Bonjour ami(e)s traileurs,

Derrière le titre ronflant du second championnat du monde de trail IAU (International Association of Ultrarunners) se cache simplement la course que Patrick Michel organise depuis quelques années déjà: Le trail des Cerces Merrell. Le MTC est un club récidiviste, nous revenons sur les lieux du crime avec délectation et un plaisir masochiste. 

Un peu d'histoire pour contextualiser la tenue de cet évènement, Dirk (président IAU) et Nadeem essayent d'expliquer aux journalistes présents comment un championnat du monde décide de venir ici dans la tranquille station de Monetier les bains. En fait comme il s'agit de la seconde édition de ces championnats, l'ambiance est détendue, un peu amateur au reflet de notre sport. Néanmoins, l'International Association of Ultrarunners est une émanation de la très puissante IAAF. De ce fait de nombreux points sont inspirés d'un canevas somme toute professionnel. L'IAU organise aussi les championnats du monde des 24h, 100 km etc...(tout ce qui est au delà du marathon).

  Le mode de sélection, le frais des délégations, tout cela est minutieusement pensé. Même si certains athlètes doivent payer leur déplacement due au manque de crédit de leur fédération, l'hébergement en fonction de la provenance des participants est prévu dans le cahier des charges. Des contrôles anti dopage seront effectués pour les élites (mais pas pour le très beau plateau open qui ne comprend pas forcément que des licenciés FFA). Pour ma part, je comprends mieux l'implication de la FFA dans ce championnats du monde car effectivement il y a un gros potentiel pour une discipline en plein essor tel que le trail. Dirck était venu en 2008 en reconnaissance et a trouvé l'organisation et les moyens logistiques impeccables. Et le choix de la Merrell s'est fait tout naturellement, toutefois ce n'est pas comme s'il y avait 30 capitales qui se battaient comme pour les JO non plus !

Patrick nous annonce en avant première que la prochaine édition de la Merrell aura lieu a Briancon, cela permettra de découvrir des sentiers nouveaux du coté du mont Thabor et aussi de pouvoir un peu mutualiser son temps avec son job a la mairie.

 Dans le cahier des charges, il y a une procession des délégations qui part du village pour aboutir a la salle polyvalente. Une mini cérémonie d'ouverture tellement décalée qu'elle en est charmante, je suis sur que peu d'athlètes présents ont déjà eu l'honneur d'y participer. Mais ce fut dans une ambiance hyper cool, Steve en profita pour délirer avec les athlètes US . Pour nous autres coureurs open, ce mélange protocolaire cérémonieux au sein de notre sport un brin libertaire en fait un ovni rafraichissant.

 En déambulant a l'exposition, nous tombons sur Julien Chorier (Vizcacha sur kikourou), toujours aussi souriant. Je luis dis a chaque fois que je tombe sur toi avant la course tu fais un podium (Merrell 08, UTMB 2008), bon pas de bol cette fois ci (enfin c'est quand même pas mal, voir son récit ici)

 Il est temps de regagner nos pénates, pour nous c'est direction Puy saint André, dans l'auberge de notre ami Jean-Luc Charton (voir son site) comme l'an dernier.

 Un coup de réveil a 3h du matin, et c'est radar automatique, direction la cuisine ou on fait comme chez soi, on essaye de parler doucement mais chasser le naturel...bref, on n'oublie pas de laisser les chèques sous le pot de nesquik histoire de pas foutre l'embrouille (on compte revenir...). Arrivée a Monetier, il fait nuit mais miracle il ne pleut pas comme l'an dernier, c'est un gros soulagement d'un point de vue température et surtout photographique !

Je suis harnache comme un traileur avec un petit appareil au milieu de photographe en bermuda, chaussure de marche et de gros appareil . Mais non c'est pas la taille qui compte ! Je compte prendre la caravane VIP avec les FFA costumés, mais avant nous mitraillons le sas des élites, un peu au hasard pour moi je l'avoue. Je reconnais quelques locaux (Olmo, Lorblanchet, Dacchiri, Dubois ...) mais les pointures internationales je n'en reconnais pas beaucoup. Ce n'est qu'en dépouillant les clichés que je repère quelques têtes.

 (en vrac Cathy Dubois, Norimi Sakurai détentrice du record du monde du 100 km, Angela Mudge la version britannique de Corinne Favre, Hamelink Wouters, Dacchiri, Jaquerod...il y a de la densité en fibre musculaire endurante!)

Je ne verrai pas le départ car les officiels embarquent dans la caravane de 4x4, Patrick Michel guide la procession , je me ferai larguer au niveau du Galibier, mais pour l'instant Patrick nous fait faire des sauts de puces pour suivre la tête de course. Stéphane Bégaud (breton exilé sur kikourou) dynamite la course comme a son habitude, son motto  to conquer without risks, we triumph without glory lui sied a merveille. Il reconnait mon Buff Kikourou et répond a mes encouragement par un allez Kikourou! 6 minutes d'avance au sommet du Galibier, tous les observateurs sont sur le cul. Même un Serge Jaulin virevoltant avec sa caméra me dit (c'est plié, les autres  ne reviendront pas). Pour ma part, je sais que Stéphane avec son panache prend des risques et que ça ne passe pas quelques fois malheureusement.

 A l'intérieur de la course il y a une autre compétition plus ou moins amicale, celle des photographes. Serge (organisateur du trail du ventoux et auteur de nombreux articles dans esprit trail) est pas mal organisé, il a quelques comparses répartis sur la course avec caméra au poing. Nous chassons les meilleurs point de vue en essayant de ne pas rentrer dans le champ de la personne déjà postée. Ce n'est pas évident et quelques frictions échauffent l'atmosphère. Cela m'amuse, mais je ne peux pas tenir en place comme eux et prendre les coureurs avec le sempiternel même arrière plan. Alors sur ce Pic du Galibier, je tourne autour des coureurs, du chemin sous les yeux du soleil levant. La lumière naturelle est juste parfaite, la clarté de l'air est limpide, j'ai l'impression d'avoir les yeux acérés tel un aigle. Quelle contraste avec l'année dernière ou l'on a eu si froid a ce même endroit !

Lorblanchet, Dawa, Pommeret, Chorier, Delebarre, Gault, Breuil...je ne peux les citer tous, tous les favoris sont a la poursuite du breton exilé.

 Je laisse les photographes se disputer leur bout de rocher et me revient aux origines de ma passion la course a pied. En descendant, je tombe sur Sherpa Lama Phu Dorjee en délicatesse avec son mollet. On discute un peu car il cherche a revenir sur Monétier, je lui indique la direction pour qu'il puisse rentrer en stop. C'est aussi un personnage ce Phu Dorjee, certainement le traileur le plus a l'aise a 5000 m (il a gagné des courses telles Anapurna mandala, trail Solukhumbu Trail) et en plus sympa, il m'a donné ses barres énergétiques inutiles pour lui désormais !

 Je voudrais revenir sur la tête de course, pour cela un peu de stop aussi m'évite de contourner la vallée afin de me trouver au pied de la montée du col des Rochilles. Du coup, je me retrouve aux environs de la trentième place au scratch, un peu après la 1ere féminine (en l'occurrence E. Hawker vainqueur UTMB 2008), j'embraye les pas d'Angela Mudge la skyrunner.

 J'arrive a la suivre avec un peu de mal, je dois m'arrêter prendre des photos et reprendre les quelques mètres perdus. Heureusement qu'ils ont déjà quelques kilomètres dans les pattes sinon ce serait mission impossible pour moi. Je discute un peu avec Angela et double de nombreux élites tel Ben Nephew (US), mais j'ai le souffle trop court, de plus Angela remonte petit a petit sur Elisabeth Hawker. Ça devient tactique et une belle bagarre psychologique s'installe entre les deux jusqu'à l'arrivée de l'italienne Mora qui met tout le monde d'accord en finissant largement en tête. 

 Le passage dans la lumière marque le début de la fin, je dois enlever ma raidlight et laisse partir définitivement les premières. A présent, la mission est de prendre des photos de traileurs connus ou non dans ces paysages magnifiques.

Angela et Elisabeth s'éloignent irrémédiablement

 Je refroidis donc la machine et suis cool, j'attends juste le bon moment pour prendre le cliché qui va bien (ci dessous Ben Nephew qui se détache sur ce mini col adossé a un superbe petit lac de montagne)

 C'est un nouveau défilé d'athlètes qui me double, j'encourage les uns et les autres. Des traileurs d'autre cieux n'en reviennent pas du paysage et me susurrent great place a l'instar d'une Norimi Sakurai qui, malgré ses "hanhan" sexy a la limite de l'apoplexie, en prend plein les mirettes dans la montée du col des béraudes. Je souffle a Cathy Dubois située peu après que Norimi semble vraiment prendre cher dans ce col mais elle me confie que la japonaise dépote grave sur le plat et la descente ! (effectivement un record a 7h00 sur 100 km...ça pose la nana). Mais pour l'instant je suis encore en direction du chalet Laval, descente agréable et un peu piégeuse. Je rattrape Thomas Reiss (voir son récit ici) de l'équipe allemande, pour une fois je vais plus vite qu'un athlète. Il est au plus mal, mais semble assez relax pour taper un brin de causette qui nous mène au ravitaillement. Je retrouve ici, Jean-Luc notre hôte de puy saint André (auteur de la photo ci dessous), Dominique Nugre et Bhimsen Awale le second népalais encore en course.

 Thomas ci dessus visait moins de 7h de course, mais l'altitude en a décidé autrement...

Prochain épisode: la montée des béraudes ou comme dit Thomas this music was like a funeral

Je reviens sur Cecilia Mora qui m'a doublé juste après le col des Rochilles, elle volait littéralement sur les rochers ! Vraiment je ne suis pas étonné qu'elle ait pu croquer les deux brits de façon aussi magistrale.

Bref, venons en au fait, ici point de blessure ou autre détail scabreux, mais un instant drolatique que j'ai découvert dans cette descente technique vers le chalet Laval. C'était peu avant ma jonction avec Thomas, je prends régulièrement les coureurs qui me talonnent et me doublent. Quelle ne fut pas ma surprise quand je vis un traileur (pays de l'est je crois) la zigounette a l'air entrain d'uriner et de courir au milieu d'un train de coureurs. J'en suis reste baba, et mon oiseau numérique ne fut pas sorti contrairement au sien. Pas trop perturbe pour un sou, l'athlète me fait un petit signe de la main pour me remercier de ne pas l'avoir pris en flag'. Ah ben ça alors... c'est le haut niveau me dis je intérieurement. Du coup je me demande comment font les autres cadors de la discipline ? (en fait non je prefere pas savoir)


ci dessus en direction du chalet Laval (le col des Beraudes est au fond en haut a droite)

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A partir de maintenant, il y a le plat de résistance devant moi, le col des Beraudes. Je refais les niveaux d'eau (deux bidons de 600 ml, cela se révélera insuffisant par la suite pour moi et beaucoup d'autres) et repars en compagnie de Dominique Nugre suivi de près par Tomas Reiss de l'équipe Allemande. J'insiste auprès de ce dernier pour qu'il adopte une attitude très prudente. Je n'ai jamais gravi ce col de ce cote ci. J'ai eu l'occasion de l'aborder par le cote ponsonniere, et la vue du final la haut est vertigineuse ! La méfiance est de mise, mais le rythme est élevé. Même si l'on navigue autour de la 60eme place, le plateau est si dense que les athlètes autour de moi n'amusent pas la galerie et je sens les chevaux-vapeur sous leur carrosserie. Toutefois j'ai peut être un avantage non négligeable avec mes séjours en altitude récent. Je ne souffre absolument pas de la raréfaction de l'oxygène. Dominique s'envole, je reste avec Thomas qui coince peu avant d'arriver au lac.

Norimi Sakurai est non loin de moi, reconnaissable a ses petits cris aigus. Peu apres elle, les meilleures françaises se tiennent dans un mouchoir de poche: Maud Giraud, Cathy Dubois. Sandrine Martin est plus loin tandis que Kenza est franchement pas dans son jardin (d'ailleurs en franchissant le col, elle lâche un "je connaissais pas la montagne, maintenant je sais!" qui veut tout dire)

En passant au niveau du lac, Norimi me souffle un "beautiful", effectivement ça doit la changer des mondes du 100 km, mais il faut rappeler qu'elle est détentrice du 1er championnat IAU trail (tenu l'an dernier aux US, certes avec un plateau moins relevé)

Je repars avec elle, mais elle coince un peu, ou alors c'est l'altitude (nous grimpons a plus de 2800m), j'ai la forme et surtout moins de bornes dans les pattes. Je me permet de doubler quelques traileurs autrement meilleur que moi. Norimi se refroidit en prenant de la neige dans les névés. Une musique céleste se fait entendre, dieu jouerait il de l'accordéon ? Non ce n'est pas la fin et Saint Pierre la haut, c'est l'organisation qui a malicieusement mis une touche artistique dans notre quête de l'oxygène perdue.

Ci dessus Maud Giraud a 1' de Norimi, Cathy Dubois (ci dessous) est dans ses roues


Je décide de rester ici un bon moment pour prendre des photos, je retrouve au sommet Julien G. du MTC qui depuis le raid des dentelles du Ventoux (top 5) a chopé le syndrome de l'essuie glace. Il a gagné le col a VTT ! Il y a aussi Rascasse (kikoureur) qui a pris méthodiquement tous les coureurs en photo ici.

Thomas arrive 5 minutes après les filles, "this music was like a death funeral to me" m'avoue t il dans un râle. Il a pris cher mais une sélection nationale s'honore jusqu'au bout m'a t il dit quelques kilomètres avant. Quelle "bravitude" et "humilitude" !



Patrick V. est le premier des MTC au sommet de la course au milieu des élites, très belle perf ! Il est suivi de Jean-François, Pierre K. Thomas R. et du tout nouveau de Cuges Raphaël B. Ce dernier pour son premier long remontera presque tout ce beau monde lors d'une descente de toute beauté.



Pour vous donner une idée de la pente finale du col des Beraudes...



et ci dessous le pas (bien sécurisé) a franchir pour la descente du col



J'embraye le pas de Raphaël, mais rapidement je laisse partir les coureurs, occupe que je suis a soulager mes genoux et choisir les angles qui vont bien pour la photo.

Je me fais doubler par Erik Peisson (organisateur du trail de la Sainte Victoire), et c'est finalement avec lui que je vais faire toute la partie en balcon. Nous reprendrons un nombre conséquent de traileurs qui payent cher leur débauche d'énergie du col des Beraudes.

C'est une partie du parcours que j'affectionne particulièrement (l'ayant fait l'an dernier en rando avec le club MTC), en effet nous avons en point de mire les écrins (que nous ferons peu de temps après ce trail d'ailleurs avec le MTC...) et son sommet neigeux tout du long jusqu'au col du chardonnet.

La descente pour moi est signe de la jonction avec Tibichique, venue en mode rando photo depuis le départ. Je suis a sec, heureusement qu'elle m'indique une source près de la cabane, sinon impossible de tenir jusqu'au ravito de Foncouverte 500m D- plus loin. Il n'y a pas que moi a court de liquide, preuve que cette partie était éprouvante pour les organismes.

Les niveaux refait, c'est reparti toujours dans un décor de rêve. A chaque rivière traversée, je ne manque pas de prendre les coureurs sous toutes les coutures. Je prends même des risques en m'aventurant au raz de l'eau, et ce qui devait arrive arriva, plouf plouf !J'ai l'air fin...Vive les APN étanches !

l'endroit du 1er plouf .

Je suis un peu a la rue, vivement le ravito, ouf que ça fait du bien!

Je reste un bon moment ici, affale telle une chiffe. J'attends Tibichique mais elle semble être scotchée a son point photo (pas étonnant elle a pris plus de 500 photos..). J'ai le temps de voir Lucien, Hervé, Cyril, Stephane, Alex et Sophie défiler, mais pas de tibichique...

Ah mais elle est la ! On repart mais Jacqueline a comme du mal a courir. Bah elle finira en stop Nevache - Briancon - Monetier, et presque pas d'attente . Pour ma part, je repart de plus belle....rivière puis plouf bis repetita, aaaargh c'est dangereux le metier de coureur photographe !

J'ai quand même la patate, et je presse le pas, le col de Buffere est avale sans coup férir. J'essaye de dire aux coureurs que je ne fais pas partie de la course afin de ne pas plomber leur moral car a ce moment de la course, ils font tous la soupe a la grimace.

Le tam-tam résonne dans les oreilles, non ce n'est pas le battement de cœur mais le signal du dernier mètre D+ de franchi ! Le batteur fut très populaire parmi les traileurs, la fin de leur calvaire peut être ? Ou alors les quelques gouttes d'eau distribuées ça et la ?

C'est a dire qu'après on a eu droit a une DFCI pendant des kilomètres, pas facile a mon gout mais j'envoie les watts pour retrouver la foret dominant Monetier. J'entends le speaker faire la remise des prix...Zut alors ! il y a comme un raté...

Pas grave je tape la causette avec Patrick, bref que du bonheur car pas de gros souci sur l'orga (une évacuation par hélicoptère sur le petit parcours tout de même). Lorblanchet a dominé son sujet et ses adversaires.

J'ai dans ma besace électronique plus de 1000 photos...record battu...mouuuuais est ce bien raisonnable, je vais m'inscrire chez les PA (photographes anonymes) pour me désintoxiquer

Ah si j'ai pris une photo du Podium, and the winner is.....

Akuna