L'auteur : vive le chiapas
La course : Trail des Citadelles - 40 km
Date : 27/3/2016
Lieu : Lavelanet (Ariège)
Affichage : 2721 vues
Distance : 40km
Objectif : Faire un temps
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Pour mon 2ème 40 km sur les Citadelles, je me suis mis un peu la pression. L’année dernière, c’était la première fois - et de loin - que je courrais plus de 4h d'une traite, et l’objectif était surtout de finir. Cette année, je voulais le passer plus vite. D’autant qu’il y a mon pote Fred, et que je sens que ça va être compliqué d’être devant lui. En plus le Frédo il est un peu chambreur, et même si je me doute qu’il va me la coller, je ne peux pas m’empêcher d’y croire un peu (c’est moi le régional de l’étape). Sur la ligne de départ, on se met dans le ventre mou avec Fred et Thibault, cherchons mon père qui a disparu.
Le départ est sympa, il permet bien de se mettre en jambe sans se mettre dans le rouge et avançons tranquillou avec les potos. Surprise, on trouve mon père qui en fait s’était mis devant au départ, le coquin. C’est un peu le signal du départ et on commence à mettre un peu de rythme avec Fred. Passées les portions alternant roulant et côtes où l’on marche parfois, on rentre dans le vif du sujet avec la longue montée sur Montségur qui se fait en marchant (en tout cas pour moi). On reste alors globalement groupés avec quelques coureurs, et en particulier 2 nanas qui vont passer TOUTE la montée jusqu’en haut de Montségur à discuter, tout en balançant quelques relances dès que la pente se fait moins forte, impressionnant! Elles finiront 4 et 5è féminines en ayant l’air ultra à l’aise, à mon avis ça sentait la prépa pour un truc plus long. Dans l’histoire je perd Fred qui est parti devant.
Arrivés sur les flancs de Montségur, on croise les tout premiers qui descendent déjà comme des avions. Le traditionnel chassé / croisé avec ceux qui nous précèdent dans la montée, puis ceux qui nous succèdent dans la descente se fait avec grande courtoisie, faite d’ « allez courage !» ou « vous y êtes !». J’y croise Thib, pas très loin, qui a l’air pas mal, et Papa, tout en bas, un peu moins fringant que l’année dernière. Mais pas Fred, ce qui me fait dire que je suis pas loin derrière. Le paysage, vu d’en haut, y est sublime, ça doit faire la 4000è fois que je monte à Montségur, et c’est pas celle où je me serai le plus attardé pour admirer le village de Montségur ou les gorges vers Bélesta. A vrai dire, je suis assez concentré sur mon effort, surtout que j’ai eu un petit coup de moins bien dans la montée, avant d’arriver au pied de Montségur qui m’inquiète un peu.
La descente sur Montferrier se fait à bon rythme, et j’arrive au premier ravitallio de Montferrier où, surprise, j’y trouve Fred, eh eh, je pensais ne jamais le revoir… On repart assez vite ensemble, et je vois que j’ai une dizaine de minutes d’avances sur l’année dernière, ce qui m’encourage un peu, parce que je sais que si je n’arrive pas occis au pied de la dernière côte (Raissac), je pourrai gagner encore 10’ (l’année dernière, je l’avais monté comme un nonagénaire non Ariégeois). Fred n’est pas au mieux dans la petite côte après le ravit et je l’encourage puis prend un peu d’avance. La descente est vraiment belle, je la fais assez cool, et Fred me passe comme une balle. En fait, je me fais doubler par pas mal de monde dans cette descente, et réalise petit à petit que je ne suis pas trop en cannes. J’ai mal au bide, envie de vomir, n’arrive pas à avaler quoi que ce soit et commence un peu à m’inquiéter. Les contreforts de Roquefixade ne me donnent pas gros espoir, je les fais en marchant au train et continue à bien me faire doubler. Je me dis que je vais agoniser dès que ça va monter sec… Je m’arrête un instant sur la fontaine de la place du village, ça me met du baume au coeur, les gens sont sympas (au trail des Citadelles, les gens sont SYMPAS, y’a la moitié de l’Ariège sur le parcours à t’encourager, les gosses à te taper dans les mains, les pépés et mémés à te couver de leur regard bienveillant - seul bémol, un chien mal luné qui a essayé de me choper un mollet, mais là encore, je me demande si c’était pas pour me faire avancer plus vite), je me nettoie un peu la boue de ma seule (et unique!) chute et repart, sur mon chemin de croix, pour les rudes pentes du château, en sentant le point de rupture pas très loin et l’estomac pas loin de mes lèvres. Miracle Ariégeois, je sais pas si c’est l’esprit des résistants de la deuxième guerre, assez présent dans le coin, des cathares morts pour leur résilience, ou plus probablement que je fais honneur à l’esprit de Pâques, et que, tel Jésus, après m’être coltiné cette croix dans le dos tout ce chemin et avoir jeuné tant et si bien, je ressuscite à l’endroit où je m’y attendais le moins, en haut de Roquefixade! Je m’arrête tout en haut, à l’endroit où je sais qu’il n’y a plus un centimètre de D+, admire le paysage à 360°, romps le jeûne avec une belle rasade d’eau pure (sans vomir!), et entame la très belle (et technique) descente jusqu’à Roquefort les cascades. Je file à toute blinde derrière un monsieur à la cinquantaine bien tapée (à qui, en tant que Jésus ressuscité, je décerne le titre d’apôtre en chef) et qui a tout compris par où passer dans ces méandres boueux, et doublons à foison un bon paquet de disciples, qui se mettent alors sur le chemin de mon apôtre et moi (le droit chemin, quoi).
Arrivé à Roquefort les Cascades, mon trip mystique se dissipe assez vite avec le souvenir de l’année dernière et de ces 10 derniers km interminables où l’on doit enchainer la première côte de Péreille, et surtout, surtout, mon Alpe d’Huez à moi, Raissac (prononcez RRRRRaïsssac) et ses 300m de D+ en 1 km où j’avais failli y laisser la vie. Donc en mode éco sur le plat et les petites côtes, mais je me rend compte que j’ai du quand même bien bosser ces dernières semaines parce que je suis en canne et que je double encore du monde. Vers Péreille, le premier du 73 nous passe enfin, et ce n’est pas Nahu. Mais Nahu,, mais t’es où, mais t’es pas là ??? (on a tous des idoles, moi c’est Nahu, je l’ai même encouragé sur les pentes du col du Taïbit cette année à la diagonale des fous avec un tonitruant « Allez l’Ariège », il s’était retourné avec un grand sourire, style hyper zen et m’avait dit un truc du style « t’es d’Ariège? », alors j’avais répondu hyper fier mais un peu con « ouais » même si c’est pas tout à fait vrai, mais c’était difficile de rentrer dans une explication de texte au km 80/160 du Grand Raid, sur une pente de 40%, là où ton coeur pulse au repos à 178, et celui de Nahu à 76, et c’est là que j’ai su que toute ma vie je serai un grand fan de Nahu). Bref c’était pas Nahu, WTF ??? J’ai dit ça au gars qui courait à côté de moi, mais il s’en cognait un peu, il était pas ariégeois, je crois. Bon, je continue à courir, arrive au ravit de Raissac, tant redouté, voit que mon coup de mou Cathare-tique n’a pas trop entamé mes réserves d’avances par rapport à l’année dernière et qu’il me reste une quinzaine de mn d’avance sur mes temps de 2015 (oui, les puristes me diront qu’on a raccourci de 400m, moi franchement, je ne l’ai pas vu). Je me prépare à une longue agonie… Un bref coup d’oeil en arrière et je vois une cordée de 5-6 gars pas loin, ils vont me manger c’est sûr. J’avance au train, mais le leur est plus rapide, et comme je suis un gars très courtois (et décidément pas le plus grand spécialiste des côtes à gros dév), je les laisse tous passer d’une traite en essayant de rester le plus digne possible. Bref encore, cette montée est finalement bien avalée (qui l’eut crû?), et dès qu’elle se radoucit un peu, je me sens des ailes pour entamer un finish à la Iker Carrrera sur les dernières crêtes casses-pâtes à souhait. Pas de bol, je me retrouve 2 caniches (ou des pinchers nains, un truc du style), accrochés à chacun de mes mollets, et qui, dès que j’entame un mouvement de flexion plantaire, serrent un peu plus fort leurs canines sournoises. Mes premières crampes ! (de ma vie!!!). ça doit très probablement être une conséquence de mon épisode mystique où j’ai jeuné pendant plus de 2 heures entre Montferrier et Roquefixade. Les boules, je me relance finalement, et cours avec les cuisses (ça donne un style assez enlevé). Une coureuse me double à bon train (je verrai plus tard que c’est une V2F) et me mets en tête de la suivre. Nous doublons un paquet de monde, d’autant plus qu’on récupère sur la fin les coureurs du K20, mais n’arrive pas à me rapprocher à moins de 20 mètres d’elle. Je vois que derrière, 2 gars reviennent petit à petit sur nous, et quand ils sont bien prêts, leur fait signe de me passer sur la droite, et là, ma 2è vision mystique de la journée, Nahu, en sang, descendu de sa croix, poursuivi par un gars (probablement un des brigands qui lui tenait compagnie), qui passe majestueusement. J’ose pas pousser un cri d’encouragement, allez expliquer que vous encouragez le prophète ressuscité sur un trail, mais j’oublie du coup alors un peu les pinschers accrochés à mes mollets, descend vaillamment la dernière côte en m’accrochant à la fameuse corde (pour le fun un peu, cette année y’avait pas grand besoin) et finit le torse bombé, en 5h22 et quelques secondes, 30 minutes de moins que l’année dernière (l’année prochaine, promis - juré, je serai le mec qui franchirai la ligne d’arrivée, à l’agonie, quelle que soit la météo, en 4h59’59’’).
Je retrouve Fred qui m’a quand même collé 10’ dans l’histoire et me console avec trois bonnes bières en attendant les potos et la famille qui arriveront au fur à mesure, en me régalant de voir les gens de toutes les distances arriver, je les trouve tous bien classes dans leur effort, et me dit, ému (les bières et la déshydratation ayant fait effet) qu’on fait un bien beau sport!
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2 commentaires
Commentaire de Yvan11 posté le 31-03-2016 à 11:08:54
Un bien beau sport et un bien beau récit.(J'adore l'épisode réunionnais avec Nahu !)
Commentaire de vive le chiapas posté le 31-03-2016 à 20:56:11
merci! Episode réunionnais 100% véridique!
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