Récit de la course : Restonica Ultra-Trail - 110 km 2023, par Gilles45

L'auteur : Gilles45

La course : Restonica Ultra-Trail - 110 km

Date : 6/7/2023

Lieu : Corte (Haute-Corse)

Affichage : 726 vues

Distance : 110km

Objectif : Pas d'objectif

3 commentaires

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ULTRA CORSE !

Déjà quasiment 30 ans que je passe un mois estival en Corse…déjà près de 10 ans que je fais du trail et pourtant, je n’ai jamais participé à l’UTC. Une anomalie qui doit être réparée !!

Plus sérieusement, j’ai jusqu’ici toujours voulu consacrer 100% des vacances à la famille et plutôt profiter de ce mois de juillet en Corse pour préparer un ultra fin aout.

Mais les choses changent : après un UTMB, une Echappée belle, et 3 Grand Raid dans les Pyrénées, je me décide à tenter l’aventure de la Restonica.

Les enfants grandissent et 3 sur 4 seront présents pour intégrer la Team Gillou qui avec femme, enfants, amis et un chien Beagle sera constituée de 9 personnes !!

J’ai suffisamment rêvé devant les vidéos YouTube de Gilles+ et je connais la technicité du terrain Corse. J’ai gambadé en solo l’an passé sur les 3 premières étapes du GR.

L’aventure terre de Dieux d’Elnumax l’an passé achève de me convaincre même si c’est encore un défi d’une autre envergure.

La préparation aurait dû/pu être plus sérieuse mais les impératifs de boulots n’ont m’ont pas laissé suffisamment de temps. Je me suis contenté de 3 dossards en 2023 :

Le Vulcain 80km en Mars, les Piqueurs en Avril, le Grand Raid 73 en mai.

Cette dernière course n’a pas été de nature à totalement me rassurer car même si je fini dans un temps similaire aux précédentes éditions et dans les 50 premiers, je termine fracassé, les cuissots en miette.

J’ai finalement fait beaucoup plus de vélo de route que de course à pieds dans le mois précédent la course, et finalement, cela me réussit toujours plutôt bien

A part ça pas de gros bobos si ce n’est un tendon d’Achille récalcitrant depuis 6 mois mais j’ai appris à vivre avec.

Arrivée en Corse et avant Course :

Nous arrivons en famille en Corse du Sud une semaine avant la course. Ces journées seront vraiment consacrées au farniente et cool. Je fais quand même gaffe à ce que je mange et bois (j’ai quand même du mal à éliminer le lait de vache que je consomme en grande quantité). Je ne ferai que deux sorties de vélo d’1h45 avec 700D+ à J-6 et J-5.

Nous arrivons sur Corte le jeudi midi, jour du départ, ce dernier étant à 23h.

Il s’agit là d’une journée difficile à gérer tant mentalement que physiquement : j’ai conduit 2h30 depuis mon village, il fait une chaleur de bête et surtout…il nous faut trouver un camping avec de la place (car les réservations à l’avance ne sont pas possibles).

Une fois le dossard récupéré et le repas pris, nous changeons le plan :

Comme la Team souhaite venir me voir à Calacuccia (passage vers 4h40/5h le lendemain), il est décidé de poser la tente là-bas, ce qui leur permettra de se lever au dernier moment puis de se recoucher.

Sur le papier c’est d’ailleurs une bonne idée car la route de Corte à Calacuccia reste assez périlleuse surtout de nuit mais cela impose un aller/retour de deux fois 45 minutes…j’ai l’impression de finir cette journée complètement exténué après avoir fait Olmeto – Corte – Calacuccia – Corte…ça promet !

J’ai beau me coucher un peu dans l’herbe au camping, je ne parviens pas à dormir.

C’est quand même dans ce genre de moment que l’expérience joue : chaque veille, chaque jour de course j’ai le sentiment d’avoir les jambes coupées, peu d’énergie, peu d’envie…mais maintenant je le sais, je ne psychote plus autant !

Vers 19h : douche, repas, je m’équipe et nous prenons la route une nouvelle fois vers Corte ou nous arrivons vers 20h30. Toute la Team va diner dans un restaurant, je les accompagne bien évidemment mais je me contente d’un double expresso.

J’ai d’ailleurs tenté pour cette course un « truc » entendu dans un Podcast :  pour ne pas être confronté à une forte envie de sommeil durant la course j’opte pour la privation totale de café pendant le mois qui précède l’évènement pour me sevrer puis reprendre la caféine quelques heures avant le départ.

Et bien…effet placebo ou pas, cela aura remarquablement marché pour moi. J’ai pris du café à deux ou 3 ravitos et je n’ai jamais été pris par le sommeil (ce qui m’arrive pourtant régulièrement sur Ultra).

22h15, à 45 minutes du départ je file vers le sas. J’y retrouve un traileur Corse rencontré l’an passé au « petit » trail de Guargualé près d’Ajaccio que j’avais gagné, il avait fini troisième. Il participe cette année au relai avec ses enfants. Rencontre très sympa.

Je n’ai pas vraiment de plan de course mais j’ai dans l’idée de mettre 27h pour franchir la ligne vers 2h du matin le samedi… « C’est beau mais c’est loin » !

La Course :

Il y a beaucoup d’émotion au moment du départ : cette course me tient à cœur, ma famille est avec moi et surtout, je suis anxieux comme rarement tant je redoute la technicité du parcours.

Ce point m’amène d’ailleurs deux commentaires déjà observés :

1/ je redoute tellement un champ de bataille annoncé que finalement la réalité est plus soft (mais pas partout…nous le verrons) que mes pires cauchemars

2/ les partie qui m’ont finalement fait le plus de mal sont celles qui sur le papier ne me paraissaient pas les plus compliquées, bref, celles que j’ai sous-estimées pour le dire autrement.

Team Gillou au départ
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Un peu de stress au départ
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23h…PAN…fumigènes rouges et musique Corse "Mi ne vogu"

Les coureurs s’élancent sur le Cour Paoli, j’ai la joie de saluer Gilles+ pour le remercier de ses vidéos très instructives. Elles m’ont par exemple permis de visualiser par où il « fallait » sortir de certains cols, comme à Bocca Alle Porte notamment. Ainsi, j’avais la cible en point de mire même s’il restait encore parfois plus de 500m de D+. J’avais même parfois l’impression de passer en terrain connu alors que j’y venais pour la première fois.

Merci Gilles+ !!

Je décide de partir vraiment très cool, sans me mettre trop devant pour une fois et ne pas être happé par les fusées d’autant que nous commençons par 1600m de D+ d’une traite.

Je suis aux alentours de la 150ème place, le rythme est tranquille et me permet de voir les lumières de la ville qui s’éloignent petit à petit, c’est magnifique.

Quelques portions seront cependant assez frustrantes car quelques petits montées et descentes techniques entre pierres et racines génèrent de légers bouchons. Je prends mon mal en patience en me disant que c’est une bonne façon de ne pas me griller.

Je suis par contre très rassuré par mes jambes en ce début de course : la montée se fait vraiment en aisance, je suis concentré, je trouve que le temps passe très très vite (avantage de la nuit de mon point de vue).

D’ailleurs, je vais même louper le superbe Arche de scandulaghju, je ne sais même pas s’il a été éclairé pour cette édition ?? Les alentours de l’arche ne sont pas les plus simples car je suis un peu oppressé par la foule mais je sais que cela ne va pas durer.

J’arrive à 00h48 au premier ravitaillement de Padule. A ma grande (et bonne surprise) j’ai faim et je mange : fromage Corse, bananes, tucs, barre chocolat. Ce sera une constante durant tout cet ultra : un estomac bienveillant, compréhensif et en forme, qui a permis d’éviter mes écueils habituels. J’ai l’impression de ne pas avoir commencé la course tant je suis frais et même « guilleret » à ce stade.

Il reste un petit coup de cul et nous arrivons au col. Après une brève descente, nous arrivons sur une piste de 4X4 de 5 kilomètres. Il faut en profiter car ce sont quasiment les seuls kilos gratos et faciles de la course.

Je trottine sans forcer sur ce terrain qui correspond bien à l’ancien marathonien que je suis. Sans effort je passe de la 128ème à la 108ème place. Le second ravito de Boniacce arrive après 50 minutes, le garde le même régime alimentaire et repars en pleine forme.

 Dès la sortie de Boniacce, nous tournons à gauche vers une descente relativement technique et difficile qui nous amène au refuge de la Sega. N’étant pas hyper à l’aise dans les branches et les racines, je me cale derrière deux traileurs qui ont un bon rythme. Je me rends compte après 20 minutes qu’ils sont sur le relai à 4…il ne font donc que 30 km jusqu’à Calacuccia, il ne faut pas que je me grille. Néanmoins, leur rythme me va bien et même si je suis en petit sur-régime, je n’ai pas à me poser la question de l’orientation nocturne, ce qui est un vrai confort mental.

Arrivé à la Sega, je commence la montée vers Pinadellu. A ce stade, je suis vraiment au top : Moral parfait, très à l’aise en montée, aucune fatigue, des jambes comme neuves.

Je pointe à Pinadellu en 92ème position, avec déjà de l’avance par rapport à des temps de passages les plus optimistes.

Cette partie de nuit est géniale : une fois sortis de la foret, nous passons sur des alpages, des crêtes, des zones dégagées où je me régale tant du décor éclairé par la lune que par le côté très joueur du parcours.

Après environ 45 minutes/1h de montée, nous attaquons la descente vers Casamaccioli.

Cette descente s’opère d’abord en sous-bois dans un single assez souple où l’on peut constamment trottiner même s’il faut rester très vigilant, je manque d’ailleurs de me « faire » une cheville ». Ce Single coupe régulièrement une piste forestière de manière perpendiculaire, ce qui permet de faire descendre vraiment très rapidement l’altitude.

J’arrive enfin dans le village de Casamaccioli où je me fais une petite frayeur : en effet, je dois sans doute me déconcentrer, me relâcher sur le bitume car d’un coup…je ne vois plus aucune balise !!

Heureusement pour la première fois depuis que je cours j’ai téléchargé la trace GPS sur mon téléphone, ce qui me permet de rapidement retrouver mon chemin.

Après 3 km durant lesquels je cours assez facilement à 13/14 km/h j’arrive au ravitaillement de Calacuccia où je retrouve la team avec beaucoup de bonheur.

Il est 4h46 du matin, je suis 85 ème.

Je connais l’importance de ce ravitaillement car la suite est le premier juge de paix de la course : la monté vers Bocca Crucetta et ses 1600m de D+. Je mange bien : fromage, café, tucs, bananes, gâteau…bref peu importe l’ordre…tout passe bien. J’ai surtout hâte de découvrir le panorama et le lac du Cinto.

Une bise à tout le monde et GO ! Je suis super en forme mais les voir me redonne encore un supplément d’âme. J’ai souvent l’habitude de ma faire un petit check up à certains moments de la course : Je me donne des notes de 0 à 10 pour 4 « catégories » (Etat des pieds / des jambes / du ventre / et enfin du mental).

Quand je fais le diagnostic à ce moment, je suis à 10 partout.

Les 800 premiers mètres d’ascension sont très agréables et faciles. Nous commençons dans le village, puis sur piste, puis sur sentiers assez faciles jusqu’au refuge de l’Ercu à un peu moins de 1600m d’altitude. Le lever de soleil sur le massif du Cinto est magnifique, les derniers névés sont en vue.

Petite parenthèse, à ce stade de la course, les bâtons sont toujours accrochés sur mon sac et ne sortirons finalement pas avant la descente finale (uniquement parce que j’avais les pieds défoncés, nous y reviendrons).

Je commence à discuter avec quelques coureurs, c’est un moment vraiment sympa

Le petit alpage du refuge est très beau et indique la fin des vacances…la suite c’est du lourd !

Nous évoluons cette fois au milieu des Blocs, mais comme je l’ai évoqué plus haut, les vidéos de Gilles+ m’ont permis de bien visualiser le terrain et surtout d’avoir la brèche de sortie en ligne de mire.

Ce que, par contre, la vidéo ne montre pas totalement c’est la beauté hallucinante du Lac de Cinto.

Celui-ci est un miroir dans lequel les névés, les pics alentours se reflètent dans une symétrie incroyable, parfaite. C’est à tomber, je suis pris par l’émotion. Beaucoup de coureurs immortalisent l’instant.

Il reste 150 mètres à gravir et je sais ce qui m’attend grâce aux vidéos et récits « les petits cailloux qui filent sous les pieds et te font reculer ».

Je m’amuse de la situation car c’est pire que je ne l’imaginais. Finalement je cible de grosses pierres pour me caler. Quel chantier !

Cette arrivée est complétée par le survol d’un hélicoptère au-dessus de nous. J’ai d’abord pensé qu’il était là pour faire des prises de vue, mais apparemment il venait au secours d’un coureur qui s’est fracturé le bassin quelques minutes avant.

J’arrive au sommet accueilli par Marie-Cécile qui me filme avec son téléphone. Je vous dis ce que je lui ai dit : « sans doute la plus belle montée qu’il m’ai été donnée de faire jusqu’ici ».

Comme je suis heureux d’être là !

Il est 7h52, je suis monté en moins de 3 heures, j’ai gagné 30 places dans la montée et pointe 55 ème. 

Montée vers Bocca Crucetta
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Lever de soleil
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le lac du Cinto
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A partir de maintenant, je trouve  que l’espacement entre le concurrents va devenir de plus en plus marqué, je serai seul à de nombreuses reprises ou juste en binôme, ce qui n’est pas pour me déplaire.

Après une petite discussion avec les bénévoles je m’engage dans la descente vers le refuge de Tighjettu puis vers les Bergeries de Ballone.

La forme est bonne mais là franchement…je touche mes limites techniques : la honte, je suis parfois obligé de me mettre sur les fesses, de descendre en posant les mains…je vais mettre 1h05, là ou Lambert Santelli le vainqueur n’en met même pas 30’ !

Je suis tellement concentré, le nez dans les chaussettes que je ne verrai pas le refuge !

Par contre ce que je vois c’est que le paysage est à tomber. Nous sommes désormais sur le GR20 et notamment dans l’une de ses parties les plus techniques (l’étape 4 Asco – Tighjettu).

Bref je ne fais pas le malin mais j’avance.

La suite s’assoupli légèrement et je suis heureux d’arriver à Ballone à 9h pile, je suis 59ème…4 places de perdues après avoir fait beaucoup de « 4 pattes »…ce n’est pas si mal.

Le refuge de Ballone fait du bien, et je pense à bien reprendre des forces car l’enchainement qui arrive est vraiment costaud.

Je repars dans la roue de deux participants sur une première partie en sous-bois à majorité descendante d’abord mais toujours assez technique (de toute façon c’est toujours technique cette course !!).

A ce stade de la course je ressens pour la première fois les effets de la chaleur mais par bonheur il a beaucoup plu sur la Corse au printemps, nous serons constamment au contact de sources, de torrents, fontaines…je bois, je bois, je bois…

Et puis d’un coup d’un seul, le sentier se cabre. Nous avons dans le dos les fameux pics des Cinque Frati, le Paglia Orba nous domine de son aileron à droite et le Tafunatu fait de même à notre gauche.

La montée c’est simple…un mur littéralement sur 700/800m et il n’y a pas un poil de vent sur le première partie.

Je suis néanmoins relativement bien et nous nous relayons à 3 pour mener cette montée.

Les randonneurs nous laissent passer, nous encourage, c’est cool.

Je pense arriver au sommet lorsque la vue se dégage mais non, il faut encore grimper vers Bocca Foggiale néanmoins il y a du vent cette fois ce qui rafraichi bien.

Que je suis heureux d’être là, les voyants sont au vert, ces sommets sont somptueux.

Je galope pour rejoindre le refuge de Ciottulu di mori.

Alors là attention…petit moment de bonheur : la source coule cette année et elle est tellement fraiche…les 4-5 traileurs autour de moi sont attablés comme au bar du coin à enchainer les gobelets d’eau fraiche.

Il est 10h41 (j’ai 1h d’avance sur mon plan de course) je regagné 4 places (54ème).

Depuis Bocca Crucetta, nous sommes sur le GR20. Pourtant en repartant avec Pierre, je commets une erreur. Je pars vers les marques rouges et blanches du GR, or il fallait tourner à gauche pour descendre directement dans la pente. Nous nous en rendons compte au bout de 10 minutes de descente. Là encore, je checke ma trace GPS et nous voyons que nous pouvons rejoindre la trace plus bas. C’est cool mais nous avons été bons pour 1,5 km de rabe. Néanmoins ce coup de pression a eu le mérite de nous booster d’adrénaline et de nous réveiller.

Il reste 8 km entre Ciottulu et la base vie de Vergio en passant par les bergeries de Radule. Le sentier est difficile certes mais cela reste raisonnable, nous évoluons dans la magnifique vallée du Golo, torrent emblématique de la région.

le Gollo
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Je repère la traversé via le pont déjà vu sur les vidéos de Gilles+. Après les bergeries, il reste 3 km en sous-bois durant lesquels je parviens à courir dans la foulée de Pierre que me tire en descente quand je fais de même en montée.

Et ça y est…enfin la route où m’attend mon fils Amaury qui m’annonce…qu’il a eu son brevet des collèges avec mention…belle journée décidémment ! Nous parcourons une centaine de mètres et je rejoins l’équipe à la base vie. Il est 12h17 – 54 ème.

Faisons un point d’étape : Nous sommes au 60ème km sur 110, nous avons fait 4900m de D+ sur 7200 et je suis en pleine forme mis à part les pieds qui commencent à chauffer sérieusement. Il va être grand temps de noker et de changer de chaussettes mais à part ça tout va bien.

Mon équipe est aux petits soins, ainsi que les bénévoles. Jamais besoin de me lever.

Le ravito, comme tous d’ailleurs, est très bien achalandé : je me régale d’une salade de riz, pastèque, gâteau, fromage et l’habituel café pour finir.

L'équipe à Vergio
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Après une pause de 20 minutes environ (pas de certitude), je repars avec Pierre.

La partie suivant est la première qui va vraiment me piéger :

Je m’attendais à une ascension vraiment tranquille, douce et courte. Je pensais que le pylône que nous avons en ligne de mire allait représenter la fin de la montée…erreur, c’est à peine la moitié.

Bref, après un passage ludique en sous-bois, nous attaquons la montée vers Bocca A Reta : Il fait chaud, il est 13h, je digère…où là là…pas beaucoup de rythme. Je me mets dans ma bulle en me disant que je suis de toute façon très en avance.

Je n’ai plus trop de souvenir de ce moment de la course mais petit à petit la pente s’assouplie, le terrain se simplifie et passé le col et après avoir couru un peu, je finis par apercevoir le magnifique lac de Nino.

Je commence à avoir du mal à relancer mais le rythme reste correct. Les passages de prairie permettent de soulager les pieds sur un tapis herbeux.

Après avoir contourné le lac par la droite j’arrive à un ravito très sympa et familial avec des gamins qui ont dû camper ici et accompagnent les bénévoles. C’est sympa et je dézingue littéralement le stock de Coca et de gazeuse.

Il est 14h37, c’est avec surprise que je vois que je suis passé 48ème sans avoir doublé personnes (mon arrêt à la base vie précédente a dû être plus court que la moyenne).

Lac de Nino
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Le plus connu des arbres du coin !
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Je sais que la partie suivante est une transition assez simple qui doit nous amener au refuge de Manganu qui va précéder le monstre !!!

Manganu à un avantage, on le voit de loin, notamment du refuge précédent. Il est possible de courir sur toute cette partie pour peu que les jambes soient au RDV. De mon côté j’alterne marche et course car je redoute énormément la partie suivante.

Avec la chaleur ambiante, je pense quand même avoir un peu trop puisé car la courte montée vers le refuge est laborieuse.

Je cherche à boire, un sympathique Traileur Corse m’indique une source légèrement en hauteur à la droite du torrent. Il me déconseille d’ailleurs d’éviter de boire au torrent à cet endroit car celui-ci est rempli de baigneurs un peu plus haut. Enfin il me prévient qu’il vaut mieux attaquer la montée avec quelque chose à manger car ça va être rude. Ses conseils seront judicieux.

Et c’est partie pour le monstre, 800D+ vers Bocca Alle Porte (ou brèche de Capitello). Les premières rampes son terribles, techniques. C’est difficile à décrire mais le chemin à suivre n’est pas intuitif, il faut mettre les mains pour escalader de gros blocs et la chaleur écrase.

Heureusement, une fois encore les récits et vidéos de Gilles+ m’ont bien aidé : je visualise les deux paliers d’alpage intermédiaires et surtout je parviens à discerner la porte de sortie à côté d’un petit téton sur la gauche de la muraille que nous avons en face de nous.

La fin est terrible mais le point de mire nous aide beaucoup et…finalement…se rapproche assez vite.

J’arrive pourtant en haut bien entamé et à la limite de l’hypoglycémie. Je me pose sur un rocher et ingère deux Pompotes. La vue est top même si les lacs sont désormais dans le brouillard. La météo est plus menaçante d’un coup sur ce versant

Montée vers la brèche de Capitello
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Cette météo donne d’ailleurs un côté assez inquiétant à cette zone qui peut se révéler dangereuse dans de mauvaises conditions. Les suivant passeront d’ailleurs sous l’orage.

J’ai rattrapé Pierre et un coureur Suisse dans la montée, il faut continuer. La partie suivante est la seconde après Tighjettu dans laquelle je vais vraiment subir mes limites techniques : le passage de Bocca Alle Porte au ravito de Bocca Soglia est franchement dangereux, notamment pour celles et ceux qui y passeront de nuit. Bref, il faut être prudent, ne pas déconner, mais je galère quand même. Une fois encore je descends autant avec les mains qu’avec les pieds.

Comment vous décrire cela : longer des parois, passer sous des roches, desescalader avec les mains, faire gaffe à ses appuis puis sauter au niveau inférieur…pouahhh…pas fait pour le beauceron orléanais que je suis !

Je suis ravi d’arriver à l’excellente source de Bocca Soglia où je pointe à 17h44 – 45ème

Je connais (un peu) la partie suivante pour avoir randonné en famille près des lacs de Melo et Capitello. Ce haut lieu du tourisme Corse est vraiment très très beau. Mieux vaut éviter quand même d’y venir en tongue, le terrain est hard.

De mon côté, je suis en galère technique mais les jambes sont bonnes et il me tarde de retrouver la troupe à Grotelle. Je m’étais sonné une heure pour y arriver, j’y serai en une heure pile.

Cette partie consiste essentiellement à descendre…entre les deux chemins d’accès aux randonneurs…il n’y a donc… pas de chemin du moins sur la première partie.

Dans les nuages je ne profite pas du décor mais je profite quand même d’un parcours très varié et ludique (enchaînement de sentiers empierrés, d’énormes dalles, de petites prairies herbeuses…).

Voici venue la petite bergerie ou l’on peut acheter à boire l’été puis la bergerie de Grotelle 10 minutes après.

J’y suis à 18h44 – 43 ème. J’ai 1h d’avance toujours. Bonheur de retrouver l’équiAvec Tchoupipe et le toutou qui me fait la fête à mon arrivée.

 

Bon…pour l’instant je donne l’impression que tout va bien mais…il y a un mais…les pieds sont en charpie et ressemblent à un steak tartare. Il n’y a pas de podologues de toute façon, donc je me contente de noker et changer de chaussettes. Il n’en reste pas moins que la fin va être difficile car je redoute les 13 km de descente finale.

Je prends donc le parti de faire un « stop » assez long à Grotelle quitte à perdre des places.

De toute façon je veux profiter de la famille de la team qui a pris une route difficile, stressante pour venir me voir.

Je mange bien, je bois, je discute. Je n’ai vraiment aucun doute sur ma capacité à aller au bout d’autant que je ne redoute pas du tout la montée vers Alzu (et ça c’est une erreur !!!).

A 19h05, après 20 minutes d’arrêt, je pars dans la foulée de 3 coureurs dont une féminine. Le prochain RDV avec mes proches sera à Corte !

Je m’équipe de ma frontale même si je vais finalement faire toute cette montée sans en avoir besoin.

La première partie se déroule sur 1 km de route puis sur un sentier qui longe la vallée de la Restonica. Cela aurait pu paraître un peu long si j’avais été seul car ça ne monte jamais vraiment et ça ne descends jamais vraiment, mais je suis en pilote automatique dans les pas des 3 qui me précèdent.

Bon je vais être franc, je n’ai pas trop accroché avec eux : pas vraiment d’interaction, pas d’entraide et cerise sur le gâteau : l’un des coureurs qui met de la musique en haut-parleur sur son téléphone…en course je n’avais jamais vu ça.

Je n’ai rien dit, mais au milieu de la majestuosité de ce lieu j’ai trouvé cela dommage, limite irrespectueux.

Pour revenir à la course, cette partie dans la vallée de la Restonica est magnifique, le versant du Monte Redondo dans la brume, des cascades magnifiques, le coucher de soleil, incroyable.

Là encore, je m’étais imaginé une montée très simple avec différents récits qui précisaient qu’il suffisait de suivre les lacets et d’éviter de couper droit dans le pentu.

Et bien…les lacets je ne les ai pas vus…j’ai trouvé la montée très directe.

A ce stade, je ne suis pas vraiment en souffrance physique, mais mentalement cela commence à être long : il fait chaud (aucun vent sur cette montée), et en voyant les crêtes tout en haut j’imagine ce qu’il reste à monter !

La fin de l’ascension est d’ailleurs assez rocailleuse et technique, il faut régulièrement mettre les mains. Heureusement nous croisons plusieurs fois des sources salvatrices indiquées par l’orga.

Et puis, et puis…enfin, nous entendons des bénévoles nous interpeler des hauteurs et quelques minutes après nous arrivons sur le plateau d’Alzu « un haut lieu d’estives pour les cortenais » comme le précise le site de la course.

Cet alpage, où nous arrivons entre chien et loup, est à tomber une fois de plus. Le vent du soir nous fait un bien fou.

C’est en trottinant que j’arrive au dernier ravitaillement, le D+ est cette fois quasi fini.

Je décide de ne pas repartir pleine balle avec les autres coureurs, je prends quelques minutes pour déguster du fromage frais arrosé de coca, je profite du moment et j’ai envie de finir seul, ce que je vais d’ailleurs avoir la chance de faire sur les 13 km restant.

Je repars 51ème, place qui ne changera plus désormais

Les pieds sont le seul point problématique. Chaque appui en descente devient un calvaire car j’ai aux deux pieds les talons et les coussinets sous les gros orteils complètement ouverts.

Pour la première fois de la course je décide de prendre les bâtons pour amortir les chocs.

Je me fixe un challenge : il est 21h30, la descente est donnée pour 2h30…je veux finir avant minuit !

Cette descente doit être très ludique lorsque l’on est frais, mais là je souffre quand même avec beaucoup d’hésitation pour me lâcher et courir lorsque cela est possible. J’ai surtout une hantise : louper une balise et me perdre car : je n’ai plus de batterie de téléphone et donc de trace GPS d’une part, mais surtout je suis totalement seul, sans frontales ni devant ni derrière d’autre part.

Il faut dire aussi que sur cette section le balisage est assez léger, pour ne pas dire limite. Point positif, chaque balise qui vient apparaître dans le faisceau de ma lampe devient un moment de bonheur. Je crois avoir remercié chacune des balises entraperçues après de gros moments de doute…

Je galère mais je sais que je limite le casse dans cette partie car même quand je marche c’est vraiment en mode « marche rapide » dynamique. Les bâtons me sont cette fois d’une grand aide pour amortir.

J’aperçois enfin le fameux pont du Russulinu qui apparait dans la vidéo de Gilles+. A ce stade je sais que je suis globalement à mi descente, il doit me rester 6 ou 7 km.

Cela aurait pu finir tranquillement mais contrairement aux prévisions annoncées, je suis surpris par l’arrivée d’éclairs d’orage et de plusieurs coups de tonnerre proches de moi. Je n’ai pas envie de prendre une grosse saucée sur la tête ni de finir sous la pluie avec mon équipe qui attend sur la ligne.

Allez, je jette mes dernières forces dans la bataille pour finir le plus vite possible. Je cours tout ce qui est possible de courir et aperçoit enfin les lumières de Corte en ligne de mire

Après 2h20 de descente, ça y est…je suis sur le bitume. Des bénévoles nous y attendent pour nous préciser de bien repasser par la Citadelle. Quelques terrasses sont encore ouvertes et les encouragements, félicitations des touristes et des Cortenais font du bien.

Je plonge ensuite vers la place et le Cour Paoli où mon petit dernier m’attends.

Je ne sens plus la fatigue, plus mes pieds…je passe la ligne avec toute mon équipe. Quel moment de bonheur, quel émotion !!

Finalement j’ai bien gazé sur cette partie finale car le groupe, que j’avais décidé de laisser filer à Alzu n’est arrivé que 3 minutes avant moi..

Je passe la ligne à 23h56 – un peu plus de 2 heures d’avance sur ma prévision de 27h de course.

TEAM à l'arrivée

La suite est cool : on fait des photos sur la ligne, je vais au camp d’arrivée récupérer ma médaille, boire une bière, manger du gâteau Corse puis nous filons tous au camping chez Bartho où je m’écroule dans le van après une bonne douche.

Merci à l’organisation (René et son équipe), aux bénévoles, aux coureurs croisés, à Gilles+ pour sa capacité à transmettre des émotions dans ses vidéos et bien sûr à toute l’équipe de la Team GILLOU.

Comme disait Saint Exupéry : « Il n’est qu’un luxe véritable, c’est celui des relations humaines ».

Deux jours après à froid, je n’ai pas de courbature, pas mal aux jambes mais juste des pieds gonflés et une fatigue intense. Il me reste deux semaines pour profiter de Kalliste, l’île de beauté

Points annexes pour cette course :

Bien préparer les pieds 15 jours avant

Mieux vaut arriver frais, sous entrainé plutôt que l’inverse

Boire et se rafraîchir aussi souvent que possible

Prévoir Nok et aux moins 3-4 paires de chaussettes en course

Bâtons pas forcément nécessaires

Arriver sans dette de sommeil

Prendre son temps, décomposer la course étape par étape

Etre encore « bien » en arrivant à Vergio

Matos : Chaussures MTC2 Evadict sur l’intégralité de la course

3 commentaires

Commentaire de Benman posté le 11-07-2023 à 12:25:44

Tu loues la team Gillou pour d'autres courses? elle a l'air au top! Bravo pour cette belle aventure

Commentaire de gilles+ posté le 12-07-2023 à 01:03:33

Whaou quelle course rondement menée ! heureusement que tu m’as vu sur le cours Paoli juste après le départ, très brève mais néanmoins fort sympathique rencontre sous les fumigènes ! Bravo à toi et au team et merci pour les gentils clins d’œil à mes vidéos !

Commentaire de gpreveraud posté le 13-07-2023 à 21:21:10

Bravo pour cette course bien menée, bien supportée et chapeau pour l'arrivée juste quelques minutes avant minuit. Je suis bien placé pour te dire que ceux qui ont dépassé l'horaire se sont transformés en crapauds et en ont bien bavé pour terminer!

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