Récit de la course : Le Grand Trail du Saint Jacques Ultra - 126 km 2023, par Khioube

L'auteur : Khioube

La course : Le Grand Trail du Saint Jacques Ultra - 126 km

Date : 2/6/2023

Lieu : Saugues (Haute-Loire)

Affichage : 1468 vues

Distance : 126km

Objectif : Pas d'objectif

1 commentaire

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Impressions

21h30, près du Puy-en-Velay. La buée recouvre les vitres du car qui nous emmène à Saugues, village d'où part l'ultra de Saint-Jacques. Je croise les doigts pour que l'orage cesse rapidement, parce que je me suis pris une belle saucée pour rejoindre le parking depuis le centre du Puy. Dans l'absolu je suis content de courir, assez impatient, même, mais là... 
Je trouve un coin dans le gymnase pour me préparer. L'organisation a posé de la moquette, c'est le luxe by UTMB. Je n'ai pas grand-chose à faire à part me tartiner de Nok et remplir mes flasques. J'ai donc tout le temps pour observer ce type au milieu, avec sa tenue intégrale Hoka. Je présume que c'est la tête de série n°1 de la course, parce qu'en plus de sa dégaine de mec-qui-va-vite, il est suivi de près par une vidéaste qui immortalise chacun de ses mouvements. Je suis surpris de voir qu'il a le dossard 753, mais après vérification, il s'agit bien de Duncan Périllat, 2h12 au marathon et attraction du jour.
Nous sommes en veine : au moment de rejoindre le départ, il ne pleut plus, et il fait relativement doux. J'essaie de me rappeler que j'ai signé pour être ici, que j'aurai des hauts et des bas, etc. De l'ultra classique, en somme. Dès le début, ça bouchonne un peu parce qu'il y a beaucoup de boue. Le ton est donné. Un tour dans le village et ça monte, je ne sors pas tout de suite les bâtons parce que ce sont des petites bosses. Les sensations ne sont pas géniales, j'ai d'emblée quelques douleurs au tendon d'Achille, bon... Bien que je commence à connaître le coin, je suis à nouveau surpris par la qualité du parcours. Nous passons par des sentiers en herbe vraiment bucoliques qui donnent envie de revenir flâner de jour, c'est très charmant. Les descentes se montrent vite un peu dangereuses, dès qu'il y a du dévers il faut être très prudent parce que la boue est omniprésente. Les bâtons auront rarement été aussi indispensables que lors de cet ultra !
Au bout de deux, trois heures de course, j'ai un coup de mou, comme à la Saintélyon. Je ne sais pas si c'est un souci d'alimentation, j'aurais peut-être dû manger davantage avant la course... Toujours est-il que les pensées négatives commencent à m'embrouiller l'esprit, "si c'est comme ça maintenant qu'est-ce que ce sera plus tard", etc. Heureusement je suis assez expérimenté maintenant pour savoir que, même dans le dur, je ne suis pas dernier – le ballet des frontales au loin en est la preuve éclatante – et que les choses peuvent tourner. Bref, Livetrail m'informe que je suis 350e, donc vraiment dans le ventre mou. Honnêtement, je m'en contente. 
J'abrège. Nuit difficile, brumeuse, je tâche d'être assez rigoureux dans l'alimentation. S'il est une anecdote à retenir de ces premières heures, c'est que le pauvre Yves qui me précède lors de la traversée d'une petite rivière tombera à l'eau (il y avait pourtant un petit muret et une corde) et devra donc passer la nuit avec des vêtements trempés. J'ai vu qu'il a fini honorablement, je pense donc qu'il n'en aura pas trop pâti... 
Le temps passe, les kilomètres défilent tout doucement. L'humidité ambiante est à double tranchant : si la  température est idéale (je n'enfile ma veste que le temps de me ravitailler), elle accélère l'arrivée des irritations que je redoute tant. Je pensais pourtant avoir trouvé la tenue idéale pour les éliminer ! 
Une différence positive par rapport à l'édition 2021 : je ne crains pas les montées. Je ne vais pas très vite, mais j'avance sans pester, s'il faut grimper trois heures on grimpera trois heures. Au petit matin nous sommes doublés dans un single descendant par les premiers du maratrail. Chez les dossards rouges de l'ultra, c'est l'angoisse : nous sommes obligés de nous mettre sur le côté (souvent dans les orties) pour laisser passer les fusées, ce n'est pas très agréable. Certains s'énervent carrément, moi je m'en accommode. Au bout d'un moment je décide de mettre un coup d'accélérateur pour leur emboîter le pas, cela me permet de me dégourdir les jambes. D'ailleurs je souffre assez peu dans la montée de Rochegude que je n'avais vraiment pas aimée deux ans plus tôt. Nous continuons de nous faire doubler toutes les 20 secondes, à chaque fois j'encourage le grimpeur et il me le rend poliment, c'est plutôt agréable — d'autant que, cette année, je fais une course très solitaire.
J'arrive à la base de vie de Saint-Jean-Lachalm vers 10h, il me semble. 11h pour faire la moitié du parcours – la plus difficile, certes. Je retrouve Aurélie, qui venait tout juste de voir passer Robin. Elle me tient compagnie pendant que je profite de mon sac de délestage pour changer de chaussettes, manger un bout, c'est très plaisant et je l'en remercie encore ! Dans mes affaires je retrouve avec bonheur mon casque Shokz, qui va me permettre d'appeler Lucile pour papoter un peu, j'attendais ça avec impatience. Je l'appelle donc en quittant le ravito, je lui envoie une photo des lieux parce que la vue, enfin dégagée, est superbe. Quand je raccroche pour me concentrer sur la descente, qui est un peu technique, je me rends compte que je suis parti sans remplir mes flasques. Ce n'est vraiment pas malin, parce que le prochain ravito est à 17km, soit une éternité. Je n'ai évidemment aucune envie de faire demi-tour mais je sais que je m'expose à de sérieux soucis si je ne bois rien pendant 2h30 ou 3h. Et puis je tombe sur un petit torrent, alors je décide d'y remplir une flasque. Haute-Loire, je crois en toi. Ne me déçois pas. Au bout de quelques minutes, je me dis que j'aurais dû remplir les deux – quitte à boire l'eau de la rivière, autant boire à sa soif, non ? Bon, tout se passe bien, je me sens nettement mieux qu'au début de la nuit. C'est toujours aussi gras, bien sûr, mais il fait beau et je passe un assez bon moment.
Au début de l'après-midi, le temps tourne à l'orage, il se met à pleuvoir mais c'est plutôt agréable sur le coup. Vivifiant, quoi. À mesure que le temps passe je me demande si je vais réussir à finir avant la tombée de la nuit – je m'étais fixé comme objectif de ne pas ressortir la frontale. Toute cette boue, c'est assez frustrant : il y a des parties où il est impossible d'avancer correctement, tellement c'est glissant. Certes, on ne risque pas de se faire bien mal, mais bon... La descente au lac du Bouchet, notamment, est un carnage. Pire que la Saintélyon 2022. 

Après le lac, ça commence à sentir bon. Il y a une dernière ascension difficile, et ensuite c'est très roulant jusqu'à l'arrivée. La montée m'avait marqué en 2021, tant elle est raide et directe. Mais là, avec la boue, on bascule dans une autre dimension ! On n'avance pas, il faut chercher ses appuis sans arrêt, tout le temps guetter le moindre caillou sur lequel poser le pied. Tout est plus long, plus fatigant que prévu.
Une fois au sommet du Mont Devès, avec son antenne-relais visible de loin, je fais un arrêt au stand : à force d'avoir les pieds trempés, j'ai des crevasses qui commencent à me faire souffrir sous les pieds. Je tente de me mettre un compeed, mais il ne tient pas. J'envisage brièvement de me bander le pied (l'elasto faisant partie du matériel obligatoire), mais je n'ai pas de ciseaux. Malin. Pas grave, je vais serrer les dents. Après tout, j'arrive au km 100, que je célèbre en passant encore un petit coup de fil à Lucile. Je commence à me sentir assez bien, j'ai été reboosté par ma remontée au classement général (j'étais 216e au lac) et je suis convaincu que je peux reprendre des places sur la fin du parcours. Après la grande descente du Mont Devès, il y a 6 bornes de plat, que je m'engage solennellement à courir dans leur intégralité. Je n'avance pas bien vite (je dois tourner autour de 9km/h) mais je suis à l'aise et je double pas mal de monde. J'ai basculé en mode compétiteur, je me dis des choses très nobles comme "allez, tu vas lui mettre le seum", et hop, je double. Tous les ressorts psychologiques sont bons à prendre... 

Ravito du 110e, je suis toujours à bloc, une bonne pause pour recharger les batteries, je pars avec les mêmes intentions. Malheureusement, on se reprend un orage et, aussitôt qu'il se met à pleuvoir, je constate que les brûlures reprennent – un cuissard trempé, c'est horrible. Bon, c'est supportable. Je parviens quand-même à continuer de courir, et j'en arrive même à me dire que je vais zapper le ravito du 120e pour continuer la remontada – j'ai encore un peu d'eau, si j'attrape une compote ou deux je devrais tenir le coup, non ? Mais arrivé au ravito en question, l'orage éclate de plus belle et ce sont des trombes d'eau qui s'abattent sur nous. Je fais finalement une petite pause, histoire d'être raisonnable, et je repars. Je pensais finir rapidement, mais il y a une boue terrible, c'est de pire en pire. Et ça dure jusqu'à l'entrée du Puy, au moins jusqu'au 123e ! Je prendrai une dernière gamelle, histoire de finir bien crade pour la photo. Enfin le bitume, je peux laisser filer jusqu'au centre-ville. Je comptais courir toute la montée jusqu'à la cathédrale, comme en 2021, mais je n'ai pas le jus, cette fois. Je monte d'un bon pas tout de même, en espérant gratter encore quelques places (c'est mesquin, je sais). Encore 500m et c'est la ligne d'arrivée, que je franchis après 22h03 de course. Livetrail m'informe immédiatement que j'ai fini 200e, j'en aurais presque la larme à l'œil ! C'est très insignifiant, bien sûr, mais c'était l'objectif que j'avais à l'esprit depuis le Lac du Bouchet, quelques 35km plus tôt. 
Et puis c'est la lose. Les sacs de délestage sont à deux ou trois bornes d'ici, il faut aller les récupérer en navette. Je veux bien, mais je suis transi de froid, en début d'hypoglycémie, et il pleut. J'attends avec un petit groupe de coureurs, il se passe bien une dizaine de minutes pendant lesquelles je me demande si je ne vais pas faire un petit malaise, et puis la navette finit par arriver. Ce n'est pas la fin des soucis : dans mon sac de délestage, je n'ai pas vraiment de tenue de rechange, juste le strict minimum pour me changer durant la course ! Je change de tenue, mais j'ai toujours mes chaussures et chaussettes trempées. Les douches étant gelées, inutile d'espérer s'y réchauffer. Je remonte dans la navette, qui me dépose dans le centre du Puy. Il me reste dix minutes à marcher jusqu'à la voiture, je traverse la ville avec ma couverture de survie en guise de jupes, sous le regard amusé des passants ("C'est la fashion week ?"). Une fois à la voiture, je dois aller à l'hôtel mais je ne me sens pas capable de conduire sans avoir mangé. Il n'y a rien dans le coin, alors je me fais livrer un McDo dans la bagnole, et en l'attendant je monte le chauffage à fond. Le Fanta me sauvera la vie, j'arriverai à rouler jusqu'à l'hôtel, tout est bien qui finit bien.
Tout ça pour dire que les sacs de délestage, c'est bien de les retrouver à l'arrivée même, surtout quand on est seul !
Le bilan : content de mon matos, plus fan que jamais de la Haute-Loire et de ce parcours fabuleux (même si beaucoup se plaignent des bornes de plat à la fin, il faut bien rentrer au Puy, et puis on est quand-même des coureurs, pardi !). J'ai mes running stones, maintenant, mais j'ai décidé de ne pas les utiliser. C'est bon, on va se calmer sur l'ultra, j'ai envie de faire des courses plus courtes maintenant. Retrouver un peu de vitesse, tout ça. 
Merci beaucoup à Rob et Aurélie, ça m'a fait très plaisir de vous voir au Puy ! Merci à Maya, pour ses super bracelets porte-bonheur qui ont fonctionné à merveille ! Merci à mes parents d'avoir gardé la Maya  en question pendant que je gambadais ! Merci à tous pour vos nombreux encouragements ! Et, last but obviously not least, un immense merci à Lucile pour son soutien inestimable !

1 commentaire

Commentaire de pixou posté le 02-02-2024 à 10:37:19

Je me lance dedans cette année, merci pour le récit.

J'adore le retour de la forme et de l'esprit de competition sur la fin, ça me rappelle quelques courses (pas toutes)

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