Je ne sais pas si sechitsu sévit ici, mais sur Xtri j'avais trouvé ce papier qui m'avait donné envie !
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de sechitsu » Mer Jan 06, 2010 3:30 pm sur Xtriathlon
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Bonjour à tous et meilleurs voeux ! Je me permets de m'inviter parmi vous pour vous distiller quelques prises de notes sur cette épreuve courue l'an dernier et qui à mon sens mérite bien le détour. Je pense qu'on peut consommer le truc comme un compte-rendu tendance feuilletonnesque, à supposer qu'on digère quelques petites digressions . Sinon ... tant pis pour moi, tant pis pour vous !
Episode 1: Hawaii, Altriman, c'est qui qui à la plus dure distance ?
Nom de code: «ALTRIMAN». Formule un rien intrigante pour une épreuve de triathlon. Les Pyrénées servent d’écrin, le lac de Matemale de rampe de lancement. La station des Angles soutient le projet. La population locale aussi. Les marmottes, les ours, les cerfs et les aigles n’ont pas été consultés, mais l’équipe organisatrice parie sur leur bonne collaboration. Nous sommes à la fin de l'année 2008 et l'épreuve doit avoir lieu en juillet 2009. Reste plus qu'à trouver des candidats.
Lors de son dévoilement, la chose se présente comme le «triathlon le plus dur au monde». Le terme est parlant ; lancé depuis un haut parleur, sa puissance évocatrice saturerait de parasites les enceintes d’un concert de feu Johnny au Stade de France. Toutefois, dans la planète du triple effort, personne n’ignore qu’il n’y a ici bas qu’un seul « triathlon le plus dur au monde » : la Finale « Ironman WTC », événement annuel qui a lieu en octobre aux États-Unis, dans l'Etat d'Hawaii, triathlon longue distance originel organisé depuis 1982 et dont les concurrents parcourent exactement 3,86 kilomètres à la nage (traversée de la baie de Kailua-Kona) suivis de 180,2 kilomètres à vélo (aller-retour de Keauhou à Hawi) puis un marathon le long de la côte de Big Island. La distance est très précise mais elle peut être majorée par certains concurrents s'ils décident sur un coup de sang de s’offrir une sorte de « crazy finish »:
http://www.youtube.com/watch?v=4VqdxuPYWbc . Images inoubliables. Il reste que pour beaucoup, malgré la geste léguée par les pionniers et les pionnières comme Julie Moss, la distance n’est plus un défi depuis belle lurette. L’essentiel de l’enjeu repose désormais sur le temps qu’il vous prendre pour la dominer. L’approche rappellera à certains la manière dont Dominique de Villepin conçoit une élection présidentielle : «La France a envie qu'on la prenne. Ça la démange dans le bassin». D’ailleurs, comme dans la course à l’Elysée, il faut se qualifier à Hawaii pour « to be a hero » et avoir le privilège de voir se lever le soleil sur la baie de Kona.
Du côté des Angles, on est un peu loin de tout ça. Qui veut s’inscrire s’inscrit. Pas besoin d’être un héros. Pas besoin d’être pressés par le chrono. Si on a pas le citron, il faut cependant témoigner d’un bel appétit pour aborder cette épreuve de format ironman dessinée dans une A.O.C. côtes du Roussillon qui n’usurpe pas son nom. La natation se déroule à 1500 M. d’altitude dans les eaux bleu nuit du lac de Matemale, une eau dont la température dépasse rarement 14 degrés au début de l’été. Le parcours vélo s’inscrit logiquement dans une pure optique montagne, avec une succession de cols sur 192 kms pour un dénivelé positif de 5000 m. Port de Pailhères, ses 2000 mètres, et les fantômes de la légende du Tour qui le hantent à intervalles réguliers, est une figure de proue qui se respecte. Afin d’éviter ce drame pour tout coureur qui n’est pas de constater qu’il ne pourra jamais monter les cols dont il rêvait mais de découvrir qu’il est déçu par les cols de rêve qu’il a réussi à monter, les organisateurs ont également pensé à un très beau marathon en guise de note finale. Celui-ci s’autorise un tracé puissamment original entre le lac de Matemale et le lac de Balcère, sur une route qui navigue constamment entre 1500 et 1800 m. d’altitude, avec des paysages inoubliables mais aussi de nombreuses portions montantes, on l’aura deviné.
Début des hostilités. Jusqu’à il y a peu, le triathlon d’Embrun, dans les Hautes Alpes, était LE triathlon de montagne. Depuis la création de l’Altriman, ç’en est fini de cette prééminence. Le seul souci c’est que personne ne le sait encore. Afin d’éviter qu’un nuage de cendres mêlé d’amnésie ne recouvre cette épreuve avant même son accouchement, il faut agir. Vite et fort. La petite démo de présentation tombe sur Youtube au cœur de l’hiver 2008. La séquence démarre plein pot au son de The Final Countdown : l’illustration musicale ébouriffe sans ménagement les fins gourmets du son , ma femme et mes enfants en rient encore mais je préfère y voir un hommage appuyé aux triathlètes des eighties, adeptes de ces inoubliables tenues flashys . On peut parier également ( je sais, il faut être très joueur) sur la volonté de faire appel à cette savoureuse ritournelle mixant kitsch suédois et hard-rock canadien pour permettre à tout triathlète en rupture de glycogène à 5 kms de l’arrivée d’y trouver le moyen de se remémorer cet énauuurme tube et d’y puiser l’énergie nécessaire au franchissement de la ligne d’arrivée, avec un sourire éclatant, quasi ultrabrightien ( c’est ça les raisons, sinon pourquoi ?). Plus contemporaine, plus utile mais un rien moins enthousiasmante est l’aspiration affichée de placer l'épreuve sous l’égide d’un souci environnemental, ce qui paraît cohérent au vu des actions plus que symboliques qui semblent déjà menées par la commune des Angles en matière de gestion durable. Seulement voilà, la perfection n’est pas de ce monde, même les roses ont des épines : EDF apparaît aussi comme sponsor principal. On a connu plus funky comme partenaire, mais quand on sait que l’entreprise est propriétaire de l’eau du lac et pourrait le vider cul sec à la moindre contrariété, il vaut mieux s’en faire une amie !
Voilà le printemps, déjà . S’entraîner, malgré la pluie, le froid. Se dire que le jour J. il fera chaud, forcément . Affronter les aléas de la vie, aussi, parfois. Fin mars, premier test sur un duathlon longue distance organisé dans les Montagnes Noires. Abandon. Grosse fatigue. Le sentiment aigu que s’habituer à un effort enchaîné n’a rien d’évident. Il y a trois ans, dans un mélange savant de bêtise et de prétention, j’avais fait le pari de découvrir le triathlon à Embrun , avec un entraînement essentiellement composé de ... vélo . La question de l’enchaînement était donc évacuée, aujourd’hui elle me bouchait l’horizon . Début mai : inflammation de plus en plus carabinée sous la rotule. Mi-mai : c’est pire en pire. Je me pose, je me repose, ça chauffe toujours. Blessure, coupure, l’horizon des Pyrénées s’éloigne tout doucement mais très sûrement. Et là …et là …une nouvelle séquence mémorable tombe sur Youtube … Alex Vennevault et Thierry Chatron : deux triathlètes expérimentés de Toulon triathlon font le point. Si l’on est pas couard de nature, je crois qu’on peut le devenir rien qu’en regardant ce reportage. D’abord le titre :« Petite reco ». La petite litote que voilà! Ensuite la voix, que dis-je La voix. Celle du gus qui interroge les deux hommes. Elle est grave, puissamment syncopée, l’air qui la produit ne sort probablement pas de poumons mais d’une caverne. A coup sûr un rugbyman qui se rase tous les matins en se mirant dans le bouclier de Brennus (Perpignan n’est pas loin). Peut-être un chasseur d’ours. Cette voix va me faire cauchemarder pendant tout le mois de juin. Nos deux Toulonnais ne se sont pourtant pas liquéfiés devant les questions de La voix. Impassibles. Comme en paix avec leur conscience, véritables bisons futés, ils témoignent, tranquilles et prévenants à la fois : « les gars ce sera dur, entraînez-vous, entraînez-vous !!! » , « il va falloir gérer à mort » , « parcours vraiment pas comparable à Embrun qui demande une bonne alimentation ( c’est sûr qu’Embrun, question ravitos … )». Rien d’extraordinaire au fond, mais tels des cocus choqué par la révélation d’une vérité qu’ils soupçonnaient déjà plus ou moins, le fait d’entendre de vive voix ces mises en garde tétanise de nombreux candidats au départ devant leur écran. Entre deux déglutissements de trouille, beaucoup réalisent que ces types viennent de reconnaître tout le parcours vélo et nous parlent là, comme ça, debout face caméra, frais comme des gardons. Cruauté de l'internet. A l’autre bout de la France, des mecs qui n’ont qu’un pont de chemin de fer comme projet de stage réalisent qu’il est peut-être urgent de lâcher le home-trainer et de se mettre à faire du vrai vélo sur de vraies routes ( Antoine, si tu lis ces lignes !).
Nous sommes début juin et de mon côté je ne suis pas encore allé reconnaître une seule boucle du parcours vélo du Tribreizh. C’était pourtant à mon programme. Depuis au moins deux ans. Certes j’ai de moins en mal au genou, le souci c’est que j’ai comme perdu la main : l’envie de refaire du sport ne me titille pas plus que ça. La flemme, la vraie (et je m’y connais). Passons …
Je finis par me revêtir à nouveau de mes habits de lumière. Mi-juin : j’arrive à finir le Tribreizh, le classement est honnête, les sensations sont assez bonnes, et les propos rassurants de JC Arros mon coach du Landivisiau tri finalement justifiés. Je me renseigne auprès de l’orga pour savoir si l’on peut s’inscrire à l’Altriman au dernier moment. Ça marche !!! Ne reste plus qu’à augmenter la charge d’entraînement et notamment la longueur des sorties à vélo . Pour les longues sorties à pied ont verra plus tard, et pour la natation …hummm !!! Les jours défilent à toute allure, me voilà sur place une bonne semaine avant la course. La forme revient bien. Mes moyennes sur mes dernières sorties dans les Monts d’Arrées s’étant un peu affolées, je m’attends à pouvoir faire un wheeling au sommet du col de Pailhères en criant : « I’m the king of the world » !!! La première reco de la grande boucle ( 145 bornes) me donnera juste le sentiment d’être le roi des cons : sensations moyennes, braquet inadapté. Plus j’y pense et plus je me dis que le plus raisonnable est de s’inscrire plutôt sur le Half, choix que font d’ailleurs beaucoup de concurrents qui découvrent comme moi ce premier w.e. 100 % triathlon dans les Pyrénées. La seconde reco est réalisée sous une météo radieuse : la pente redevient un terrain de jeu, le plaisir est immense . Plaisir des sensations retrouvées, plaisir des yeux : les paysages, très variés : Ayguétabia, port de Pailhères, forteresses cathares, chevaux en liberté, défilés de torrents . Les villages traversés donnent une impression irréelle d’intemporalité. Quand on baisse la tête on réalise que le bitume n’est parfois plus qu’un souvenir, quand on la relève on a par contre toujours affaire à des gens d’une bonté confondante, non calculée. Into the wild … les échos de la v.o. d'Into the wild composée par Eddy Vedder résonnent ici certainement un peu plus fort qu’ailleurs.
http://www.youtube.com/watch?v=0V7WItOr4O8