L'auteur : crazy_french
La course : TOR330 Tor des Géants
Date : 10/9/2023
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 708 vues
Distance : 330km
Objectif : Pas d'objectif
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Avant que les souvenirs s’effacent, et 1 mois 1/2 après, il est temps de prendre le temps.
Préambule : Une année compliquée
Le choix de l’inscription au TOR doit être fait en janvier. Comme je suis en délicatesse avec mon Tendon d’Achille (c’est récurrent depuis 4 ans), la décision est difficile. Après avoir renoncé les 2 années précédentes pour la même raison, c’est ma dernière possibilité avant annulation définitive de ma priorité 2020 année du Covid. Donc, je clique moyennement convaincu. En février, ça va mieux je recommence à courir sur le plat et je m’inscris successivement sur la Ste Baume (25 km), la Ste Victoire (50 Km) et la Raid du Queyras (100 km) histoire de jalonner mon retour aux affaires.
En mars, je boite, en avril je courrote, en mai je boite de nouveau et en juin je cours à peine sur du plat. Toutes mes courses de préparation sont annulées : la tendance n’est vraiment pas bonne pour le TOR. Alors je compense avec le vélo, une cinglé avec David et un 7 majeurs en 2 jours avec David, Yann et JP début juillet.
En juillet, dans ma tête, j’ai renoncé au TOR et je m’inscris à l’Embrunman histoire de ne pas faire une saison blanche. Les sensations reviennent petit à petit,l’enchainement vélo/cap se passe bien et j’allonge les distances progressivement ; ça reste modeste mais j’arrive à courir 20 Km mi-juillet et fin juillet je pars sur un mini WEC dans la vallée de Champoléon (au total 60 km et 5000mD+ : inespéré).
Comme prévu, je fais l’Embrunman le 15 août malade 3 jours avant mais 14h50 quand même les conditions étaient caniculaires comme d’habitude mais j’ai assez bien géré.
Du coup, il me reste plus qu’une carte pour faire du D+ avant le TOR et je choisis une belle boucle dans le Val d’Escreins 4 jours après Embrun et un beau 45 Km et 3700mD+. Au compteur 30 000m de D+ depuis le début de l’année, c’est léger pour une telle épreuve mais le moral est bon.
Entretemps, j’ai choisi de faire en octobre une chirurgie sur le calcaneum de mon TA pour régler définitivement mon syndrome d’Haglund. L’IRM de contrôle pré-opératoire confirme que ma tendinite du TA est toujours présente mais que je n’ai pas de fissures alors Gooooopour le TOR !!!
En route pour la vallée d’Aoste
La préparation du sac est toujours prise de tête mais avec la présence d’Isa je vais avoir l’immense avantage d’avoir des chaussures supplémentaires pour parer à toute éventualité (pieds mouillé, pieds qui gonfle, augmentation du drop pour TA,…).
L’expédition commence le samedi le CAZ et Val nous accompagne pour le meilleur et pour le pire. Christophe est remonté comme une pendule, zéro doute, un seul objectif finisher vendredi ou samedi peu importe le coût mais finisher à tout prix.
Pour ma part, j’ai annoncé la couleur Cognes minimum,Donnas l’objectif, la suite je n’y crois pas. Il faut dire que l’année a été tellement en dent de scie que je n’arrive pas à me projeter au-delà de 150 km et c’est déjà bien !!
Pendant que les filles vont savourer du local, avec le CAZ nous participons à la pasta party… j’avais prévu de rejoindre les Kikous mais je ne les trouve pas… et faisons le début du voyage avec un malaisien perdu dans la foule.
L’attente est longue, en place sur la ligne vers 9h15 pour un départ à 10h00, l’ambiance est bonne mais chacun dans sa bulle, l’énergie est une denrée rare qu’il faut préserver le plus longtemps possible.
Le 1er col l’Arp 1400mD+, c’est l’échauffement pour trouver son rythme. En haut une ambiance de folie qui fait vraiment chaud au cœur c’est le début du TOR l’euphorie est maximale et les jambes sont encore neuves alors profite Denis.
Dans la descente, je reconnais les Kikous David(l’écureuil), Julien (Chirov) et Rémi (Cheville de Miel). Ils n’ont pas tout à fait le même rythme que moi, ils préfèrent temporiser en descente. C’est une première prise de contact, je sais que je les reverrai…
Les vraies difficultés commencent pour moi après la Thuile avec l’enchainement Passo Alto et Crosatie, en effet je constate que mon cardio s’emballe à cause de l’altitude dès 2400-2500m. Faut dire que je n’ai pas fait d’acclimations et les effets de l’altitude bride mon cœur, du coup Julien et Rémi me double systématiquement en montée et je les retrouve dans la descente qui succède.
La chaleur est écrasante ce 1er jour quand j’arrive à Valgrisenche à 21h23, la température est agréable. Isa est au RDV. Je reste 1h30 pour partir à 23h00 déjà 50 Km et 4200mD+ parcourus.
La 2ème section est plus compliquée, il s’agit d’enchainer 3 cols réputés difficiles le col fenêtre et sa descente vertigineuse puis le col d’Entrelor dans des blocs instables et enfin le col Loson (3299m) très looooong.
J’arrive à Eaux Rousse à 8h00 du mat’ et j’attaque le Loson à la fraiche avant de subir altitude et chaleur à partir de 11h00, c’est à ce moment que j’entends un craquement au-dessus de nos têtes et des personnes qui hurlent pour prévenir. De gros rochers se sont détachés de la montagne et en poursuivant leur course, ils se fragmentent, mes compagnons et moi avons le temps de nous écarter et de baisser la tête ; En dessous de nous, nous voyons d’autres morceaux dévaler et atteindre à la cuisse une concurrente qui n’a pas le réflexe de s’écarter. La pauvre s’écroule et hurle ça semble grave. Nous alertons les secours qui sont au col et ils interviendront dans les 10 mn. Après coup, il semblerait que cela soit moins grave que redouté.
La course continue avec un sentiment mélangé de stupéfaction et de consternation sur ce qui s’est passé.Je pense à la traileuse au mauvais moment au mauvais endroit.
Au refuge Sella, j’explique à Rémi l’accident et poursuitla longue descente vers Cognes où j’arrive vers 15h00.Manger une bonne assiette de pate puis une bonne douche pour enlever la tonne de sel sous les aisselles et enfin une petite sieste de 30 mn ; un arrêt de 1h30 qui requinque. Je suis content l’objectif mini de 108km et 8500mD+ est acquis et je me sens de poursuivre.
La 3ème étape, je la connais trop bien après une bavante pour monter au Col de Champorcher, il faut subir une longue descente sur Donnas. La question est où dormir pour ne pas arriver à Donnas complétement cramé ? j’hésite entre Dondena et Chardonney. A Dondena, je n’ai pas sommeil mais le moral à zéro, je discute avec un gars qui attend sa mère qui participe au glacier. Il me dit son admiration pour les coureurs et évoque la fierté d’être finisher de cette épreuve… il a fait germer une graine en moi et je le remercie pour ça. Ce sera finalement Chardonney à 23h40 pour 1h00 de sommeil profond. Il ne fait pas froid et je repars à balle décidé d’arriver à Donnas avant le lever du jour.
Cette descente vous sape le moral tellement elle est longue et mentalement je suis usé, mon objectif est Donnas et je décide d’y abandonner, la douleur à mon talon d’achille est devenu insupportable. Quand j’arrive sur le bitume je boite et n’arrive plus à courir, tant pis c’est bientôt fini, je m’oblige à trottiner.
Donnas 5h38 déjà 43h30 de course, c’est passé vite en fait.
Je vais consulter un médecin pour confirmer mon abandon, celui-ci me dit que ma tendinite ne risque pas de s’aggraver, la limite est mon seuil de résistance à la douleur.
Alors je repars au bout de 2h00 pour tester en poussant encore un peu plus loin… peut-être Gressoney 200Km ce serait beau.
La 4ème section débute par une série de marche sur les hauteurs de Perloz simple échauffement avant de reprendre 1000mD+ pour Sassa et 1000m de plus pour Coda.
A Sassa, je fais connaissance avec l’Italien Barbe Bleue, nous nous croiserons à de nombreuses reprises jusqu’à l’arrivée. Après Sassa, petite sieste réparatrice de 10mn dans l’herbe : que du bonheur ! A Coda c’est le festin, 2 petites dames ont décidé de faire plaisir aux coureurs : quiche, pizza et foccacia.
Le plus dur du TOR commence après avec l’enchainement de 3 petits cols assassins col Marmontana puis Creina di Leu et col de la Vecchia avant une interminable descente sur Niel. Du très technique dans des blocs, en temps normal j’adorerai mais avec la fatigue mes appuis sont incertain, je dois redoubler de vigilance.
Isa m’attend à Niel, je suis très en retard 00h37 sur mes prévisions, pas possible de dormir, les lits sont réservés au glacier. Je connais bien la suite pour l’avoir fait l’année dernière(en accompagnant Dom sur les Glaciers) et je décide de continuer malgré le sommeil.
Je pars comme une balle vers le col Lasonney mais la confusion s’installe, je ne reconnais pas les lieux et je trouve le temps long. Quand j’arrive au col, je ne reconnais absolument pas la descente et je galère sur du chemin courable, je suis sûr de m’être trompé et commence à délirer. Au refuge d’Ober Loo, pas l’ambiance de 2016, je m’arrête à peine et continue ma route. Plus-bas, je me pose sous un porche à l’abris de l’humidité, je sommeille un peu mais rien de reposant. Tout seul, personne, la réalité m’échappe suis-je bien sur le bon chemin ?, j’appelle Isa et des coureurs arrivent cette route est bien la bonne…J’arrive à Gressoney complétement cuit à 6h00 du mat’.
Je resterai 3h30 pour 1h30 de sommeil.
La 5ème section est assez facile 33km et 2800mD+, il s’agit d’enchainer le Col Pinter et le col de Nana chacun à 2700m d’altitude. La pluie redoutée c’est définitivement installé, il va falloir faire avec. Les pieds vont être particulièrement mis à l’épreuve. C’est là que le bât blesse, pas assez de Kms pour avoir une plante de pied préparée à l’humidité et résultat les ampoules apparaissent comme des bourgeons. Les paysages restent incroyables, je passe un bon moment au refuge Tourmalin avant le col de Nanaz et j’arrive à Valtournenche, à 20h00. Je repartirai à 23h30 pour 3h00 de pause. Une fois de plus, les accompagnants sont mal traités, à l’écart dans une petite tente au 4 vents, alors que les coureurs sont chouchoutés dans des grands tentes chauffées. Je mange tout seul et rejoints Isa avec le sac pour me changer et réparer maladroitement mes pieds avant de tenter un sommeil de 30mn de l’autre côté de la Base Vie. En partant, je constate que des podologues étaient dispo pour faire de vrais bandage mais j’ai mis la Nok c’est trop tard. Avec le recul une belle erreur.
La 6ème section est une aventure à elle toute seule avec ses 48km et 3500mD+. En effet, pas de haut sommet mais une succession de petits cols cassants jusqu’au Bivouac de Clermont avant la descente de Oyace et le col de Brison. C’est une succession de refuges plus ou moins accueillants qui s’enchainent : d’abord le refuge Barmasse sous un pont : minimaliste puis le Vareton dans un refuge étable bordélique ensuite le refuge Maggia style Suisse 3* et enfin le refuge Clermont chaleureux. Sur cette dernière partie, je partage la route avec un jeune du Nord qui me raconte sa courte expérience de l’Ultra avec beaucoup d’enthousiasme : moment très sympa.
A Oyace, je retrouve l’équipe de départ, le CAZ a abandonné au 200ème km stoppé par la barrière horaire. Il n’a pas l’air très en forme mais je suis content de le voir.
Au ravito, je fais connaissance de Jean-Michel dit Galette-saucisse, il est au top merci pour le rayon de soleil et le bel arc en ciel qui s’en est suivi.
Encore une fois, on sent la pression des organisateurs sur les accompagnants j’en profite pour entamer une longue discussion avec un d’entre eux qui expliquent ses arguments : on n’est pas d’accord mais courtois !!
Arrivée à Ollomont à 22h30 jusqu’à 1h00 du matin, c’est la 7ème et dernière section qui s’annonce. Il n’est évidemment plus question d’abandon mais de terminer proprement.
J’entame cette section avec un italien qui ne parle ni français ni anglais mais à ce moment de la course nul besoin de parler le regard suffit. Il est vraiment bienveillant avec moi car je subis de grosses hallucinations qui ralentissent notre avancée. Je vois des réfugiés sous des ponts imaginaires entassés comme des fourmis et qui attendent le jour pour avancer vers la frontière française. Au refuge de Champillon à 3h35, nous repartons ensemble jusqu’à St Rémy atteint à 8h52. Je réalise que c’est vendredi et que c’est la dernière journée désormais il ne peut plus rien nous arriver.
L’objectif est de finir le plus tôt possible surement en début de soirée donc je mets les bouchées doubles pour éviter d’avoir à utiliser ma frontale. Les jambes répondent assez bien jusqu’à merdeux mais la dernière rampe jusqu’à Frassati est plus pénible et le col de Malatra est atteint vers 13h00. Toujours les mêmes émotions à atteindre ce col mythique du TOR.
La suite consiste à glisser vers Courmayeur avec quelques petits coups de cul pour finir de casser le bonhomme. La dernière descente après Bertone me parait incroyablement difficile au début mais pieds sont plus que meurtris au fur et à mesure de l’avancement la douleur se transforme en hystérie. Sentiment mélangé de joie de finir et d’accomplissement à avoir réalisé l’impossible. Courmayeur c’est du n’importe quoi je crie comme un débile et la foule fait écho à mon délire j’arrive il est 18h00 ; 128h00 se sont écoulées depuis le départ une parenthèse dans une vie et une immense satisfaction.
Post-Tor : Pas sommeil alors direction la Pizzeria du coin où on retrouve JuCB, Jano et Galette-saucisse pour écouter les grands raconter le Tor des Glaciers… ouais les gars vous êtes des golgoths.
Les jours qui s’écoulent après sont vaporeux mais la reprise de la course après 15jours consolide mon idée que l’opération n’est pas une bonne idée et qu’après tout après avoir fait le TOR le TA peux encore attendre.
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8 commentaires
Commentaire de JuCB posté le 24-10-2023 à 15:39:12
Une aventure incroyable !
Merci pour ce récit qui met ta perf en perspective. Un parcours, chacun son aventure.
C'est assez drôle car notre première nuit m'est revenue depuis : un moment hors du temps comme le Tor sait les offrir.
J'espère que tu trouveras une solution pour ton tendon : les Glaciers t'attendent !
A bientôt sur le Ste Victoire ou ailleurs avec plaisir !
Commentaire de Gilles45 posté le 24-10-2023 à 16:37:36
Et bien !! Moi qui galère depuis des mois et de plus en plus avec mon tendon/talon d'Achille et qui hésite à m'inscrire au TOR en 2024...j'ai lu ton récit comme un signe du destin et un encouragement à y croire. Bref, tu as ensoleillé ma journée :-)
Bravo pour ton abnégation, et ta perf...128h avec ce genre de pépin physique c'est fort. J'espère qu'il y aura autant de kikous l'an prochain (et que le tirage au sort sera positif).
Commentaire de jano posté le 24-10-2023 à 23:28:36
Salut Denis,
merci pour ce récit qui rappelle quelques souvenirs même si je l'avoue j'ai encore beaucoup la tête dans le val d'Aoste. C'est toujours très sympa ces moments passés entre vendredi et dimanche après la course à la refaire...j'aimerais que ce moment dure plus longtemps !!
Et donc du coup, tu annules ton opération ???
Commentaire de marat 3h00 ? posté le 26-10-2023 à 13:02:06
Merci pour ce récit agréable à lire.sans blessure et avec une bonne prépa, c'est moins de 100h !
Commentaire de crazy_french posté le 26-10-2023 à 15:19:18
@JuCB: bien vu pour les glaciers je pense quand même que la marche est très haute mais sait-on jamais
@gilles45: impossible, fierté, risque, raison… un abandon n’est pas un échec mais ne pas tenter restera un regret
@jano: comme Julien vous m’avez impressionné et fait germer une petite graine
@marat3h: pas sur Que performer sur le ToR soit ma came mais merci pour tes encouragements
Commentaire de galette_saucisse posté le 26-10-2023 à 15:53:44
Bravo Denis, j'avais zappé (ou oublié) tes antécédents de tendinite d'achille, encore plus de mérite.
Super sympa de s'être croisé pendant (et après) cette magnifique aventure.
Merci pour ce récit.
Commentaire de Olivier THERONDEL posté le 29-10-2023 à 10:14:02
La souffrance, les hallucinations, des minutes de sommeil arrachées... 128 heures de joie et de calvaire.
Commentaire de chirov posté le 31-10-2023 à 00:45:34
Merci pour ton récit et bravo pour ta course ! C'était cool de t'avoir croisé sur cette aventure.
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