Récit de la course : 100 km du Grand Est - Course 2023, par Zaille

L'auteur : Zaille

La course : 100 km du Grand Est - Course

Date : 29/4/2023

Lieu : Gironcourt Sur Vraine (Vosges)

Affichage : 913 vues

Distance : 100km

Objectif : Faire un temps

2 commentaires

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Pas d'autre récit pour cette course.

Un cent 2 semaines après un marathon

A ce jour j’ai fait deux cent-bornes : le premier, à Metz, 10h30 où le prix, pour tout débutant sur cette distance, a été payé comme il se doit. Le second, Millau, 11h30 durant lesquelles une hypoglycémie bien calibrée a un peu gâché la fête. Un certain goût d’inachevé m’a donc mis à la recherche d’un nouveau cent mais des cents il n’y a pas tant que ça dans l’hexagone et encore moins à portée de bagnole !

 

Une course en ligne

Par hasard, sur la page Facebook des Centbornards, je tombe sur le récit d’un gars qui a fait son initiation centbornique (Le Petit Robert en PLS) sur une première édition, très intimiste (ils étaient 8), aux 100km du Grand Est. Une course en ligne sur route ouverte avec une arrivée à Epinal. Le concept m’a tout de suite séduit et le fait d’être en comité réduit rajoute une ambiance familiale qui n’est pas pour me déplaire.

Avec un départ fixé à 11h30 depuis Gironcourt sur Vraine, il faudra tabler sur une arrivée de nuit cette fin avril. Il y a bien une navette prévue pour emmener les coureurs sur le départ mais l’horaire ne me convenant pas, j’ai trouvé, via les réseaux, un runner pouvant me véhiculer à une heure où je n’aurai pas à me lever à 5h du matin. J’ai quand-même 2 heures de route et en plus, je n’ai pas envie de squatter le départ 3h avant le coup d’envoi.

 

Bon pour l’asile

Je me suis inscrit vraiment au dernier moment car un 100k deux semaines après un marathon … Il y a de quoi hésiter et surtout ne pas écouter l’entourage qui, dès la première évocation de mon envie, m’a clairement diagnostiqué comme bon pour l’asile. Je peux comprendre mais au pire, que pourrait-il m’arriver mis à part des tendinites, des déchirures, des lombalgies, … Dans tous les cas, je ne vais pas en mourir même si je vais en chier, ça c’est une certitude.

2-3 footings peinards post-marathon ou ma biomécanique semblait fonctionner sans trop couiner me décideront à cliquer. Ce fameux clic de la peur, celui où tout de suite après on se demande si on ne vient pas de faire une nouvelle grosse connerie. Une sensation que j’ai déjà connue moulte fois : pour mon 1er marathon, mon 1er trail long, la Saintélyon, … Et là, rebelotte !

Donc pas d’entrainement spécifique mais un plan marathon agrémenté de quelques gros morceaux. De tout façon un plan 100k est très proche d’un plan 42k mais avec juste moins de VMA et des sorties longues un peu plus longues. Je suis confiant sur le foncier que j’ai accumulé mais comme avant chaque gros objectif j’arrive à me trouver des trucs qui ne vont pas. Là ça sera notamment des tendons à l’arrière d’un genou qui râlent et un muscle du dos qui se manifeste un peu trop souvent.

 

2h de route

Réveil 6h, ça va, on a connu pire pour partir courir. Mes affaires sont prêtes depuis quasi une semaine : la tenue d’été (il parait que l’on a droit à une accalmie dans ce printemps pourri), le sac de trail pour palier à des ravitos jugés plutôt light selon les vétérans de l’an passé et un sac de délestage que je laisserai déposer au km72 avec gilet fluo, brassard et frontale pour la partie nocturne de la balade.

Je pars pour 2h de route avec une 2ème partie de trajet assez fatigante à traverser une floppée de villages pour enfin arriver au parking du petit Champ de Mars à Epinal. Je vois des panneaux d’interdiction de stationner près d’un ponton piétonnier qui traverse la Moselle (la rivière) et devine que c’est ici que sera installé l’aire d’arrivée. Je gars ma voiture au plus près et me fait aussitôt récupérer par Dominique qui m’avait gentiment proposé le covoiturage.

 

Roots

45 minutes plus tard, on y est. Une petite buvette, une remorque de semi sur un parking pour la remise des dossards et quelques runners qui déambulent nous confirment la chose. On a quasi deux heures d’avance mais le dossard devait être récupéré à 10h30 au plus tard donc j’en profite pour papillonner de groupe en groupe et taper la discute. Quand il s’agit de course à pied, les runners sont intarissables (moi le premier) et les discussions vont bon train … et le temps passe.

Entre temps, une arche gonflable et des barrières ont été installées. Les marcheurs avec qui nous allons cohabiter sur les 25 premiers km partent à 11h00 dans un style qui pour nous, runners, est toujours surprenant mais qui, je trouve, ne manque pas d’élégance. C’est à nous à présent. Sur les 25 au départ de prévus déjà un abandon, nous serons donc 24. Je me rappelle que j’ai imprimé plusieurs exemplaires de profil pointant les ravitos et les quelques difficultés, je les récupère vite fait dans mon sac d’allègement et en distribue à quelques-uns.

On se souhaite bonne chance, bon courage et c’est parti. Un petit public est là pour nous encourager et on s’élance sur la première grosse ligne droite de la journée qui de plus est une départementale bien fréquentée. Ce n’est pas forcément agréable mais c’est le jeu et c’est tellement roots que ça ne me dérange pas plus que ça. Je suis placé dans le 1er quart de la course et vois déjà les 2 premiers partir à un rythme bien supérieur au mien.

 

Trottiner peinard

J’ai intégré un plan de course PACEPRO dans ma montre avec un objectif de 10h00 en positive-split. Je compte donc capitaliser un peu dans la première moitié pour peut-être faire moins que 10h. C’est un objectif ambitieux sachant que mon record de 10h30 s’est fait sur du plat et que là il y aura plus de 900m de dénivelé. On verra bien, si je n’arrive plus à tenir l’allure souhaitée c’est juste que mon objectif était trop prétentieux. J’arriverai à me contenter d’un sub11, sur ce type de profil ça me convient très bien.

En 10km j’ai déjà engrangé 3min de gras sur l’objectif, je suis allé un peu plus vite que prévu mais comme j’ai l’impression de trottiner peinard, je ne me freine pas plus que ça. Le premier ravito n’est qu’au km17 donc je commence déjà à piocher dans mes flasques. J’ai le spectre de l’hypo de Millau qui me hante toujours et encore. Entre temps j’ai aussi été dépassé par 2 concurrents, je suis donc 8ème. En toute modestie, ces 2 là, je me suis clairement dit que j’allais les revoir bientôt mais je ne pourrai pas dire pourquoi … Wait and see !

 

« Qu’est-ce que tu fous là »

Km17, premier ravito, du Coke, du cake au fruits secs, je m’arrête à peine mais marche un peu pour mâcher calmement. Je dépasse encore ça et là quelques marcheurs notamment le premier qui ne va pas bien plus lentement que moi. J’ai une moyenne aux alentours de 5:30 et mon avance et de 5-6 minutes sur l’objectif. Je regarde mon profil et mémorise la première difficulté au km27 avec un ravito « tout de suite » après au km32.

On traverse beaucoup de villages dont les noms me sont totalement inconnus. Pas vraiment de spectateurs mais de temps en temps un passant qui semble savoir ce que l’on fait et qui nous encourage, c’est toujours plaisant et je ne manque pas de les en remercier en retour. Aux alentours du km25, un quart de fait, une femme au bord de la route m’encourage et d’un coup m’interpelle : « Zaille, c’est toi, qu’est-ce que tu fous là ? ». J’ai immédiatement reconnu la voix d’une amie de jeunesse perdue de vue depuis … 30ans. Je n’en reviens pas, je me prends des flashbacks à répétition dans la figure et la vague nostalgique du bon vieux temps m’embue même un peu les yeux. J’échange 2-3 mots tout en courant, elle supporte une amie sur la course et puis … Salut Nath !

 

Au loin, une silhouette

L’épisode « vieux con nostalgique » m’occupera l’esprit un moment. Juste après, je passe devant un ravito que je n’avais pas noté, je le snobe de ma plus belle foulée qui n’impressionnera absolument personne. En fait j’ai prévu de marcher un peu plus loin pour déguster ma première compote. 1 minute de marche tous les 5km entre les ravitos c’est ce que j’ai décidé de faire à partir de maintenant. Mon avance est de quasi 10 minutes, je suis plus qu’à l’aise.

Km27, première difficulté, 2km à 2%. Je cours tout le long à un petit rythme mais tout en continuant malgré tout à capitaliser quelques précieuses secondes. Au bout il y aura une descente qui nous emmènera vers le prochain ravito. Le ciel est bien nuageux mais pas de pluie et une température idéale pour courir. Au moment de la bascule, au loin, une silhouette. Un coureur et je crois même le reconnaître, c’est l’un des deux qui m’avait rétrogradé à la 8ème place.

Une belle descente où je déroule aux alentours de 5:00 boosté par un point de mire. Le ravito n’est pas très loin est l’objectif est de le rejoindre à ce niveau-là. Effectivement, c’est ce qui va arriver. Je lui dis être content de revoir enfin quelqu’un mais il est beaucoup moins enjoué que moi, il semble déjà être dans le dur. Je me prends 2 verres de Coke et remplis une flasque d’eau. Mon nouvel ami a déjà disparu, je me presse donc pour partir et finalement le vois assis sur un banc entrain de manger. Je lui propose de partir ensemble mais il décline : je ne le reverrai plus, je suis à présent 7ème.

 

Deux silhouettes

Dans 6km, 4km de montée à 2% sont prévus. Je prévois de courir 5km avant de marcher 1min et ainsi attaquer la difficulté dans de bonnes conditions. C’est un léger faux-plat montant, je déroule encore bien à 5:25 mais que vois-je au loin ? Non pas une mais deux silhouettes ! Rien de tel que pour motiver les troupes, quadris ronchons et tendons tendus n’ont plus qu’à se taire.

J’arrive au niveau de ma première cible, un tout jeune que j’avais repéré sur le parking du départ et qui n’avait pas les codes vestimentaires habituels du runner. Je ne me suis pas trompé, je pense qu’il a vu un peu trop gros pour aujourd’hui. Il marche, je l’encourage et il me répond « Bonne chasse » car effectivement le concurrent suivant ou plutôt LA concurrente n’est plus très loin et sera très vite à ma portée. Elle alterne marche et course et semble déjà bien atteinte. Il reste environ 65km, je suis 5ème.

 

Je suis 4ème

Comme prévu, je marche un peu, bois mais ne m’inquiète pas de l’arrière, la course est encore longue et je ne pense pas que ceux que je viens de passer puisse revenir sur moi à la vue de leur allure. Bon, là ça monte, comme prévu, de longs lacets dégagés donnant vu sur une nature verdoyante. La sécheresse ne se voit pas au premier coup d’œil ici ! Je cours toujours encore dans les montées. Je réserve la marche qu’à certains intervalles choisis.

Une fois de plus ma vision d’aigle remarque au loin une cible mouvante sur la route. Tout de noir vêtu je reconnais mon 2ème coupable identifié lors de ma rétrogradation à la 8ème place. J’avance très doucement, les pourcentages se font bien sentir mais je crois que ma nouvelle proie est, quant à elle, à la marche. Encore un signe qui me fait dire que ce n’est plus qu’une question de temps avant la jonction et ma nouvelle avancée dans le classement.

C’est bien la première fois que je me prends à un tel jeu et c’est vraiment hyper motivant d’être pour une fois aux avant-postes. S’il y avait eu 20 coureurs de plus, l’histoire ne serait pas là même, j’en suis conscient mais c’est ainsi et probablement pas sûr que ça se reproduise d’aussi tôt donc … Je kiffe. J’arrive à la hauteur de ce grand gaillard en lui indiquant la descente prochaine direction le ravito mais il me répond à peine et garde la tête baissée. Il reste 55km, je suis 4ème avec une femme devant moi et donc 3ème chez les hommes. Classement totalement inédit pour un gars de mon niveau … La kiffance !

 

L’italienne

Km46, premier ravito amélioré où je choisis l’option potage. Je m’assieds pour la première fois, ça fait du bien et déguste mon plat tout en faisant un brin de causette avec les bénévoles toujours aussi sympathiques. On m’apprend que la 3ème, l’italienne (selon l’assemblée présente), est passée par là il y a 15min. Mouais, vu le gabarit de la nana, je pense que c’est du genre à courir de plus en plus vite au fil des km donc, une 4ème place scratch ce n’est pas si mal. Je suis resté pas loin de 5 minutes et repars seul. Le 5ème arrivé un peu après moi, prolonge quant à lui la pause.

Au programme une petite montée puis une longue descente jusqu’au km53 où débutera une montée à 3% durant 3km. Je déroule bien une fois de plus sur ce tronçon où je fais la bascule psychologique, celle où il reste moins que ce que tu as déjà fait, celle où tu peux dire « plus que … » au lieu de « encore … ». Un bénévole à un croisement m’indique la direction et estime mon retard sur l’italienne à 15 minutes, ça se confirme donc, elle est loin. Je marche à nouveau une petite minute avant d’aborder la nouvelle montée.

 

Un mirage lointain

Je trottine aux alentours de 6:20 durant ces 3km et continuent ma récolte de secondes, je suis aux alentours de 12 minutes de rab sachant que j’en avais déjà jusqu’à 14 mais en partie consommées durant ma pause déjeuner du ravito d’avant. Le moral est bon, je sais que juste après il y a une descente sur un nouvel arrêt amélioré, je crois que je vais m’offrir des pâtes. Je suis extirpé de mes fantasmes gastronomiques par un mirage lointain, je ne suis pas sûr mais on dirait bien un coureur … Ce n’est pas possible. En passant devant des motards du service de sécurité à l’arrêt, je demande confirmation : oui et c’est bien une femme !

Durant toute la descente je l’aurai en point de mire, dans mon viseur (oui la métaphore du chasseur va encore durer un temps, désolé) mais je n’ai pas l’impression de me rapprocher. On arrive dans une petite ville, Mirecourt, je vois le ravito au loin et ma proie y passer sans vraiment s’arrêter. J’ai l’impression qu’elle sait qu’elle est coursée.

 

Paola

Km62, le ravito amélioré N°2, j’ai décidé de m’arrêté malgré cette 3ème place qui semble être à ma portée. Je vois sur la feuille de pointage que Paola (maintenant je connais son prénom) a 1 minute d’avance. Pour les 38km qui restent ce n’est vraiment pas grand-chose. Je m’assois et demande des pâtes qu’on me servira en coquillettes agrémentées de jambon, on n’est pas loin du 4 étoiles là ! Je prends mon temps, discute et plaisante avec les bénévoles. Ils m’apprennent aussi que les 2 premiers sont bien loin mais ça je m’en doutais plus que fortement.

Je pars sous les applaudissements, cet arrêt était vraiment ressourçant et je me sens bien physiquement comme mentalement. Le passage de la ville est un peu alambiqué mais bien balisé. Un grand croisement est bloqué par des bénévoles rien que pour moi et je suis acclamé de toute part avant de retomber dans l’anonymat durant les prochains kilomètres m’extirpant de cette zone urbaine.

 

Baudrier, brassard lumineux, frontale.

Km67, une nouvelle pause marchée programmée, la prochaine sera au km72, le ravito où j’ai fait emmener mon dropbag avec mon équipement de nuit. Il n’est que 17h30 mais la couverture nuageuse oblige déjà certaines voitures à allumer les feux. Pas de grosses bosses sur cette portion et parfois une vue bien dégagée qui me laisse deviner au loin … Paola ! Oui, la revoilà. Son dossard blanc qui pendouille sur ses fesses la rend bien visible. Comme la croupe d’un chevreuil pour le chasseur que je suis 😉

Je commence à voir qu’elle marche par moment, surtout dans les quelques faux-plats où moi je cours encore. Je ne suis proche de la rejoindre et le prochain ravito n’est plus très loin. Si c’est comme le coup d’avant, elle va repartir aussi sec alors que moi j’ai tout un programme de prévu. Et c’est effectivement ainsi, on va arriver quasi en même temps au km72 mais elle prendra juste un peu de boisson servi par son coach de mari.

J’attrape mon sac de délestage et commence à m’équiper : baudrier, brassard lumineux, frontale. Je m’assois quand-même pour boire un coup et vider ma canette d’Orangina prévue, le bonheur tient à si peu de chose, quel régal ! J’avais également prévu une flasque de boisson iso que j’échange contre celle vidée et me débarrasse de tout ce dont je n’ai plus besoin. Un bout de banane en bouche, je repars dans l’espoir de revoir mon italienne très bientôt.

 

Enfin en 3ème position

Le prochain ravito est à 15km, je prévois donc 2 pauses marchées sur ce tronçon en léger faux-plat montant. De temps en temps un véhicule de l’organisation roule à mes côtés pour demander si tout va bien ou s’il me fallait quelque chose, on se sent vraiment choyé, un autre avantage d’une course à faible participation. Km80, pas de nouvelle de Paola pourtant j’ai cru voir la voiture son coach qui la suit tout le long. Je commence à divaguer l’imaginant faire des portions sur le siège passager de son mari … Mais non, la voilà, au détour d’un virage.

Elle est entrain de s’équiper pour la nuit derrière le coffre ouvert de son assistance. Un bénévole chargé de la circulation me regarde et comprend qu’il va se passer un truc, il me sourit et me montre un pouce d’approbation. Je passe enfin en 3ème position non sans adresser un « Congratulation to the first woman of the race » dans un anglais à l’accent effroyable. Le binôme me sourit et me remercie, ils n’ont pas l’air stressé, ils savent probablement que la 2ème féminine est très loin derrière, Paola à sa première place assurée chez les femmes.

 

Sub10

Km82, l’heure de ma minute rando que je ne louperai pour rien au monde même si je viens à peine de passer à cette 3ème position que je convoitais depuis 50km ! Je ne me retourne pas, au pire on pourra faire un bout de chemin ensemble, on verra bien. Finalement une minute passe tellement vite et personne ne me dépasse. J’entends cependant les pas de ma toute nouvelle poursuivante. Je n’ai pas d’inquiétude sachant que sur 10km j’ai pu rattraper les 5 minutes de « perdues » au dernier ravito.

Les montées deviennent dures et je me décide à marcher dans certain coup de cul. Je suis toujours théoriquement sous les 10 heures avec 7-8 minutes de marge et la marche ne me fait perdre que 20-30 secondes par kilomètre par rapport à l’allure programmée donc je suis serein. J’espère juste que mon GPS est bien raccord avec le mesurage officiel car avec 1km de plus mon rab pourrait ne pas suffire pour le sub10 qui est maintenant clairement un objectif atteignable.

 

Je ne me laisse plus dépasser

Km87, ravito, je m’arrête et m’installe. Que ce Coca est bon. Je plaisante avec l’assemblée en me disant être poursuivi par une femme depuis quelques km. L’atmosphère est détendue, il reste 13km et ça sent bon la fin mais pas que ! Un sub10, un podium, Je n’en reviens pas ! Je sais pourtant que les circonstances sont particulières, à mon avantage, mais … Je n’en reviens pas ! Et puis … « Elle arrive ! », le signale pour moi de me lever et repartir.

Cette fois-ci je ne me laisse plus dépasser. Je cours à l’allure prescrite histoire de reprendre quelques secondes de gras et compenser celles que j’ai laissé en faisant le mariole au dernier ravito. J’ai pourtant décidé d’écourter mes tronçons de course de 5 à 3km. Ca me fera autant de mini-objectifs pas trop durs à atteindre sachant qu’il y aura encore 2 bosses à 2 et 4% et un ravito au km95. J’arrive donc à maintenir mon rythme et creuser mon écart avec la 4ème.

 

Je me suis paumé ou quoi ?

Je ne me retourne jamais mais pointe l’oreille quand un bénévole m’encourage pour entendre à quel moment il va encourager Paola. Ça me donne une petite idée de l’écart. Une nouvelle fois le directeur de course vient à mon niveau et m’encourage : « ça va le faire !». Je suis tout sourire « Plus que 10 ! ». Il commence à faire sombre et le fléchage devient moins visible. A un moment, ma montre vibre et m’indique être hors parcours. Je zappe sur l’écran de la cartographie et effectivement je ne suis plus sur la trace. Je m’arrête, me retourne : personne. Bord** de m**rde, je me suis paumé ou quoi ? Non ! Paola ! C’est Ok ! Je lui fais signe du pouce et repars, ma trace, celle de l’an dernier, n’est juste pas fiable à 100%, on est bien dans la bonne direction ouf !

Par contre là, je me rends compte que la miss n’est vraiment pas loin derrière et j’allonge la foulée dans cette descente qui va nous conduire au ravito du km95 où j’arrive pas mal essoufflé. Je respire bruyamment sur une chaise, le coach de Paola, très fairplay, me félicite en attendant sa douce. La direction de course est là et me parle de podium, ça me fait halluciner car tellement improbable pour moi. Au moment où je me décide à partir, elle arrive, je décide d’attendre sachant qu’elle ne va traîner là. Pourquoi pas faire un bout de chemin ensemble ?

 

Comme un kenyan

Allez ! Il reste 5km, les jambes sont dures mais la tête est dans les nuages. D’ores et déjà je sais que je vie une journée de coureur exceptionnelle et j’ai bien l’intention d’en profiter même si j’ai hâte que ça se termine. Je m’aligne avec Paola mais celle-ci ne semble pas réceptive à mon envie de duo. Elle n’est pas dans la hâte, marche, continue de s’alimenter. Tant pis, j’y vais, à plus tard !

Ça monte mais je me force à courir quand même. On est sur une route plutôt passante et il fait bien nuit. Je me sécurise en empruntant au maximum les trottoirs quand il y en a. Là, une voiture de la direction de course, warning et gyrophare allumés me dépasse. Le chauffeur me demande de rester sur la chaussée, il va m’ouvrir la route. Dingue !! Je suis le véhicule qui bloque la circulation rien que pour moi ! Encore un peu et je me sens comme un kenyan à l’arrivée du marathon de Berlin !

Cette sensation exclusive est incroyable pour un amateur de seconde zone comme moi. Les moyens mis en œuvre sont vraiment hors norme pour les quelques clanpins en lice. Ça monte et je n’avais pas prévu de courir dans ces circonstances mais là … Pour ne rien arranger, voilà que des motards, tous feux clignotants, se rajoutent à mon cortège. J’hallucine et me prendrais presque pour une élite si l’on pouvait faire abstraction des quelques minutes de trop au kilo :-D.

 

Où est le fléchage ?

On est en pleine ville, un panneau, Epinal ? Non, Chantraine ! C’est quoi ce bled ? OK, il reste 2km donc Epinal c’est juste après. Un rond-point et ma voiture meneuse s’écarte, je continue seul, droit devant mais je doute. Il fait nuit, suis pas sûr que ça soit par-là, où est le fléchage ? Crotte alors (traduction de l’instant plutôt édulcorée) ! Je m’arrête, regarde autour de moi et cris après les motards de l’assistance à l’arrêt au rond-point ! « C’est OK, c’est par là ». Paola déboule, mince alors, ce n’est pas possible !

Les motards se décident à m’ouvrir la route, ça me rassure car dans la nuit la signalisation de course m’est invisible d’autant qu’avec la fatigue et le petit stress d’être à mon tour en position de proie n’arrangent rien à l’affaire. Quelques habitants m’encouragent depuis leur fenêtre d’appartement, ça me donne les dernières ressources nécessaires pour accélérer encore.

 

Un bruit inquiétant

Une accélération très vite interrompue par une dernière bosse, je marche un peu sans me retourner certain d’avoir creuser un écart suffisant avec ma poursuivante mais finalement reprend très vite la course ne voulant pas perdre mon escorte. Je sais que l’arrivée est juste après une passerelle piétonne qui enjambe la rivière. J’ai fait un semblant de repérage sur Google Maps et j’ai l’impression de reconnaître les lieux.

La rivière Moselle doit être à ma gauche. Je scrute entre les bâtiments … Oui, la rivière est là et sûrement bientôt la passerelle. Un bruit, j’entends un bruit inquiétant, je me retourne, ce sont les bruits de baskets qui fondent sur moi à « grande » vitesse, non ! J’en remets une couche, ça descend et j’ignore totalement les 99km passés, je fonce, je suis si près du but !

 

17 secondes

Au bout de la rue, les motards s’arrêtent : « A gauche, sur la passerelle et puis c’est l’arrivée ». Effectivement je reconnais le Streetview que j’avais consulté, j’y suis. Je ne me retourne plus, j’ai l’impression de voler avec ce dernier kilo à 4:48. Je monte sur cette fameuse passerelle où un quidam promène son carton de bière : « attention » ….. « ATTENTION !!!» . Sans discussion aucune, il se pousse de côté. Je vois une arche mal éclairée, c’est là : 9h54 !!

Je suis exténué, m’accroupie en poussant de longs râles, c’est fini, j’ai réussi. Encore un regard en arrière, personne. Je me relève et retourne vers la passerelle pour accueillir ma chalengeuse du jour, elle est là. On se tape dans la main, 17 secondes après mon arrivée. Mais quelle aventure, quelle course !

 

Content

Pas grand monde ici. Quelques bénévoles qui nous félicitent dans un éclairage minimaliste mais qu’importe. Le bonheur est total et partagé avec la 1ère féminine avec qui j’échange enfin un peu. Content d’avoir fait le mano a mano avec une telle athlète, moi le vieux briscard !

Une remise de prix est malgré tout organisée avec le haut du podium pour madame puis pour moi sur la boîte N°3. Fier et content à mon petit niveau, 100km ce n’est pas rien et sub10 pour presque 1000m de D+ … Je repars avec une médaille, des dragées, 80 euros mais surtout avec une satisfaction énorme.

Le temps d’attendre mon sac de délestage qui doit être rapatrié du km72, j’échange pas mal avec l’organisation très à l’écoute qui pense déjà à la 3ème édition. Je passe les nouvelles aux proches et me couvre un peu mais sans me doucher, les sanitaires sont à 1km (Ah non !!). Je suis encore là pour accueillir la 2ème féminine mais à présent il est l’heure pour moi de rentrer, il est presque 23h et j’ai encore deux heures de route …

2 commentaires

Commentaire de alex4356 posté le 03-05-2023 à 12:07:10

Bravo, belle perf et CR très sympa à lire.

bien joué!

Commentaire de Zaille posté le 03-05-2023 à 14:03:09

Merci, c'est vrai que ça fait plaisir de voir le fruit de ses entraînements récompensé

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