L'auteur : ilgigrad
La course : QBRC : Quelques Bonnes Raisons de Courir - 20 km
Date : 4/9/2011
Lieu : Viroflay (Yvelines)
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Distance : 20km
Objectif : Pas d'objectif
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4 autres récits :
la version originale de ce récit, sur mon blog: http://www.ladrauniere.fr/2011/09/qbrc-viroflay/
Pour qui veut connaître les incidences des affres de l’alcool sur les performances en course à pied l’expérience que j’ai vécue hier, présente un intérêt certain. Nous avions quelques raisons de nous enivrer: l’anniversaire d’un fils qui grandit trop vite, la fin de l’été et la rentrée scolaire ; et, puisque nous revenions tout juste de deux semaines en Toscane, nous avons accompagné notre diner d’un excellent Prosecco et d’un Chianti Classico non moins fameux. A 2h30, épuisé et repu, je me suis glissé dans mon lit en espérant dormir suffisamment pour prendre sans séquelles le départ de la course du lendemain.
Le réveil a sonné, dimanche matin, un peu avant sept heures. Si je n’avais pas donné rendez-vous à Fred et promis à Julien de le rejoindre à Viroflay, j’étoufferais la sonnerie de mon réveil et attendrais que les éléphants dans mon crâne aient terminé leur partie de bowling avant de me lever. J’enfile avec courage mon short Salomon, marketing oblige, des boosters BV Sport et le joli t-shirt rouge reçu lors du marathon du Mont-Blanc. Je chausse ma fidèle paire d’Adidas Supernova Riot 3. Ce sont des chaussures que l’on apprécie lentement. Elles sont lourdes, je ne le suis pas moins, mais offrent un amorti irréprochable et un maintien qui les rend, sur longue distance, infiniment plus confortable que les S-Lab 3 que je portais jusqu’au printemps. Elles reviendront sans doute maculées de boue; la pluie qui tombe sans discontinuer depuis le début de la nuit risque de rendre cette course cauchemardesque. J’avale rapidement un bol de Muesli accompagné d’un jus d’orange sans gout, revêts une veste imperméable et sors affronter l’eau, la boue et le froid .
Cela fait dix bonnes minutes que j’attends Fred en bas des marches quand j’aperçois sa voiture descendre la rue des Pyrénées. Il a cherché partout un Certificat Médical l’autorisant à courir mais ne l’a pas retrouvé. Je lui dis de ne pas s’inquiéter, que celui de l’année dernière devrait pouvoir passer car il est peu probable que les bénévoles, lors de l’inscription, procèdent à une lecture attentive de tous les documents.
Nous empruntons le périphérique vers le sud puis la N118 entre le Pont de Sèvres et Meudon. Nous atteignons Viroflay bien avant 9h00 ce qui nous laisse une bonne heure pour retirer nos dossards, nous préparer et nous placer devant la ligne de départ. L’avantage, quand on participe à une petite course le dimanche matin à quelques kilomètre de Paris, c’est que l’on trouve facilement de la place où garer sa voiture ; Fred a rangé la sienne à deux cents mètre du gymnase dans lequel sont installés les organisateurs de la QBRC. La pluie a cessé et nous voyons déjà quelques participants converger tranquillement vers le camp de base de la course. On est loin de la foule des grands événements parisiens comme le semi ou le marathon de Paris. On observe une ambiance plus tranquille et plus sereine, presque familiale; les concurrents sont venus en voisin; Fred et moi, en tant que parisiens, appartenons sans doute au groupe restreint des étrangers.
En pénétrant dans le gymnase je reconnais Olivier ‘Toto’ avec lequel je communique, depuis quelques semaines, sur FaceBook. Il est entouré d’une impressionnante escouade de coureurs. Anxieux et tourmenté par l’alcool qui circulait encore dans mon sang, je le salue rapidement et le remercie pour l’aide qu’il m’a apporté lorsque ma montre Garmin m’a lâchement abandonné à l’aube d’un trail dans la Garfagnagna.
Je m’acquitte des seize euros de mon dossard ; à quatre vingt centimes par kilomètre on reste dans un ratio prix/distance très honorable. Nous recevons une bouteille de bière bio brassée par une entreprise de la Vallée de Chevreuse. Noyer une course dans des flots de bière semble devenir une constante dans le petit monde de la course à pied; Lorsqu’on institutionnalise une pratique, je la trouve bien moins attrayante. Désormais la bière et le trail sont liés comme le cancer et la prostate.
Compte-tenu de mon état, La simple vue de ce flacon me donne des nausées. Je n’aurai aucun mal à m’abstenir d’y goûter et à le réserver pour l’après course. Certains ont laissé leur bouteille au vestiaire, étiquetée comme un fossile dans une fouille archéologique. Fred récupère son dossard sans soucis ; aucune question ne lui a été posé quant au certificat médical vieux de deux ans qu’il a présenté pour s’inscrire.
Julien n’est pas encore arrivé, nous retournons donc achever notre préparation près de la voiture. J’abandonne ma veste imperméable et ma bière sur le siège avant, referme la portière et retourne avec Fred au gymnase. Nous croisons Julien accompagné d’un de ses potes du club de Triathlon de Versailles. Ils ne courront pas dans la même catégorie que nous, c’est certain. Nous rejoignons ensemble la ligne de départ.
Je n’ai aucun courage ce matin et je laisse les autres se lancer dans un simulacre d’échauffement. J’en profite pour défendre ma place sur la ligne de départ. C’est la première fois que j’arrive suffisamment tôt pour occuper le premier rang et goûter, pendant quelques mètres, au plaisir de courir en tête.
Julien me présente avec fierté Yann Prigent, un autre copain de son club de triathlon; Un monstre discret qui est monté sur le podium de la QBRC précédente, a couru plusieurs fois l’UTMB, l’ironman de Hawaï et terminé quatrième de l’Eco-Trail 50kmen 2011. Je reconnais, sur la ligne, Jef’ qui travaille dans la même société que moi, avec qui j’avais couru en relais lors de la dernière édition du marathon Nice-Cannes et que j’avais filmé en attendant que nos partenaires nous transmettent nos témoins respectifs. Je l’interroge sur son objectif: Il a gagné la course l’an passé et espère bien renouveler son exploit cette année. Tout simplement.
Je m’élance raisonnablement lorsque le starter donne le signal du départ. J’ai abandonné l’idée de rester en tête sur les deux cents premiers mètres et laisse des dizaines de coureurs plus rapides passer devant moi. Je regarde Julien et son pote fuser comme des missiles tomahawk et perds Fred qui prend tout son temps. Nous traversons le centre de Viroflay et remontons vers le nord à bonne allure. Je cours à 4,40mn/km, je sais que cela ne durera pas, je n’en aurai pas la force.
Nous attaquons la première côte avant la fin du premier kilomètre ; une mise en bouche de cinq cents mètres pendant laquelle nous grimpons, sur le bitume, nos quarante premiers mètres de dénivelé. Nous rejoignons alors un plateau et pénétrons enfin dans la forêt de Fausses Reposes. On effectue une petite boucle vers l’est et le Chesnay en passant derrière l’autoroute A86. Julien et ses copains sont chez eux, pas moi. Plus d’une centaine de coureurs ont dû me dépasser. Certains d’entre eux ne courront que onze kilomètres puisque les deux courses (11km et 20km) empruntent le même parcours.
La seconde côte, plus courte mais aussi plus raide, apparait après deux kilomètres et demi de course. J’ai les jambes lourdes et éprouve quelques difficultés à maintenir mon rythme mais je refuse de capituler si tôt : j’ai vaincu le marathon du Mont-Blanc et couru cet été autour du massif des Ecrins, des Alpes Apuanes ou encore de la Garfagnagna ; je ne m’étendrai pas sur les feuilles mortes de Viroflay. Je m’empare du gel énergétique que j’avais glissé dans ma poche et pars, dans la descente, à l’assaut de la tête de course.
C’est le premier exercice technique de la matinée. Bien que les chemins, sur cette partie du parcours, soient assez larges et moins boueux que sur les sentiers que nous rencontrerons après le onzième kilomètre, la descente en trail reste, quoiqu’il arrive, un exercice périlleux. Nous glissons pendant deux cent mètres vers Ville d’Avray. Un ravitaillement sommaire est organisé en bordure des lacs, à l’extrémité nord de la forêt. Je me réhydrate rapidement de quelques verres d’eau et me lance dans le second quart de la course, cap au sud. Je suis dans le dur, le rouge et peut-être même le noir. Je sens mon sang qui cogne dans mes tempes, j’ai mal au ventre ; je n’ai digéré ni l’excellent veau aux olives confit dans son jus, ni le tiramisu de la veille. Nous effectuons l’ascension une dernière bosse au huitième kilomètre avant de redescendre vers Viroflay.
Depuis le ravitaillement du cinquième kilomètre, plus personne ne me double et je revendique même une lente remontée dans le classement.
Nous traversons la ligne de chemin de fer en escaladant une passerelle à laquelle manque un véritable ascenseur et rejoignons enfin le point de départ.
Les coureurs du « onze kilomètre » sont orientés vers leur ligne d’arrivée et ceux du « vingt kilomètre » atteignent le second ravitaillement. Des petites filles nous tendent gentiment des barres de céréales dont je garde un excellent souvenir. Il faudra que je retrouve la marque de ces produits car j’en emporterai volontiers dans mes prochains trails et sorties longues.
Comme les choses délicieuses ne durent jamais, je quitte la zone de ravitaillement en regrettant de ne pas avoir terminé ici ma course dominicale. Nous entrons dans le Bois du Pont Colbert et entamons la deuxième phase de notre circuit. Ma montre affiche un peu moins de une heure et, à cette allure, je peux espérer parcourir les neuf kilomètres suivants en cinquante minutes, moins si le rapport de la distance au dénivelé est plus réduit que sur les onze kilomètres que je viens de terminer. En théorie, les onze premiers kilomètres cumulent trois cents mètres de dénivelé pour cent soixante sur les neufs autres kilomètres. J’espère donc un circuit beaucoup plus roulant et regagner ainsi les quelques minutes qui me permettront de ne pas terminer au-delà de 1h50. La côte que nous gravissons alors est d’une toute autre dimension que toutes celles que nous avons dû franchir jusque là. Pendant un kilomètre au moins nous ne cessons de monter. Je suis fourbu. Je fractionne mon ascension en marchant pendant dix secondes toutes les vingt secondes; Dans mon dos, deux garçons discutent tranquillement. Alors que je suis à la limite de l’apnée, ils progressent, eux, en complète aisance respiratoire. J’ai envie de leur crier « un peu de décence Messieurs ! Respectez au moins ceux qui souffrent » mais j’évite de me rendre ridicule, je me redresse et jette mes dernières forces dans l’ascension des quelques mètres qui me séparent du sommet.
Je craignais que le parcours ne ressemble trop à celui de l’Eco-Trail que j’avais trouvé triste et monotone. Ce n’est pas le cas. Nous sillonnons des sentiers étroits et sinueux encombrés par des branches de hêtre (ou peut-être sont-ce des merisiers ; à cette vitesse je n’ai pas pris le temps d’étudier attentivement les feuilles qui me balaient le visage). C’est magique. Malgré ma fatigue et mon état nauséeux, je prends un plaisir immense à courir à travers ces arbres, slalomer entre les pierres et plonger dans les vasques de boue.
A partir du treizième kilomètre nous glissons pendant cinq cents mètres jusqu’à l’échangeur entre la N12 et l’A86 dont on voit les voies sur notre droite. Nous remontons ensuite pendant deux kilomètres jusqu’au dernier ravitaillement. Je suis heureux et commence à me sentir vraiment bien. Les bénévoles qui nous tendent gentiment des gobelets occupent un carrefour à la lisière de Vélizy. J’ai rejoint l’extrémité sud du parcours en 1h30 et il ne me reste plus qu’à redescendre doucement vers le sud en longeant Vélizy. Les cinq derniers kilomètres sont beaucoup plus roulant que tout ce que j’ai subi jusque là. Mon rythme et celui des autres coureurs augmente significativement. Depuis quelques centaines de mètres, ma montre affiche quelques signes de défaillance. Ni la distance ni la vitesse ne sont mesurés correctement. Je joue à « je te double, tu me doubles » avec les gars qui me précèdent quand, au dix-neuvième kilomètre, alors que je m’apprête à sortir de la forêt , un organisateur m’annonce qu’il me reste à peine deux cents mètres avant l’arrivée. J’ai effectivement un gros problème avec ma montre mais je vérifierai cela plus tard. Je me lance dans un sprint désespéré afin de grappiller une fraction de seconde.
1h48’
Les chronos sont relevés manuellement sur un clavier d’ordinateur portable par une jeune femme attablée derrière la ligne. Je me désaltère en testant successivement un sirop de menthe bio puis un coca équitable dont le goût ressemble davantage à celui d’un médicament qu’à celui de la célèbre boisson yankee. Je retrouve Julien qui attend devant le gymnase. Il a couru en 1h36 et son ami Yann a terminé troisième. Nous nous quittons en nous promettant de nous retrouver sur le départ duParis-Versailles dans trois semaines. Je n’ai pas revu Jef’ qui semble avoir abandonné après avoir occupé le groupe de tête jusqu’à la moitié du parcours. Je ne retrouve pas son nom sur les listings ; je lui enverrai un message la semaine prochaine. « Toto » franchit la ligne en un peu plus de deux heures. Je croyais l’avoir vu partir comme une flèche au début de la course et comme je ne l’avais pas dépassé, il devait logiquement être devant moi. Ce n’était pas lui, je l’aurai sans doute confondu avec quelqu’un qui portait le même maillot Adidas bleu que lui. Je devais dû m’en douter, il avait écrit la veille qu’il envisageait de courir en 2h00 environ; il a gagné son pari. J’attend Fred un long moment. Une demi-heure pour être exact. Il ne s’est pas pressé, a couru sa course comme il aurait fait son footing et termine frais comme un gardon.
Nous repartons aussitôt de Viroflay et regagnons la place Gambetta avant treize heures.
Même si cette course vient diminuer la distance hebdomadaire que je me suis engagé à parcourir dans le cadre de ma préparation à la grande course des Templiers, je ne regrette pas ces bosses et ces raidillons boueux. Ce fut une matinée agréable dont je garderai, contre toute attente, un excellent souvenir. Une ambiance sympathique et surtout un excellent niveau de la plupart des participants. Je termine, en général, mes courses dans le premier tiers voire le premier quart; En arrivant 116ème sur 246 je ne me situe que dans la première moitié des arrivants ce qui témoigne de la qualité de l’ensemble des participants.
Accès à la trace de la QRBC Viroflay; le parcours dessine un 8, comme le circuit 24 dont j’ai toujours rêvé lorsque j’étais enfant.
la version originale de ce récit, sur mon blog: http://www.ladrauniere.fr/2011/09/qbrc-viroflay/
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