Récit de la course : Les Templiers 2012, par pascal72

L'auteur : pascal72

La course : Les Templiers

Date : 28/10/2012

Lieu : Millau (Aveyron)

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Distance : 71km

Objectif : Pas d'objectif

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Grande course des Templiers : Plaisir et douleurs.

 

Dès le début de ma saison, j’avais mis la grande course des templiers comme objectif d’automne. N’ayant jamais fait une telle distance (72 km), c’était un peu l’aventure. Je décide de demander conseil à Eric, un entraineur chevronné. Et comme par hasard, il m’informe qu’il fait lui aussi cette course ainsi qu’un groupe de sa connaissance composé de plus d’une vingtaine de coureurs, certains sur le 29km (la Mona Lisa), d’autres sur le 40 kms (le marathon des causses) et d’autres sur le 72 km.

Dans la voiture qui nous emmène vers Millau, je comprends vite que mes quatre camarades de voyage (Eric, Patrick, Bruno et Vincent) sont d’un niveau largement plus élevé que le mien. Je fais un peu « randonneur » à leur côté. Julien, un autre traileur de bon niveau, a réservé pour la vingtaine de coureurs des chalets à Rivières sur Tarn. Je me retrouve logé avec mes quatre amis de voyage. Le samedi, nous allons chercher nos dossards dans le village départ, on sent l’ambiance monter, d’autant que le départ de la Mona Lisa puis du marathon des causses est donné.

Au retour, nos coureurs nous informent qu’il fait un froid de canard sur le causse. Pas rassurant. La météo annonce une forte baisse de la température pour cette nuit. -4 avec ressenti -9 sur le causse pour la fin de nuit prochaine. J’ai pris les vêtements (avec les trois couches : respirant, chaud, isolant) en conséquence mais, malgré tout, je ne suis pas si rassuré.

Comme des bébés, nous sommes couchés vers 20h30. Réveil à trois heures du mat. Direction Millau. Il fait froid. Nous nous garons loin du départ. Les 2300 coureurs convergent vers les sas. Nous ne sommes pas en avance. Nous nous éparpillons. A’ cinq minutes du départ, j’ai perdu mes colocataires.  Il est presque 5h15mn, heure du départ. Au milieu du peloton, l’ambiance se réchauffe d’autant plus que la sono commence à diffuser la musique d’ERA. Nous allumons nos frontales. Les fumigènes rouges s’allument dans le ciel, le départ est donné. C’est grandiose.

Désenchantement. Mon GPS ne se met pas en route. Je me mets sur le bas-côté, essaie de relancer la demande satellite plusieurs fois, rien à faire. Tout le peloton est parti. Tant pis, j’y vais à l’ancienne, juste avec le chrono. Je pars donc bon dernier. Ah non, je vois deux ou trois retardataires qui, comme moi, essaient de rattraper le peloton. Je ne stresse pas. Je sais qu’il va y avoir des bouchons mais sur 72 km, j’ai le temps. Je double un peu sans forcer. La route est large sur deux kms puis plus étroite. La montée commence, légère au début, puis un peu plus prononcée. Certains marchent déjà. Je double en trottinant. Nous nous engageons sur un chemin qui grimpe dur. Comme tout le monde, je passe en mode marche. Bouchon. Nous montons tranquillement la longue côte de Carbassas. La montée est longue, près d’une demi-heure. Le sol est gelé, la pente est glissante par endroits. J’essaie de relancer mon GPS. Après plusieurs tentatives, en haut de la côte, il se met enfin à fonctionner, avec au moins 6 ou 7 km de retard.

Une heure de course, je mange mais ma barre alimentaire s’est durcie avec le froid. Mes dents ont du mal à la couper. Allez ! Je suis sur le causse maintenant. Le chemin est large. Je peux enfin courir à mon allure. Sans forcer. Je suis à 5mn 40 au kilo. Je double tranquillement. Il fait froid, il y a du vent et quelques flocons de neige tombent mais mes vêtements sont bien adaptés. Mon bonnet et mes gants sont chauds. Finalement, je suis bien. Petit à petit, le jour se lève. Après 12 kms de causse, nous entamons la descente, large et douce au début. Je double encore. Puis le chemin devient monotrace et plus technique. Nous voyons Peyreleau (22e km). 1 er ravito. J’y suis en 2 h35 mn (1246e).

Je reste 3 mn au ravito puis j’entame la remontée sur le causse. Nous sommes à la queue leu leu. Cela n’avance pas vite mais impossible de doubler. Ce n ‘est pas grave, je garde des forces. 3 ou 4 km de montée. Enfin, un chemin large. Nous sommes presqu’en haut du causse. Je peux doubler. Je trottine. Vers le 30e km, je double Urbain. Il me dit qu’il a un problème au genou. Je lui réponds de continuer tranquillement. Maintenant, la végétation du causse change. Nous étions protégés par des arbustes, nous sommes maintenant au milieu des champs. Le vent est glacial. Le deuxième ravito, Saint André de Vézines, est en vue. 4h04mn de course (1042e), 34,5 km de fait. Tout va bien.

Nous sommes dans une grande grange. Je veux prendre mon tube d’Isostar mais quand j’ouvre, les cachets, sous les chocs répétés, se sont transformés en poudre et j’en déverse plus de la moitié à côté. Par ailleurs, mes barres énergétiques sont toujours aussi difficiles à manger. « Allez ! Tant pis, je me casse. » D’autant qu’il fait froid dans cette grange.

A’ part le vent froid sur ce causse dégagé, tout est ok. Je fais une pause technique. Avec le froid, mon petit tuyau n’est pas bien vaillant. C’est reparti ! J’arrive en haut d’une falaise. Nous sommes en chemin monotrace, la vue est splendide. Nous traçons en balcon sur quelques kilomètres, les photographes sont là. Devant moi, un petit groupe fait les fanfarons pour la circonstance.

Notre petit groupe entame la descente. Celle-ci est technique et glissante. Je me retrouve sur les fesses mais le moral est là. Malgré la difficulté, l’allure est rapide. Je suis quelques coureurs aguerris. A’ un moment, l’un d’eux nous dit que le paysage est splendide. Il a raison, nous levons les yeux et voyons sur une falaise voisine, un petit hameau, semi désertique. C’est beau ! Mais il faut continuer. En bas de la descente, nous sommes à la Roque Saint Marguerite, nous traversons la Dourbie.

Troisième difficulté de la journée. Je montre tranquillement en marchant, bois et mange. Nous arrivons maintenant en haut du causse du Larzac. Cela me rappelle des souvenirs.

 Voilà une dizaine d’années, j’étais venu en vacances par ici et, par hasard, au hameau de Montredon, à 7 ou 8 km d’ici, j’avais vu une vedette, le patron des lieux, en bottes, en train de nourrir ses animaux, José Bové. De même, dans une ferme avoisinante j’avais trouvé un super pastis, le « pastis des Homs ». C’était il y a longtemps.

Retour à la course. Le3e ravito est en vue. Pierrefiche, 48,5 km en 6h21mn (916e). Il me reste 23 kms. J’avais prévu 12 heures de course, j’envisage l’espoir de finir en moins de 11 heures.  Le soleil pointe le bout de son nez. Les copains qui ont fait le 29 ou le 40km hier sont là. Ils m’encouragent, tout va bien. Au ravito, j’essaie de retrouver les barres aux amandes si délicieuses que j’avais prises à Saint André de Vézines, en vain. Dépité, je repars.


Je 
trottine quelques kilomètres sur le causse. Des petites douleurs apparaissent. Au bout de plus de cinquante km, s’est normal. S’ensuit la descente, un peu longue. Nous revenons au dessus de la Dourbie. L’allure est bonne. Cependant, le long sentier, étroit, en devers, commence à me faire mal. Sensation bizarre. Il est long ce sentier au dessus de la Dourbie. Nous abordons une montée. Je sais qu’elle est nouvelle par rapport aux éditions précédentes. Sur le papier, elle est courte. Dans les faits, elle m’use. Je ralentis. Pourtant pas dure mais j’ai du mal. Enfin, en haut. Vivement la descente. Mais celle-ci aussi me fait mal. Les crampes sont là.

Je vois le pont sur la Dourbie, puis le hameau : Massebiau. J’ai mal. Je passe le hameau. Au loin, je vois Millau et le viaduc. 60e km, reste 12km. Mais quels kilomètres ! J’entame la montée. Quelques hectomètres. Mal. Je titube. Un spectateur me demande si ça va. Non ! Ca ne va pas. Je continue. Les jambes sont bloquées. 3 km de montée, je ne pourrai jamais. Je m’arrête, m’affale sur le flanc de la colline. Au fait, depuis combien de temps, j’ai mangé ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Envie d’abandonner. Cela ne m’est jamais arrivé.

Je suis assis, les coureurs passent. Je prends un gel anti-crampe, j’aurai dû le faire plus tôt. Je repars, gémit. Cinquante mètres. J’arrête. Un coureur me lance, de façon péremptoire : « Allez ! On monte ». Il a raison. J’essaie de suivre.  Je ne le suis pas, mais j’avance. Péniblement. Par à-coups. La côte est longue. Je me fais doubler. Je suis un zombie en marche. La côte durcit encore. Je n’aime pas les bâtons mais j’avoue que là, ça m’aiderait bien. Le haut est abrupt sur quelques centaines de mètres. Je suis à quatre pattes. C’est long, c’est lent, c’est dur. Interminable !  Enfin, en haut ! Des spectateurs nous disent que le ravito n’est pas loin. Plus d’un kilomètre en claudiquant, là où les autres courent. Là-bas, la ferme du Cade, le ravito, enfin.


J’y sui
s, je mange, prend une soupe, me réchauffe. Je suis pris de tremblements. Il y a un coin avec des bancs. Y sont assis d’autres zombis comme moi. J’y reste un bon quart d’heure. Bon, faut pas rester là, sinon je vais y mourir. Je reprends un gel anti-crampes.

Je repars, passe le tapis qui calcule les temps intermédiaires. 9h47mn de course (976e). Il reste 7,5 km, soit dans mon état au moins 2 heures de course. De marche plutôt. J’essaie bien de courir sur le causse mais les jambes ne veulent pas. Malgré tout, je sais maintenant que je peux finir en gérant mes douleurs. Au bout de 10 mn, je vomis ma soupe. Déchéance.

Arrive l’avant-dernière descente. 200 m de D-. En plus, ça glisse. Il doit faire 2 degrés. Le sentier est raide et boueux. Fin de descente. Replat mais je ne peux toujours pas courir. Maintenant, c’est un flot continu de coureurs qui me double. La dernière montée arrive. Je vois là-haut l’antenne téléphonique. C’est un mur qui se présente à nous. Sans vergogne, tant pis pour le style ou ma fierté, je monte à quatre pattes puis sur la fin je rampe le long des hautes « marches » pierreuses. Au moins, je n’ai pas de crampes aux bras. Dernière escalade. L’antenne est là. Tout à coup, un vent violent survient. Il balaie tout le haut du causse. Ne pas rester là pour ne pas attraper froid.

Je peux courir un peu sur le replat. Cela ne dure pas longtemps. La dernière descente arrive. Encore plus boueuse que la précédente. Je laisse passer les coureurs. Une petite montée. Voilà la grotte du hibou. Une vingtaine de mètres dans ce sombre tuyau. Une grosse marche au milieu. Je manque de tomber, m’accroche à la paroi. Sortie de la grotte et tout de suite la descente. En fait, un toboggan de boue. Pour descendre, il faut s’accrocher aux arbres. Je ne prends pas de risques, me fait doubler encore et encore, n’hésite pas à descendre deux ou trois passages sur les fesses. Ca me rappelle le glacier de bellecôte sur la 6000D. La descente en sous-bois dure bien vingt minutes. Puis tout à coup, je vois des champs. Des spectateurs nous disent qu’en trottinant, il reste un quart d’heure maxi. 11h40mn de course.

Allez ! Je vais essayer de finir en moins de 12 heures. Je me remets à courir, pas vite mais au moins je cours. Le sentier est large. Je me fais encore un peu doubler. Je vois maintenant l’arrivée, un petit muret à sauter. Gamelle devant les spectateurs. Ridicule jusqu’au bout. Cent mètres de bitume. Arrivée. 11heures52mn. 1156e. Fin de partie.

 

Les autres copains sont arrivés depuis bien longtemps (Patrick 234e en 9h14 ; Julien 252e en 9h17 ; Bruno 284e en 9h24 ; Eric 295e en 9h25 ; Claris 483e en 10h10 ; Vincent 670e en 10h41) Même Urbain, qui était mal au trentième km, arrive trois minutes après moi.

Après analyse, pour la première fois, je sais que j’ai atteint ma limite.

Moi qui rêvais d’ultra, je sais qu’il me faudra patienter. Ma défaillance est sûrement d’abord due à une mauvaise alimentation. Il va falloir que je me construise un protocole alimentaire strict car sur les longues distances, ce paramètre est primordial, je viens de l’apprendre à mes dépens. Il va aussi falloir que je travaille beaucoup mon renforcement musculaire et ma VMA.

Pour l’heure, après un hiver qui va me servir à revoir et à travailler mes fondamentaux, je pense orienter ma saison 2013 sur des courses plus courtes pour reprendre de la vitesse (ça fait plus de deux ans que je n’ai pas fait un 10 km), tout en incorporant le marathon du Mont-Blanc (en juin) et un marathon en fin de saison.

Je ne renonce pas à un 80 km en 2014 en tirant les enseignements de la grande course des templiers que je viens de faire. Cette course n’est pas un ultra-trail. Elle n’en est pas moins terriblement difficile.

 

 

 

 

5 commentaires

Commentaire de keaky posté le 13-11-2012 à 09:10:46

Tout d'abord félicitation pour ta course, ça du être plus que dur en remontant vers le Cade. Et désolé..car j'ai du te doubler dans le dernier kilomètre, j'ai fini 2 minutes devant toi ;)
Je pense qu'outre ton alimentation, tu es peut-être parti un peu vite pour rattraper ton retard. En tout cas, j'espère que tu t'es bien reposé et à l'année prochaine ;)

Commentaire de chanthy posté le 13-11-2012 à 11:38:12

merci pour ce récit
je m'y suis retrouvé la dedans :)
j'ai fait à peu près comme toi , je suis parti encore plus vite.
j'ai galéré au 40 et 60ième km aussi.
j'ai finis juste derrière toi :) ...encore un peu et je pouvais te ratrapper :)
j'ai quand même apprécié cette course.
bonne récup et au plaisir.

Commentaire de frankek posté le 13-11-2012 à 17:43:48

Salut le sarthois !!!
Bravo pour ta course. Tu as fini. C'est déjà bien pour ton 1er Templiers. J'ai dû courir 5,6 fois les Templiers...j'aimais bien finir mon année sur ce trail roulant. C'est beau les causses. J'y reviendrais un jour mais à Nant comme avant:)
J'habitais la Suze il y a quelques années. ça fait plaisir de lire un sarthois:)

Commentaire de Mustang posté le 13-11-2012 à 19:22:12

Tu as couru un des plus beaux trails de France, et il faisait beau!!! et tu as terminé! Certes, difficilement mais l'essentiel est là. Cher voisin, je te souhaite plein de réussite pour 2013 et quelques beaux trails: entre 40 et 60 km, il y en a de superbes même par cheu nous, en Normandie et en Bretagne, avant d'aller taquiner les 100. Mais tu sais, l'ultra n'est pas indispensable au plaisir de courir!

Commentaire de francois 91410 posté le 14-11-2012 à 16:19:42

Merci pour ce récit qui nous fait revivre le côté 'dramaturgique' de ta course. Belle analyse, lucide certainement ! En même temps ça donne pas envie de suivre tes traces au vu de ta terrible fin de course ... bonne récup

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