L'auteur : jedaf
La course : Forest Trail 31 - 25 km
Date : 2/2/2019
Lieu : Levignac (Haute-Garonne)
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Distance : 25km
Objectif : Pas d'objectif
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Ça y est. Un de plus. C’est le troisième. Le troisième Forest trail. Peut-on dire que c’est le pire (ou le meilleur suivant le point de vue) ? Je crois bien qu’ils sont tous terribles.
Début février, la nuit, quelles que soient les conditions météo. 100 % dans les bois et chemins, étroits, boueux, glissants, froids. Et encore ne nous plaignons pas, ils ont capturé les loups et les ours. Quoique à l’arrivée on ressemble plus à des ours qu’à des affiches publicitaires des célèbres marques de sport.
Je suis un PPH (Passera Pas l’Hiver), je suis aussi V3H en fin de contrat, j’ai adopté pour devise « Finir et pas le dernier ». Jusqu’à présent et même hier j’ai respecté ce contrat.
Cette affaire était prometteuse. Le temps est maussade depuis un mois et presque tout le temps pluvieux depuis une semaine. Il ne neige pas, il ne gèle pas, heureusement, mais nous craignons le pire, mon fils et moi, surtout relativement à la buse et à deux ou trois endroits de la Nébuleuse que nous connaissons maintenant bien. Nicolas a couru 5 fois le Forest dont 4 fois la Nébuleuse et 1 fois la Supernova et moi j’ai concouru aux 3 dernières éditions du 25 km. Il m’accompagne quoiqu’il lui en coûte parfois de ne pouvoir se donner à fond comme il le souhaiterait. Je lui suis reconnaissant de courir avec moi.
Quand nous entrons dans la halle de Lévignac sur Save à 18 heures l’ambiance est déjà à son comble. Il fait chaud, les coureurs sont au coude à coude, les organisateurs sont sollicités au maximum pour délivrer les dossards. La musique est tonitruante et l’animateur tente de couvrir le brouhaha par des instructions concernant les diverses courses. Nous prenons nos dossards, tee-shirt et barres vitaminées et repartons nous changer dans notre véhicule garé à 300 mètres. A 18 heures 30 nous sommes de retour harnachés de pied en cap. Très vite nous sommes dirigés vers le sas d’embarquement où nos puces électroniques sont scannées et où nous existons enfin dans notre état de coureurs masos.
Cette année il ne pleut pas, c’est déjà ça, il y a bien assez d’eau qui ne pénètre plus dans les sols sans qu’on en rajoute d’autre. Un ensemble de percussionnistes nous fait patienter sous les illuminations laser jusqu’à 19 heures. Le présentateur débite alors les consignes de course que personne n’entend excepté les coureurs qui se sont placés en tête de course. « 5 – 4 – 3 – 2 – 1 » et c’est enfin le départ.
Toutes les frontales rutilent, il y a même des feux rouges clignotants à l’arrière de certains crânes. On peut prévoir pour les prochaines années des led clignotantes de changement de direction qui éviteront aux coureurs du 12 km de nous saouler dans les monotraces par des « gauche, merci » qui vous font délicatement sentir à quel point vous êtres une gêne dans le trafic forestier. Quoique avec le Forest un jeu d’antibrouillards et un chauffage de crâne intégré ne seraient pas de refus ; messieurs les concepteurs au travail ! J’avais oublié la traversée de la ville qui se prolonge pas une interminable montée avant de rentrer dans le dur qui se révèle plutôt être du mou.
La première monotrace est déjà glissante. Ça commence bien. Il faut dire que de nombreux coureurs ont déjà préparé le terrain pour les suivants. Pour mon ressenti, je partage ce parcours en trois parties : jusqu’au kilomètre 13 et le passage de la buse, jusqu’au kilomètre 18 et le point de contrôle de la base de loisirs de Bouconnne puis le final jusqu’au sas d’arrivée au kilomètre 25.
Jusqu’au kilomètre 13, les sentiers et chemins sont agréables. Excepté sur quelques centaines de mètres au début, on court en continu, paisiblement, à bonne allure. Cette année nous étions un peu inquiets, il n’en est rien pour l’instant. Nous adoptons un trot régulier, presque sans interruption.
Instantané de course : Mais qui sont-ils ?
Oui, je sais que les parcours parfois s’interpénètrent, que des coureurs du 12 et même du 18 kilomètres empruntent la route royale qui nous est réservée, qu’ils piétinent joyeusement ces chemins que nos pieds aimeraient fouler proprement, mais que l’on m’explique enfin. Que quelques coureurs, tout beaux, tout frais, à moment donné, surgissent du néant, nous doublent et nous enrhument sur l’air exaspérant du « A gauche, merci ! » vous vous dites « Tiens, ce sont les premiers du 12, ils sont propres. » Que cela se reproduise une seconde fois: « Tiens cette fois-ci ce sont les premiers du 18. Ils sentent encore bon. » Mais que des groupes régulièrement vous dépassent toujours aussi vite vous vous posez des questions. Ce ne sont quand même pas aussi les derniers. Je l’avais déjà dit, il y a 2 ans, sur un précédent compte-rendu. D’où ils sortent ? Pourquoi nous brisent-ils le moral ? Comment font ces gracieuses jeunes filles qui survolent la boue sans la toucher alors que vous n’arrivez pas à arracher vos chevilles de la terre de Bouconne. C’est sûr l’année prochaine j’en capture un et je l’interroge.
Nous pensons surtout à la buse légendaire. Dans leur immense sadisme, les organisateurs nous ont envoyé hier la photo d’un homme en waders posé au milieu du ruisseau que nous sommes censés suivre, avec de l’eau jusqu’à la partie essentielle de l’organisme du mâle moyen (il ne s’agit pas du cerveau).
Personnellement je craignais d’avoir de l’eau beaucoup plus haut. Mais nous en avions fait notre deuil quoique cette expression semble assez peu appropriée et surtout pas prophétique. En vérité après une course très agréable et efficace nous nous apercevons que nous évitons la buse. Un guide nous explique en deux mots que l’eau y atteignait le niveau de la poitrine. C’est une bonne décision. Une course doit rester une épreuve agréable et non un parcours du combattant. Je suis quand même soulagé. Au fond je la craignais cette buse cette année.
Instantané de course : Le casseur de moral
Vous êtes serein. Vous trottinez joyeusement depuis quelques kilomètres. Le sentier forestier est sublime. Vous voyez un long tunnel de verdure éclairé au loin par des éclats lumineux dansant au rythme de la course. C’est sûr, rien ne vous arrêtera. Vous êtes loin d’envisager que dans quelques kilomètres, quand votre compteur biologique affichera les 20 kilomètres et que les petits raidillons deviendront des falaises insurmontables, votre optimisme fondra comme la perspective d’un prochain redressement économique. Là, vous voyez se profiler l’éclairage hésitant d’un coureur qui, visiblement, est en difficultés. Votre compassion pour la souffrance d’autrui n’est pas sans coloration d’inavouable satisfaction : « La majorité des inscrits m’a déjà doublé dans les cent premiers mètres, je respire leurs gaz d’échappement et enfin je vais pouvoir doubler quelqu’un. » Mon honneur résiduel de V3H têtu reprend un peu de vigueur. Le coureur souffle, ahane, marche de guingois, je m’apprête à le doubler triomphant. Il m’entend, il me sent, il me ressent. J’arrive à sa hauteur. Il me jette un regard furtif, se redresse, reprend sa course, souffle davantage, remugle un peu plus et disparaît au loin. Je le regarde dépité, je ne le reverrai plus. La vie d’un traileur vaut-elle d’être vécue ?
Au kilomètre 18 se trouve la base de loisirs de Bouconne où l’on peut trouver de l’eau. Cette année j’ai la bonne surprise d’y trouver aussi du café. Je ne voulais pas faire de pause, finalement nous prenons le temps de boire deux cafés gentiment proposés par l’hôtesse. Entre la buse et la base de loisirs le parcours est un peu plus difficile notamment dès la sortir de la buse où l’on aborde une partie très pentue à travers bois, assez usante. Le reste du parcours permet de reprendre un rythme de course agréable. Le problème habituellement est que ce tronçon, suivant immédiatement la plongée dans une eau glaciale, s’aborde avec des muscles refroidis qui deviennent vite douloureux. Cette année ceux-ci n’ont rien perdu de leur vigueur. On ressent vraiment la différence.
Pour la première fois au Forest j’ai fait le choix, à titre d’essai pour un parcours au dénivelé faible, d’emporter mes bâtons. Très peu l’ont fait. Je voulais savoir s’ils me seraient utiles dans les secteurs délicats. J’ai fait un bon choix. Bien des coureurs en difficultés dans les zones très glissantes où ils étaient contraints de s’agripper à la végétation ont laissé échapper à mon passage « Ah ! Les bâtons. » J’ai économisé beaucoup d’énergie dans bien des secteurs, en montant des côtes pentues bien évidemment, mais aussi dans les parties très glissantes où les deux bâtons permettent de maintenir une assise stable et dans les descentes très boueuses où ceux-ci, plantés loin devant, évitent des glissades périlleuses. Je les ai aussi appréciés dans les traversées de ruisseaux. Il y a deux ans beaucoup de ruisseaux ne transportaient qu’un filet d’eau négligeable, l’année dernière ils étaient moins négligeables mais cette année les 3 ou 4 traversées nécessitaient de descendre un talus abrupt et piégeux, de marcher dans un courant terreux, parfois jusqu’aux cuisses et de remonter le talus opposé, extrêmement glissant, ayant subi le passage de centaines de coureurs. Et là, le « planté de bâton » comme me l’on dit avec humour quelques coureurs, s’est avéré très très précieux. Mes cuisses m’en sont aujourd’hui reconnaissantes.
Instantané de course : L’obstiné
Je l’ai dépassé, je l’ai remarqué. Il claudique, il souffle, il halète. Je compatis mais je prends du champ. Il n’y a pas de petit bonheur. Peu importent les 1000 qui m’ont doublé, je n’ai de pensée que pour le seul qui est derrière. Un raidillon m’oblige à prendre le pas. Ce souffle, ce bruit, je le connais. Il est derrière, il va me dépasser. La pente s’adoucit, je repars, je le sème. Oh, joie ! Un ruisseau à franchir, je glisse, je patauge, j’escalade, je m’agrippe, je m’embourbe, je me retourne, il est là, il souffre mais il est là . Je repars, je jette un discret regard. Il fait du surplace style : « je suis au Forest, j’en chie, j’ai payé 21 € et je suis content. » Je le resème. Je bois un verre de café chez Bouconne. Deux verres. Je discute avec mon fils Nicolas. Je suis assez content. J’ai un gain de temps. Je suis satisfait même si le premier de la Nébuleuse est déjà dans son lit après la douche. Je regarde derrière ma cuillère à café, discrètement. Il arrive. Il souffre mais il avance, il m’en veut. Je repars précipitamment pour la dernière ligne pas droite du tout. Le sas d’arrivée ! C’est une grande victoire. J’ai la certitude qu’une personne au moins ne m’a pas dépassé. Mais ce fut juste, il n’y a pas de menu plaisir.
C’est après le passage au kilomètre 18, barrière horaire des 3 heures, que le parcours m’a paru le plus difficile. D’abord parce que la fatigue commence à se faire ressentir, ensuite parce que le parcours y est beaucoup plus varié et glissant. Cette année il semble que des aménagements ont été faits, il nous a semblé que certains secteurs avaient été déviés. Je me souviens que certaines bordures de champs étaient l’an dernier extrêmement pénibles. Elles devaient être dans un tel état que les organisateurs les ont éludées. Afin de respecter les 25 kilomètres annoncés une boucle m’a paru être ajoutée à la sortie de la base de loisirs, étrange de prendre un chemin de quelques centaines de mètres pour ressortir quelque temps après au même endroit. Bravo quand même aux bénévoles d’avoir été aussi réactifs. Cela représente probablement un travail considérable.
Cela part d’un bon sentiment mais on trouve chez tous les guides disséminés au long du parcours ce travers de nous annoncer des distances qui s’avèrent dans la réalité beaucoup plus longues. Par exemple, vers les derniers 2 kilomètres un bénévole nous encourage : « Allez plus que 500 mètres ! » Qu’ils étaient longs ces 500 mètres.
A la sortie d’une sente forestière nous tombons sur un chemin plus large qui monte suivant une longue côte sur près de 1 kilomètre. Elle est longue, elle use cette partie finale. En haut nous sommes dirigés sur la gauche vers la dernière descente avant Lévignac. C’est une étroite bordure de champ délimitée par deux fils, sur la gauche un champ cultivé où l’on ne doit par courir et sur la droite un magnifique chemin où l’on pourrait facilement et sans dommage évoluer mais que visiblement le propriétaire ne veut pas prêter. Entre les deux 1 mètre de boue, collante, profonde, où l’on déchausse facilement. On pénètre ensuite dans une dernière monotrace forestière qui débouche sur un large chemin. On peut à nouveau courir librement. Un lampadaire au loin, une route goudronnée, une dernière traversée de village un peu tortueuse et le sas d’arrivée. Enregistrement des puces. C’est la joie. Je suis heureux. Je l’ai fait et pas le dernier. Une bonne odeur de saucisse grillée et une bière bienvenue. Mais avant nous avons appris la leçon. On marche rapidement vers la voiture sans pause pour se changer immédiatement. Ensuite nous remontons jusqu’à la salle des fêtes pour le casse-croûte tardif.
Un beau trail nocturne où toutes les difficultés sont réunies pour un maximum de plaisir. L’organisation est toujours au mieux et le tee-shirt cette année est sublime. Mon classement ? 413ème sur 445 coureurs dans les temps. Mais est-ce important?
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