Récit de la course : Trail Verbier St Bernard - X-Alpine - 111 km 2019, par Titus73

L'auteur : Titus73

La course : Trail Verbier St Bernard - X-Alpine - 111 km

Date : 6/7/2019

Lieu : Verbier (Suisse)

Affichage : 2368 vues

Distance : 111km

Objectif : Terminer

4 commentaires

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Le Bûcher des Vanités

8 mois que je suis inscrit, j'ai hâte d'en découdre avec ce TVSB 2019, me prouver que je peux rester performant malgré les côtes à haut pourcentage, moi le sprinter des bas plateaux. Arrivé sur les lieux le vendredi, je constate que mon airbnb est à 100m du départ. On ne peut réver mieux. En revanche il faut redescendre au Chable 500m plus bas pour le briefing d'avant-course qui n'a fait qu'augmenter mon anxiété : météo incertaine sur les orages et des températures extrèmes à venir, rappel de moins de 50% de finishers d'année en année...
Pour ne pas céder à la panique après avoir fini de préparer mon paquetage de course, je pars m'installer sur une terrasse de Verbier où je fais la connaissance de Thierry sympathique Suisse venu se mesurer à l'X-Traversée. Autour de nous, de l'anglais, quasi exclusivement, je prends donc une bière (sans alcool, faut-il le préciser?).
Couché à 10h30, je me réveille après une bonne nuit, la première pour une course de ce genre avec la voix de Bixby qui m'annonce 17°C, de la douceur, cette course promet d'être de la ouate. En 45 min, je m'habille, mange, fais les derniers réglages et pars pour l'arche verte. Pas le temps de stresser, il reste 5 min avant le départ, je n'ai jamais été aussi sur de ne pas terminer ma course (trop de paramètres négatifs ces dernières semaines) alors je me dis que ca va aller, tout est bonus.

Départ Verbier 5h00 le 6 juillet.
Quelques vers récités et c'est parti, descente dans la ville pour étirer le peloton de cette 2eme vague qui est censée être la plus rapide. De fait, je me sens hors de rythme dès que la pente s'élève vers le Chateau. La nuit s'efface progressivement, j'avais fait le choix de ne pas mettre la frontale sur ce début de course me placant dans les pas d'une luciole. J'ai bien fait même si la première descente sur Sembrancher est un peu limite dans les bois.
Je me sais bon descendeur mais retiens un peu pour ne pas me laisser embarquer dans un rythme trop rapide qui me cramerait par la suite. Il est difficile de dépasser de toute facon dans ces lacets piégeux sombres et racinaires. Arrivés dans la vallée nous faisons quelques kilomètres sur la piste secondaire pour rejoindre Sembrancher doté d'une jolie église. Le ravitaillement se fait en express et il fait déja chaud alors qu'il est un peu plus de 6h30.

Sembrancher 6h22 le 6 juillet 700m. Je m'arrête à la première fontaine pour me rafraichir. On court un peu à fond de vallée en faux plat montant et traverse un nouveau village qui annonce le départ des choses sérieuses. La pente s'élève rapidement mais reste gérable, mes piètres qualités de grimpeur m'ont habitué à voir s'envoler les coureurs plus aériens, je ne panique pas. On arrive au ravitaillement de l'Alp Catogne un peu folklo, c'est une ferme qui sent bon le bétail et l'une des bénévoles tente de vendre, ou pas, son rivella à base de petit lait. Personne ne veut prendre le risque d'une indigestion.

Alp Catogne 7h50 le 6 juillet 1800m. Il reste 700m de montée et cette fois, on ne rigole plus. C'est très raide et j'appercois en contrebas l'Alp Catogne, je m'arrête pour prendre le premier des quelques clichés de cette riche journée. Je n'essaye meme pas de m'accrocher à un quelconque des nombreux chamois qui me dépassent. Des vues splendides permettent d'agrémenter cette montée et l'arrivée au Catogne est un soulagement. Les bénévoles y font la fête ou presque, ca s'interpèle sur fond de musique rock.

Catogne 9h07 le 6 juillet 2550m. Le soulagement est de courte durée. La descente est à nouveau très raide, technique. On voit enfin Champex et son lac qui donne envie de s'y baigner avec la chaleur qui monte. Le sentier de cette descente est délicat, je me tord le pied, tombe 3 fois, mis sous pression par les coureur.e.s devant et derrière moi (mais pourquoi sont-ils donc si pressés). Je me sens à court de jus, les jambes flageolent et ne vois pas bien comment je vais pouvoir expliquer mon abandon à Champex.

Champex-Lac 10h21 le 6 juillet 1450m. On me hurle la barrière horaire dans 9minutes avant de se raviser pour me donner 30 min de rab du fait de la 2eme vague. Je repars et aperçois soudain un coureur avec un dossard particulier, il milite pour la reconnaissance de la maladie de Charcot. Nous avions couru ensemble également au Munster trail en octobre 2018, le 70km puis le 30km. Il me dit qu'il est mort et me dit que peut-etre les 90km de Gerardmer le WE passé y sont pour quelque chose (tu m'étonnes!!!). Il est limite barrière horaire car lui est parti à 3h avec la première vague. On remonte un petit ruisseau/torrent pendant un moment et je veux tremper ma visière pour me raffraichir. Erreur classique, j'oublie que les lunettes de soleil y sont accrochées. Je les vois partir avec frustration, impossible de les rattraper dans ce courant. Je repars et après quelques passerelles en bois, la montée vers Orny démarre. D'abord dans les sous-bois et les myrtilles, c'est un moment très agréable avec les fleurs et le torrent qui gronde un peu plus loin. Puis le terrain devient plus minéral, dur avec le soleil qui tape, la montée est plus sèche aussi. Enfin la neige fait son apparition et les alpinistes en goguette croisés sur le chemin nous interpellent. Ca sent la haute montagne. Les paysages sont magnifiques, on doit faire une petite croche pour rejoindre la cabane d'Orny un lieu magique ou on croise les coureurs plus rapides qui redescendent après le controle.

Orny 13h30 le 6 juillet 2700m. Redescendre dans la neige n'est pas toujours chose facile, certains s'essayent au ski en chaussure, je m'aide des batons mais ce n'est pas nécessairement la meilleure idée. Cette descente est longue mais beaucoup plus roulante que les 2 premières. Je me dirige vers la Fouly d'un pas nettement plus léger, un premier point d'eau intermédiaire a été placé avant (Saleinaz) le point bas à 1200m d'altitude puis une petite mais pas si courte remontée dans la vallée nous emmène à la Fouly. Je fais cette montée avec Jan un Suisse charmant de Lausanne, et dont la famille fait les ravitaillements. Il m'a remarqué je ne sais pas comment, probablement parce que je le rattrappe dans les descentes lui le fils de montagnard grimpeur qui m'a surement déjà déposé 2-3 fois.

La Fouly 16h12/16h33 le 6 juillet 1500m. 20 min de pause au ravitaillement pour recharger la montre, manger et boire correctement faire sécher un peu le maillot trempé. J'appercois les premiers malades, coureurs en soufrance. Je me sens tellement mieux qu'à Champex et veux repartir rapidement, Jan part 3 min devant moi en m'assurant qu'on se retrouvera. On monte gentiment dans une piste sur 2 ou 3km et sur ce type de pourcentage, je maintiens facilement un bon rythme. Puis ca redescend légèrement en single, j'ai vraiment l'impression d'être en forme au point que je rattrappe déjà Jan; un petit bout de chemin ensemble et je le quitte à regret, il ne semble pas au mieux physiquement. On commence à monter plus sérieusement et les nuages se sont invités, la température devient nettement plus supportable. C'est du bonheur avec cette vue sur la vallée de la Fouly les vaches dont les cloches tintent sans cesse emmenées non loin guidées par les chiens vers leur traite je suppose. Enfin j'arrive au col de Fenêtre mais ne peux profiter vraiment de la vue, ayant peur de me refroidir exposé au vent

Col de Fenêtre 19h04 le 6 juillet 2700m. On voit la route un peu plus bas qui mène au Grand St Bernard, je descends rapidement avant de remonter vers le ravitaillement, un peu surpris par ces gens que je vois et m'encouragent. La pluie s'invite cette fois, je ne vais donc pas rester longuement non plus sur ce ravitaillement. J'entends les autres coureurs pas très optimistes, ca sent la fatigue.

Grand Saint Bernard 19h34 le 6 juillet 2450m. J'ai l'impression qu'on va prendre la route pour redescendre vers Bourg St Pierre mais après le passage de douane un petit chemin s'enfonce dans les gros rochers remontant vers le col des Chevaux. Magnifique route aérienne même si le soir tombe doucement. La douceur reste de rigueur, ce col est bien haut et la descente vers Bourg St Pierre fort longue. Les quelques dossards que je croise ont les mêmes hésitations que moi, chaque bosse, chaque replat est l'occasion d'espérer le village surtout devant le lac des Toules et son barrage mais il ne vient pas et il faudra même mettre la frontale 10 minutes avant d'atteindre ce ravitaillement attendu, la visibilité devenant trop faible dans les bois.


Bourg St Pierre 22h08 le 6 juillet 1600m. Je taille la bavette avec la speakerine au moment de reprendre les batons après près de 30 min de pause. Repartir vers Mille dans la nuit, sous une petite pluie fine, des frontales visibles par intermittence, c'est bien une course à taille humaine comme je les aime, sans une guirlande de lumière comme sur la CCC ou la Maxi-Race. Monter n'est pas trop difficile mais soudain tout se bloque presque 2km avant la cabane dont on apercoit les fenetres allumées dans la nuit. Le coca associé à l'eau ne passe plus, je sors une pate de fruit qui ne vaut pas mieux, ca ne sent pas bon, l'eau simple est inavalable. Le hoquet apparait, inarrêtable, ca va durer des heures. Je ne peux plus courir dans ces conditions

Cabane Mille 1h40 le 7 juillet 2500m. C'est la fin de la performance, maintenant c'est le mode survie qui prévaut. Je vomis après être sorti de la cabane, tente de m'engager dans la descente mais c'est impossible, toute tentative d'accélérer se traduit par un diaphragme très douloureux et à la limite de rendre. La descente signe mon calvaire jusqu'à Lourtier où cette fois tout sort mais ca ne me soulage pas plus que ca. Me voila comme un zombie dans la zone de ravitaillement qui ne fait guère envie. J'ai réussi péniblement à prendre un verre d'eau que je tente de garder. 20min au moins passent.

Lourtier 4h36 le 7 juillet 1000m. The "Wall", tout le monde en parle, c'est le mur de 1200m D+ qu'il faut affronter pour pouvoir prétendre être finisher de l'Alpine. Je l'entame sans énergie et donc sans ambition. Je parviens à monter 300m de Dénivelé avant de m'éteindre dans un virage. Petite vue rassérénante et 2 coureurs arrivent en mode cordée; je m'accroche à eux comme la vermine et miracle, je monte. Ils ne sont pas non plus à un rythme digne du Jornet mais ces sénateurs me permettent de gagner les hauteurs et les arrivées de télésiège, signe du succès. Je rentre au ravitaillement et demande une bière sur le ton de la plaisanterie. Quelle n'est pas ma surprise quand la bénévole extirpe un bro plein de ce liquide jaune et mousseux que je connais bien! Je manque de vomir dans l'instant. Heureusement la s'arrête la plaisanterie, je remplis mes gourdes d'eau même si je sais que c'est pour le principe et que je les viderai pas.


Lachaux 7h25 le 7 juillet 2250m. Je croise un Singapourien qui a son avion à prendre dans quelques heures et ne m'attend pas dans la descente qu'il dévale, impressionnant de maitrise après tant d'heures. Quand à moi je prends le temps de prendre quelques photos, incapable que je suis d'accélérer. Et pourtant cette descente soutenue par des textos revigorants se fait, avant d'atteindre le replat et l'orage qui s'annonce. Serai-je de retour avant la grêle? Comme pour Bourg St Pierre, 10 min avant Verbier alors que je vois la ville, les grosses gouttes et un peu de grêle déclenchent la sortie de la veste de pluie. C'est sous des trombes d'eau que j'arrive sous l'arche et incapable d'en profiter que je me dirige vers l'abri postal pour récupérer mon sac et viser une bonne douche.


Arrivée Verbier 8h47 le 7 juillet
Une course splendide, avec des panoramas à couper le soufle et des sentiers difficiles qui font mesurer l'humilité nécessaire avant d'affronter ce monstre au 48% de finishers. Je reviendrai surement sur la X-Traversée qui a un parcours un peu différent mais non moins magnifique d'après les échos que j'en ai reçus. Mon aventure se termine avec la satisfaction d'être finisher, d'avoir su perséverer dans la douleur pour franchir cette arche des aventuriers perdus, dans un désert de spectateurs du fait de l'orage.

4 commentaires

Commentaire de Spir posté le 10-07-2019 à 19:39:27

Voilà une course rondement menée malgré le passage à vide. Fallait trainer un peu plus, nous on a presque pas eu de pluie ☺️
Bonne récupération !

Commentaire de Titus73 posté le 12-07-2019 à 10:18:04

Merci Spir,
bonne récupération également

Commentaire de Dahus69 posté le 11-07-2019 à 22:01:39

Merci pour ton récit, qui me fait découvrir "et vivre un peu" ta course et montre que toi aussi tu as alterné ton lot de bonheur et de moment plus difficile. Après analyse des temps de passage je découvre que nous nous somme croisés 2 fois, je t'ai doublé dans la descente de catogne que je passe 9 places derrière toi et tu m'as doublé après le col de Breya quand j'étais encore au bord de la rupture et faisais partie des zombies de cette zone-là. Au plaisir de te rencontrer pour de vrai sur un autre Ultra! Bonne récupération.

Commentaire de Titus73 posté le 12-07-2019 à 10:17:31

Merci Dahus69,
Ce sera avec plaisir sur une prochaine course.

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