Récit de la course : EDF Cenis Tour - Trail vert 25 km 2019, par Ze Man

L'auteur : Ze Man

La course : EDF Cenis Tour - Trail vert 25 km

Date : 4/8/2019

Lieu : Termignon (Savoie)

Affichage : 3680 vues

Distance : 25km

Objectif : Balade

3 commentaires

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Trail Cenis Tour - 25km

Il faut savoir qu'au départ, moi, je ne devais pas y aller.

 

J'étais pépère en vacances à Bessans, en famille, à en prendre plein les mirettes et à profiter des miens. Pour tout entraînement depuis l'Oxy'trail le 30 juin : les 25km du trail des Balcons d'Orbey en bas des Vosges avec un pote d'enfance qui faisait son 1er trail (moi, avec 3 courses au compteur, je me suis retrouvé à mon corps défendant coureur sage et expérimenté) et une hygiène de vie déplorable, voire plus si affinités – mais que voulez-vous, je ne suis pas étanche.

Bessans, donc, où je passe à l'Office de tourisme le jour de notre arrivée pour répertorier les activités envisageables avec deux schtroumpfs en bas âge aux basques. Et là, dites-moi pas que c'est pas vrai, je tombe sur le flyer du Trail Cenis Tour. Les différentes formules font la part belle aux grands (37km / 55km / 76km) mais il existe aussi une course 'kids' (ce qui doit vouloir dire enfant quand on est dans le vent), un 10km et une course junior 25km qui correspond tout à fait au maximum du maximum que je puisse me permettre. J'avoue, je rêve d'une course en montagne, dans les Alpes qui plus est. Seul hic, et de taille : un peu plus de 1700m de D+ alors que je n'ai jamais dépassé les 1000m sur la même distance, et d'ailleurs jamais dépassé les 1000m de D+ tout court.

Le temps de me faire envoyer un certificat médical par mon médecin, d'acheter une couverture de survie et un sifflet pour avoir le minimum du matériel de survie en cas de pépin, et me voilà la veille du départ dans la salle polyvalente de Termignon, boosté par ma tendre et douce qui m'a bien aidé à aplatir obstacle après obstacle.

Les inscriptions en ligne sont finies depuis longtemps, mais il reste 40 dossards à distribuer sur place. Je suis là dès l'ouverture, et je suis le 1er à prendre mon dossard sur place. Emu, j'essuie une larme, car c'est bien la 1ère fois que je suis le premier sur une course. On a les récompenses que l'on peut, hein ?

 

C'est ainsi que je me retrouve le jour J à 8h sur la ligne de départ.

Je suis tout à coup bien moins sûr de mon coup et paradoxalement j'ai grave envie d'en découdre.

C'est mon 5e trail ou assimilé (royal, j'inclus la foulée des monts d'or) et mes expériences sont plutôt mitigées : 2 trails où j'ai accompagné des coureurs moins rapides que moi et qui se sont déroulés à merveille, et 2 trails où je suis parti sur des bases de vitesse plus personnelles et où j'ai fini à 2 doigts de la tombe, preuve que le rythme sur béton n'a rien à voir avec celui du tout terrain.

 

J'ai bien l'intention de profiter autant que faire se peut de cette course et je décide par dessus le marché de faire fonctionner ce qui me tient lieu de cervelle en ne réitérant pas les erreurs passées : ce coup-ci, c'est le plaisir avant tout, pas de chrono qui tienne.

 

Niveau équipement, j'ai oublié mon buff kikourou à la maison ainsi que mon short et ma Garmin. Je porte du coup un short moulant ridicule style cycliste, un foulard noué sur la tête façon Crips (ou Bloods, je ne sais jamais) encore plus ridicule, et un brassard avec mon téléphone, histoire de parfaire mon allure de touriste.

 

Le coup d'envoi est donné à 8h pétantes, comme quoi on n'est vraiment pas loin de la Suisse.

On commence par 2km de bitume afin d'étirer le peloton. Je cours aux sensations vu que je n'ai pas de montre - et ça n'est pas plus mal. Je serai tout surpris après la course quand Strava m'indiquera 4'09 sur le 1er km alors que je n'avais pas l'impression de forcer. Bougre d'âne un jour, bougre d'âne toujours, car c'est bien sûr trop rapide, même si je me sens bien. En même temps, tirer la langue au bout de quelques centaines de mètres aurait été un bien vilain signal pour la suite des événements...

Je continue à trottiner gentiment quand ça grimpe un peu puis je marche dès la 1ère côte. C'est assez court, on descend ensuite. Finalement, les Alpes, on en fait tout un monde, alors qu'en fait ça descend plus qu'autre chose... Bouffon un jour, etc.

 

3ème km, et les choses sérieuses commencent : on grimpe à la queue leu-leu et là je commence à comprendre de quoi qu'est-ce qu'on cause. Moi qui fais 2 fois le tour des Buttes Chaumont à Paris quand je m'entraîne, je me retrouve au bas d'une montée de 4km minimum, bien raide, sans que ça débande une seule seconde. Le palpitant s'emballe un peu, mais quand je commence à me demander combien de temps cela va encore durer, j'ai juste besoin de me rappeler que je suis là pour expérimenter, pour voir comment je réagis dans ces conditions, pour prendre du plaisir. Conséquence immédiate : même en août, ça repart. Je survis au milieu de dizaines de bâtons hostiles, je découvre les dépassements en single track, je m'accroche, vazy tintin, et nous émergeons des sous-bois en regardant les glaciers environnants un peu plus dans les yeux. Ca continue de grimper dans les prés, au milieu de paysages somptueux, même si nous nous voyons généreusement attribuer une chouette petite descente juste avant le 1er ravitaillement, qui arrive au bout de 7.5km. Environ 1h30 pour faire 7.5km ?! Tous mes repères de course à pied ont volé en éclat, je nage en plein délire. Tant mieux. Je ne suis pas venu pour me maintenir dans ma zone de confort.

De plus, je me sens relativement bien, toutes choses étant égales par ailleurs.

 

Eau, coca, un abricot sec et quelques amandes, et je repars en marchant doucement. C'est là que ça commence à se gâter, car la montée suivante me coupe les jambes. 3km pendant lesquels je serre les dents, jusqu'à ce que, telle le loup blanc, la douleur disparaisse. Moi qui me demandais comment j'allais faire pour finir, je me retrouve à trottiner sur des sentiers en balcons magnifiques, à manquer de me gameller à chaque pas, mais avec un sourire bête sur ma face. Je kiffe. Je surkiffe. Je surkiffasse. Du pur bonheur, même si je dois avouer que je suis un piètre descendeur en plus de ne pas monter très bien. Mais le panorama est somptueux, je suis heureux de courir et je me sens plutôt serein.

 

C'est le moment de rétablir la vérité sur au moins 2 points :

  • autant l'environnement est d'une beauté à couper le souffle, autant j'ai du mal à en profiter pleinement sous peine de rouler en bas de pentes bien sèches, parsemées de rochers dont l'impact doit être bien douloureux, au risque de bien rouler dans des endroits où personne, à part les gypaètes tant vantés dans le coin, n'aura l'idée de venir me chercher. Donc oui, c'est magnifique, mais non, je ne peux pas en profiter pleinement sous peine de gamelles mémorables, et j'utilise le pluriel parce que les occasions de chuter ne manquent pas. Ca ne m'empêche pas de prendre un maximum de plaisir, surtout que je n'en suis qu'à une douzaine de km parcourus. Je procède juste par quelques regards apeurés, volés à l'exigene de la pente.

  • je cours à environ 6min/km, ce qui n'est pas terrible, mais je préfère assurer la descente et ma descendance par la même occasion. Il est réellement facile de se faire mal, donc pas moyen de lâcher les chevaux. C'est pour moi un peu dur psychologiquement. Je croyais que la descente était la récompense après la montée – que nenni. Pas moyen de courir vite, quel que soit le sens de la marche.

 

Mi-course, je suis comme un gamin le soir de Noël. Je râle, je souffle – mais qu'est-ce que c'est bon ! C'est tout ce que j'ai toujours voulu faire depuis que j'ai découvert récits et vidéos de courses en montagne. Que c'est beau, que c'est bon ! C'est hyper ludique si on ne se prend pas trop au jeu de la course, du classement et du chrono.

J'expérimente ce que j'ai vu/lu les autres faire, et ça n'est que du plaisir. Bon, je découvre aussi que les quadriceps se situent sur le devant des cuisses, là où je sens que ça chauffe suffisamment pour faire cuire un œuf au plat. J'écris ces mots 3 jours après et je ne peux toujours pas faire grimper mes enfants sur mes genoux.

 

Km 14, 15 et 16 : on remonte, je galère un peu mais rien d'insurmontable. Je me fais gentimer doubler de ci, de là, mais franchement je n'y accorde pas d'importance. Je suis en fait très surpris qu'il n'y en ait pas plus que ça, que l'on parle de montée ou de descente. Nous sommes désormais en plein soleil mais l'altitude aidant, c'est très supportable. La majorité de la course se déroule au-dessus de 2000m d'altitude, avec des perspectives à rendre la vue à un aveugle. Béni soit Kalenjios, le dieu de la course à pied !

 

16Eme km : début du D-. En gros, pour schématiser le tracé : le D+ dans la première moitié de la course, le D- ensuite. Pas trop de mélange. Je me lance dans la pente tel papy sur un skateboard, et je dévale les collines tant bien que mal, extrêmement surpris de voir nombre de coureurs en sens inverse. Ils ont tous la gentillesse de se mettre sur le côté, mais ça gêne toujours un peu – et puis surtout, le fait de croiser autant de personnes dans le mauvais sens me questionne. C'est moi qui suis fou ou bien eux ? Au final, j'avoue, je n'ai rien compris au pourquoi du comment. Tout ce que je sais, c'est que mon ampoule et moi arrivons au 2e ravitaillement un poil entamés. Moi qui ne m'arrête jamais en course, je prends mon temps et je redémarre tout doucement.

 

Je relance de plus en plus difficilement sur les plats et les faux plats, jusqu'à ce que se présente un sentier suffisamment propre et assez large pour me rappeler le bois de Vincennes, et là je trace. Je retrouve des sensations de coureur sur bitume, mais malheureusement pas la lueur d'intelligence dont ma mère m'a assuré qu'elle était mienne. Mille mercis à toi qui m'a hélé depuis la bifurcation, tandis que je fonçais à tombeaux ouverts dans la mauvaise direction. Je crois que mon non-sens de l'orientation et ma distraction sont mes plus grandes hantises pour les courses à venir.

 

Je quitte le sentier et par la même occasion les plaines pour m'enfoncer dans les sous-bois, et je découvre que descendre peut être problématique. Non seulement je ne vais pas vite, mais franchement je n'en ai pas envie du tout. C'est que c'est carrément abrupt, camarade ! Je me mets de côté pour laisser passer quelques doux dingues qui dévalent ces virages serrés ça comme on prend son petit déjeuner. Bah oui, pour la descente aussi, ma référence c'est les Buttes Chaumont, alors forcément... A minima 5km de D- bien marqués. Petite anecdote : j'avais remarqué un coureur en pantalon de pluie (pas si commun) qui me dépassait régulièrement en montée façon marche nordique. C'était limite insultant tellement il était facile ! Le parcours ne lui a pas rendu justice en ne mettant que de la descente sur la fin, ce qui fait que j'ai pu le dépasser une dernière fois et mettre fin à notre chassé croisé. Cela constitue mon unique fait d'armes, mais je m'en contente tout à fait.

 

On commence à entendre la sono et l'animateur à l'arrivée, ce qui mentalement n'est pas un cadeau. Je souffre, je bute sur des cailloux de nombreuses fois, je grimace – bref, je ne suis plus très frais. La pente s'adoucit toutefois et je peux me laisser aller sur les 3 derniers km. Je trace, sors des sentiers, arrive sur le bitume, passe juste à côté de ma voiture sagement garée, ce qui en temps normal ne manquerait pas de m'amuser, juste là j'ai perdu tout humour, je dévale quelques marches qui me feront proférer de bien vilains jurons tellement ça me démolit les cuisses mais ça y est, voilà l'arrivée. Le fait de faire le tour du parking pour passer sous l'arche est une réelle torture psychologique, pas forcément indispensable à mon goût, mais que voulez-vous, la course à pied n'est pas qu'un sport de maso - c'est aussi une histoire de sadiques. 5'09 le dernier km, j'ai donné tout ce que je pouvais et je crois que je n'aurais pas pu terminer si la course avait fait 27km.

 

Au final :

  • c'est la bonne distance pour moi. Je ne peux pas courir plus longtemps sans changer drastiquement mes cadences d'entraînement.

  • Ma gestion de course n'a pas été exemplaire (je ne sais toujours pas comment m'y prendre, je termine vidé) mais la mentalité était la bonne. Je me suis franchement régalé !

  • C'était un pur bonheur car tout y était : sous-bois, sentiers en balcons, (petits) cols, montées raidasses, pentes suicidaires, le soleil, les montagnes, les névés, les gentils organisateurs... Cette course fut un énorme coup de cœur pour moi et je lui garderai toujours une place particulière dans mes souvenirs. Quel pied !!!

  • Le chrono (3h47) est anecdotique tellement tout était parfait (je parle de la course, pas de ma performance). A refaire, encore et encore, mais cette fois avec un minimum de préparation.

Désolé pour le manque de photos, je vais essayer d'en piquer une ou deux pour embellir la mariée.

3 commentaires

Commentaire de bubulle posté le 11-08-2019 à 21:18:32

Dommage que l'improvisation n'ait pas permis de se croiser avant la course car, au vu de ton récit et de son humour, on ne se serait pas ennuyés.

Je me suis bien gondolé à ta découverte du trail de montagne et des montées qui font plus de 40 mètres......et le plus marrant, c'est que tu vas finir par aimer ça....:-)

Et je t'assure qu'on peut arriver à regarder le paysage en descendant, sans se prendre de gamelle, c'est une question de pratique. Après, y'a une solution simple, c'est de s'arrêter....:-). Bon, pour les pentes suicidaires, par contre, y'a peut-être du boulot car les descentes sont relativement faciles sur le Cenis...:-)

Commentaire de Ze Man posté le 13-08-2019 à 20:37:28

C'est sûr qu'il reste du travail et que je prends vite peur, j'avoue. Mais jee crois que par-dessus tout ça m'amuse bien :) Au plaisir de te croiser en tout cas !

Commentaire de marathon-Yann posté le 22-08-2019 à 15:10:05

Bravo pour ta course et ce nouveau récit d'anthologie ! Tu m'as donné envie de repartir en vacances !

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