L'auteur : PaL94
La course : Andorra UT Vallnord / Ultra Mític
Date : 21/6/2013
Lieu : Ordino (Andorre)
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Distance : 184km
Objectif : Terminer
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RONDA 2013
Dans l’ultra Trail, l’Andorre est une terre d’exception par sa technicité, la beauté de ses montagnes et la spécificité de cette principauté.
En 2012 mon ami PAM s’était mis en objectif de faire le Mytic (112 km 9700d+) après une première tentative en 2010 qui nous avait convaincu du caractère exceptionnel des courses de l’Andorra UltraTrail.
Après une préparation optimale, PAM qui voulait partager cette épreuve, m’avait convaincu de le rejoindre pour cette nouvelle édition. J’avais l’année précédente terminé l’initiatic aujourd’hui remplacé par le Celestrail moins dur et je n’étais pas rassuré sur mes capacités à pouvoir lui tenir compagnie jusqu’au bout. En effet 2012 était pour moi ‘’L’annus horribilis’’ et tout y était voué à l’échec dans plusieurs aspects de ma vie.
Il faut croire que la vie nous réserve toujours des surprises à rebrousse-poil car par un phénomène connu des grands sportifs, PAM connu cet épouvantail qui est le ‘‘Jour sans’’ alors qu’il était au top pour faire une perf’ comme on dit dans notre jargon. Comble de l’injustice, moi qui étais au trente-sixième dessous, je finis par passer l’arche d’arrivée sur un petit nuage. Il était donc prévisible que nous retenterions le coup, lui pour effacer ce jour sans et moi pour me confronter à l’épreuve sans jour avec.
Gérard Martinez et Valérie Lafleur le couple d’organisateur de cet évènement sportif m’avaient convaincu de laisser mon futur dossard du Mytic pour celui de la Ronda, certes plus longue mais a priori moins pentu (tout proportion gardée) que le Mytic. Cela me convenait car la Ronda part 15h avant le Mytic, ce qui me laissait entrevoir la possibilité de faire route commune sur un bon quart de parcours avec PAM plus véloce, voire de terminer avec lui.
Hélas le ciel et la météo furent contre ces beaux projets. PAM tergiversait, attendait l’évolution de l’enneigement d’Andorre et ses résultats de l’Ultrarace pour se positionner sur son inscription. Hélas l’Ultrarace fut annulée toujours pour cause d’enneigement et il fut trop tard ensuite pour s’inscrire à l’AndorreUltraTrail. Je dus donc me résoudre à partir seul défendre les couleurs de Pégo.
L’enneigement toujours et la météo ensuite contraignirent les organisateurs à revoir leur parcours pour un format plus léger de 171 km et 12100 de D+ avec une altitude moyenne en course de 200 d+ inférieure. Cela semblait plus abordable mais cela ne le fut pas. En effet le Mytic, empruntant 80% de son parcours à la Ronda, vit son taux de finishers, le plus bas des 4 dernières années malgré des conditions météo optimales. Où était donc la difficulté ? Sur le terrain, détrempé voire neigeux qui mirent à mal les pieds des concurrents et les poussèrent à l’abandon.
Mes reconnaissances m’ayant fait mesurer ce risque pour mes pieds sensibles à l’humidité, je partais ce vendredi à 7h avec la ferme intention d‘éviter toute flaque d’eau ou ruisseau qui ruineraient à terme et immanquablement, mon objectif.
Le départ donné, je me retrouve en queue de peloton car je suis parti le dernier, pour ne pas me faire aspirer par les locomotives. 171km c’est long et ça ne se termine pas en partant comme un lièvre.
Premier passage au bout de 3km à Ségudet où nous retrouvons Gérard qui acclame les participants et à qui j’indique que je prends mon temps, car toujours loin derrière. Il me répond que c’est comme cela qu’on peut terminer. Je croise Sandrine et ensuite Manu en reporter. J’avais échangé quelques mots avec eux au village. Ils réussiront ce we, tous les deux, le Mytic.
La première section est roulante avec de grande rampes pentues qui calment rapidement les inconscients et ceux qui gèrent mal leur effort. En effet je rattrape après 3 heures de course, mes premiers devanciers, dont un japonais de New-york et une américaine du Vermont un peu trop optimistes sur le % de dénivelé des Pyrénées andorranes.
Nous passons au premier pointage sous le col d’Arènes qui devrait nous voir revenir si tout va bien. J’ai gratté quelques places mais cela m’indiffère car nous en sommes qu’aux préliminaires. Remontée maintenant vers le val de Sorteny dont nous ne verrons pas le refuge car hors nouveau tracé. Premier ravito sur le parking. Les conditions météo se sont durcies comme prévus et le crachin nous accompagne depuis un moment. Arrêt express pour moi, le temps de remplir la poche à eau avec la poudre glucose/électrolyte. Poudre magique pour moi car c’est la première que je trouve qui me permette de manger en course. J’en profite donc pour déguster 4 ou 5 rondelles de saucisson, inacceptées par mon estomac, dans les courses précédentes.
Nous rentrons maintenant dans le vif du sujet, sur une section à plus de 2000m d’altitude sur un terrain soit couvert de neige humide et glissante, soit détrempé par la pluie et la fonte des neiges que la terre ne peut plus absorber. J’adopte ma stratégie d’évitement, ce qui fait que je perds un peu de temps mais je garde mes chaussures et mes pieds au sec.
Redescente maintenant dans une grande section roulante vers El Serrat et ensuite Llort pour aborder le deuxième ravito que j’atteins vers les 7h de course pour 30 km. Ne pas se précipiter, le plus dur est à venir. J’ai quand même gagné une dizaine de places depuis le départ mais j’étais parti le dernier.
Ravito express et départ pour la suite plus corsée, une rampe raide à souhait de 700m d+ pour atteindre le col de Las Cases bien raide et sous la pluie et un vent glacial. Mon américaine s’est refait une santé et me redouble, preuve que sur un ultra, rien n’est jamais perdu.
Direction Bordes del Prat Nous pour se diriger ensuite vers le refuge de l’Estany sur une section ‘’délicieusement vallonnée’’ aux dires des organisateurs et déjà vue sur le Mytic de nuit l’année précédente.
Arrivée au refuge dans un paysage désolé de névés et de terre détrempée. Aller et retour vers le refuge. J’ai gagné 9 places depuis Llorts. Ravito express encore : il ne fait vraiment pas beau et à 2100 avec le vent pas question d’ôter le gore-tex. La soupe chaude est la bienvenue !
Au lieu d’escalader le Coma Pedrosa, inabordable cette année, nous enclenchons sur la descente empruntée au feu Initiatic, qui douce mais dans la soupe des névés du début, s’accentue sur une piste raide, où il est important de ne pas se laisser trop entrainer sous peine de mettre à mal ses ischios pour la suite. Nous ne sommes qu’au 40ème km ! Comme je ne descends pas trop mal je redouble mon américaine qui me salue au passage.
Juste avant d’arriver à Arinsal 1600m (-500m) nous remontons une piste rouge en lacet, où le temps se dégrade encore avec apparition de brouillard et je double encore quelques concurrents s’arrêtant pour rajouter des couches.
Nous arrivons au ravito d’Estacio d’Arinsal à 1900m sous une pluie battante et le coton de la brume. Ce ravito se passe à l’intérieur et c’est une bonne chose car je retrouve nombre de concurrents qui ici, prennent leur temps pour se sécher et se reposer un peu.
J’ai encore gagné 7 places. Je vois bien que je rattrape du monde mais pour moi les concurrents doublés risquent d’être pris par les barrières horaires aussi cela ne me rassure pas. D’ailleurs je n’ai aucune idée de mon classement et j’essaye de gérer sans mon fidèle tableau d’accompagnement car le circuit ayant été changé, je n’ai pas pu le réactualiser dans les temps. Tout juste ai-je indiqué sur l’ancien le changement de barrière qui me tient lieu d’objectif à atteindre.
Aussi repartais-je rapidement après une soupe et morceaux de saucisson, bien agréable. Une section de 2km de bitume m’attend. L’organisation ne pouvant faire autrement avait indiqué que pour se faire pardonner, elle autorisait l’accompagnement des concurrents par leurs proches sur cette portion. Comme ce n’était pas mon cas, la seule chose qui m’accompagna, ce fut le vent et la pluie cinglante et qui me gênait pour courir ces deux km de faux plat.
Sortie de route et maintenant sus à l’Alt del Capa. Des petits jeunes sont au pointage sous la pluie et il y en a qui me fait sourire en me disant qu’avec ce temps cela va être très dur pour les coureurs, que ce n’est pas gagné et que ça casse le moral. Si tu crois que ça va me faire changer d’avis, j’ai déjà connu pire. C’est la montagne, c’est normal que je lui dis, le laissant à son petit jeu.
Au départ ça part gentiment et s’accentue au fur et à mesure. Je cherche des yeux la fameuse pyramide dont il faudra gravir l’arête mais je ne la vois pas encore. Passé le torrent on commence à l’apercevoir derrière nous. On ne peut pas se tromper avec la tente au sommet. Ensuite on attaque l’arête droit dans la pente. A croire que les virages sont taxé ici et c’est bien raide. Prendre son mal en patience et avancer au mieux sans se griller. C’est le maître mot.
Pointage au sommet km 47 et je repars aussitôt vers le Col de la Botella. Après une courte section nous retrouvons le parcours original. Oui mais j’ai un peu de mal à le reconnaitre sous cette pluie et sous sa forme de terrain détrempé, meuble et glissant, où le devers est encore plus de mise que d’habitude. Malgré tout cette portion est moins technique et je peux remonter la moyenne jusqu’au col.
Ravito à l’intérieur au chaud et il semblerait qu’ici j’aurais encore gagné 14 places. Certainement avec mes courts arrêts. Idem ici; il fait encore jour autant rouler le plus possible avant la nuit. Je sais que cette portion sera plus rapide d’autant que le Bony de la Pica a été écarté pour cause d’orage. On y gagne 250 de d+ mais cela nous rajoute 7 km au bas mot. A ce stade ça compte !
Arrivés au col de Montaner, nous descendons donc dans la vallée direction Sispony par un bout de GR qui serpente dans une longue descente jusqu’à une piste carrossable pour ensuite reprendre un sentier dans les Alpages du bas. Je fais route avec une suédoise qui reste avec moi car pas rassurée par la nuit qui est maintenant tombée sur nous. La pluie s’est calmée comme prédit et nous commençons à apercevoir la Lune par moment. Cette longue descente est éprouvante pour les cuisses il faut absolument maitriser sa vitesse pour éviter la surchauffe.
Après avoir longé un instant la route principale, nous suivons la promenade de fond de vallée qui suit le canal d’adduction d’eau d’Andorre La Vielle. Bucolique et humide mais nous nous rapprochons de la base vie où je pourrais changer de chaussures.
Ma suédoise qui vit à Barcelone mais parle bien français car ayant vécu 8 ans à Nantes, accélère le rythme et se détache. Je ne la suis pas, peut être un début de fatigue mais je n’ai pas trop envie d’accélérer. J’arriverai de fait quelques minutes après elle à La Margineda mais il faut dire que j’ai fait du rab’ en me plantant de direction alors que le balisage est irréprochable, preuve que la fatigue s’installe.
La Marginéda, tout le monde descend ! Encore 16 places de gagnées. Pour moi gros arrêt. Commencer par se mettre les pieds au sec après les avoir nettoyés. Je finis par récupérer un matelas car il n’y en a à peine une dizaine. Un peu léger pour une base vie. Et je me cale une sieste de 40mn. J’ai du mal à m’endormir et je peux voir arriver sur la base vie, le premier du Mytic. Le sommeil a du mal à venir et je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir récupéré. Je m’accorde 10mn de plus mais rien n’y fait. Autant repartir.
Oui mais j’aurais dû prendre un café avant car à peine le premier kilomètre, avec le vent et le froid, que la fatigue me tombe dessus et j’avance maintenant au radar. La montée vers le col de la Gallina n’est pas une promenade de santé et c’est difficile de dormir en marchant dans ces rampes. Cela me vaudra quelques visites dans le décor. Au détour d’un lacet je découvre un concurrent qui a dû expérimenter la même chose car il est carrément couché sur le bas-côté, envellopé dans sa couverture de survie. A 4km de la base vie ! Je n’ai pas envie de l’imiter mais je galère avec la sensation de me trainer et j’ai beau m’engueuler, impossible de me réveiller totalement. La montée va être longue avant d’atteindre le col mais je l’aborderai avec l’aube qui me rendra mon énergie à nouveau disponible.
Grande descente maintenant vers Fontanéda et ensuite San Julia de Loria. Plus le jour monte et plus cela va. D’autant qu’après la lune c’est maintenant le soleil et ciel bleu sans nuage. Ça nous change d’hier. En revanche le vent et toujours aussi froid et présent.
Traversée de San Julia et c’est parti pour 1750m de d+ d’une traite. J’ai reconnu cette partie et je sais le début hard. Pas d’excitation nous sommes à peu près au km92, en gros la moitié, c’est maintenant que la course, réellement commence. Passage par San Roma :
Plus ça monte et plus il fait chaud et nous tombons au fur et à mesure les couches superflues. J’aborderai ainsi, en tee-shirt le ravito à 1300m de ComaBella.
Curieusement quelques lits de camps sont prévus ici et largement occupés par plus de traileurs que j’aurais imaginé. Sans le savoir, j’ai à ce point encore gagné 26 places. Pendant que je fais les niveaux, voilà Harriet, ma suédoise qui arrive. Je l’avais doublée dans la descente vers San Julia. Elle s’est fait une entorse après et elle avance avec difficulté et sera contrainte à abandonner à Claror après 8h de galère. Dommage pour elle car elle avait la capacité de finir sans cette entorse.
Je repars rapidement car il me reste encore 1250m d+ à m’avaler mais je sais que les derniers 300m sont les plus faciles encore qu’en haute altitude. Je m’amuse de constater que les panneaux décrivant les itinéraires que nous empruntons en difficulté modérée ont été enlevés certainement pour ne pas casser le moral des compétiteurs, vu le pourcentage de la pente (minimum 50%). Mais c’est vrai que pour l’Andorre c’est du modéré. Une bonne partie s’effectue en sous-bois ce qui nous coupe le vent et apporte une fraîcheur appréciable.
Arrivée sur le centre de Naturlandia et c’est maintenant la longue piste jusqu’au Pic Nègre, avec une petite descente 50md- au milieu sinon ce n’est pas drôle. Le Pic où le gore tex sera bien utile même en plein soleil tellement le vent est coupant à 2650m.
Nouveau diverticule de qui nous ajoute encore 7 km de plus et au moins 300mD+. A ce stade on s’en serait bien passé. D’autant que la descente vers le petit col de Caulla, est hyper caillouteuse et technique et ce n’est pas évident de tracer la dedans.
Retour sur le tracé du Mytic plus tôt que prévu avec le refuge de Prat Primer et le raid Col de Bou Mor pour ensuite descendre vers Claror, juste en dessous du Pic Nègre. Grrr !
Le ravito a été mis à Claror plutôt qu’à Perafita et pas mal de traileurs se prélassent ici. J’ai bien tracé cependant et gagné 21 places. Quand c’est comme cela, ça entretient le moral ! Ravito express selon ma stratégie et je calcule mentalement que j’ai beaucoup de mou sauf incident, pour atteindre l’Illa avant la barrière.
Tout d’abord rejoindre l’estany de la Nou et Perafita et ensuite le doux col de la Maina et aborder la grande descente alternativement technique ou détrempée vers le Val de Madriu. Ce val classé au patrimoine de l’humanité par l’Unesco est toujours aussi beau. Le GR serpente suivant le torrent Madriu sur 5,5km à globalement 10% avant d’atteindre le refuge de l’Illa et ses lacs.
L’Illa atteint avec 5h d’avance sur la barrière horaire, me permet d’être serein sur le temps que je compte m’accorder au Pas de la Case. 9 places de gagnées, je me rapproche semble-t-il de mon groupe de niveau. Je ne traine pas non plus pour garder de la marge pour la prochaine base vie.
Après un petit col c’est maintenant la longue descente caillouteuse et technique vers la cabane de l’Espavers. Je me fais un peu rattraper par des concurrents qui ont pris leur temps à l’Illa mais il faut dire que quand il n’y a plus de cailloux c’est des flaques ou des ruisselets et fidèle à ma stratégie, j’évolue de pierre en motte de terre puis en sommet de touffes d’herbes pour éviter de me mouiller les pieds.
Ensuite remontée Nord-NE vers la Portella Bianca qui portera bien son nom cette année. Il faut que je me dépêche car le jour décline de plus en plus. Je l’atteindrai sans trop de difficulté mais sans le soleil, maintenant couché. Dommage car la partie pour atteindre le col des Isards est assez technique et pleine de passage de névés. Cette partie-là se passera tant bien que mal mais cette partie me semblera plus longue que sur le road-book et au loin le bénévole du Col allume son clignotant comme un phare pour les caboteurs des névés que nous sommes.
Le col enfin ! Maintenant nous empruntons la descente raide creusée dans la neige par les bénévoles pour pouvoir accéder à une partie plus plane, direction la base vie du Pas de La Case et sur laquelle je vais commettre ma seule erreur mais qui me coutera très cher. Heureux de pouvoir dérouler dans les névés et sur les portions caillouteuses mais roulantes, je lâche les chevaux pour gratter le plus de temps possible pour mon arrêt à la base. Et pour gratter, je gratte. La vitesse m’enivre et plus je descends, plus j’accélère et plus je dépasse d’autres concurrents qui aussi pourtant déboulent. Ils me regardent un peu comme si j’étais fou mais c’est l’euphorie.
Nous sommes autour du km140 mais j’ai l’impression de n’avoir que quelques kilomètres dans les jambes. L’euphorie sera vite tempérée par un premier coup de poignard au bas de la cuisse gauche peu avant la base-vie. Je ralentis mais ça me lance à nouveau plus faiblement et je finirai par prudence en trottinant le dernier kilomètre pour gagner le gymnase en n’ayant gratté que 3 places car je m’étais fait beaucoup doubler entre l’Illa et le Col des Isards. Pour autant, je suis satisfait car je voulais y arriver avant minuit et il est 23h34, plus de huit heures d’avance donc sur la barrière, je vais pouvoir être serein pour la suite.
Pause donc. On se calme ! Nettoyage des pieds, récupération polaire plus épaisse et programmation pour un somme de 20mn sur le mobile. J’ai récupéré un matelas, très rare ici aussi et je sombre rapidement. Déjà le téléphone sonne. Branle-bas de combat ! Je ne fais pas l’erreur de la nuit dernière. Aussitôt réveillé, caféine et vitamine C. Ca me réveille tout de suite. Je remplis ma poche, enfile les chaussures et c’est parti. La section qui m’attend tout en descente le long de l’Ariège, je la connais pour l’avoir reconnue et je vais perdre du temps à cause du terrain détrempé. Donc allons-y !
Descente et le terrain est conforme à mes prévisions. Au loin quelques lucioles mais ils n’y a pas foule dans la montagne. Après 3km de descente sur un monotrace pas évident, c’est la longue remontée vers Port Dret et le Pas de las Vaques. 5km pour 700mD+ qui s’accentue au fur et à mesure que nous approchons du col. Et tout cela sur névés qui se sont rendurcis avec la nuit. J’ai sorti mes yaktrax et bien content de les avoir trimballés tout ce temps car ça accroche bien et m’évite les glissades sans danger mais avec perte de dénivelé, agaçante à ce stade. Un dernier coup de rein et un bénévole m’accueille au pointage.
Il a fait un feu qui me tenterait bien mais la course n’attend pas. Je m’emmitoufle un peu plus, le vent est sévère, ici et je repars.
Le petit col puis nous suivons la crête sans trop de névé car exposée sud. Après un long détour, bien plus long que le tracé, nous plongeons direction le bas de vallée et les Bordes d’Envalira. C’est dans cette descente, parfois raide, que ma contracture se rappelle à mon bon souvenir. Elle ne me manquait pas et comme je ne l’avais pas senti dans la montée, j’avais espéré qu’elle passerait. Pas le cas et encore moins car plus je descends plus cela me lance voire me bloque. On verra cela aux Bordes, deuxième base vie du Mytic, où j’imagine qu’il y a un poste de soins.
J’y arrive avant l’aurore en ayant gagné encore 17 places. Comme je n’ai rattrapé personne, il semble que mes concurrents directs ont fait un arrêt plus long que le mien au Pas de la Case. Pas de kiné à ce poste, pas de chance. Mais il y a toujours le bénévole désagréable de l’an dernier. J’imagine qu’il s’est fait remonter les bretelles car il m’a reconnu mais s’il me lance un regard de travers, il ne vient pas pour autant se frotter. Je lui fais comprendre, d’un regard, que moi aussi je l’ai reconnu. Nous en resterons là !
Bon ben puisque pas de kiné pas la peine de s’attarder, je repars rapidement sur le tracé de feu l’Initiatic, non sans avoir repris encore un local qui rassure les quelques coureurs présents en leur disant qu’il n’y qu’à peine 10m de D+ pour aller à Incles. Tu parles Charles ! J’ai déjà donné et indique que c’est plutôt 200m et raide qu’il faut prévoir, pour ne pas se casser le moral. C’est un peu pénible, ce besoin qu’ont certain d’essayer de démolir le mental des coureurs. Fort heureusement ce n’est pas le cas de la majorité des supporters mais il faut bien des exceptions…
Allez, il faut rejoindre le prochain poste ! Mais comme c’est un faux plat descendant cela n’arrange pas ma contracture. J’en bave mais il me faut serrer les dents. Quelle bêtise tout de même d’être limité par ça, alors que je suis en pleine forme sans l’impression d’avoir autant de km au compteur. J’aurais presque pu faire la course parfaite sans cette erreur de débutant. On en apprend tous les jours !
Remontée maintenant dans Soldeu par les rampes, la montée me va mieux. Le jour s’est levé et je peux ôter mon gore-tex avant d’aborder le faux plat descendant vers le fond du val d’Incles. C’est une portion sur piste mais pas moyen de trottiner la dessus, ça fait trop mal. Vivement le ravito ! J’y arrive soulagé de l’atteindre et sous un beau soleil. J’aurais, malgré mes difficultés, doublé 4 concurrents mais comme je vais rester aux soins ils partiront certainement avant moi, de ce point.
Direction les soins donc, pour un massage. La kiné veux que je prenne une douche au moins sur les jambes mais je n’ai pas le temps à perdre à ce jeu, c’est juste la cuisse. Elle comprend que je ne compte pas m’éterniser car elle me demande si je continue et je rectifie que je ne continue pas, je termine ! Elle se dit qu’elle à faire à un fondu pressé et s’active aussitôt sur ma cuisse endolorie. Elle mesure rapidement le problème et après massage me fait un strap en m’enjoignant de voir le toubib de planton à Armania.
Je repars à demi réparé sous un beau soleil après 30mn d’arrêt. Un beau soleil mais un vent toujours glacial sur ce versant sud. Je suis obligé de réenfiler le gore-tex alors que j’ai toujours la polaire sur le dos. Je rattrape deux ou trois concurrents encore plus mal que moi sur cette partie jusqu’à la descente sur Ransol. Sur cette longue partie en faux plat montant (avec toujours quelques petites descentes) je n’ai pas un mauvais rythme mais dès que ça descend c’est les pieds sur le frein.
Passage devant l’Homme droit, un drôle de rocher, posé comme un menhir :
Pointage à Ransol d’où on aperçoit le ravito d’Armania. Oui mais pour l’atteindre il faudra d’abord remonter la Vall del Riu pour traverser le torrent et reprendre sur l’autre versant. Tant que ça monte, ça me va !
Pointage à Amania et 9 places de gagnées. Je me précipite sur le médecin qui diagnostique rapidement le soucis mais comme je ne veux pas m’arrêter, il me fait un strap complémentaire avec un doliprane en espérant que cela me soulagera un peu. Il me dit qu’il ne faut pas que je rêve, ça ne va pas s’améliorer. Pendant que je suis dans les mains de la faculté, je suis alimenté par une bénévole aux petits soins qui s’ingénie à trouver tout ce qu’elle peut faire pour que je n’ai pas à me lever. Elle m’amène mon café, des parts de melon, me remplit la poche à eau et m’aide à enfiler mon sac à dos et presque me porterait jusqu’au prochain col. La serviabilité de ces bénévoles me font regretter de devoir repartir mais pour les remercier je les informe que l’accueil a été remarquable et que je reviendrai dans ce ‘’quatre étoiles’’.
Bon ! Dernière ascension vers le col d’Arènes. Rampe bien raide dès le départ et il faut se gravir encore 850m de d+. Après cette mise en bouche de 100m d+,c’est une longue traversée en faux plat que nous empruntons pour contourner un des flancs du Pic de l’Estany. Dès que nous obliquons plein Nord, commence l’ascension proprement dite. Douce au début, elle se durcira au fur et à mesure. Je n’ai doublé qu’un coureur et le suivant me semble bien loin. Je le vois déjà gravir les gros rochers d’un col que je prends pour le dernier. En fait il ne s’agit que d’un intermédiaire, le col d’Arènes est plus haut.
Il faut, dans ces rochers, passer sur un petit pont qui enjambe la chute d’eau qui gronde, gonflée qu’elle est par la fonte des neiges. Grondante et débordante car elle passe pour partie sur le pont de bois. Je ne suis pas rassuré et j’ai peur de glisser. Malheureusement il n’y a pas d’autres moyens de passer dessous ou au-dessus. J’ai beau cherché, je ne vois pas d’autre moyen. La chute d’eau vient s’écraser sur un gros bloc granitique que l’érosion n’a pas encore réduit. La fatigue aidant, je me dis que la plus petit erreur et c’est la fin. Bizarre comme on peut se focaliser sur des points comme cela dans une course. Après bien des hésitations, je me fais violence, contraint par le tracé et suant de trouille pour passer centimètre par centimètre tout en assurant mon équilibre, cet obstacle démesuré de moins d’un mètre.
Ouf ! Le vent est glacial mais là, je dois dire que j’ai eu un coup de chaud. Fin de la séquence frisson, le col n’est pas encore là et pour y arriver, un tracé en zigzag mais raide, m’attend. Nous y voilà enfin. Pointage, j’ai bien gagné une place et mon prédécesseur se repose en plein vent à côté du bénévole. Il a l’air rincé. J‘apprendrai après coup qu’il s’agit d’un mexicain résident dans le même hôtel et qui avait plus de deux heures d’avance sur moi à mi-course. C’était sa troisième participation donc preuve d’expérience mais les conditions humides lui auront fusillé les pieds, ce qui fait, qu’il ne me rattrapera pas.
Ne le sachant pas je file rapidement mais à cloche-pied, pas moyen de faire autrement car ma cuisse gauche n’en peux plus, ce qui les fait se marrer. Cette portion en descente soit sur névés soit sur pelouse alpine détrempée sera une galère pour moi. Je me dis que c’est la fin mais cela n’anesthésie pas pour autant la cuisse. Une longue traversée maintenant en faux plat montant pour contourner les montagnes, me donne un peu de répit. Mais atteinte, l’altitude 2000, c’est une descente raide de 700m de D- qui m’attend. Je sers les dents mais j’en bave trop. Que cela se termine ! Que c’est long ! Pourtant il n’y a que 3km de descente. J’en ai les larmes aux yeux. Le pas chassé sur l’avant que j’adopte, me permet de ne pas trop trainer mais met mon autre cuisse dans le rouge. Je m’attends à me faire reprendre par le mexicain mais je ne le reverrai pas. En revanche je rattrape le dernier du Mytic, soutenu par ses copains (à ce stade, on tolère l’assistance) et encore au plus mal puisque contraint de descendre en marche arrière. Le pauvre ! Je le conforte comme je peux mais mon espagnol est limité.
Enfin j’arrive dans le joli petit village de Sornas. Enfin ! Je sais la fin de mon calvaire car je retrouve la route de Vallnord en faux plat montant. Je peux ranger mes bâtons qui m’ont bien aidé sur ce coup. Les nuages épais et menaçants qui stagnaient sur le col sont évacués dans cette vallée et le soleil aidant, je range mon gore-tex et ma polaire. Je respire. Deux km de final en légère montée, le rêve pour moi. Je me lance à trottiner et mes jambes répondent bien, pas de douleur, je peux même accélérer. Les voitures qui passent me klaxonnent et leur conducteur me lève le pouce. Les rares piétons m’applaudissent. Je suis seul à courir mais je me sens bien. Plus je me rapproche d’Ordino, plus ils y a de monde, plus ça applaudit et plus cela me galvanise. Ah, être supporté, ça donne une énergie insoupçonnable.
Le rond-point maintenant et c’est la foule. 25m et je suis acclamé comme si j’étais le premier. Je n’en reviens pas. Il faut dire que les podiums viennent juste de se terminer, ce qui explique la foule, entrainée à applaudir et j’en profite. Cette arrivée sous l’arche restera un bon souvenir. Les appareils crépitent de partout et Gérard, l’organisateur me saute dessus pour m’étreindre comme il l’a fait pour tous les finishers, content qu’il est de nous voir arriver. Lui aussi aura fait son ultra car cela fait 3 jours qu’il ne dort pas, tout à ses courses. Il reprendra une bonne âme qui m’offre un verre d’‘eau en se précipitant avec deux bières car comme il dit : « c’est cela dont on a besoin »
La suite est comme un rêve, je vais à chercher ma polaire finisher et ensuite mes sacs de bas-vie et partout le gens me complimentent. Je ne suis pas sur le podium pourtant ni dans le top de ma catégorie ? Je ne suis pas habitué à tout cela mais je dois dire que c’est quand même agréable.
Retour à l’hôtel et la patronne me saute au coup pour m’embrasser. Je m’excuse car je ne sens pas bon et je suis maculé de boue mais elle n’en a cure. J’ai l’impression que tout le monde pense que j’ai fait un exploit, y compris mes amis qui déversent des flots de messages positifs. Pour ma part, je ne suis pas dans cette disposition d’esprit. Ce n’est pour moi que le résultat logique d’un entrainement et d’une bonne préparation. C’est le cas pour toutes les courses-objectif, quelles que soit la distance ou la difficulté. Il faut simplement la vision de l’objectif et la motivation, c’est tout.
Maintenant que j’écris ces lignes, ma position n’a pas évolué. Je suis, certes, pas mécontent d’avoir terminé mais je n’en tire nulle gloire, tout au plus la satisfaction du devoir accompli et celle, d’avoir confirmé. « J’ai fait le job » dirait Jean-Yves.
Reste pour moi, le souvenir cuisant d’une erreur avec une contracture musculaire,toujours pas guérie 3 semaines après mais par-dessus tout, et c’était ça, peut-être, l’objectif réel, la paix et la sérénité d’avoir effacé 2012 !
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2 commentaires
Commentaire de Sandrine74 posté le 25-08-2013 à 17:49:45
2012 a aussi été une année vouée aux échecs, et il me tardait d'effacer cela, de tourner la page.
C'est une grande satisfaction personnelle de terminé ces courses, et va savoir pourquoi on se sent plus serein. Voilà c'est fait !
Good job !
Commentaire de PaL94 posté le 31-08-2013 à 15:41:45
Merci Sandrine.
Pour Manu et toi cela a été une belle consécration que ce Mitic exceptionnel !
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