L'auteur : float4x4
La course : Euskal Trail - Ultra Trail - 130 km
Date : 26/5/2017
Lieu : St étienne De Baigorry (Pyrénées-Atlantiques)
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Distance : 130km
Matos : Sac Camp Trail Vest,
Chaussure La Sportiva Ultra Raptor (47),
Batons Guidetti mono brin
Objectif : Pas d'objectif
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24 autres récits :
Baahh, y avait bien Tina Turner & Barry White en duo sur "In Your Wildest Dream", maintenant y aura Lolo et moi sur "In Your Hottest Euskal Raid"...
L'avant course :
Disons le d'emblée, j'étais bien merdeux avant la course. Pour résumer rapidement, niveau course à pied, fin 2016 - début 2017 fut une période faste (et fast aussi). J'alignai de bons chronos sur des courses courtes, à moi top 10 et bouteilles de vins... Je décidais d'en profiter pour préparer un marathon printanier et essayer de taper sous la barre des 3h.
Donc bitume et piste, et encore bitume et piste, et à fond. Ça tiraille un peu. Pas grave. Bitume, piste, et vlan ! Tendinite cheville gauche à dix jours de l'objectif. Surentraînement.
Deux mois pour me soigner et reprendre l’entraînement montagne avant l'Euskal. Ça pourrait passer crème en tournant à l'économie, mais le soucis, c'est que je suis inscrits en duo. Et mon binôme, Laurent, n'est pas vraiment un lambin. Déjà plus à l'aise que moi en temps normal, là il est carrément affûté – Il a déjà un trail de plus de 100km et les Citadelles dans les jambes depuis janvier.
Alors tant bien que mal, je fais un peu de rando sac à dos sur le GR10 avec madame, quelques sorties longues de 30/35km dans les bosses Bordelaises, quelques répétitions de cotes aussi...
A deux semaines de l'échéance, douleurs somatiques ou pas, ma cheville tiraille à nouveau, l’adducteur droit pince un brin. Laurent risque immanquablement de se charrier un boulet sur pas mal de borne...
La veille du départ :
Jeudi après-midi, c'est une bagnole chargée de six coureur qui débarque dans Baïgorry. On est tous sur le 130. L'ambiance est à la rigolade. Il règne une chaleur infernale dans le village. Plutôt que d'aller retirer nos dossards dans ce four, nous allons piquer une tête dans la piscine du VVF, notre camp de base. Nous irons d'une traite retirer nos dossards et déposer nos sacs de base de vie plus tard. Évidement j'oublierais d'y déposer mes gants et quelques autres bidules. Imbécillité qui m'obligera à charger un peu plus mon sac, pas grave, j'ai l'habitude...
Retrait des dossards, on fond littéralement.
Sur les coups de 21h, ayant tous regagné nos pénates, on s'en va se pieuter. Ça aidera à digérer tranquillement une pasta party quelque peu brouillonne (le seul point discutable d'une organisation parfaite selon moi).
Le lit est confortable et la nuit amène une certaine fraîcheur, mais impossible de trouver le sommeil avant minuit, contrairement à Laurent qui écrase direct.
Le départ, 5h00 :
Levé à 3h45, je dois avoir 2h30 de vrai sommeil dans la margoulette. Aucune importance, les mauvaises nuits d'avant course ne m’empêche jamais d'avancer. Petit dej', passage aux chiottes (x2), mise en tenue, frontale vissée sur la tête, deux hectomètres et un escalier plus tard, nous voilà dans le bourg, prêt pour la promenade.
Toute la clique Bordelaise est sur son 31. Chez les duos, il y a les habitués, Fred et David, qui vont certainement partir fort (chrono pas loin des 24h la fois précédente) – Franck et Martine, couple d'inlassables trotteurs d'une constance à toute épreuve. Romain, Pascal et Olivier, des habitués de ce genre de connerie, tous aiguisés. Il y a aussi Gérard. C'est son premier Ultra, mais pour l'avoir vu à l’œuvre récemment, surtout en descente, je sens qu'il n'est pas la pour faire du tourisme. Jérôme aussi, un des missiles de Bouliac. L'hiver dernier, j'étais content d'avoir fini un 18km une minute derrière lui... ici il nous mettra presque 4h dans la vue.
Une photo de groupe, feu d'artifice, et décompression du sas – Éjection des coureurs dans les collines Basques, c'est parti pour une joyeuse trotte de 130km !
Un rapide morceau de bitume nous écarte du village jusqu'à une première piste en pente douce. Tout le monde court, alors nous aussi. Brève redescente, et nous voilà grimpant sur le dos de la bugne d'introduction : le Jara. Un apéritif de 650m de D+ coiffé d’une antenne. On rythme notre marche, je respire par le nez et tout va bien.
Montée du Jara
Le sommet offre une jolie vue sur la vallée et les montagnes environnantes. Il est 5h57, et le ciel rosit déjà. Mais pas le temps de traîner, on rebascule illico sur l’autre versant. Le manque d’entraînement spécifique et le reliquat de mon bobo à la cheville me rendent gourd en descente. Je ne sais pas comment être à l’aise et poser mes pieds. Faut dire qu'autour de nous ça se lâche et que ça dévale sacrément vite. Au surplus, de petites portions étroites s’efforcent d’entraver mes gros panards chaussés de 47. Heureusement la seconde montée, plus sauvage, arrive promptement. On coupe à travers des étendues de fougères sous un soleil levant qui colorie tout en orange. C’est très chouette. Je papote pas mal avec Lolo. Le temps file.
Après une redescente sur piste, nous fondons sur le premier ravitaillement. C’est l’heure de prendre un second petit dej’ – On a fait 1/7ème de la course, c'est cool.
Arrivée au premier ravito, en compagnie de Gérard avant qu'il ne nous largue définitivement
"Brunchons" un petit coup.
Gaztiparlepoa : 7h41
On aborde une première pente herbeuse bien dégagée grimpant au pied des crêtes. Une petite sente en balcon nous mène sous la « cheminée d'Iparla ». Ce mur, il faut y mettre les mains pour le franchir, mais c'est assez amusant je trouve. On rejoint ensuite le chemin classique qui file le long de l’arrête jusqu'au pic de Toutoulia. La vue est splendide mais j'en profite peu.Je dois regarder où je places mes pieds tellement je suis gauche dans les caillasses.
On descend vers le col d'Harrieta, mais alors que je m'attendais à remonter vers le Buztanzelai, nous continuons à travers bois. La suite est un genre de piste étroite cabossée et assez empierrée. Ce terrain, la chaleur qui monte, mais aussi de fortes bourrasques rendent notre progression laborieuse et monotone. Laurent commence à avoir l'estomac qui travaille. Au terme d'une dégringolade terreuse assez raide que je parcours maladroitement, nous débouchons sur le col d'Ispeguy. Cette portion m'a tapé sur le système et je suis un peu chafouin.
On retrouve Romain et surtout Gérard avec qui on a joué au chat et à la souris depuis le départ : on le doublait en montée, et lui nous doublait... bah sur tout le reste : descentes et passages techniques. Ils repartent ensemble, et nous ne les reverrons plus avant l'arrivée.
Col d'Ispeguy : 9h57
Le col d’Ispeguy est un replat herbeux nu et les tentes du ravitaillement ne sont d’aucun secours pour nous protéger du soleil. La chaleur entame son travail de sape sur les corps et les esprits. La pause sera donc de courte durée. On fait le plein, on se restaure rapidement et dorénavant, je décide de faire attention à la quantité de liquide que j’ingurgite car je sais que nausée et ballonnement pourrait bien montrer le bout de leur nez.
On repart en marchant histoire de digérer un peu. De toute façon ça grimpe tranquillement en sous-bois, alors pas de frasque. A l’approche d’un premier col, le terrain se fait plus roulant et propice aux relances, mais Laurent n’est pas au mieux. Ses maux de bide refusent d’abdiquer. Nous restons donc en marche rapide, quitte à nous faire doubler. De toute façon à ce moment, si il nous restait des velléités de classement, celles-ci s’envolaient définitivement, ce qui n’est pas plus mal. Ce rythme de randonneur ne me déplaît pas. Je m’attendais à devoir tirer la langue et en définitif je peux profiter pleinement du paysage. Je regrette d’ailleurs de ne pas avoir pris ma GoPro.
Les choses se corsent au pied de l’Autza. Le sentier s’incline brutalement et va s’effilocher dans un sous-bois aux racines dénudées. On monte au pas tandis que les coureurs du 2x40km dévalent dans l’autre sens. Laurent commence à accuser le coup. Qui dit problème gastrique dit diète, et qui dit diète dit panne sèche. Juste avant de sortir du couvert des arbres, il est contraint de s’asseoir un court instant. Je ne peux rien faire pour l'aider hormis lui proposer ma dernière compote, plus digeste que des barres ou des gels. Je me pose aussi, et j'ai la tête qui tourne. Ça doit être le relâchement mais aussi cette satanée chaleur.
On atteint le sommet tant bien que mal, tel des escargots laissant une traînée de sueur dans les caillasses. Pas de repos pour autant. Après un bon gros rototo, Lolo, dur au mal, repart en marche rapide. Nous ne pouvons courir car les secousses lui restent sur les viscères. La large surface d’herbe et de cailloux se resserre peu à peu jusqu’à reformer un chemin. Les coureurs du 2x40 se font rares, mais nous croisons quelques connaissances, ce qui fait toujours plaisir. Du sommet jusqu'au village des Aldudes, il y a une dizaine de kilomètres, mais l'organisation a prévu des points d'eau intermédiaires qui s'avèrent salutaires. On peut y boire mais aussi se rafraîchir la tête et la nuque. Laurent qui recouvre peu à peu la santé recommence à dérouler. Autour du village, l'atmosphère est brûlante. Devant le bar, un tuyau d'arrosage : la félicité. Je m'offre un rinçage complet alors que le sel sur ma peau me transformait progressivement en bretzel.
Le paradis en image
Les Aldudes : 12h57
Dehors, il fait plus de 35°C, heureusement le ravitaillement se situe dans une vaste salle relativement fraîche. Il y a de quoi prendre un bon petit repas : soupe de vermicelle, pain, et surtout compote. Très utile pour l'estomac endolori de Laurent. J'en profite pour pommader mes pieds et m’alléger aux toilettes.
17 minutes plus tard, nous replongeons dans la fournaise.
Un chemin bien pentu nous arrache à cette vallée dans laquelle l'air stagne, brûlant et presque visqueux. L'effort est pénible mais nous gagnons le droit d'avoir un peu de vent à mesure que nous nous extirpons de cette combe. On groupe avec un coureur Nantais. La pente se fait moins vive ce qui nous permet de taper la causette. Nous tombons sur Pascal qui n'est pas en grande forme : victime de la chaleur et pris de vomissements, il est étalé, bras en croix à l'arrière d'une camionnette faisant office de point d'eau supplémentaire. Ça sent l'abandon...
Une connaissances, Damien, nous accroche à son tour alors que nous abordons un vaste plateau verdoyant. Il est frais comme un gardon et fait une remonté d'enfer. Il donne le tempo et notre quatuor momentané se met à trottiner avec plus d'ardeur. En regardant vers la gauche, dans le lointain, on distingue les cimes enneigées des sommets Pyrénéens, et au premier plan, adossé à un col boisé, le mont Adi. Le sentier amorce un large virage et pique doucement sous les sapins.
Hélas, le ventre de Laurent fait à nouveau des siennes. Il est tout tendu du diaphragme et les chocs lui rendent la course inconfortable. Je connais ces symptômes. Rien à faire, il faut marcher et attendre que ça passe. Nous laissons filer nos deux comparses. C'est dommage car pour une fois, c'est une descente que j'aurais pu courir avec le sourire, toute moelleuse et peu pentue qu'elle était.
Urkagia : 16h30
Le ravitaillement est posé sur le bord d'une route coupant la forêt en deux. Manque de chance, le cagnard vient frapper la tonnelle de plein fouet. Peu d'ombre donc, et mon acolyte encaisse mal la morsure du soleil. Il est est bien plus entamé que je ne le pensais. Je m'occupe donc de recharger nos deux sacs pendant qu'il va se reposer sous les arbres.
On repart sans trop traîner à l’abri des sapins qui tapissent le pied du mamelon. Un mamelon qui grimpe quand même de 500m, donc on y va piano. En jetant un coup d'œil sur le col, j'entends des applaudissements. De nouveaux coureurs débarquent, c'est Franck et Martine, je me disais bien qu'ils allaient finir par nous rattraper.
Du reste, en montée les boyaux gigotent moins et Laurent va un peu mieux. Pour éviter l'insolation, il se sert de sa pipette de camelbak pour s'arroser le cou. Moi j'opte pour la méthode du brumisateur : je lui crache de pleines goulées dans la nuque.
Quittant le sous-bois, on embraye sur un tir-fesse rectiligne longeant une clôture barbelée. Ça nous mène droit au sommet, et mon binôme me surprend en y cravachant comme à l’entraînement. Néanmoins ce bel et court effort a eu un coût. Arrivé en haut, il est occis. Il s’allonge dans l'herbe. Le moral n'est pas très bon. Nous sommes sur le point le plus élevé de la course, mais le mental n'ira pas plus bas. On temporise. Nous aviserons une fois arrivé à la base de vie, mais l'option de l'abandon est évoqué à plusieurs reprises. Outre le fait de devoir supporter nausées et maux de ventre depuis six ou sept heures, l'impossibilité de se nourrir correctement l'a laissé exsangue.
Martine et Franck ainsi que Nour-Eddine et un autre coureur nous rejoignent. Encore une bonne occasion pour bavarder, prendre des photos et de savourer une vue fabuleuse. Nous repartons en leur compagnie. Ça dévale court mais sec et Laurent a le ventre tétanisé. En contre bas il y a un joli replat garni d'une petite pelouse ombragée. On laisse filer les autres et on s'étale une nouvelle fois. Lolo est en PLS, complètement HS – J'avais imaginé pas mal de scénarios pessimistes dans lesquels je flanchais du fait de ma cheville ou de mon manque d’entraînement. Mais que mon pote si vaillant et affûté finisse dans cet état était de l'ordre de l'inenvisageable.
Photo de groupe au sommet de l'Adi, je suis tout à droite.
Nous reprenons notre lente dérive vers la base de vie. Le salut viendra d'un mini ravitaillement aux abords d'une bergerie. Laurent s'envoie de bonnes rasades de coca. Sur l'instant, je pense que c'est une connerie, qu'il va le régurgiter illico. D'un autre côté, ça ne pourra pas vraiment être pire.
Mais le gaillard me détrompe rapidement. Certes ça n'annule pas ses crampes de bide, et on ne peut toujours pas courir, mais le sucre lui donne la force d'avancer d'un pas plus vigoureux. Nous pénétrons un vaste bois à la frondaison plutôt dense, guidé par un ruisseau. Le terrain est meuble, matelassé par endroit d'un épais tapis de feuille. C'est très sympa.
Nous arrivons enfin à Urepel. Encore un dernier petit coup de rein, et voilà la base de vie tant attendu.
Urepel, entrée : 19h52
On accède à la base de vie par un large porche donnant sur une cour intérieur assez spacieuse. Les bâtiments la ceinturant occupent les fonctions de ravitaillement, douche, salle de repos ou encore WC. C’est franchement confortable. Il fait trop chaud dans la salle à manger, nous décidons donc d’aller poser nos bardas dehors, ou l’air est moins étouffant. Nous voilà donc avachi par terre, pied nus, en train de nous refaire la cerise. On a plus trop envie d’abandonner. En tous cas, moi je me porte comme un charme. La chaleur décrois et on sent bien qu’une « nouvelle course » va pouvoir commencer.
C’est terrible de se dire que l’état physique de Laurent est, du point de vue de mon corps, un mal pour un bien, car finalement je suis en mode touriste depuis le début. Je n’ai que peu souffert de la chaleur, et mon ventre m’a fichu la paix tout du long.
On rencontre à nouveau Martine et Franck qui s’apprêtent à repartir. Ils nous disent avoir croisé Fred et David. Ils ont décampé depuis une bonne demi-heure mais apparemment, ça n’étais pas la grande forme, surtout pour David qui a choppé des soucis gastriques.
De notre côté, on effectue une révision complète. Une douche salvatrice évacue sel et crasse de nos corps, mais aussi la lassitude de nos caboches. C’est un pur bonheur. Nous nous offrons aussi un bref massage chez les kinés. Je suis à la limite d'en baver sur la table. Côté restauration, je m’enfile une bonne assiette de pâte, trois godets de soupe aux vermicelles, autant de compotes, ainsi qu'une poignée d'autres bricoles.
Je recharge le sac en bouffe et en flotte, car j’ai tapé toutes mes réserves alimentaires sur la première partie. Sur le départ, nous tombons sur Pascal. Je pense qu’il vient de se faire déposer ici en attente d’une navette pour retourner sur Baïgorry. Que nenni ! Il a réussi à s’extirper de son corbillard et à parvenir jusqu’ici. Il est toujours en course le bougre, et ça c’est cool !
Nous avons pris racine ici une bonne heure et demi, mais c’était nécessaire. La fin du jour est proche, alors nous ajustons nos frontales. Juste avant de quitter ce havre de paix, j’interroge une bénévole sur l’éventualité de pluie et d’orage. Elle me dit de lever la tête. Le ciel est d’ardoise, plus un coin sans nuage. Ok, j’ai ma réponse.
Urepel, sortie : 21h23
Bien requinqué, nous remontons la route quittant le village. Dix minutes plus tard, quelques coups de tonnerre éclatent. De grosses gouttes moles s’écrasent sur le bitume. Nous quittons la chaussée par un sentier qui s'élève. Le crépuscule s'étend sur la vallée, nous sommes isolés sous l’orage. Ce moment éphémère sera fantastique. Ça sera incontestablement un de mes meilleurs souvenir sur l'Euskal.
Une fois la nuit installée, notre marche se fait plus rébarbative. Ça mouillasse paresseusement tandis que nous pénétrons une longue zone boisée. Laurent qui a tourné à l'économie jusque ici peut enfin donner le tempo. Ça fait plaisir, même si je crains à mon tour de tirer un peu la langue.
L'ascension s’interrompt en même temps que la forêt. Nous continuons sur une sente qui court à flanc de prairie. Quelques nappes de brouillard nous oblige à être attentif au balisage. Ensuite, après un bref retour dans un enchevêtrement d'arbres et de rochers, nous franchissons un dernier petit col. Nos frontales nous permettent seulement de deviner le décor, mais ça à l'air assez sauvage et vertigineux. L'atmosphère est mystérieuse, j'aime ça.
S'en suit au moins cinq bornes de piste en descente douce, principalement sur le GR11. Rien de fantastique à noter, sinon que nous pouvons enfin dérouler tranquillement. On adopte une foulée très économe dite du « petit-pépère-qui-rase-les-cailloux ».
La pluie s'est quasiment arrêtée. Quelques mulots inconscients traversent juste devant nos pieds et des papillons de nuit viennent se coller à nos frontales. Il est minuit passé lorsque nous arrivons à Burguete.
Burguete : 00h33
Il fait bon dans cette grange de taule. Les bénévoles ont préparé de l'omelette, et c'est délicieux. On s’envoie du thé bien chaud et bien sucré aussi, ça nous changera du coca. Nous en ressortons bien ragaillardi.
Je ne sais pas trop ce qu'on a foutu ensuite. Le terrain était facile mais nous nous sommes contentés de marcher tranquillement en bavardant. En nous entendant piailler comme des sansonnets, le staff sécurisant la traversée de Roncevaux n'hésite d'ailleurs pas à nous chambrer.
On attaque une bosse de cinq cent mètres. D'un coup ça jacte moins. Laurent mène la danse, et je dois me concentrer pour le suivre. Non pas que le souffle soit court, je respire toujours par le nez - comme dans toutes les ascensions depuis le départ en fait - Musculairement aussi je suis bien, mes pas sont encore assurés et vigoureux. Par contre la monotonie de ce sous-bois m’emplis de lassitude. J'ai l'impression de fournir un effort fatiguant sans me fatiguer, tout en étant fatigué, bizarre non ?
Après ça, J'ai le souvenir d'un genre d'arche de bois que nous traversons suivit d'une une succession de pistes dégagées. C'est très venteux, nous sommes cueillis par de grosses bourrasques tiédasses, mais on peut clopiner facilement. On recommence à croiser du monde aussi, et Laurent est en joie car il s'est trouvé une menthe à l'eau lors d'un ravito surprise.
Egantza : 3h42
La bergerie est assez étriquée. A l'entrée, je manque d'arracher la tonnelle et les guirlandes lumineuses avec les bâtons qui dépassent de mon sac comme deux antennes. Je le dépose à l’extérieur et on va s'enfiler quelques compotes et du thé.
Quelques minutes plus tard, nous plongeons vers Arneguy. L'entame de cette descente est très casse couille. C'est une sente mal dégrossie, plus taillée pour des pieds de Hobbit que pour mes gros panards de troll. Ma démarche est chaotique et je dois régulièrement me baisser pour éviter des branches basses. Un gus au ravitaillement nous a dit qu'on en avait pour mille mètres de négatif sur huit bornes. Si c'est comme ça jusqu'en bas, ça risque d'être long.
En vérité, au bout d'une vingtaine de minutes, le bordel se calme et le chemin se fait plus présentable. Lolo veut courir, alors j'active mon mode foulée pépère. Il a repris du poil de la bête le corniaud. Je suis même obligé de le freiner un peu de peur de le payer cash dans la prochaine bosse. On reprend pas mal de concurrents, tout le monde marche sauf nous. Pour une fois...
Arneguy : 5h07
La petite bourgade est endormie. On essaye de ne pas trop s'attarder parce qu'on sent bien que la fatigue commence à envahir tout le monde, que ça soit coureurs, accompagnateurs, ou bénévoles.
Après une brève collation, nous attaquons l'ultime bosse du parcours. Un bon kilomètre vertical étalé sur douze bornes, ça ne devrait pas être bien vilain, surtout que je connais les hauteurs pour m'y être entraîné il y a peu. Ce sont de larges lacets de route qui nous conduisent jusqu'au premier palier. En tête, je donne le tempo, en mode « marche active ». Je suis totalement comateux, Laurent aussi, on ne cause plus beaucoup. Il m'arrive de fermer les yeux pendant quelques foulées. J'ai déjà été vaseux à ce point, mais généralement c'est au delà d'une trentaine d'heures debout. Je met ça sur le compte de la journée caniculaire de la veille.
l'Adartza et le Mendimotza en ligne de mire, photo prise lors d'un entrainement.
Heureusement l'aube nous revigore. Un gel goût café aussi. Le soleil commence à éclairer les prés que nous traversons, avec l'Adartza et le Mendimotza en ligne de mire. Nous laissons derrière nous une mer de brume. Nous avons dû cheminer bon train car nous remontons sur pas mal de monde. Nous voyons de petites silhouettes fluo s'agiter au loin. À un moment, je dis à Laurent que je crois distinguer Martine et Franck devant nous. Il me dit que c'est la fatigue, que je vois ce que j'ai envie de voir. Sauf qu'une de ces silhouettes se retourne justement et se met à nous faire des signes.
C'est l'heure des retrouvailles, nous rejoignons le duo infernal ainsi que Karine Sanson, une de nos championne locale, et le coureur Nantais. Nous sommes sur la piste qui contourne l'Adartza. Ça avance vite, on sent que l'écurie est proche.
Ehuntzaroï : 7h29
Nous débarquons tous les six dans cet avant-dernier ravito. Je m'éclipse discrètement dans les fourrées dernière la bicoque pour satisfaire un besoin naturel pressant. Les bénévoles se font cuire une entrecôte au barbuc', mais bon, je me contenterais d'un bon café et de quelques morceaux de bananes.
Nous repartons en quatuor avec Martine et Franck, les autres ayant déjà pris le large. Le coup de cul final de trois cent mètres à l'air assez sec, mais j'aime décidément bien la grimpette. Je me mets devant, tranquille et toujours en mode marche-rapide-mais-pas-trop. Martine me chambre derrière, soit disant que ce mode pépère n'est pas très pépère. N’empêche, nous voilà au sommet, et tout le monde suit.
Le temps de pointer en haut, et on bascule directement droit dans la pente. Là je laisse Laurent mener la danse. C'est vraiment raide. Les coureurs autour de nous descendent à pas de loup. Le problème, c'est que même en mettant le frein à main, c'est fatiguant et pénible. On se lâche un peu du coup, sans pour autant dévaler. Nous doublons le Nantais ainsi qu'une petite dame de la vallée d'Ossau avec qui nous étions descendu sur Urepel quelques heures plutôt. Martine et Franck ne sont pas loin, mais Laurent me dit qu'il a hâte d'en finir et qu'il veut courir un peu.
Soit, on trotte, et plus on trotte, moins on a envie de marcher. On court à travers les fougères sur un terrain ondulé plutôt descendant. Nous galopons même lorsque ça grimpe. Musculairement, tout va bien, c'est comme si cette cadence plus soutenue m'avait dégrippé les jambes. Néanmoins le soleil recommence à taper. Je demande à Laurent de ne pas trop s'enflammer parce qu'il serait fâcheux que je coule une bielle si prêt du but.
Col d'Adartza : 8h54
C'est le dernier CP. On y passe juste pour se jeter de la flotte sur la figure et on file aussi sec. De là, le sentier décrit un arc et contourne toute la bugne d'Ohilarandoï. Laurent est « on fire ». Plutôt que de lui demander de ralentir, je me fais un peu violence pour le suivre. On passe un dernier court replat, et c'est parti pour l'ultime descente. Alors autant le dire tout de suite, j'ai l'habitude de finir mes ultras plutôt en forme, donc généralement je cours pas mal sur les dix derniers kilomètres. Mais là, cette descente... je n'ai jamais fini aussi fort. Nous piquons à travers un brouillard rafraîchissant. Laurent met tout de suite les gaz. Je rechigne un peu, mais les cuisses répondent étonnamment bien, pas un pet de courbature. La cheville ne tiraille pas non plus. En fait ça fait déjà un sacré bout de temps qu'elle ne m'embête plus. Alors on y va, tout schuss. C'est un des trucs positifs dans le fait de courir à deux : ça me pousse à sortir un peu de ma zone de confort.
C'est pentu mais pas pas très technique, alors grisé par la vitesse, on accélère encore. On rattrape des gens, on double Karine juste avant de déboucher sur le bitume. Mes La Sportiva ne sont vraiment pas faites pour le goudron, elles tapent dures. J'essaye de mouliner sur la pointe des pieds, et ça passe plutôt bien. Dans le dernier lacet, à tombereau ouvert, nous reprenons un quatuor. Ce sont des coureurs qui nous avait doublé dans l'ascension de l'Adi. Ils nous demandent si nous sommes les premiers du 2x25km. «Même course que vous ! » leur lançons nous à la volée, tout sourire.
On tâche de maintenir l'allure sur le plat menant au bourg. Le pont franchit, je jette un œil pour m'assurer que personne ne revient. C'est bon, nous pouvons passer l'arche sereinement, main dans la main. Il est 9h33, il y a du public et nous sommes chaleureusement accueillis par le speaker et par nos collègues Bordelais déjà arrivés.
Je suis sur un petit nuage, super content d'avoir mené ce trail jusqu'au bout avec mon pote Laurent. Nous aurons mis 28h33'52'' pour boucler cette belle aventure. 7ème sur 32 équipes au départ et... seulement 13 arrivées. C'est un chrono que même moi je qualifierais de moyen, mais compte tenu des circonstances, j'en ai un peu rien à foutre – Je crois que sur de l'ultra, je préfère un chrono sans saveur et une course riche en émotion plutôt que l'inverse.
Epilogue :
Posé dans la salle où un copieux buffet nous attend, nous retrouvons Nour-Eddine qui a fini une vingtaine de minute devant nous. C'est agréable de se remémorer les temps forts de notre longue balade en sirotant un bon café et en s'enfilant chorizo, salade de riz, et parts de gâteau basque (une tuerie ce gâteau soit dit en passant).
Physiquement, tout va bien, aucune douleur suspecte à signaler. Encore une fois, je finis en très bon état. Mes pieds sont chauds, un peu gonflés, mais zéro ampoule à déplorer. Pourtant, je les avais un peu abîmé avant la course en me faisant une pédicure maison au cutter un peu foireuse. Ma cheville gauche n'a pas souffert non plus. Et quand je repense à notre dernière descente, je me dis que nous avions encore pas mal de fuel dans les cuissots.
Quand à la course elle même, pour résumer mon point de vue : Pas mal de difficulté sur la première partie, et une chaleur écrasante qui a rendu les choses assez compliqué (55% d'abandon sur l'Ultra). La nuit fut nettement plus simple et plus roulante.
Sauf coup de mou très ponctuel, je n'ai pas eu l'impression de faire face à une adversité insurmontable. C'est mon compañero qui a vraiment du mérite de n'avoir pas lâché l'affaire lorsqu'il était au plus mal.
Nous aurions théoriquement pu faire beaucoup mieux. Mais les desseins de la providence sont insondables. Si le maillon fort de notre duo n'avait pas eu ses problèmes de bide, nous n'aurions pas pris autant de retard durant la première journée. C'est un fait. Mais dans ce cas, c'est certainement moi qui aurait fini par traîner la patte, explosant sur la seconde partie de course. De toute façon, avec des si...
Et si faire une course en duo n'est peut être pas le meilleur moyen d'aller taper un chrono optimal, c'est en revanche l'occasion de se soutenir mutuellement dans les moments difficiles, d'assurer la ligne d'arrivée, mais surtout de bien se marrer entre pote. Rien que pour ça, c'est cool. À refaire sans hésitation.
Quelques enseignements que je tacherais de retenir en guise de conclusion :
Je n'ai pas réitéré la connerie commise sur l'UT4M, à savoir porter des tee-shirts bas de gamme, genre truc de finisher. Résultat : pas une abrasion en fin de course.
Quand il fait très chaud, les compotes, c'est le bien, même si ça pèse plus lourd dans le sac.
Quand il fait très chaud, se servir d'une montre pour boire à intervalle régulière et éviter ainsi de trop se remplir l'estomac.
Quand il fait très chaud, la saharienne c'est cool (on a l'air con, mais c'est cool).
Le thé sucré est une excellente alternative au coca.
J'ai des bâtons monobrins. Habituellement, sur des formats plus montagnard, ça ne me dérange pas. Soit je les dégaine pour une montée de plusieurs heures, soit je les range pendant les longues descentes. Sur l'Euskal, l'alternance montée/descente est beaucoup plus courte. Je me dis que sur ce genre de course, des multi-brins doivent être plus adaptés aux variations de rythme.
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