L'auteur : Laurent V
La course : Trialong Ile-de-France - XL
Date : 18/9/2016
Lieu : Bois Le Roi (Seine-et-Marne)
Affichage : 920 vues
Distance : 112.9km
Objectif : Pas d'objectif
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Dimanche 18 septembre 2016. Quand mon réveil sonne, à 4h30 du matin, je suis déjà réveillé. Comme souvent les nuits précédant les courses matinales, impossible de dormir convenablement. Réveil toutes les heures. En plus de l’appréhension liée à cette course longue distance (120 km en tout avec 1,9 km de nage, 97 km de vélo et 21 km de course à pied), je dois faire face à ma crise d’asthme automnale. Cela fait plusieures nuits que je me réveille régulièrement et suis obligé de prendre une bouffée de Ventoline pour respirer convenablement. Pas les meilleures conditions.
J’avoue que si je n’avais pas donné rendez-vous pour un covoiturage à mon pote Stéphane, j’aurais hésité à me recoucher, prétextant ce futile asthme (et je l’aurais regretté pendant des mois, bien sûr).
Bref, à 5h45 du matin, dans le noir et sous la bruine, nous chargeons les vélos et en route pour Bois-le-Roi.
Arrivée à la base de loisir au levé du jour. J’aime cette effervescence des 500 coureurs animés sur le parking encore obscur (326 participants pour le triathlon et environ 200 pour un duathlon). Tous occupés à régler leurs vélos, y scotcher des gels énergétiques, à enfiler la trifonction. Quelques mots échangés, mais chacun est déjà dans sa bulle. Plus rien ne compte vraiment que la course à venir.
Arriver dans le parc à vélos, préparer méthodiquement les affaires dans l’ordre de la course. Virer deux barres énergétiques de la trousse sur le cadre de mon vélo pour les remplacer par ma Ventoline. On ne sait jamais. Enfiler la combinaison en néoprène, le bonnet de bain, les lunettes, et déjà il faut se diriger vers la plage.
Départ à 8h40 pour deux boucles de 950 m avec sortie à l’Australienne. Première surprise : l’eau est bonne, même très bonne (20°C). Deuxième surprise : je vais enfin réussir, après deux ans d’entraînement, à nager 1 900 m tout au crawl, ce qui est un exploit pour le piètre nageur que je suis. Certes, il me reste encore énormément à progresser dans cette matière, mais je vais avoir la joie de gagner 10 mn sur le même parcours natation par rapport à l’année dernière, où je l’avais fait 100 % à la brasse. Objectif : continuer à m’entraîner pour gagner encore 10 mn l’année prochaine.
Sortie de l’eau dans les 10 derniers en 52 mn. J’étais sorti avant-dernier l’année passée en 1h02 : je progresse ;-)
Je cours vers le vélo, tellement heureux de m’être débarrassé de mon épreuve épouvantail (je craignais sincèrement de ne pas passer la barrière horaire de 1h10 pour cette première épreuve).
Je file au parc à vélos, j’enlève ma combinaison, enfile mes chaussures, mon casque, mes lunettes et en route. Très vite je rattrape des coureurs (c’est ça ce qui est bien de sortir en dernier de l’eau, c’est qu’après on ne fait que dépasser, sans se faire reprendre par personne).
Le parcours vélo consiste à enchainer 2 boucles de 47 km, avec environ 3, 4 km de jonction à partir de la base de loisirs, soit un parcours de près de 100 km. Quelques petites montées, mais rien de bien méchant (505 m de dénivelé positif et 505 m de dénivelé négatif). Le parcours n’est pas particulièrement roulant, et un certain nombre de ralentisseurs sont à déplorer dans les villages traversés (mais on pouvait difficilement demander de les enlever, hein !).
Le fléchage est bien fait et les bénévoles sympathiques. Je pense à celle-là qui se fera engueuler par un automobiliste qu’elle avait arrêté pour me laisser passer. Merci à vous, Mademoiselle.
Le plus dur est finalement de tenir sur la longueur. C’est long, 98 km à vélo, c’est long 3h29 à pédaler.
Retour au parc à vélos. Heureux de descendre du vélo, d’enfiler mes running, ma casquette et c’est parti pour 21 km de CAP. Un coureur au départ avec moi de cette ultime épreuve me dit : « et dire que le plus dur reste à faire ». Je lui souris, compatissant. Il a raison, mais ne surtout pas y penser.
Le parcours est constitué de 3 boucles de 7 km, dans les bois. Je me lance, entouré de coureurs en étant à leur 2ème, voire leur 3ème tours. Ce qui est dur, c’est lors du passage à côté de l’arrivée, quand il est fléché, à gauche « 2ème et 3ème tours » et à droite « arrivée ». Voir des coureurs tourner à droite et se lancer à gauche, pour encore 14 ou 7 km. Surtout ne penser à rien, ne pas imaginer le parcours restant, juste avancer pas à pas, sans se poser de question.
Je calcule que, vu mon piètre niveau de natation par rapport à celui de mon ami Stéphane, mais vu aussi mon meilleur entraînement que lui en CAP (pour un niveau de vélo équivalent), je pourrais le rejoindre vers le km 10.
Arrive le km 9 et que vois-je devant moi, au bout du chemin et en trifonction rouge : Stéphane ! Je me dis que je pourrais être un coach terrible, que je connais trop bien mon équipe (il est vrai composée que de deux personnes, dont moi) et je n’accélère pas : je sais que j’ai un km pour le rattraper.
Arrive donc le km 10. Stéphane m’entend souffler derrière lui, sans me reconnaître. D’un signe de la main, il me fait signe de le dépasser dans cette étroite portion de chemin. Je lui réponds : « Il n’en n’est pas question ! on va le finir ensemble, ce triathlon ! ».
Après avoir échangé quelques instants, il me dit qu’il a vraiment besoin de gérer tranquillement sa fin de parcours, qu’il a des crampes, et il m’invite à ne pas l’attendre. Chambreur même à l’agonie, il ajoute : « comme ça tu me battras au moins une fois cette année ». Je n’insiste pas et repars à mon rythme.
Dieu que ce semi est long ! je suis dans le mur vers le km 12 (après plus de 5h30 de course quand même). Je ne panique pas, je sais que la machine va ralentir, mais qu’elle ne calera pas. Ne surtout pas marcher, peur de ne pas repartir. Causerie intérieure. Je pense à mon Oscar de 10 ans qui aime à me répéter, quand je veux cesser un jeu ou une balade avec lui, « un triathlète ne renonce jamais ! ». Donc je ne vais pas renoncer.
J’attends les points de ravitaillement comme un port d’escale lors d’une tempête en mer. Je me raccroche aux verres d’eau, de coca, je reprends un raisin sec, puis encore un autre, comme un condamné tirerait jusqu’au bout sur se dernière cigarette. Puis je repars, sous les mots réconfortants des bénévoles. Je repars.
Les km défilent. Arrive le moment où je peux m’autoriser à faire le compte à rebours. Nouvelle causerie intérieure (quand je vous dis que je pourrais être un coach) : j’imagine les parcours que je connais par cœur : « il reste 3 km, c’est rien, c’est comme si tu étais à l’Ecole militaire ; plus que 2, comme en bas du boulevard Pasteur…, la maison est proche ».
Dernier km. Retour à la bifurcation tant attendue où je vais enfin pouvoir tourner à droite au lieu de repartir pour un tour à gauche. Je vois deux coureurs 400 m devant moi. L’esprit de compétition me ranime. Je sprinte et les dépasse par surprise (ils ne m’avaient pas vu venir) juste avant ce fameux virage à droite. Et là, déconvenue. Je croyais que l’arrivée était juste après, mais il y a bien encore 500 m à parcourir. Comme je ne veux pas me dégonfler devant mes deux compétiteurs, je continue à accélérer, mais je suis clairement en train de taper dans les réserves. Ils ne reviendront pas et je passe finalement la ligne d’arrivée, vidé. 2h10 pour un semi-marathon, alors que je le cours normalement autour de 1h40.
Finalement, je termine 267ème sur les 326 partants, en 6h35. J’ai donc remonté 53 coureurs après la natation. Mais peu importe le classement. Ma victoire est sur moi. Je suis heureux de ne me pas être recouché à 4h30 du matin. Heureux d’avoir réussi à me convaincre de me jeter dans ce lac, moi le mauvais nageur. Heureux d’avoir réussi à oublier mon asthme pour enchainer les quelques 100 km de vélo. Heureux d’avoir résisté au mur pour terminer le semi-marathon.
Plus que jamais, je me suis rendu compte que ce sport est avant tout un défi personnel et la victoire porte sur ses propres limites. Je suis heureux d’avoir, à nouveau, élargi encore mon propre horizon.
Quelle que soit la performance, quel que soit le classement, finir un triathlon longue distance reste une aventure. Et quelle aventure.
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2 commentaires
Commentaire de marathon-Yann posté le 20-09-2016 à 16:06:07
Bravo pour ce beau récit et cette belle performance ! Ca fait plaisir de lire, au gré de tes récits, tes progrès en natation, et ton enthousiasme toujours intact.
Commentaire de Aloysius35 posté le 22-08-2017 à 09:13:52
Ouaou merci pour ce super récit ! Ça motive ça motive, je serais sur le départ de ce triathlon cette année ! Félicitation et bon courage si tu la retente en Septembre !
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