une trail court et ce sac de 5l montre maintenant clairement ses limites lorsque je pars sur des épreuves longues.
J'ai mis le réveil à 03h00 et je me suis rapidement endormi. Je me suis réveillé à 02h45 et j'ai pu déjeuner dans des conditions optimales avec un café, des céréales, une banane. La fin de la préparation a été rapide et j'ai pu monter dans la voiture à 03h15. Une fois sur le parking du gymnase de Marnaz, j'ai rapidement grimpé dans le bus embaumé par les effluves de camphre et autres huiles magiques !
10 minutes plus tard nous étions au forum des lacs, prêts à nous lancer dans cette belle aventure. Une grande table proposait des cafés, thés et des gâteaux pour ceux qui souhaitaient déjeuner tardivement. J'ai fait quelques assouplissements articulaires. Un briefing a été donné, il nous a rappelé que des orages étaient prévus pour l'après-midi, qu'un shunt avait été balisé et qu'il nous conduirait vers un petit raidar supplémentaire permettant de faire un beau passage sur une crête. Sur la ligne c'est Ludo Collet qui assure l'animation de la course, elle se fait en douceur sans exultations compte tenu de notre nombre restreint, mais en faisant une haie d'honneur aux sympathiques bénévoles.
A 04h30 précises, le départ était donné pour les +/- 85 partants. Je m'étais mis en tête de partir assez vite, car ce choix s'est déjà avéré payant pour moi et l'inverse avait au contraire été synonyme d'échecs. J'ai donc enchaîné les 4/5 premiers kilomètres à une allure d'environ 4'30" au kilomètre avant de stabiliser l'allure à la sortie de la ville dans une belle bosse. J'ai déplié mes bâtons (3 brins téléscopiques) et me suis rendu compte que les trailers autour de moi le faisaient beaucoup plus vite (3 brins reliés par un câble). Nous avons monté tranquillement dans la nuit un bon 900d+, très raide par endroits, puis moins raide mais très technique (dévers important, monotrace détestable avec des pierres). Je me rends compte aussi qu'à force de faire des trails peu exigeants le simple fait de courir sur une monotrace est difficile pour moi. J'ai des grandes jambes, j'ai du mal à poser les pieds l'un devant l'autre en courant dans un ruban de terre d'à peine 30cm de large. la montée dans la forêt s'avère assez piégeuse, glissante, très humide sans être boueuse.
Le 7ème kilomètre donne un avant goût de ce que va être cette journée, nous avalons 300d+ au cours de ce seul kilomètre qui va me prendre presque 20 minutes. Bien évidemment l'allure globale s'écroule. Avant le kilomètre 10, un pointage position est déjà réalisé en pleine nuit dans la forêt, le bénévole m'annonce en 30ème position. La première féminine me talonne et je me dis qu'elle va bien me challenger durant la journée. En haut de cette bosse, nous arrivons à un léger replat puis une descente qui nous amène à Romme-sur-Cluses. La descente n'est pas méchante mais elle se fait sur une monotrace très étroite, grrrr je déteste vraiment ça, j'ai du mal à placer mes pieds et attention aux rebords qui sont 20 bons centimètres plus hauts ... si on les effleure la chute ou pire l'entorse est assurée.
Pour cette journée j'ai décidé de prendre mon temps sur les ravitaillements sachant que je réalise des ravitos express habituellement sur des distances plus courtes, mais j'ai le souvenir vivace de mon échec au MMB90km notamment parce que je ne m'étais pas accordé de véritables pauses. Comme toujours, mes plans de course finissent aux oubliettes et j'arrive donc à Romme après 1h37 où je vide mes deux flasques rapidement avant de les remplir à nouveau d'un litre d'eau gazeuse. J'ai décidé de ne boire que cela aujourd'hui pour éviter les crampes qui ne m'avaient pas lâché lors d'une édition de la Bouillonnante. Le ravitaillement est particulièrement attrayant et bien achalandé étant donné que peu de coureurs y sont passés et que le top ten n'y a probablement pas touché. Je prends un morceau ou deux de banane, une tranche de pain d'épices et je file le train de la première féminine en trottinant à 5'30" au km dans les ruelles fraiches du village. Je me rends compte qu'à sa foulée légère elle doit être d'un niveau largement supérieur au mien, elle file tranquillement dès qu'une partie technique se profile et je ne peux plus la suivre à moins de forcer l'allure. Le pointage de Romme me positionne en 31ème position.
L'objectif est maintenant de filer vers la deuxième étape de cette grande journée : le Reposoir. C'est de là qu'est donné le départ de la Gypaète parcours de 57k qui shunte toute notre partie nocturne et forestière. Ce parcours de la Gypaète a finalement tout pour plaire... je garde cette remarque dans un coin de ma tête, j'y reviendrai plus tard. J'arriverai au Reposoir avec 15 minutes d'avance sur le départ de la Gypaète. Je suis encore classé 31ème. Après avoir ravitaillé je file aux toilettes et me rends compte en sortant que je dispose d'une marge de 10 minutes avant que les premiers ne me reprennent. A la montre j'ai presque 20km, 2h54 et 1300d+ lorsque je repars d'un bon pas. J'ai du perdre quelques places, mais rien de grave. Je suis encouragé par Ludo Collet et je sors du village par une route qui nous amène rapidement à un sentier. Le fait de croiser d'autres départs sur son chemin est assez motivant, on est encouragés par d'autres coureurs et la foule rassemblée fait monter notre adrénaline.
Sur les 3.5km suivants nous allons avaler 570d+, c'est très raide et régulier. Les flèches du parcours de 57 kilomètres me passent aisément, mais leur allure bien que plus rapide est aussi empreinte de sagesse. Je pense que ce sera une toute autre histoire quand je passerai au Chinaillon et que j'assisterai au départ des concurrents du 34km. Une fois en haut du village par les sentiers, nous parvenons à un alpage, le premier de la journée. Le paysage est de toute beauté. Au pied d'une barre rocheuse qui nous surplombe, nous courrons sur un single en pleine nature. Les pâturages sont frais et nappés par les rayons d'un soleil qui commence à monter haut. Il est 08h15 et la journée s'annonce magnifique. La nature est splendide, l'alpage d'un vert profond, et seuls quelques rochers trouent cette couverture verte de quelques taches grisâtres. Que c'est beau ! 😍 Voilà ce que je suis venu chercher ! Voilà ce qui symbolise le plus la montagne pour moi : des grandes prairies à 1500m d'altitude où paissent les vaches. Le chemin est aussi parsemé de nombreuses plantes vivaces de toutes les couleurs. Je réalise des films et des films emplis de ces paysages et agrémentés du bruits des cloches des vaches. J'ai un immense plaisir au cours de cette traversée. Nous remontons un petit raidar de 150d+, l'allure est cassée forcément car le sentier est technique, parsemé de roches qui empêchent toute allure modérée surtout lorsqu'on a encore 50 bornes à faire. Nous atteignons le Col de la Colombière au 28ème kilomètre.
Col de la Colombière 1618m
Et il y avait toujours sur un fond de chaînes et de cimes, de vallées et de torrents, cette sauvage, cette immense liberté
Jusque la tout va bien, même si les 4h30 de course en montagne commencent à se faire sentir. Nous amorçons donc une belle descente vers le Chinaillon. Au cours de cette descente je réalise que je n'ai pas du tout le pied alpin. Ce n'est pas une grande nouvelle, mais moi si confiant sur les courses nature où j'envoie allègrement sous les 3'15'' au kilo en descente, j'ai beaucoup de mal à courir à une toute petite allure sur ces sentiers techniques. Je me fais doubler encore et encore. L'arrivée au village me permet de gérer une allure conforme à ce que je sais faire, je cours et vite si possible sur du plat ou en faux-plat, je relance et grappille quelques places. Une descente sur une piste de ski me paraît très agréable et je parviens à réaliser un enchaînement à 5'00-5'30'' au km pendant 3 kilomètres avant l'entrée dans le village. Mes quadris sont déjà entamés, je les sens raidis et je crains le pire pour la suite de la journée.
Sur mes notes, j'avais relevé que le ravitaillement au Chinaillon était consistant, je décide donc d'y prendre mon temps. Nous passons sous les arcades d'un large chalet, à l'ombre où est installé le ravitaillement. Tout y est présent, du solide, du liquide, du sucré ou du salé. Par habitude je remplis mes flasques, je bois 1 ou deux verres de coca puis de l'eau avant de commencer à manger. Je suis classé 38ème. Les bons trailers m'ont dépassé et c'est l'ordre normal des choses. Cette pause au Chinaillon est importante puisqu'une difficulté se profile dans les prochains kilomètres. L'ascension au col de l'Aiguille Verte est un joli morceau de presque 5km et presque 700d+ démarre juste après ce ravitaillement. J'ai encore 8 minutes d'avance sur le départ de la Circaète et j'en profite pour relancer ma dynamique d'un bon pas à l'aide de mes bâtons malgré la forte pente à la sortie du village.
Je suis rattrapé par les flèches de la Circaète qui trottinent ou marchent très fort. Le top 10 est très concentré, pas un mot de soutien, pas un "bon courage", au contraire c'est même moi qui leur lance quelques mots pour les encourager. On ne fait vraiment pas la même course 😄
Après avoir rejoint un single on peut observer un long ruban de coureurs qui gravit la pente du col de l'Aiguille Verte. L'ascension est longue, classique, assez peu technique, mais les pourcentages sont forts et le soleil commence à taper, les 10h00 du matin sont passées maintenant. Heureusement, cette chaleur n'est pas accablante et quelques courants d'air frais bien agréables nous rafraichissent. Mon cardio ne monte déjà plus. C'est un phénomène que j'ai déjà constaté lorsque je cours sur de longues distances, quelque soit mon allure rapide ou marche, ma FC ne décolle plus. En général ça m'arrive après les 2/3 de la course, mais là ça fait très tôt. J'entends le coeur qui tambourine dans mes oreilles et je me mets à gérer mon allure pour ne pas subir l'expérience désagréable vécue au MMB90K avec des coups de mou et les battements de mon coeur que j'entendais dans les oreilles et mes tempes. C'est sans doute l'effet conjugué de l'altitude, de l'effort et du réveil très matinal. Je vis un petit coup de mou que je prends au sérieux immédiatement en avalant un gel et une pâte de fruits. Je décide d'être vigilant pour ne pas subir d'autres défaillances. Celle-ci n'était pas violente mais elle mérite que je reste attentif à mes sensations. Je mettrai finalement 1h15 à atteindre ce col de l'Aiguille Verte depuis le Chinaillon. C'est d'ailleurs le point culminant de cette course avec 1950m.
Une descente d'un petit kilomètre nous attend avant de remonter immédiatement au Col de Sosay. Dans ce creux entre les deux cols se niche le lac de Lessy. C'est un écrin d'un bleu pur entouré de montagnes et bordé par des prairies. Nous franchissons le premier névé de la journée. A ma montre les stats défilent 40.5k, 6h52 de course, et 3000d+cumulés. A ce stade, on se rend compte de la difficulté de l'épreuve. Je savais que ça allait être difficile, mais je suis bien servi ! A deux reprises mon esprit déraille et je pense aux 6 ou 7 heures d'effort qu'il me reste à accomplir. J'essaye rapidement de penser à autre chose car, je me sens comme au bord d'un précipice dans lequel il ne faut pas grand chose pour basculer... j'évacue le doute, mais il reste dans les parages... Je sais que je manque d'expériences comme celle que je suis en train de vivre. Je dois convertir cet essai aujourd'hui pour m'en servir plus tard pour ne plus douter ou du moins moins douter.
Le petit single qui nous entraîne au col de Sosay est piégeux, il faut faire attention à chaque seconde où poser le pied ! En 3 kilomètres à peine, nous allons enchaîner cette descente puis la remontée. Derrière le col de Sosay, une monotrace piégeuse, étroite, en dévers et qui rassemble les derniers névés, épais à cet endroit. C'est très technique et je perds du temps à assurer mes pas de peur de dévaler la pente ou faire une mauvaise chute. J'avance comme une escargot. Des marches sont taillées dans les névés ! Les bénévoles ont travaillé sur cette partie du parcours pour la sécuriser.
Nous passons cette difficulté et atteignons le plateau de Cenise qui est soi disant roulant. Je suis pointé en 41ème position. Je rencontre des difficultés à dérouler ma foulée sur des monotraces étroites et parsemées de pierres volumineuses. Enfin, après avoir atteint des prairies verdoyantes je parviens à reprendre une foulée naturelle. Nous atteignons le point de bifurcation de la Circaète. Notre parcours va emprunter une franche remontée pour atteindre la pointe d'Andey qui sera le morceau de choix de la journée, mais avant ça j'ai prévu de faire une vraie pause au ravitaillement du plateau de Solaison. Nous avons couru 52km avec 3500d+ en 09h08. Le pointage officiel me classe 42ème de la course à ce moment. J'ai perdu des places pendant la 2ème partie de course, mais c'est normal compte-tenu de mon manque d'expérience sur ce profil d'ultra. Je profite des plateaux de vivres pour manger de la pastèque, c'est un régal. Je remarque que les coureurs sont assis et profitent d'une bonne pause avant d'aborder le monument de cette grande journée. Je pense repartir avant quelques coureurs de ma course, et je ne serais pas surpris de gagner quelques places au prochain ravitaillement. Après avoir soufflé, je désire repartir d'un bon pied tout en gardant à l'esprit que le tronçon qui nous attend est sans doute le plus difficile, du coup je me méfie et je m'assure de ne pas brusquer la machine et d'adopter un pas régulier. Je dois pousser fort sur les bâtons, cette montée est très technique avec des rochers éparpillés partout ce qui m'oblige à zigzaguer fréquemment autour du single, mais aussi à faire des pas très hauts pour les enjamber. La pente dépasse allègrement les 30%. C'est vraiment une épreuve. Le final a même des allures d'escalades par endroits. Mes sensations ne sont pas mauvaises, je dirais même plus qu'elles sont bonnes. Je garde à l'esprit qu'il me reste tout de même + de 20 kilomètres, même si le dénivelé positif total est maintenant bien entamé. Un coureur me précède de quelques mètres, il est sur la même distance que moi. Je parviens à dominer mon envie de le dépasser pour gérer cette montée et garder des forces pour la suite. Il y a environ 360d+ entre le ravitaillement du plateau de Solaison et le sommet de la Pointe d'Andey, mais il me faudra tout de même 40 minutes pour les avaler. Cette montée est diabolique, il faut se donner du temps avant de l'attaquer et bien s'alimenter en prévision. Une fois en haut (km 54.5), ce n'est pas fini, la descente jusqu'au kilomètre 58 où nous attend le ravitaillement de Brison est particulièrement éprouvante, impitoyable. Je me dis à ce moment de la course que j'ai bien fait de contenir mes bonnes sensations pendant la montée car elles vont m'aider à digérer cette descente très difficile. On doit gérer une pente de + de 30%. Le coureur qui me précédait est lâché, mais je suis incapable de faire une vraie différence tant le single est défoncé. Les coulées de neige et d'eau du printemps ont crée une multitude de singles creusés de façon inégale, qui s'entrelacent et qui sont parsemés de cailloux traitres. L'erreur de pied peut être fatale. Je gère la descente en serrant les dents. Les quadriceps qui étaient très entamés hurlent et je sais que je vais souffrir sur toute la fin du parcours maintenant.
Tout en bas nous parvenons au ravitaillement de Brison. 58.6km, 10h41 de course, 3900d+. Il ne me reste que deux montées. L'esprit se libère petit à petit et je sais que le plus gros est fait. C'est la première fois de la journée où je perçois clairement que je vais être finisher de ce trail du Gypaète 😃. En sortant du ravitaillement un bénévole m'annonce qu'il nous reste 2 bosses, la première de 200d+ puis une autre de 600d+. J'ai un petit sourire au coin des lèvres, j'ai envie d'en découdre et les sensations sont très bonnes en montée. Le début de la première s'effectue sur une route, allez hop 50d+ d'avalés; puis sur un sentier forestier hop 100d+ d'avalés. Je me dis que si ça continue sur des chemins aussi peu techniques, je n'aurai qu'à gérer la dernière montée de 600d+ tant celle-ci est une formalité pour moi. On monte à présent sur un single forestier un peu plus raide. Ces parcours dans les forêts de résineux ressemblent beaucoup à ceux qu'on rencontre dans les Vosges ou dans les Ardennes belges. Je me rends compte que le bénévole avait oublié une petite centaine de mètres de dénivelé; en réalité il s'agit d'un morceau de 300d+, mais je sais aussi que rien n'entamera ma détermination. Je monte avec énergie, et en souriant. Rien ne m'arrêtera, j'avance à bonne allure ! Les orages commencent à tonner au dessus de nous. Ça me motive à accélérer légèrement, car j'ai peur que la course soit neutralisée à Mont-Saxonnex. La pluie est rafraichissante et je décide de rester en manches courtes en attendant que ça s'intensifie pour enfiler ma veste waterproof.
Nous redescendons à présent sur le dernier ravito de Mont-Saxonnex d'où est partie la dernière course de la journée, la P'tiote, bien nommée (16km) mais au profil très atypique avec ses 650d+ en une montée puis 1000d- en une seule descente pour rejoindre Marnaz. Je décide d'enfiler ma veste à présent en réalisant que ce n'est pas tant la pluie qui me gène mais qu'elle m'a passablement refroidi. Une nouvelle expérience de faite sur ce trail de montagne : se couvrir assez tôt non pas pour éviter la pluie mais pour éviter de se refroidir. Je me sens immédiatement protégé par la veste et réchauffé par un merveilleux potage au vermicelle qui me fait le plus grand bien au corps et à l'esprit. Je repars ragaillardi et plus motivé que jamais à en finir.
Il me reste donc cette dernière montée de 650d+; elle se fait principalement en forêt de sapins. C'est très agréable malgré des pourcentages assez forts parfois et de nombreuses racines où il faut éviter de poser le pied sous peine de glissade. Je décide de pousser fort et je rattrape un concurrent scotché dans la pente, je lui conseille de faire de petites pauses de 30 secondes tous les 50d+. Cette technique m'a parfois aidé quand j'étais dans le dur. Je le dépasse rapidement et je constate aussi que les concurrents partis en même temps que moi du ravitaillement ont disparu. Je sais que je vais finir seul à présent et je sais aussi que la bonne soupe aux vermicelles va m'aider sur le plan nutritionnel pour au moins la prochaine heure. Je suis parfaitement serein. D'ailleurs, j'ai le sentiment (et c'est la première fois sur ce genre de format) de vraiment pouvoir assumer et vivre ces dernières heures de course en toute lucidité.
Malgré tout cela, tout en haut lorsqu'on bascule dans la descente, je me mets en tête qu'il s'agit de la descente finale et que le compte à rebours est déclenché. Je sais qu'il me reste 7km et 1000d- à gérer à présent et je commence même à faire des calculs... En fait, je manque de lucidité ou de préparation de course car j'aurais du être attentif et remarquer que la descente finale n'est pas encore là et que d'ici-là ce sont 2 kilomètres assez pénibles qui nous attendent avec des petites bosses, des descentes en dévers, rendues glissantes par la pluie fine. Je suis pointé en 41ème position. Nous longeons le dernier lac de la journée : le Lac Bénit. Son contournement est rendu boueux par les nombreux coureurs qui m'ont précédé.
71ème kilomètre, bon nous descendons en forêt cette fois. C'est très glissant, très boueux même. Pour un peu on se croirait à la Bouillonnante sauf que là cette descente va durer très longtemps ! Manipuler les bâtons et assurer une bonne position de pied est un exercice difficile. Il faut se mettre dans la tête que nous descendons des sentiers, boueux, très pentus (-20% et plus) que des centaines d'autres trailers ont piétiné avant les Aventuriers des 3 Lacs. Ma montre va sonner à deux reprises dans la descente pour me rappeler de prendre un gel ou une pâte de fruits, mais excité par ce final, l'énergie qui me tient depuis 3 bonnes heures et l'attention de tous les instants pour ne pas chuter je vais finir par repousser l'alimentation. J'entame cette descente après 13h30 de course et je finirai en 14h41, soit un dernier effort de 1h14 à torturer des quadriceps déjà essorés. Ce 1000d- est une boucherie sans nom. Je souffre le martyr et dès le premier kilomètre je comprends que ça va être très pénible. Je vais chuter pas moins de 5 fois et me relever à chaque fois sans bobos et surtout sans crampes. Je valide donc ma préparation précédant la course et les ravitaillements à l'eau gazeuse fortement minéralisée. Un trailer ou deux me rattrapent, je suis surpris de les voir prendre autant de risques sur cette patinoire, mais je me prends au jeu et je tente d'accélérer tout en assurant mes pas. L'allure progresse donc aux alentours de 6 à 7 minutes au kilomètre alors que je ne suis pas très sûr de moi.
J'attends surtout le ruban de bitume d'un kilomètre dans Marnaz pour faire la remontada du coureur sur plat, je patiente encore et encore, mais elle ne viendra jamais. Le parcours a été retracé cette année et à la sortie de la forêt nous débouchons sur un champ qui nous mènera 300 mètres plus loin à la finish line. Je finis avec le sourire au lèvres en 14h41 à la 38ème position sur 66 coureurs classés.
Quand tu cours depuis +14h et que tu dois faire bonne figure pour la photo souvenir
Cette épreuve est enfin terminée, elle clôture cette journée magnifique dans la montagne, et aussi une première partie de saison dont je n'osais pas même rêver. J'ai pour la première fois utilisé des bâtons pendant près de 15 heures. Je vais sûrement avoir mal aux bras ou aux dos demain.
Je vais chercher mon sac de rechange dans la voiture garée là à 03h30 du matin. Je vais mettre un temps infini à me doucher tellement mon organisme est fatigué. Chacun de mes gestes est incroyablement lent. Je retire mon lot de finisher, c'est un joli teeshirt et je m'attable devant un plateau composé très attirant. Toutefois, l'appétit n'est pas là, tout le système digestif est paralysé, et je ne parviens à manger que des choses molles... le gâteau au pommes et la jardinière de légumes. Je bois beaucoup. Je ne retire même pas ma pinte de bière, assuré qu'elle ne passerait pas mon gosier. Je me rattraperai demain 😃
En rentrant chez mes hôtes, je suis invité à la table du dessert et l'appétit revenant nous partageons un excellent crumble pommes-bananes et échangeant nos impressions sur la région, les courses et ce trail qui m'a attiré depuis l'île-de-France. Un couple invité ce soir là a participé à la P'tiote en couple et nous nous remémorons les tranches du parcours et des tas d'autres courses.
J'ai vraiment apprécié cet ultra sur le plan sportif. C'est un solide défi qui attend ceux qui osent s'aligner sur la ligne de départ. Le dénivelé positif total atteint 5000m et la distance 78.6km. Je fais rapidement une analyse et me dis que d'avoir réalisé ce trail dès le début du mois de juin va me permettre de programmer d'autres choses cet été et à la rentrée. Sa dans le calendrier d'un trailer est assez idéale, même pour ceux qui programment de plus grosses échéances durant l'été. Tiens d'ailleurs en parlant de grosses échéances, je l'impression d'être rassasié. A ce stade je n'éprouve pas l'envie d'aller plus loin en termes de difficulté ou de distance. Ce format d'une journée bien remplie me convient parfaitement, en partie parce que j'affectionne la compétition et la course à pied. En y réfléchissant bien avec ma cotation Betrail / ITRA m'engager sur de plus longues distances m'exposerait à des fins de courses pénibles, de longues marches et sans doute en mode décrescendo que ne me motivent pas. Je suis pleinement satisfait du rendement que j'ai pu avoir sur cette course et surtout sur sa fin. Il me reste à progresser nettement en descente et gagner en expérience sur des parcours à peu près similaires pour maintenir une FC plus élevée et pourquoi pas garder jalousement cette 30ème place qui m'a échappé après 20 kilomètres. Plus largement sur cette course, je pense qu'elle peut être une superbe préparation en vue d'évènements d'été. Dans cette optique; la section nocturne du parcours des 3 lacs peut même être shuntée (-20km) en s'inscrivant directement sur la Gypaète. La Circaète reste aussi un joli défi.
Sur le plan personnel j'ai donc été servi et j'ai coché toutes les cases que je souhaitais : un gros défi sportif (14 abandons sur un total de 80 coureurs soit 18%), la validation de mon premier ultra de montagne, une ballade d'une journée entière en montagne, des points de vue magnifiques, des alpages de montagne, des cols à gravir, des lacs d'altitude et un trail intimiste (80 coureurs au départ). Ce trail est organisé avec amour et patience, le tracé rend hommage à une région magnifique et des villages qui ne le sont pas moins. A chaque ravitaillement, j'ai été accueilli avec chaleur et bienveillance. Je ne saurais que vous conseiller de vous inscrire à l'une de ces courses magnifiques du Trail du Gypaète.
Le coffre plein de victuailles, je repars vers l'Ile-de-France le lendemain avec des souvenirs plein la tête.
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3 commentaires
Commentaire de marat 3h00 ? posté le 15-06-2023 à 09:13:12
Merci pour ce récit détaillé qui nous plonge dans la difficulté de cette épreuve. Il ne te manque pas grand chose pour jouer un peu plus devant : de l'entraînement en descente avec bâtons (pour la vitesse et l'assurance), et qq sorties de plus de 3h où la dernière heure est courue à allure semi +10% ( pour la résistance cardiaque et mentale).
Bravo pour ta perf, car s'en est une !
Commentaire de KrKAlex posté le 15-06-2023 à 10:17:24
Félicitations pour ta course et merci pour ce récit, c'était très agréable à lire !
Commentaire de truklimb posté le 19-06-2023 à 14:24:43
Bravo pour ta course très bien gérée. C'était pas facile cette année, entre la chaleur du milieu de journée puis les orages qui ont rendu la dernière descente bien compliquée !
Ravi que tu aies pu apprécier notre belle vallée, et merci pour le retour élogieux que tu fais sur l'orga !
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