L'auteur : christine06
La course : X Trail Dordogne - 104 km
Date : 21/9/2019
Lieu : Argentat (Corrèze)
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Distance : 104km
Objectif : Pas d'objectif
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Pas d'autre récit pour cette course.
104 kms, 4200 mètres de dénivelé
Quelle belle région et quel beau parcours, extrêmement roulant dans sa première moitié, beaucoup plus technique dans la deuxième, donc course très difficile, il est rare que l’on soit plus en forme dans la deuxième partie d’un ultra que dans la première…
Je ne partais pas avec un mental gagnant. Les petits bobos se sont accumulés depuis l’ultra TBA du mois d’avril, et mis bout à bout, même quand il n’y a rien de grave, ça commence à faire beaucoup.
Et en 5 mois je n’avais accroché qu’un dossard, pour un 15 kms.
J’appréhendais donc beaucoup cet ultra, en même temps j’avais une revanche à prendre puisque je n’avais pas pu prendre le départ du 110kms de l’utcam en juin dernier, j’avais donc très envie de courir.
Comme d’habitude j’avais préparé tous mes temps de passage, et je m’étais donc rendu compte assez facilement que si avec mon mari, on ne courait plus vite que durant les autres ultras on ne passait pas les barrières horaires. Ce n’est pas une très bonne nouvelle, mais Excel est un outil implacable qui ne se trompe jamais, s’il te dit qu’il faut que tu cours à telle vitesse pour passer un point de contrôle à tel moment, c’est que c’est vrai. Un peu ennuyeux et un peu frustrant quand même. Je dis souvent que nous ne sommes pas avec Brice des coureurs très rapides, mais nous ne sommes pas les plus lents quand même, disons qu’on est au milieu, donc si on ne passe pas, il y a pas mal de gens derrière qui risquent de ne pas passer non plus, et c’est ce qui va arriver d’ailleurs. J’appelle ça en plaisantant des courses « d’élites », très peu d’inscrits, 250 ici, très confidentiel, dont 200 coureurs aguerris qui viennent pour se tester avant les gros événements, type diagonale des fous par exemple.
Je suis d’un naturel optimiste, je me suis donc dis que le terrain devait être roulant. C’était vrai, jusqu’au 55ème où on a explosé tous nos chronos avec Brice. C’est après que les choses se sont gatées….
Le profil de la course n’est pas si facile que ça, pas de montée de plus de mille mètres comme sur les grosses courses de l’UTMB, mais beaucoup de montées de 300 mètres, ce qui veut dire beaucoup de course, de relances, c’est vite épuisant.
Mais commençons par le début.
La course a donc lieu en Corrèze autour d’Argentat. Les paysages sont magnifiques et sauvages.
Le départ est prévu à 2 heures du matin. Ce qui est une très bonne nouvelle. J’ai réussi à dormir une petite heure avant le départ, un peu plus peut-être. Il fait extrêmement chaud, 30 degrés prévus dans la journée, il faut donc profiter de la nuit pour avancer le plus vite possible. Et même à 2 heures, on a transpiré énormément, la nuit a été vraiment chaude. Le jour se lève vers 7h30, ça ne fait qu’un peu plus de 5 heures à courir dans le noir. Je me dis que si on ne traine pas trop, on ne remettra pas la frontale le soir, quelle illusion, on est nombreux à avoir commis cette erreur, et nombreux sont ceux qui ont fini dans le noir sans frontale. Enfin pas si nombreux que ça, on a perdu beaucoup de monde durant la course.
C’est aussi pour ça que j’aime tant les ultras, c’est une vraie aventure, on ne sait jamais en prenant le départ, quel que soit son niveau, si on va franchir la ligne d’arrivée. Alors que sur un 15 kms on peut raisonnablement se dire que même en boitant on finira par y arriver.
Durant les 55 premiers kilomètres, le terrain est parfait, des montées pas trop raides ni trop longues, des descentes pas trop techniques non plus. Bon ça reste du trail de moyenne montagne, on n’est pas en région parisienne non plus.
On alterne du plat, des montées de 200 à 300 mètres sur 3 kms, des chemins en sous bois, quelques singles, mais rien de bien compliqué.
Ce qui nous permet d’avancer vite. J’avais prévu de mettre 5 heures à faire les 29 premiers kilomètres, on va les faire en 4h23, ce qui est plutôt très positif. Positif mais flippant, je n’ai jamais couru les 29 premiers kilomètres d’un ultra aussi vite, j’espère ne pas le payer trop cher par la suite. Brice part souvent vite, parfois j’arrive à le suivre, parfois non. Mais le fait de partir trop vite me fait un peu peur pour la suite. Et en même temps je sais qu’on n’a pas trop le choix, alors je m’accroche.
Comment sont calculées les barrières horaires sur les courses ? Elles le sont dans 98% des courses de façon cohérente on va dire. C’est à dire qu’on ne se contente de prendre le kilomètrage et de calculer le temps qu’il faut pour aller d’un point A à un point B. Les organisateurs tiennent compte de la surface du terrain, et de ce que j’appelle, le coefficient de fatigue, qui fait qu’il est quasiment impossible de courir aussi vite sur la deuxième moitié que sur la première. Généralement donc, les barrières « s’étirent » au fil de la course, elles sont parfois un peu stressantes au début, c’est une façon pour l’organisation de s’assurer que les gens « un peu justes » vont être stoppés le plus tôt possible, et laissent plus de latitude vers la fin. Ça, je peux parfaitement le comprendre.
Rien de tout ça ici. C’est à dire que si on n’arrivait pas avec au moins 1h30 d’avance au 55ème kilomètre, on n’avait aucune chance de franchir la ligne d’arrivée, et c’est ce qui est arrivé à beaucoup de coureurs de cet ultra. Il y a toujours pas mal d’abandons sur un ultra, mais là je crois qu’on a battu un record. Je ne sais pas combien de femmes nous étions au départ, mais il en restait 7 à l’arrivée, à mon avis on dépasse les 50 % d’abandons/hors délais chez les femmes, la proportion doit sans doute s’appliquer à la course.
Ce qui explique qu’au 55ème kilomètre je suis arrivée confiante. J’étais physiquement bien, j’avais le quadri droit très raide, il le restera toute la course, mais ça passait. C’était plus stressant que gênant. Je courais avec Brice depuis le début, je montais bien. Aucune montée ne m’a gênée, et je trouvais les descentes plutôt faciles.
J’étais vraiment dans de bonnes dispositions, et Brice aussi. Généralement j’ai toujours un gros de mou entre le 20ème et le 30ème, mais là je m’alimentais et m’hydratais correctement, j’avais l’impression que ça allait bien.
Au 55ème on avait 1h10 d’avance, c’était sans compter le temps d’arrêt aux ravitos. Je n’ai pas compris quand j’ai vu tout le monde paniquer en disant « on ne passera jamais, c’est fichu ». Mais on s’est chargé de m’expliquer, que la deuxième partie de la course ne ressemblait en rien à la première, et que j’allais vite comprendre que la Corrèze ce n’était pas ces petites collines vallonnées et boisées.
En fait, on a été stressés avec Brice par une poignée de coureurs. Mais quelle erreur on a commis de les écouter !! Ça ne part pas d’un mauvais sentiment bien sûr, quand on est stressé on communique avec les gens autour, et on transmet son stress à tout le monde.
Mais personne ne réagit de la même façon sur les ultras, avec Brice on n’est pas les plus rapides, mais on fait partie des plus réguliers. Une fois qu’on est lancés, si on n’a pas de problèmes particuliers, on avance. Certaines personnes sont beaucoup plus irrégulières, ce n’est pas forcément un défaut, c’est une gestion de course différente.
Sur les courses, il ne faut écouter personne ! Surtout pas les bénévoles qui vous disent avec bienveillance « vous allez voir les 4 kilomètres qui arrivent ce n’est que de la descente, ça passe vite », oui !! super !! sauf que c’est de la descente dans les rochers glissants, impossible de courir sous peine de faire un vol plané, il avait oublié ce petit détail le bénévole !
Il ne faut pas écouter les autres coureurs non plus, personne ne réagit de la même façon, et effectivement le petit groupe qui nous a tellement stressés n’a pas fini la course. Donc ils avaient raison de s’inquiéter.
A partir de là donc, on a enclenché le mode « stress » et c’est vraiment dommage parce que ça va nous pourrir la moitié de la course. On ne va plus s’arrêter (on ne s’est en fait jamais vraiment posé). La technique est rodée, on enlève les flasques du sac avant d’arriver aux ravitos, on récupère toujours en courant les sachets d’isostar dans le sac, on met la poudre (sans s’arrêter de courir) dans l’une des deux flasques, on s’approche du ravito on charge en eau, on prend de quoi manger et on repart. J’ai passé 19h20 à courir sans m’assoir une minute ! C’est épuisant, vraiment éreintant !
On va vivre un véritable purgatoire. Les kilomètres ne défilent plus, impossible de courir dans les descentes tellement elles sont cassantes, on n’avance plus très vite dans les montées non plus, et les jambes commencent à être raides, la relance sur le plat se fait de plus en plus poussive.
Ce n’est pas très grave, c’est même totalement normal sur une course de cette durée, généralement on s’arrête, on fait une pause, il est fréquent de faire des pauses de plus de 30 minutes, voire une heure. La dernière fois qu'on a fait la CCC on a passé une heure à Champeix sans jamais être inquiets pour les barrières horaires. Mais là les barrières horaires ne permettent pas ce ralentissement, il faut continuer sur le même rythme que la première moitié alors que le terrain est dangereux et cassant.
Il y a une partie que j’aime particulièrement dans le road book qui était sur internet sur le site de la course, c’est celle-ci :
Place maintenant à la portion « magique » du X Trail Dordogne : la section St Bonnet-Tours de Carbonnières-Tours de Merle ! 15 km d’ambiance mystérieuse et médiévale dont on va se rappeler très longtemps ! On attaque par 1 km de descente à la sortie de St Bonnet, sur un tout petit single en sous-bois. Puis 1 km de plat avant une portion très vallonnée… et plutôt montante ! (+ 150) qui nous amène aux alentours des tours de Carbonnières. 1 km de descente magnifique et ultra-technique et on atteint les tours et le 2ème point d’eau (km 63), dans un site incroyable, entre village hanté et tours médiévales. Il est 12h30, voilà presque 11h qu’on est parti, les jambes commencent à être très lourdes !
Ça c’est la description du road book. Dans les faits, on va vivre un enfer, absolument rien de magique, ou alors c’est plutôt de la sorcellerie. On ne longe absolument pas la Dordogne, on passe notre temps à monter et descendre sur la colline qui longe la Dordogne, la plupart du temps on ne voit pas la Dordogne, et quand on pense que c’est fini, ça recommence !! et le temps file, et les barrières se rapprochent.
C’est un véritable cauchemar, qui va me pourrir des heures de course. Ambiance mystérieuse et médiévale, oui, oui, oui, je n’ai pas vu le mystère, j’ai plutôt vu l’enfer et le purgatoire !! Le seul truc vrai dans cette description c’est la descente ultra technique, et il n’y en pas eu qu’une.
Une deuxième chose est vraie aussi, on va s’en souvenir longtemps.
Un peu plus loin on va retrouver Yohan, un collègue de Brice qui est parti plus vite que nous mais qui rencontre un petit passage à vide. Il va repartir en même temps que nous.
Mais ce n’était encore rien à côte de ce qui nous attendait, le meilleur était encore à venir, une fois la Dordogne traversée en barque, moment très sympathique de la course. La remontée de la via ferrata…. oh je m’en souviendrai longtemps de celle-là aussi, une montée à la verticale, où tu t’accroches aux rambardes pour t’aider à passer les rochers !! C’est bon ça au bout de 80 kilomètres de course. C’est le moment de la course où tu fais 300 mètres de montée mais que ton cerveau te dit que tu en as fait 1000. Ma montre s’étant arrêtée depuis longtemps, c’est là où je commence à demander à Brice toutes les 2 minutes combien on a fait de dénivelé, avec le secret espoir qu’il me répondra un truc positif, ce qui n’arrive jamais bien sûr, parce qu’étant donné que l’on n’avance plus, le dénivelé stagne aussi.
Mais bizarrement, mon moral est revenu au beau fixe. Même si je suis fatiguée, je suis contente d’être là, parce que malgré tout on continue à passer tous les obstacles un par un, on est tous les deux, et ça aide énormément. On n’a pas d’assistance mais on est deux, et on se soutient mutuellement. Je plains les gens qui courent seul et sans assistance.
Mon cerveau est passé en mode nuit, mais nuit confortable dans un bon lit, je ne pense plus qu’à l’arrivée. Ça va me redonner la pêche qui me faisait défaut depuis quelques kilomètres.
Et puis surtout je me sens bien, je n’ai mal nulle part, je ne peux plus manger par contre, mais ça c’est un problème récurrent que je n’arrive pas à résoudre. Je compense en buvant du coca et de la Saint Yorre aux ravitos. Même l’isostar ne passe plus, je ne peux boire que de l’eau.
A un moment, il faut se résoudre à ressortir les frontales. Certains n’en ont plus, soit ils les ont laissées au ravito du 55ème pensant qu’ils n’en auraient plus besoin, soit la batterie est à plat. On finira la course en aidant un coureur sans frontale, la mienne donnera des signes de faiblesse à 5 kms de l’arrivée, on finira avec une frontale pour trois, c’est limite mais ça passe.
Et arrive enfin le moment magique de la course, celui où tu sors de la forêt et que tu vois les lumières de la ville, et là tu peux te dire, j’ai réussi, c’est fini !!
Brice mon mari m’a une nouvelle fois impressionnée. Il avait un genou en vrac à la fin, une ampoule éclatée, mais il continuait à courir, je le suivais c’est ce qui m’a aidée à finir dans les temps.
Les bénévoles étaient comme d’habitude tellement gentils, mention particulière à ceux de la Vialette, ambiance du tonnerre ! Et ravito extraordinaire ! Alors que c’était censé être un point d’eau, mille bravos !!
Beaucoup d’entraide entre les coureurs, on n’est que 7 femmes à finir, donc évidemment on est toujours beaucoup plus encouragées que les hommes, ce n’est pas très juste, mais sur le moment on est contente quand même.
On franchit la ligne d’arrivée en 19h20, il est un peu plus de 21 h.
250 inscrits, sans doute un peu moins de partants, 104 à franchir la ligne d’arrivée. Il y a vraiment eu de l’abus sur les barrières, c’est un peu dommage je trouve.
Je finis la course sans bobos, le lendemain, les jambes sont raides, mais ça va. Comme d’habitude je n’ai pas fermé l’oeil la nuit qui a suivi la course, et je n’ai pas beaucoup dormi la nuit après non plus, mon avion était assez tard, et je suis rentrée à minuit chez moi, c’est compliqué de retrouver un sommeil normal après ces courses mais je vais récupérer rapidement j’espère pour pouvoir penser avec délectation aux objectifs à venir !
Et voilà, une nouvelle fois, la magie opère et après en avoir tellement bavé, je peux dire,
c’était une belle course quand même
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