Récit de la course : La Mauritanienne Race 200 2007, par magib
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Des journées entières dans le sable
Le sable dans l’air. On ne le voit pas dans la journée. La nuit, à la lueur de la frontale, on voit les particules en suspension. Le sable dans le nez en permanence et beaucoup d’irritations.
Le sable dans les chaussures. Certains ont opté pour des chaussures étanches, avec ou sans mini guêtres ou guêtres complètes, d’autres pour des non étanches. Il y a aussi les spéciales Marathon des sables. Mes vieilles Salomon trail pas vraiment étanches avec mini guêtres iront parfaitement. Un peu de sable de temps en temps. Mais il est si fin.
Plein soleil
La première période de chaleur (CP1-CP2) a été épuisante. La première barrière horaire, au CP2 (8h pour 40 km), qui semble facile vue de France, prend une autre couleur vers 14-15h. La pression s’installe, la fraîcheur de début de course est là, alors j’avance, je force un peu, même sous le soleil. Le résultat est accablant : j’arrive complètement épuisé au CP2. Je m’écroule et je me repose (trop) longtemps. Et cette entame de la forme est longue à récupérér. Les jours suivants, je vais comprendre qu’il ne faut pas hésiter à faire des pauses entre les CP, même très courtes (5 mn), pour recharger les batteries et arriver plus frais aux CP. J’y passerai proportionnellement moins de temps. Hilaire, 2ème au classement, me dira la même chose, toutes proportions gardées : il faut arriver frais aux CP.
Des Haribo aux ravitos ?!
Dieu bénisse les mini saucissons secs que j’avais mis dans quelques sacs. Les Tuc passent bien, mais ils ont moins bien résisté aux transferts de bagages. Je n’ai pas de problèmes avec les lyophilisés, en particulier le curry de volailles à l’indienne. Autour de moi : soupes, bolino, purée. Crème de marrons impeccable comme d’habitude. Abricots secs, bananes séchées. J’ai oublié les Babybel. Je sale copieusement mes plats. Mais j’aurais dû saler l’eau. Je constate qu’ici aussi je peux manger et boire n’importe quoi. J’apprécie ma chance lorsque j’apprends au début de la première nuit que c’est exactement le contraire pour Yves. Pas un gramme de nourriture, pas une goutte d’eau ne passera pour lui. Arrêt total des fonctions d’assimilation.
Et les Haribo alors ? La veille, Agnès Hervé prépare ses sacs de CP. Elle a opté pour un contenu identique à chaque fois avec entre autres soupe Sveltesse (0%, est-ce vraiment le moment ?!), sacs de crackers apéritif et Haribo. Un sac par ravito ! On les finira avec gourmandise après la course !
J’ai bu régulièrement et souvent, et pourtant l’hydratation a été différente selon les jours : insuffisante la première journée, parfaite les deux autres jours. Alors ? Temps d’adaptation à la chaleur ? Impression de boire suffisamment fausse ?
Longs moments de solitude
Chaque CP est une aire de repos où on peut se faire dorloter et soigner. Nous ouvrons nos sacs pour nous restaurer avec ce que nous avons préparé. Consolation.
Il y a toujours un ou plusieurs coureurs, un mauritanien pour faire du thé, et le personnel de l’organisation. Nous ne sommes pas seuls.
Entre les CP, sachant que le nombre de coureurs est faible, il y a de très longs moments de course solitaire, ponctués de temps en temps par un 4x4 de surveillance. La nuit, l’effet est renforcé. Et il y a de très longues lignes droites. Certaines arrivées aux CP sont interminables et je me suis repu copieusement de ces moments.
Voûte étoilée, fourmis marbrées
Crépuscule. Le soleil s’est rapproché de l’horizon. A peine une fraîcheur. En dix minutes, tout s’accompli et la nuit est déjà noire. A cette latitude, ce moment est très fugace et il n’y a pas de période de transition.
Branle-bas de combat général, toute la faune se réveille. Insectes. Volants affolés par la frontale. Rampants traversant la route. Immobiles au fond d’une dépression de sable attendant leurs proies. Sortes de fourmis géantes hautes sur pattes marbrées noir et blanc.
Un instant je cours avec une gerboise.
Bonjour, je suis le vent
Peu de temps après minuit, aussi rapidement que la tombée de la nuit, le vent s’installe. Il sera constant, sans faiblesse, il aime l’ultra et la nuit entière. Soûlant à force.
Hallucinations
Fin de la deuxième nuit. Grosse fatigue oculaire. Je vois dans une sorte de mur noir permanent devant moi, au-delà de la limite de la frontale. Très désagréable. Ou des constructions sur le coté. Si je m’arrête pour fixer un point au sol, inévitablement il bouge. Donc tout se transforme un peu en animal dans les ombres de la frontale. J’ai du mal à fixer mon attention. La faible lueur de la lampe m’hypnotise. Avec la fatigue, il y a rupture brutale de la vision, remplacée par un motif vaguement abstrait ou des scènes à la limite du rêve. Alors je m’arrête, bien obligé ! Je repars pour subir la même chose un peu plus loin.
Je me retourne et voit dans le lointain, derrière une dune, Samia (ça c’était possible, je l’avais quittée à un CP) et cinq coureurs (ça moins !).
Une seule solution : dormir un peu au CP suivant !
De quoi sont les pieds ?
Oui vous le savez tous : l’objet d’un soin constant !
Je n’ai pas l’habitude d’enlever mes chaussures et encore moins de changer de chaussettes. J’ai changé d’avis en Mauritanie. Avec le sable, la chaleur, les quelques soins à prodiguer, une bonne paire de chaussettes neuves laissée dans un sac au CP, ça vous transforme complètement.
Les médicos
Des vrais, des pros, toujours présents. Indispensable dans cette partie du monde pour ceux qui ne savent pas complètement se soigner tout seul une ampoule sur la voûte plantaire sans contorsions.
Cette course est difficile ET accessible
Accessible par la barrière horaire large permettant de longues périodes de récupération ou de marche. Accessible évidemment aussi grâce à la qualité de l’organisation, qui est résolument et entièrement orientée vers les coureurs.
Le chant du muezzin
La fin est longue. Je ne suis pas allé assez vite dans la nuit de mercredi pour éviter une troisième journée au soleil. Alors je gère. Je sais qu’elle va être longue. Je rattrape à un CP Agnès Hervé, qui avait un bon rythme mais qui maintenant souffre le martyre les pieds en sang. On terminera ensemble, c’est plus sympa pour papoter et essayer d’oublier un peu ses douleurs (ampoules sub-inguales, entre autres réjouissances). Elle ne peut pas descendre les dunes debout, alors elle fait du toboggan. Fin de la journée et de la course. La douce lumière du crépuscule est magnifique. Le paysage infini. Deux dromadaires nous regardent passer nonchalamment.
Elle est quand même fatiguée : près de l’arrivée, croyant entendre des clameurs et applaudissements au loin, elle me dit : « il y en a un qui arrive ! ». Non Agnès, c’est le chant du muezzin…
Dernières images
Deux occidentaux suréquipés traversent un village très pauvre. Piste poussiéreuse. Quelques ampoules électriques blafardes alimentées par groupe électrogène. Deux ou trois échoppes encore ouvertes. Pauvreté. Nombreuses constructions inachevées. Un taxi en maraude, vieille Mercedes noire avec un seul feu arrière. Non cela ne nous intéresse pas, merci. En 200 km on aura croisé deux fois une route, en fait la même, qui va d’Atar à Nouakchott. On se dépêche tant bien que mal pour ne pas dépasser la barre des 60 heures. Arrivée en pleine soirée juste après le repas de tous les arrivés précédents. Presque en prime time. Les flashs crépitent. Arrivée. Connaissez-vous le bonheur d’un bain de pieds à la Bétadine après 200 km dans le désert ?
Encore ?
De retour au bureau, tout le monde me trouve bonne mine. C’est vrai qu’une semaine de soleil au sortir de l’hiver, c’est bénéfique.
Et ce qui est bien quand il n’y a pas beaucoup de coureurs, c’est qu’on est bien classé : 12ème. Je n’ai jamais fait aussi bien !
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7 commentaires
Commentaire de titifb posté le 21-03-2007 à 12:18:00
Bravo Magib pour ce superbe récit de cette course envoûtante...
Le texte est beau, poétique et un rien introspectif. Sur une épreuve (ce mot prend tout son sens...) comme celle-là, on avance ...vers soi. On est davantage à l'écoute de soi et des autres. J'ai la faiblesse de penser que ça exacerbe notre humanité. Merci pour ce rêve éveillé.
Commentaire de agnès78 posté le 21-03-2007 à 12:57:00
Merci Marc, pour ce très très beau récit qui me touche au plus haut point!
Merci pour ces derniers kils passés ensemble, avec cette dernière soirée fabuleuse et ses coleurs mordorées dans les dunes... Merci pour ta gentillesse, ton soutien et pour les discussions qu'on a pu avoir... Je suis très très émue en lisant ton texte et en repensant à cette fin de course que nous avons partagée, au delà de la souffrance. Enfin, je devrais te gronder pour le toboggan, mais comme tu n'as pas mis de photo, je te pardonne.... Quand au chant de l'arrivée.... il nous a bien fait rire, n'est-ce-pas... Félicitations pour ta course gérée d'une main de maître....
Encore MERCI et j'espère à très bientôt
agnès
Commentaire de Khanardô posté le 21-03-2007 à 13:00:00
Un très beau CR (mais peut-on encore parler de CR ?). Merci à toi !
Décidément le désert ne changera jamais, tout puissant qu'il est pour emmener des gens comme toi au bout du bout de leur identité et de leur perception, j'allais dire clairvoyance, du monde qui les entoure...
Je n'oublierai pas de relire ton CR chaque fois que l'envie de là-bas me reprendra, et c'est souvent...
Amitiés.
Alain
Commentaire de gdraid posté le 21-03-2007 à 17:56:00
Bravo magib, j'ai lu et relu ton récit, pour y revivre sous un autre regard, ces instants merveilleux, et difficiles, de jour ou de nuit.
Je pense que tu es Marc, l'homme des 400km aux 6 jours d'Antibes. Ton exemple m'inspire une fois de plus l'envie de partir sur des courses lointaines...
A bientôt, en juin, sur le terrain de l'ami Gérard CAIN.
Jean-Claude le V3 d'Azougui ;)
Commentaire de blancblancblanc posté le 21-03-2007 à 21:25:00
Wahou, je suis sonné par ton récit !
Tu sembles avoir vécu une superbe aventure intérieure au cours de cette course. Bravo à toi.
Jean-Christophe
Commentaire de Say posté le 21-03-2007 à 22:58:00
Ton récit était plein d'images, de photos magnifiques car on les imagine mieux que si tu les avais mises. Bravo.
A+
Commentaire de JLW posté le 21-03-2007 à 23:39:00
A te lire on se demande si ce raid se passe en Mauritanie ou sur la lune ? Peut-être bien les deux ! Bravo pour ce beau récit envoutant.
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