Récit de la course : Marathon des Causses 2014, par Arno Le Fou

L'auteur : Arno Le Fou

La course : Marathon des Causses

Date : 25/10/2014

Lieu : Millau (Aveyron)

Affichage : 3809 vues

Distance : 40km

Matos : Intégral Décathlon. Essai en grandeur Nature des Quechua MT 500.3, impec !

Objectif : Objectif majeur

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Pas de cerise sur mon gâteau !

Arno
Pas de cerise sur mon gâteau !

7h00 vendredi matin. Nous voilà tous réunis avec l'équipe du Trail des Fous (A essayer les kikourous !) sur le parking prêts à partir vers Millau et son fabuleux festival des Templiers. On a même le droit à Ouest France et la photo pour le journal !

Comme d’habitude, la bonne humeur est là mais le stress est tout de même présent. De 12 coureurs ayant tenté l’aventure en 2013, nous sommes passés à 23 coureurs Fous engagés cette année pour les 20 ans de l’événement. Les « anciens » stressent car ils savent désormais à quoi s’en tenir, les « novices » stressent aussi car pour eux, c’est la grande inconnue. Oh on leur a raconté, mais ils n'arrivent pas à imaginer.

Pour ma part, l’année dernière, j’avais malheureusement échoué (voir ma précédente bafouille ici) et cela m’avait un peu miné le moral, la défaite est toujours dure. Les résultats des courses suivantes n’ont pas été bien folichons en ce premier semestre 2014, jusqu'à encore un abandon au Trail de Guerlédan début Juin. Je devais me ressaisir.

Alors, j’ai travaillé un peu sur moi, la crise de la quarantaine sûrement et je me suis dit que si je voulais réaliser mes rêves de Trail, il était temps de faire quelque chose.

En 2013, pour ces Templiers, je pensais pourtant m’être concocté un programme balèze mais je m’étais bien trompé. Alors, cette année, j’ai décidé de tout revoir à zéro : partir sur une vraie préparation dédiée, puisée dans le numéro Spécial Trail 2013 de Jogging International (préparer un trail de 40km et plus de 1000m de D+), travailler mon mental qui me fait si souvent défaut et enfin accompagner le tout de nutrition et de muscu.

Et je dois dire que jamais je ne m’étais autant préparé pour une course. Ma prépa s’est articulée en 2 temps : après un break complet de 15 jours (Suite aux 33km dantesques de La Trace du Loup), j’ai repris mi-juillet pour une cure de remise en forme progressive puis à partir de mi-Aout, le programme dédié. Au final plus de 60 heures d’entrainement cumulées avec 510 km de parcourus et 7000 m de dénivelé positifs avalés. Ajoutez à cela un peu les bénéfices de la muscu et une perte de poids de 5kg !

Je m’étais donc donné les moyens, la peur d’un deuxième échec aidant. Je me suis enfermé dans mon programme, désertant malgré moi les entrainements du club, moi le premier à pourtant à parler de l’esprit de groupe. Mais bon, il fallait ….

Avec mon cousin Ludo, nous avions décidé de le faire ensemble, un cadeau commun à réaliser pour nos 40 ans. Au fond de moi, je ne devais pas non plus le décevoir, lui qui avait été finisher l’an dernier sur le Grand Trail.

2014, l’année de ma revanche.

Voilà pour l’introduction.

Et donc, après 8 heures de route entrecoupées d’arrêts techniques indispensables - et oui, un sportif, ça boit avant l’épreuve ! – nous voilà arrivé à Millau direction le salon et le retrait des dossards. Très complet, on a les mirettes partout, ça donne envie. Puis direction notre auberge/cantine qui sera exceptionnelle tout le weekend. Bravo à Gilles et son personnel, ne changez rien, c’est une formidable maison !

Samedi 25 Octobre, nous arrivons vers midi sur l’aire de départ ou nous verrons partir la première course de la journée, La Monna Lisa (26km). La musique d’Era résonne. 12h15 et déjà il y a les premiers yeux rouges chez les Fous. Trop de souvenirs de l'année dernière refont surface, notamment la vidéo officielle du Marathon de l'année dernière et les copines qui s'enlacent à la fin.

13h15, c’est notre tour. Un p’tit cri de guerre et nous sommes 13 Fous parmi la foule à nous élancer sur ces Causses. Nous patientons depuis une heure sous un soleil très réchauffant, il fait 23° (pour rappel, nous sommes en Octobre !!!!)

Top départ

Avec Ludo, nous courons juste à côté de Cécile sur la partie roulante, la route qui étire le peloton sur 2km environ. La plupart des Fous sont partis devant. Nous savons que Fabienne, Jojo et Alain sont derrière.

Puis vient les premiers chemins qui grimpent. Cécile préfère marcher, moi, je tente en trottinant, j'ai l'esprit de revanche, je veux en baver. Et cela tiendra comme ça jusqu’au pied de la côte de l’enfer : Carbassas. Nous avons rejoint Mike sur la route juste avant et nous entamons la montée dans le gros du peloton, nouveauté pour moi. Mike est en forme, il nous met 20-30m dès le début. Carbassas c’est 450m de D+ sur 1,7km environ. Ca donne le ton tout de suite de ce que sont les Causses. Je pense à Mafalda et Jojo, les p'tites nouvelles, elles doivent se dire "il nous avaient pas menti le Arno !". Déjà les gouttes perlent à travers mon buff. Elles ne coulent pas sur mon visage, on est déjà bien penché, elles tombent par terre. Cette année, étant dans le peloton, je respecte le règlement à la lettre et je ne sors pas les bâtons, mais contrairement à 2013, ça va pour moi et je n’en éprouve pas l’utilité pour l’instant. A une cinquantaine de mètre de la fin de cet enfer, nous rejoignons Mike et nous le dépassons. Il semble un peu perdu et nous avons peur pour lui. Il semble à la limite de l’épuisement. Nous lui parlons mais il est ailleurs et simplement en marchant sur le petit plat nous le distançons. Ca fait mal de voir un copain comme ça, je croise les doigts pour lui.

Un p’tit gel et quelques gorgées et c’est parti pour la petite descente qui s’ensuit. Ca roule pour moi, je suis en forme. En comparaison, sans bâton, j’aurais mis 8 minutes de moins que l’an dernier sur cette première côte. Nous nous retrouvons dans un petit grupetto et en file indienne, nous traçons. Devant moi Ludo puis en tête un autre coureur qui donne malgré lui le rythme à notre colonne. Plusieurs fois l’envie me démange de glisser à Ludo de le doubler mais je me retiens, le rythme n’est pas si mauvais, on est dans la bonne cadence, inutile de se cramer. Mais à la faveur de la première grosse descente, je n’en peux plus et je gratte de la patte. Le coureur en tête semblant moins hardi que moi. Alors, on double et on se laisse aller. La descente, j’adore, c’est mon truc.

Et puis forcément, après, deuxième cote de la journée à enquiller. Au menu, environ 165m à grimper sur 1,6km et ce, en plein soleil. La gorge dans laquelle nous sommes est très belle. Cécile nous rejoint dans le dernier tiers de cette montée, cool !

Je le sens, même celle-là, me fait moins mal que l’an dernier. Sur le haut, on marche vite puis on relance. Cécile ne nous suit plus, je ne la vois plus, je ne sais pas ce qui s’est passé pour elle. Je me rappelle cet endroit ou nous sommes, et le coup fatidique qu’il m’avait apporté l’an dernier. C’est le 10eme kilomètre et nous courrons depuis 1h44. Ah mais youpi ! Déjà 16 minutes de moins que 2013 !

Arrêt technique pour Ludo, je pars devant, il me rejoindra plus tard. Très belle partie en corniche avec des paysages magnifiques alternant avec des petits singles en forêt. Je cours, c’est grisant. Rapidement Ludo revient sur moi et relance la cadence. Puis c’est le tour de Cécile qui revient puis nous dépasse et part devant.

Je n’ai pas mis mon gps en route, je n’ai aucune indication valable, je fais confiance à Ludo à 100% sur la marche (course !) à suivre. Il ne me dit rien pour l’instant, ça doit être bon. Arrive assez vite la deuxième descente de la journée, la plus belle pour moi avec notamment le passage au pied d’une petite falaise perdue dans les arbres et le passage dans une faille. Nous descendons à bon rythme mais cependant je sens une p’tite faiblesse. J’ai ingurgité mes gels en temps et en heure mais je n’ai rien vraiment mangé depuis ce matin et je vais le payer dans la montée qui suis, 170m de D+ sur 1,5km.

Cette côte m’avait fait très mal l’année dernière je m’en souviens et la baisse de moral accompagne d’un coup la baisse physique. Je sers les dents, entame la montée mais suis obligé de m’arrêter. Il faut que je mange. Une compote, un nougat et un autre gel sont engloutis. Je me suis aussi retenu de boire malgré la chaleur et des crampes apparaissent soudain. Je monte tout de même, Ludo m’encourage mais plus ça va plus je deviens un zombie. La côte est suivie par un faux plat interminable. Je n’y suis plus, je me contente d’écouter Ludo, il me dit marche, je marche, cours, je cours. Il regarde mon camel et comme le ravito est à environ 5km il me dit d’y aller, de boire de tout mon soif. Il m’en reste, je me suis trop retenu sur l’eau.

Il me faudra environ 3km pour me remettre d’aplomb. Une sensation nouvelle s’empare de moi. L’effet de tout ce que j’ai ingurgité se fait ressentir petit à petit. Je me redresse, re-cours sans rechigner, retrouve le sourire et le plaisir en quelques centaines de mètre. Très bizarre, j’ai dans la tête l’effet que l’on voit dans les dessins animés de la potion magique sur les guerriers gaulois, et moi, je ne suis pas tombé dedans petit !

On reprend un rythme acceptable, toujours au dessus de la moyenne nécessaire pour la barrière horaire. Nous sommes désormais au milieu des Causses dans de grandes allées forestières. Honnêtement, même si cela reste joli, ce n’est pas ma partie préférée du parcours. Des coureurs rapides sont sur nôtre circuit. Ca galope ! Mais eux font la moitié de nous, c’est la VO2 et ses 19km. Des champions tout de même, comment font-ils ?

Puis environ 2km avant le ravito en eau, nous rattrapons Cécile petit à petit. Puis au loin je vois ma fille puis Estelle et mon fils qui joue à Tarzan dans un arbre. Que ça fait du bien !!! Nous sommes dans un petit groupe de 6-7 coureurs et nous arriverons ensemble au ravito. Je prends le temps. Un gentil bénévole me remplit mon camel, je m’enfile 3 verres d’eau et je mange. Nous sommes au kilomètre 25 au gps. Il reste 4,5km avant la ferme du Cade et sa barrière fatidique. La montée est abrupte mais il nous reste 1h10 pour faire le trajet. Cela semble jouable. Il y a plein de coureurs autour de nous, moi qui était seul à cet endroit l’an passé. Il faut dire (même si sur le coup je ne le calcule pas du tout) que j’y suis arrivé plus de 30 minutes avant mon chrono de 2013 ! J’ai gagné 30 minutes sur un trail aussi exigeant que les Templiers !

Et pof, on repart et ça va plutôt pas mal. Cécile s’arrête car elle n’a pas fait le vide dans son camel et le bruit l’agace. Nous, on fonce, on double, la pression augmente. Va-t-on passer !?

Nous doublons des coureurs qui n’en peuvent plus, d’autres qui sont tombés. Arrêt obligatoire pour demander comment ça va. De la terre, parfois même sur le visage mais pas de bobo, ouf. Nous on continue donc. Je m’éclate, je n’ai même pas mal. Il faut dire qu’au ravito, j’ai pris un gel coup de fouet qui fait effet.

Puis j’arrive sur mon stop de l’an dernier. Je les reconnais, ce sont même les mêmes secouristes. Je regarde le rocher sur lequel je m’étais assis un moment. Mais je tourne vite la tête. Cette année, j’efface ce mauvais souvenir.

Et c’est parti pour la grimpette. Totale découverte désormais. La côte du Cade, c’est la première côtes de Carbassas en densité, mais la fatigue de presque 30 km dans les pattes en plus. C’est dur. Mais étonnamment, ça va pour moi, je grimpe sans difficulté majeure. Avec Ludo nous doublons quelques coureurs même ! J’en suis le premier surpris. Des coureurs sont même arrêtés, certains assis le regard dans le vide, complètement vidés, emitouflés dans des couvertures de survie. On s’assure tout de même qu’ils vont bien et on les encourage. Imaginez ! MOI, j’encourage des coureurs, j’hallucine. Mais tout de même, ça a dû ralentir. Ludo n’arrête pas les encouragements sur ma personne : "allez zinzin, on y va" "allez, c’est maintenant" "c’est pour nous, on y va" et autres mots doux plus personnels. Alors, sous la pression, je reprends un gel de super coup de fouet et tout là haut, sur le « plat » on se remet à trottiner, on dépasse encore. On passe à coté d’un autre duo, 2 potes, l’un est assis, avachi, l’autre lui dit allez, on les suit, ils ont le rythme. Je sers d’exemple maintenant !? De plus en plus étonnant !!!

Nous voilà désormais sur la légère pente descendante, le Cade est là, j’aperçois Estelle et mes enfants, ça fait plaisir, je l’ai !

Nous arrivons dans le premier couloir du Cade et là, c’est le drame. Il est 18h38, la barrière a été poussée jusqu'à 18h34 mais deux gorilles vraiment pas aimables nous stoppent.

Dégoutté ! Je m’effondre sur place et chiale comme un gosse, c’est dur, très dur. La déception est énorme. Je ne comprends rien à ce qui se passe. Nous sommes une vingtaine de coureurs arrêtés. L’un se fait carrément arraché le dossard. Ca gueule ! Surtout que la barrière annoncée au 29,5eme kilomètre est plutôt au kilomètre 31,6 ! Alors cette différence joue énormément. 2 kilomètres dans les Causses, ce n’est pas 2km en Mayenne, à cet instant de la course, cela peut être une vingtaine de minutes de différence. Personne ne comprend.

Cécile arrive quelques minutes après et le flot de larmes revient. On se sert dans les bras. Rien à dire, on sait.

Je n’ai jamais pris une claque aussi grande sur une course. Pas les Templiers !? Pas MES Templiers !? Pas après ce que j’ai fait et sacrifié pour en arriver là, pas après tout ce travail accompli. C’est injuste. Je suis en relativement en forme, je pouvais continuer, il ne restait donc que 6km à faire. Pourquoi !? Je n’y comprends rien.

Le soir, je serais une loque au repas, complètement absent, abasourdi. Incapable de célébrer la victoire de mes potes. Je serais ailleurs tout le reste du weekend, je m’en excuse auprès des copains qui eux en chient autrement plus que moi sur le 75km ou qui sont heureux de leur réussite de la veille mais moi, je ne peux pas, c’est trop dur. Puis la semaine qui suis, je passe par tous les états, colère, dégout et même presque déprime. Je cogite trop, j'en dors très mal, je me refais tout le film dans la tête. Mais ou cela a-t'il pu clocher ? Je suis à la limite de raccrocher les baskets. Mais les copains sont là et je reçois quelques messages qui me touchent.

La fête a été gâchée. Estelle ne me verra pas passer cette ligne avec laquelle je la bassine depuis des mois, je ne pourrais la franchir en tenant mes enfants par la main. Et surtout, j’ai le sentiment d’avoir fait raté à Ludo le « petit » marathon des Causses, lui qui a été finisher des Grands Templiers l’année passée.

Une grosse semaine après, le lundi, c’est un peu la délivrance qui arrivera par la poste. Un colis m’attend à la maison. Dedans, un t-shirt finisher et la médaille. Mais c’est surtout la lettre qui les accompagne qui me fera du bien. Une lettre d’excuse de l’organisation qui reconnaît avoir mal gérer la barrière sur le marathon alors qu’elle a été plus indulgente sur certaines autres courses du weekend. La grogne qui couvait sur les réseaux sociaux a été entendue. J’ai même le droit à mon inscription gratuite pour le marathon des Causses 2015 !

Je deviens par là même une sorte de finisher pas finisher. Cela n’enlèvera rien à la frustration immense de ne pas avoir pu franchir ce portique tant convoité mais le geste est là, il faut le reconnaître. Contrairement à ce que je pouvais en dire, sur le coup de la colère, l’organisation n’a pas été élitiste, elle a aussi entendu les coureurs lambda qui font le gros du peloton. Bravo.

Depuis je remonte un peu la pente. Façon de parler bien entendu, je suis calmé côté grimpette pour le moment.

Bravo aux vrais finishers du Marathon. Bravo aux grands Templiers et aux Troubadours, tous finishers. Belle réussite des Fous cette année.

Mais bravo aussi et surtout à Jojo, Mafalda et Mike qui, se sachant hors délais sur le Marathon, monteront tout de même eux aussi au Cade, chapeau bas, l’année dernière, je ne l’avais même pas tenté !

Merci à Estelle, Marine, Bastien, Brigitte, Marco, Rose, Lapinette, Phiphi, David, Mafalda, Jojo, Mike, Mika, Manou, Jérome, Alain, Micky et Loïc. Ils sauront pourquoi.

Merci Ludo, mon zinzin. On a bouffé une grosse part du gâteau pour célébrer nos 40 ans mais on nous aura volé cette satanée cerise !

Bon bah 2015 alors ?

La trilogie des Causses ! Comme à Hollywood : Un premier épisode qui marque la découverte et une suite toujours ratée. Alors espérons que le troisième épisode sera la consécration. Je l’mérite ce putain d’Oscar !

1 commentaire

Commentaire de eddievedder posté le 16-04-2015 à 13:26:07

très admiratif pour ta course, bien gérée même si tu as été arrêté surtout dans ces conditions !!!
je compte m'inscrire sur l'édition 2015 mais ça à l'air costaud !!! Au plaisir de t'y rencontrer pour ta "revanche" !!! bonne continuation.

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