Récit de la course : La Mauritanienne Race 200 2004, par etiennef
8 autres récits :
- Les récits de 2007 (5)
- Les récits de 2006 (2)
- Les récits de 2004 (1)
Le récit
Deux jours et deux nuit dans le désert:
la Mauritanienne Race 200
Etienne Fert
Dimanche 7 Mars
Un voyage en avion vers le Sahara, c'est d'abord un premier contact avec le désert à
10000 m d'altitude. Après le passage des montagnes de l'Atlas, l'étroite lucarne du
hublot laisse entrevoir une immense surface dans les tons jaunes, rouges, bruns ou gris
avec parfois quelques îlots ou bribes de verdure. Une autre planète, irréelle dont
l'immensité impressionne pendant les quelques heures de sa traversée. C'est un lieu
commun de dire qu'on se sent tout d'un coup tout petit surtout en pensant qu'on va
traverser ces espaces à pied pendant 200 km non-stop …
Deuxième contact sensoriel à la sortie de l'avion : une bonne bouffée de chaleur. Il est
13h, la température est à son maximum de la journée (environ 35°-37° à l'ombre) . Alors
bien sur, après les entraînements dans la froidure de l'hiver, c'est un choc thermique mais
je suis heureux de constater qu'on reste dans des limites raisonnables par rapport aux
40/45° qu'avaient du endurer les concurrents de l'édition 2003. Très honnêtement, je ne
suis pas très surpris de cette température : je consultais déjà fébrilement depuis au moins
une semaine les prévisions météo pour la zone d'Atar. Tout de suite après les formalités,
on oublie ces considérations climatologiques pour apprécier le chaleureux accueil de
l'organisation française et mauritanienne. Quelques kilomètres de 4x4 nous amènent au
petit village d'Azougi et la charmante auberge de Saad.
Après un premier repas sous la tente, je goutte à une première sieste. Je me réveille avec
une sensation bizarre. Mon pouls au repos est inhabituellement haut, environ 60 pls/mn
alors que je suis normalement à 50 ou moins, surtout allongé tranquillement sur un
matelas. Je me cherche une petite explication avec la chaleur ambiante mais je tire
rapidement la conclusion qui s'impose : le stress commence à se manifester sérieusement.
En bref, j'ai tout bonnement la trouille. J'ai lu les récits des participants de l'édition 2003, je connais un peu le désert au travers des quelques randonnées dont une ici en Mauritanie
mais maintenant, je commence à palper physiquement ce que cette course représente de
par sa distance et le milieu dans lequel elle se déroule. Je sais que cet ensemble constitue
un énorme challenge pour moi mais c'est aussi pour ça que je suis venu. A ce moment me
revient à l'esprit un de mes proverbes africains préférés : « Qui avale une noix de coco
doit faire confiance à son anus ». Je sais que je me suis bien préparé physiquement en
faisant de nombreuses sorties très longues et j'ai bénéficié de l'expérience de Yannick à
la Desert Cup 2003 mais je me retrouve maintenant dans le vif du sujet et je sais que ce
stress ne disparaîtra qu'au moment du départ quand je pourrai enfin agir et ne plus
gamberger. Le soir j'utilise un somnifère léger pour passer une bonne nuit avec pour seul
toit la fabuleuse luminosité des étoiles dans le désert.
Lundi 8 Mars
Peu de place pour la gamberge ce matin, il faut se bouger pour aller faire les formalités et
préparations d'usage. Après récupération des bâtons lumineux et fusées de détresse, je
fais la vérification de tout mon matériel obligatoire. Ensuite préparation des sacs qui
seront laissés à chaque CP, donc tous les 20 km. Je savais déjà en partant de Paris avoir
pris beaucoup trop de ravitaillement mais en faisant la répartition, je prends vraiment
conscience de l'énormité des quantités. Ne sachant pas trop comment mon estomac va
réagir à la durée de la course et à la chaleur, j'ai pris beaucoup de différents types de
nourriture pour optimiser mes chances de trouver à chaque ravitaillement un minimum de
nourriture que je puisse et aie envie d'avaler. Alors du coup, je me retrouve avec au
moins 3 ou 4 fois trop. C'est clair, si je mange tout ça, je vais finir la course avec
quelques bourrelets en plus ?. En revanche, les 4 paires de chaussettes laissées dans les
sacs ainsi que des vêtements de rechange ou pour la nuit ne sont pas de trop.
Après avoir dispatché et donné ma tonne de nourriture, je me dirige vers le contrôle
médical. Juste une petite formalité pour donner les certificats médicaux ainsi que mon
test d'effort et répondre à quelques questions. La première est un poil difficile : quel est
mon objectif ? Bien sur, finir comme tout le monde mais le sympathique Karim me
pousse à être un peu plus précis sur le temps. Ouh laaa, mais j'ai pas trop envie d'en
parler, moi ?. Par expérience, je sais qu'il est assez dangereux de se fixer un objectif sur
une course qu'on ne connaît pas. En général, je suis trop optimiste, ce qui incite à pousser
un peu trop la machine en début de course avec le risque de se griller. Mais je ne suis pas
un méchant bougre, alors, pour être honnête, si je fais moins de 45h, je serai très content
et j'apprends par la même occasion qu'on est assez nombreux à avoir un objectif
similaire. Deuxième question beaucoup plus facile pour moi : quelle est ta principale
faiblesse ? Inutile d'aller chercher très loin. Pas la peine non plus comme en entretien
d'embauche d'aller en chercher une qui d'une certaine façon est aussi une qualité (genre
trop exigeant … on connaît tous le truc). Je réponds du tac au tac : ma propension à faire
des déshydratations. J'ai déjà eu plusieurs fois des problèmes de ce type qui m'ont au
mieux fait ralentir pendant quelques heures ou au pire mené à l'abandon après avoir tout
vomit sur le chemin. Evidemment, c'est pas le top d'avoir ce genre de faiblesse dans le
désert … Mais, maintenant, je suis prévenu : je sais que j'ai 4/5 heures dans la journée
pendant lesquelles je dois rester hyper vigilant. Trois règles à respecter pour m'en sortir : boire beaucoup, prendre régulièrement des comprimés de sel et ralentir autant que
nécessaire pour que la machine ne chauffe pas trop. Si je m'en tiens là, j'aurai le plaisir
de voir le soleil se coucher tranquillement en étant toujours en pleine forme.
Après le repas de midi et la sieste rituelle, je passe un peu de temps à étudier la carte du
parcours fournie par l'organisation. On peut repérer les parties jaunes dunaires et le long
plateau entre le km 60 et 120. Le surligneur jaune qui indique le parcours ne s'embarrasse
pas de fioritures à ce moment : des traits bien droits à travers l'immensité … ça promet.
Le soir, avant le repas, c'est le briefing pour nous donner les dernières instructions.
Lucien, le pisteur et Jean-Pierre l'organisateur reviennent d'une journée bien remplie
pour aller vérifier le balisage de la première moitié de la course qui est en place depuis
plusieurs jours. Les nouvelles sont mitigées, un Français stupide et aigri du coin a pris
son plaisir à débaliser les dix premiers kilomètres … mais ce n'est pas très grave car le
chemin est évident sur cette partie. Autre souci, il a fallu refaire le balisage très abîmé
vers le CP3 par quelques jours de tempête de sable. Nous sommes aussi mis en garde
contre des balisages multiples aux alentours de gravures rupestres vers le km 32. Pas
forcément très rassurant tout ça, mais c'est le propre d'un bon briefing de sensibiliser les
concurrents aux difficultés du parcours. Il va falloir rester très vigilant et je me dis à ce moment que je chercherai peut-être la compagnie d'un autre coureur quand la nuit
tombera.
Mardi 9 Mars
6h, un petit réveil tranquille dans mon duvet bien douillet dans cette fraîcheur matinale et
enfin après quelques photos souvenir, le départ est donné pour cette aventure.
Chacun, à son propre rythme prend un départ prudent. J'aperçois à quelques dizaines de
mètres devant moi Mohamed Magroun qui prendra un plus tard la tête de la course pour
ne plus la quitter. Je reste sagement en milieu de peloton et, tout de suite après avoir
quitté la piste principale, nous sommes dans le vif du sujet. La piste se fait très sableuse
et il faut tout de suite rentrer dans une problématique quasi constante sur le parcours. La
résistance du sable à la pression du pied est très variable et il faut toujours essayer d'aller
trouver le terrain qui enfonce le moins pour optimiser la dépense d'énergie qui peut
décupler selon le terrain. A cet endroit, il y a une évidence : un petit saut de 50 cm pour
trouver le hors piste en surplomb et on retrouve un terrain très dur ou il fait bon courir.
J'ai pris mon cardio-frequence-mètre pour être sur de ne pas partir en surchauffe. Dans le
premier quart d'heure, mon corps se chauffe et ma fréquence est assez haute mais il se
stabilise ensuite a 115/120. Ca y est, je suis calé sur le rythme que j'ai mémorisé lors de
mes entraînements. Comme je me le répéterai souvent pendant cette course, j'ai pris mon
petit bonhomme de chemin et tout va bien. Je me laisse tranquillement décrocher par
Nicolas et Bernard qui vont un poil plus vite pour moi. J'en profite aussi pour apprécier
le paysage fait de canyons et d'oueds se frayant leur chemin dans ce relief. Apres 2h20 de
course je rattrape 2 ou 3 collègues et me présente au CP1 qui est précédé d'un petit gué
(non, je ne plaisante pas, il a plu dans la région cette année et il y a parfois un peu d'eau
dans les oueds). Déjà je me rends compte que mes trois litres d'eau de réserve ne seront
pas de trop. J'avais pris 2 litres au départ et j'ai presque tout épuisé lors de ces 20
premiers kilomètres, c'est vrai au prix de pauses pipi fréquentes ?. Je recharge donc
consciencieusement mon réservoir et bidon.
Tout de suite après le CP1, une petite bifurcation me fait hésiter, je ne vois pas de
balisage mais quelques pas qui partent à gauche. Au bout de quelques dizaines de mètres,
toujours pas de balisage et je commence à douter de mon choix. J'aperçois Simone qui
vient de repartir du CP et a pris l'autre option … la bonne. Bon, un avertissement sans
frais qui va m'inciter à redoubler de prudence. En tout cas, toujours suivre une règle
simple conseillée par l'organisation : ne jamais accepter de ne pas voir de balisage
pendant plus de 200 m. Je suis donc particulièrement prudent au fameux passage des
peintures rupestres ou j'apprendrai plus tard que Bernard et Noelle se sont perdus
pendant quelques heures. Une épreuve difficile pour le moral en début de parcours.
Entre le CP1 et le CP2 : des pistes ensablées.
Je poursuis tranquillement ma course réglée toujours sur le même rythme et je rattrape
d'autres collègues : Gerard, qui doit malheureusement abandonner pour blessure, Patrick,
qui se refait une santé sous un arbre et Yvon, qui manque un peu d'eau. D'ailleurs, c'est
aussi ce qui commence à m'arriver et je me reproche de n'avoir pas rempli mon
deuxième bidon au CP1. Avertissement sans frais, puisque le 4x4 de l'équipe médicale
me rattrape et me propose un peu d'eau. En plus le CP2 n'est plus qu'a 200m … le
bonheur.
Au CP2 une nouvelle paire de chaussettes m'attend et je m'aperçois avec inquiétude que
j'ai déjà deux ampoules aux pieds. Le simple effet conjugué du sable et de la chaleur qui
touchera une grande partie des concurrents. Mes guêtres sont parfaites mais j'ai
simplement mal anticipé le fait que les tissus sur les cotés des chaussures laissent passer
le sable. Je « désable » de temps en temps mais ça ne suffit pas … Un autre sujet de
réflexion a ce CP : je suis arrivé 5eme. Je n'avais pas d'objectif de place mais je ne
m'imaginais pas être à cette place. Serais-je parti trop vite au risque de me griller ?
Je repars donc tranquillement et je n'hésite pas à marcher dès que la course dans le sable
devient pénible. Une petite grimpette a flanc de canyon, et la course se poursuit sur un
immense plateau bordé de montagnes et de dunes. Il est 14h, la chaleur est à son
maximum de la journée et je commence ressentir un peu de fatigue. Alors même si mes
jambes pourraient toujours me permettre la course, je décide de marcher pour économiser
mes forces et ne pas risquer de surchauffe. Je risque d'être rattrapé par mes poursuivants
mais peu m'importe, la course est encore longue, et je ne dois pas oublier mon objectif
essentiel : finir. Apres le passage un peu surréaliste d'une superbe route bitumée dans ce
désert total, le parcours hors piste se dirige vers un champ de dunes qui se finit par une
immense dune adossée a la montagne. Vraiment de toute beauté, alors on oublie la
chaleur toujours pesante et le sable qui se fait parfois très mou. Enfin, clou de spectacle, le tronçon finit dans un immense oasis.
Il est 17h15, j'atteint ce CP en assez bonne forme et je sais que j'ai passé sans encombre
une partie délicate du parcours. Ces CP seront toujours des havres de paix merveilleux ou
chaque coureur se fait bichonner. Comme par miracle, l'eau, le ravitaillement, un thé sont
gentiment apportés par les commissaires de course et, pour couronner le tout, on peut se
faire soigner ses pieds meurtris. Je suis surpris de trouver à ce CP Erick, Michele et
Yannick qui récupèrent sous la tente. Je bois goulûment de mon liquide énergétique
(boisson a base de Caloreen que je supporterai pendant presque toute sa course grace a
son absence totale de goût) et mange un gel et du gâteau. Seul inconvénient de la douceur
de ces CP, il faut se motiver pour en partir. Ici, j'ai de bonnes raisons pour m'en extraire : le soleil est maintenant bas dans l'horizon et les deux prochaines heures sont les
meilleures de la journée pour marcher : un peu de fraîcheur dans une luminosité douce,
bref une ambiance sereine à ne pas rater. En plus, il serait dommage de ne pas continuer a
profiter de ces paysages. Donc, en route pour la visite touristique !! Seul souci, je repars
en deuxième position du CP. Alors là vraiment ça dépasse les bornes de ce que je pouvais
m'imaginer me retrouver à cette place mais je ne vais pas non plus me ralentir. Je goutte
donc au plaisir de fouler le désert avec seulement une trace de pas devant moi. Je suis
persuadé à ce moment de me faire rattraper plus tard. Pour éviter de me laisser aller à un
brin d'euphorie, je me sermonne pour rester calme, la course est encore très longue.
Autre point qui m'a fait hésiter à repartir, je suis maintenant seul alors que le jour est en train de tomber.
Alors qu'hier soir, cette circonstance me faisait peur, j'apprécie maintenant cette marche
solitaire dans le crépuscule. Le 4x4 de Jean-Pierre P. me dépasse en déposant les bâtons
lumineux qui servent de balisage nocturne. Tout d'un coup, il fait demi-tour et s'arrête à
ma hauteur. Un des 4x4 est tombe en panne et il faut qu'un autre 4x4 revienne au CP3
pour aider à la logistique. JP ne peut donc pas continuer à mettre les bâtons lumineux
devant moi. Le 4x4 de Jean-Pierre D. est en train de baliser en sens inverse mais je ne le
verrai pas avant quelques kilomètres. Les instructions sont simples : suivre la piste du
4x4 et vérifier régulièrement la présence de balisage. Pas trop compliqué puisque les
traces sont uniques sur ce parcours hors piste. Alors comme je suis lucide, je me lance
dans l'obscurité en marchant toujours tranquillement.
A part un ou deux endroits où le 4x4 a fait demi-tour, la piste est facile à suivre et après
environ une heure, je retrouve le balisage que Jean-Pierre D. est en train de déposer. La
forme étant maintenant bien revenue avec la fraîcheur de la nuit, je reprends la course en
alternance pour rejoindre le CP4 a 21h17. J'apprécie la petite polaire laissée dans ce sac
et en passant me donne un petit bon point pour mes prévisions : je pensais arriver au CP 4
au bout de 12/13h de course. Je profite aussi d'un thé et de la chaleur humaine des deux
JP (euh, non, pas les deux dont je viens de parler, il y en a encore un troisième ici, c'est
d'un compliqué tout ces JP's ?) et repars tranquillement vers le CP5 sans trop me
préoccuper de mon retard sur le premier. Mohamed a en gros un CP d'avance sur moi et
nous ne courrons pas dans la même catégorie. Mes poursuivants sont repartis deux heures
après moi au précédent CP mais je fais abstraction de ces chiffres pour me concentrer sur
mon rythme.
Après ces passages dunaires, nous traversons maintenant un immense plateau (en tout, 50
km de traversée). Dés le début, j'ai en point de mire une montagne isolée sur laquelle le
PC5 est adossé. C'est sur, je la vois bien, mais alors une éternité se passe avant qu'elle ne
se rapproche vraiment. Sur le chemin, j'entends au milieu de la nuit quelques cris
lointains, signe d'une bonne humeur dans ce vide sidéral. Eternelle surprise de trouver de
la vie dans ces grands espaces. J'aperçois un chameau qui est en train de s'intéresser
sérieusement à un bâton lumineux. Eh, on ne touche pas à ma ligne vitale !! Même si je
doute qu'il finisse par le manger, je le chasse illico. Quelques moments de distraction au
milieu de ces longues heures de marche dans le désert. Une ambiance incroyable, parfois
angoissante mais aussi euphorisante. Enfin, j'ai en vue une lumière jaune adossée a la
montagne, sans aucun doute le CP que j'atteinds … une heure plus tard à 1h30,
moralement un peu touché d'avoir espéré si longtemps ce CP avant qu'il ne se concrétise
et aussi sous le coup d'une forte envie de dormir.
Mercredi 10 Mars
Encore une fois, la douceur de retrouver la présence humaine chaleureuse et
réconfortante du CP.
Je mange un peu bien que mon estomac commence à jouer un peu les fainéants et me
couche avec l'intention de dormir un peu. Sur le moment, je n'ai pas l'impression de
dormir mais mon temps d'arrêt montre que j'ai du dormir une petite demi-heure.
En tout cas, je repars à 2h20, pas complètement libéré de mon envie de dormir et
physiquement prêt pour ce nouveau tronçon. En revanche, le moral n'est pas au mieux :
je commence à souffrir un peu de la solitude même avec cette lune qui éclaire très bien et
je pense que je n'en suis qu'à la moitié de la course … en résumé, j'ai le blues. Je me
réconforte en pensant que mes poursuivants sont partis 3 heures après moi du CP
précédant et je sors mon lecteur MP3 pour me passer de la musique et m'évader de ce
contexte. Peu de choses à signaler sur ce tronçon si ce n'est la rencontre de Diane dans
son 4x4 médical sans arrêt sur la brèche qui me demande vers quel CP je vais. Si c'est les
concurrents qui doivent aider les 4x4 à se retrouver ? ?. Au bout de mes 4 heures de
musique, le jour commence à se lever et surtout j'aperçois le CP6 posté près d'un puits
ou des bêtes viennent se désaltérer. J'ai presque les larmes aux yeux en échangeant
quelques mots avec Dominique, Catherine et JP D. qui sont sur ce CP. La joie d'en finir
avec cette longue nuit et ce long CP dans cette immensité désertique ou tout simplement
l'émotion de vivre cette aventure. La route reste longue mais je me dis aussi que plus
grand chose ne pourra m'empêcher de boucler cette course dont j'ai rêvé. Dans
l'euphorie, je dis même à Jean-Pierre que dans deux CP, l' « écurie » commencera à se
faire sentir. Lui, sait bien que les 40 derniers kilomètres sont durs mais se garde bien de
me désillusionner. Toujours utile pour un organisateur d'avoir soi même fait des raids et
de comprendre la psychologie du raideur. En tout cas, je n'ai pas besoin d'un arrêt très
long (15 minutes) pour repartir et profiter des premières heures encore fraîches du jour.
Après la monotonie du plateau, le parcours hors piste repars vers un massif montagneux
et quelques petites dunes. Histoire de me décontracter un peu les jambes un peu raidies
par toute cette marche nocturne je recours un petit peu mais n'insiste pas trop pour garder
un peu d'énergie en réserve.
Au bout de 3 heures, la tente du CP7 se profile dans une pente dunaire. Cette fois-ci, je ne
me fais pas avoir par l'effet de perspective et c'est sans surprise que j'atteins le CP8 une
heure plus tard. Jacques m'attend avec sa bonne humeur habituelle. Il me rassure en me
disant que je n'ai pas l'air trop marqué. Oui, c'est vrai, enfin je l'ai cru ;-), mais je
commence quand même à en avoir plein les pattes ? et la chaleur commence à monter.
De nouveau s'annoncent 4/5 heures de grosse chaleur qu'il va falloir gérer. Je remplis
mes réserves d'eau et tente sans trop de succès de manger. Heureusement ma boisson
énergétique m'apporte toujours un minimum d'énergie pour avancer. Comme à chaque
CP, je consulte la carte pour repérer un peu le profil du tronçon suivant. Par erreur et
manque de lucidité ou tout simplement parce que j'ai envie d'y croire, je me figure que le
CP suivant est plutôt un peu moins loin que d'habitude. Avec cette idée en tête, je me
contente pour partir de mes trois litres d'eau habituels alors que Jacques me conseille
d'en prendre plus avec la chaleur qui s'annonce. Dès le début du tronçon, les conditions
se compliquent. Un fort vent de face, pour ne rien arranger très chaud, se lève. Après plus
de deux heures de lutte dans ce vent, sans pouvoir apprécier à sa juste valeur le paysage
montagneux et dunaire qui m'entoure, le 4x4 de Martine arrive à mon niveau. Elle
m'annonce encore 8km avant le CP dans les dunes. Je reprends un peu d'eau dans mon
réservoir, m'asperge la tête, désable mes chaussures et repars pour cette balade
touristique dans les dunes. Honnêtement, je l'aurais bien ratée cette visite parce que je ne
suis pas au meilleur de ma forme pour faire ces montées dans le sable peu portant. Sans
m'en rendre compte, je suis en train de me déshydrater et je prends un sérieux coup de
chaud. Pour ne rien arranger, j'ai un peu négligé mes pastilles de sel depuis quelques
heures. J'apprécie à leur juste valeur les encouragements venant d'un autre 4x4 qui me
dépasse et c'est un peu à l'arrache à 16h que je rejoins le CP8 placé à un superbe endroit
à la limite du massif dunaire et sous une petite montagne.
Clairement, j'accuse le coup. Je m'allonge pour reprendre mes esprits, me faire soigner
mes nombreuses ampoules. Comme j'ai un peu de mal à boire, on me prépare un peu
d'eau salée qui me réconforte et je décide d'attendre sous cette tente le temps qu'il faut
pour récupérer un minimum de mes capacités. J'apprends aussi que je suis reparti avec 4
heures d'avance sur mon suivant au CP précédant alors que mon avance commençait à
fondre comme neige au soleil. Pour la première fois dans cette course, je commence à
penser que j'ai de bonnes chances de conserver cette deuxième place inespérée alors,
même si je ne suis pas obsédé par ce classement, ça me pousse à ne pas trop m'éterniser
sur ce CP.
A 17h15, j'ai un peu récupéré et la chaleur commence à tomber alors je reprends la route,
pas très vaillant et marchant assez lentement. J'ai bien pris un coup de chaleur mais je
manque aussi d'énergie. Une heure plus tard le 4x4 de JPD et Catherine arrive à ma
hauteur. Je ne suis pas au mieux et ils ne cherchent pas à me démentir sur ce point.
Preuve d'un certain manque de lucidité, je demande si le CP n'est pas loin !! Là encore,
JP, fin psychologue, ne cherche pas à me mentir, j'ai fait une toute petite partie du
tronçon. Catherine, me dis que je suis très blanc et me dis que le mieux pour moi serait
d'aller me coucher. Tout à fait d'accord, mais je lui dit que j'ai juste un petit truc de 40
km à terminer avant d'aller me coucher ?. Sur les conseils de Karim consulté à distance,
je prends un gros Doliprane et comme je sens que je suis peut-être aussi en hypo-
glycémie, je prends un peu de pain et une barre de céréales. Encore quelques mots de
réconforts et JP et Catherine me quittent pour aller poser les bâtons lumineux devant moi.
Tout de suite, en marchant tranquillement, je m'attelle à une tache essentielle, essayer de
manger. Je mâchouille longtemps des bouchées de pain avant de pourvoir les ingurgiter
et, non seulement ça passe, mais je sens tout de suite une amélioration qui est peut être
aussi due au Doliprane. Facteur aussi favorable, la chaleur est maintenant tombée avec la
nuit. Sans péter la forme, je progresse maintenant sans problème de bâton lumineux en
bâton lumineux. Répit de courte durée, maintenant, c'est l'envie de dormir qui me joue
des tours. Après ces 37 heures de course et juste une demi-heure de sommeil, mon corps
réclame désespérément le droit de faire une petite pause de sommeil. Seul problème, je
n'ai pas envie de m'allonger en pleine nature et je décide de rejoindre le prochain CP
pour faire une pause confortable. J'entame maintenant la montée vers la passe qui nous
fait rejoindre la vallée du départ de la course. Mais que c'est terriblement long cette
montée dans ce sable pas toujours très solide. Pour me donner du courage et soulager
mon moral chancelant, je gueule parfois un bon coup. Dans la nuit, je ne sais pas trop ou
est le CP et je commence à désespérer. Enfin, je suis rejoins par un 4x4. Lucien, notre
génial pisteur est assis avec son GPS à la main et je lui demande naturellement où est le
CP. Pour que je n'aie pas de doute, il me montre le résultat : encore 4 km et en plus en
montée. Sur le moment, c'est vrai que je prends un gros coup au moral : il faut bien
compter encore une heure pour l'atteindre. Et puis, je me remotive à bloc pour arriver au
plus vite à ce CP.
En arrivant enfin au CP9 à 23h10, je m'allonge tout de suite et après avoir fermé les yeux
je vois défiler des images psychédéliques difficiles à décrire. Probablement, un effet de la
fatigue et de la privation de sommeil (non, je n'ai pas pris de produit bizarre ;-) )et puis je
tombe dans un sommeil profond. Je viens d'apprendre que j'avais 6 heures d'avance au
départ du dernier CP. Je peux donc m'autoriser quelques heures de sommeil pour repartir
sur de bonnes bases.
Jeudi 11 Mars
Une heure plus tard, je me réveille rassasié de sommeil. Toujours beaucoup de mal à
manger mais un peu de liquide énergétique devrait me suffire pour cette dernière partie.
Alors inutile d'attendre plus longtemps, je repars, aussi motivé par le fait que, sauf
catastrophe, je devrais assurer ma deuxième place. JPD part devant moi pour tracer le
chemin avec les bâtons lumineux. Il reste encore quelques centaines de mètres avant la
passe. Sans frontale, à la luminosité lunaire, une impression grandiose en passant dans
cette vallée essentiellement dunaire entourée de falaises. Je descends tranquillement les
pentes en suivant le fil d'Ariane des bâtons lumineux. Avec la nuit, on pourrait presque
confondre ce paysage avec un paysage enneigé. Les dunes deviennent des collines
enneigées et les quelques buissons ou petits arbres, des sapins perdus dans la neige.
J'oublie presque la course pour me laisser aller à cette balade agréable au milieu des
dunes. Seul problème, je remplis régulièrement mes chaussures de sable et avec mes
ampoules, je dois m'arrêter régulièrement pour désabler. Je rejoins la piste et enfin les
premières maisons des villages qui sont dans la vallée. Je me souviens de l'avertissement
de Jacques avant la course : la fin au milieu des villages est très longue. Effectivement
c'est TRES long. Je traverse ces villages sans vie au milieu de la nuit et à chaque
nouveau groupe de maison, j'espère être aux abords de l'auberge et de l'arrivée. Je
cherche des yeux la route qui passe au dessus du village pour aller à Atar. Bien entendu,
rêvant toujours d'être près du but, je me désillusionne perpétuellement. Sachant que je
suis maintenant très lent, je me retourne de temps pour vérifier qu'aucun concurrent
n'arrive sur moi. Pourquoi ne pas le dire, j'ai maudit la longueur de cette piste jusqu'à
l'hôtel. Enfin, j'aperçois une petite lueur de frontale au bout de la route. J'allume la
mienne et fait quelques signaux. La réponse ne me laisse aucun doute sur le fait que c'est
une connaissance et j'arrive à la hauteur de Jacques qui m'attends pour faire quelques
centaines de mètres avec moi jusqu'à l'arrivée. Heureux, simplement, je franchis la ligne
d'arrivée au milieu de la nuit à 5h30 après 45h15 de course et 2eme, une place inespérée
pour moi. Globalement, je ne suis pas trop atteint physiquement sauf aux pieds où je
souffre de multiples ampoules et, sans même prendre une douche, je pars tout de suite me
coucher. Je me réveillerai deux heures plus tard avec la lueur du jour ayant déjà bien
récupéré. Mohamed est lui arrivé depuis longtemps en 31h30 et Joel, qui m'a repris
beaucoup de temps dans les deux derniers tronçons, arrive 1h10 après moi. 20 kilomètres
de plus et je devais probablement lui laisser ma deuxième place. Ensuite les arrivées
s'échelonnent dans la journée jusqu'à la matinée suivante. Le dernier mais le plus
valeureux, Bernard, 67 ans arrive après 71h de course, chapeau ! Nous sommes
finalement 12 sur 21 partants à boucler la boucle, presque tous les abandons ayant eu lieu
à la fin du premier tiers.
Récupération
Après une journée de repos et en particulier une grosse sieste , les deux journées
suivantes sont consacrées à des balades touristiques en 4x4 : Chinguetti, une ville perdue
au milieu des dunes avec ses bibliothèques, des paysages de canyons ou a été tourné le
film Fort Saganne, une journée relax dans l'oasis de Terjit avec un bain bien réconfortant.
On goutte aussi au plaisir de découvrir ces paysages fabuleux d'une façon un peu plus
confortable mais le virus de la course revient quand, au détour d'une piste, on voit les
marques blanches de la course 333 qui est passée dans cette région. Non, vraiment cette
distance me semble folle mais on connaît tous le proverbe : Ne jamais dire, à cette eau …
Au début de la deuxième journée, nous rendons visite à l'école d'Azougui pour leur
donner les équipements scolaires offerts par l'organisation. Nous sommes accueillis de
façon émouvante par des chansons entonnées en notre honneur. Nous, touristes,
apprécions cette région pour sa beauté minérale et la gentillesse des gens qui l'habitent
mais on n'oublie pas la dureté de la vie pour ces mauritaniens qui doivent faire
fonctionner cette école avec bien peu de moyens.
La semaine se finit par une remise des prix en soirée suivie d'un concert de musique
locale et des danses endiablées.
Epilogue
Voilà, merci à ceux qui ont eu le courage de lire ce long récit. J'espère avoir fidèlement
raconté le déroulement de la course et les émotions que j'ai pu y ressentir. En souhaitant
que ce texte donne envie à d'autres coureurs de se lancer dans cette aventure difficile
mais au combien grandiose. Je n'oublierai jamais cette semaine qui n'aurait jamais existé
sans les équipes d'organisation Française et Mauritanienne, l'équipe médicale et les
commissaires de course. Qu'ils en soient chaudement remerciés !!!!
1 commentaire
Commentaire de gdraid posté le 20-11-2006 à 18:34:00
Cela fait plus de 2 ans que tu as avalé cette énorme noix de coco Etienne.
Quelle confiance tu avais en toi !
J'espère que tu n'as plus mal ;-)
Bravo, Etienne, je ne me lasse pas de relire ton épopée, comme celles des coureurs de mars 2006.
J'y puise mon inspiration pour la réalisation de l'édition de mars 2007.
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