Récit de la course : Courmayeur - Champex - Chamonix 2008, par canard49

L'auteur : canard49

La course : Courmayeur - Champex - Chamonix

Date : 29/8/2008

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 3744 vues

Distance : 97km

Objectif : Se dépenser

6 commentaires

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Salut les kikoureurs,

 

 J'ai lu avec intérêt les premiers récits de la CCC et de l'UTMB et l'émotion est au rendez-vous...

Aujourd'hui je me sens fatigué et vidé car cette course vient clore une série peut-être usante mentalement. J'ai suivi les résultats de beaucoup d'entre vous et je vous ai sûrement croisés au détour d'une rue dans Chamonix ou Courmayeur, je suis allé sur le forum pêcher les premières impressions et certains témoignages sont bouleversants.

(Moi-Thierry-Jean-Paul) 

Fin Juin j'étais au Morbihan (objectif majeur de l'année) et je me refusais à penser à la CCC, il fallait gérer cette très longue épreuve et y consacrer tout son coeur et son corps. A peine le raid du golfe du Morbihan terminé, c'était l'euphorie, j'ai vécu sur un petit nuage le temps de reprendre des forces mais très rapidement l'angoisse est revenue.

 La distance ne m'inquiétait pas, pas plus que de courir de nuit, mais la météo et la dénivelée constituaient deux obstacles majeurs. Je ne suis pas un montagnard et je n'ai pas l'habitude des ascensions longues et pentues, il y avait bien dans un coin de ma tête les Templiers 2007 mais j'ai conservé le souvenir d'une course difficile, terminée dans un état de fatigue avancée. Pour une première expérience de course de montagne, j'ai gardé les stigmates de cette épreuve assez longtemps : un genou très douloureux qui me faisait souffrir à chaque descente.

 

 Mais comment dire non à un ami qui participe à l'UTMB (la grande course) et  qui a le vertige ? Dans l'inconscience d'une randonnée dominicale, j'accepte en sachant que l'inscription constituera la première difficulté, oui mais je parviens à m'inscrire donc il était impossible de reculer.

Arrive le temps de la préparation, enfin d'un complément puisque la préparation au Morbihan (voir CR du raid du golfe du morbihan) me permettait encore de courir longtemps. La grosse différence, c'était les bosses et quelles bosses ! Du côté de Dampierre (petit village du bord de la Loire, près de Saumur), j'ai un raidillon (300m pour +45m) qui ferait sourire beaucoup de montagnards que je décide de faire en boucle : 15 montées descentes deux à trois fois par semaine, des séances de 1h30 à 1h45 ... A la fin de chaque séance je suis mort mais je ne sais pas encore ce que sont Bovine, Catogne, la Tête de la Tronche, la Tête au Vent et je crois que j'ai eu raison de ne pas trop m'en inquiéter.

 Je laisse donc filer 5 semaines après le Morbihan pendant lesquelles je ne m'entraine quasiment pas (max 2 séances semaines) puis trois semaines avant, je reprends un entrainement plus soutenu : ma plus grosse semaine sera constituée par 5 séances dont 4 de côtes (+700m à chaque fois) et d'une sortie longue de 43 km sur du plat...

 Il est maintenant temps de partir en famille en Suisse près de Verbier non pas pour s'entrainer (trop tard nous sommes à 7 jours de la course) mais pour visiter. Nous sommes trois à participer à la CCC et 1 à l'UTMB.

(Castor et Polux)

(Le Cervin ou Matterhorn)

 

(les glaciers reculent!)

 

(vue du Gornergratt, beaucoup de ces pics culminent à plus de 4 000) 

Le premier jour, on décide de se faire une "petite" séance mais nous sommes en bas de la vallée et pour voir du paysage il faut grimper ! On se fait une sortie de +800m (pas du tout technique) et 16 km, oui mais voila, l'altitude et la descente me cassent. Je mets deux jours à ne plus avoir mal aux cuisses et je décide d'arrêter, il y aura largement assez à faire dans quelques jours.

Rosti, bradwurch, vin du Valais etc... sont aux menus les jours suivants, il faudra des réserves pour supporter le froid et du vin pour réchauffer le coeur, quelques visites comme notre périple à Zermatt pour aller admirer le Matterhorn (Cervin) et constater que les pentes n'ont plus rien à voir avec celles de mon pays.Un baptême de parapente plus loin et c'est le départ pour Chamonix pour retirer les dossards de mes deux acolytes (je retirerai le mien à Courmayeur). La tension est palpable et nous arrivons à Chamonix par le col des Montets avec un arrêt pour un regard sur notre droite ; je ne m'aperçois pas à ce moment que nous admirons la montée la plus difficile du parcours, le chemin est invisible de la route et je dois déja être ailleurs. Un de mes amis connait très bien le parcours, il est dans les Alpes depuis un mois et il m'explique simplement qu'il est allé en reconnaissance sur cette partie du circuit, il connait déja le reste.

 

(champignons Suisses)

 

(baptême parapente) 

Très vite j'oublie cette pause et je m'extasie sur la vue du Mont-Blanc, de l'aiguille du Midi et du reste. J'ai du mal à croire que le lendemain on sera dans ce terrain de jeu pour s'"amuser"!! La ville est envahie par les trailers et leurs familles, je constate que la densité de magasins de sport est très importante et pendant que mes deux compères vont retirer leur dossard (ils attendront 1h30...), je vais faire quelques amplettes et notamment m'acheter un corsaire, je n'ai que des shorts et un collègue me dit qu'il est nécessaire d'avoir un habit plus chaud. Première négligence, je me suis peu soucié du règlement à tort...

(séance de graissage à la Nok pour JP et Thierry et citron pour le futur UTMBiste) 

Retour au camping car, un bon repas et une bonne nuit, tout semble aller pour le mieux... La météo m'inquiète un peu : il est annoncé 30° et je crains la chaleur. On verra demain !

 Ca y est, il est 7h30 ce Vendredi et nous prenons un bon petit déjeuner avant de nous rendre dans le centre de Chamonix pour prendre la navette direction Courmayeur. Je sors du camping car et prends le temps d'observer le Mont-Blanc, le ciel est bleu, c'est sûr il va faire un temps magnifique, la montagne est déja splendide et je ne me lasse pas de la regarder.

Nous patientons une petite demi-heure puis un car nous emmène direction le tunnel qui me semble interminable et au bout de quelques minutes nous arrivons en Italie, c'est une première pour moi. A bien observer les deux côtés de la montagne et sans chauvinisme, je préfère le côté français.

Rien à dire du point de vue de l'organisation, je récupère mon dossard sans attente (j'ai bien fait de le retirer en Italie) puis nous croisons une triplette anglaise de la PTL. Ils ont l'air pas mal et pourtant quel programme : 220 km pour 17 000 de dénivelée, cela me laisse rêveur...

Pour la première fois je sens le stress monter et on se dirige vers la ligne de départ et là commence une attente d'environ 40 min sous le soleil déja brûlant. J'ai aimé les hymnes et certains discours sobres dans leur contenu notamment celui de Mme Poletti sur le dépassement de soi mais l'exubérance du speaker m'agace, il en fait trop. J'ai été ému par l'hommage au jeune garçon décédé d'un accident mais encore une fois passablement excité par le speaker... L'hélicoptère approche et c'est le départ, j'oublie vite le speaker et je me concentre sur la course. L'équipement est classique et c'est la première fois que j'effectue une course avec des bâtons. Je pense qu'ils servent beaucoup notamment sur les parties techniques montantes et descendantes.

 

La course : je la décompose en deux parties, la première jusqu'à Champex (55km) pourquoi ? Elle fut la plus dure pour moi. Je passe sur l'ambiance exceptionnelle et les premières ascensions. Elles sont à la hauteur, ce n'est pas le problème. Il se situe dans mon estomac... Je n'arrive pas à digérer même le liquide et j'ai couru avec l'envie de vomir jusqu'à ce que je ne puisse plus faire autrement.

 

 

Apparemment, j'ai consulté le forum et il y a deux explications possibles : la première serait une petite insolation et j'ai tendance à être d'accord puisqu'il faisait vraiment très chaud et la seconde serait un manque d'acclimatation à l'altitude. Un mélange des deux est peut-être un bon compromis (chose due comme disait Coluche).

Comme un symbole, je suis arrivé à Champex et j'ai quitté mon compagnon de route pour tenter de récupérer et puis en repartant j'ai vomi près du lac plusieurs fois sur ce grand chemin descendant. La nuit tombe et je l'attendais depuis longtemps, elle apporte la fraicheur nécessaire à faire chuter la température du corps. A aucun moment je ne veux abandonner, j'ai au moins appris dans l'ultra qu'après un moment très difficile il peut arriver une période d'accalmie et parfois même une renaissance.

(Champex Lac) 

 

(passage de la course à Champex) 

Je me sens mieux, je peux boire puis manger mais maintenant j'ai de sérieux échauffements car j'ai fait deux erreurs de débutants : je n'ai plus de change, mon short est trempé de sueur et j'ai utilisé du matériel acheté Jeudi que je n'avais jamais utilisé. C'est idiot, je le savais mais je suis quand même parti avec cette nouvelle ceinture double bidons qui m'a littéralement brûlé les aines et puis j'ai aussi des échauffements aux entre-cuisses. J'utilise de la Nok pour limiter la douleur, elle reste supportable sauf au démarrage des ravitaillements mais elle diminue et puis il ne me reste plus que 43 km...

Il reste trois ascensions difficiles (Bovine-Catogne et la tête aux Vents) mais je me sens mieux. Je suis marqué par une féminine sous une couverture de survie qui gémit de douleur, elle est entourée de deux personnes qui déclinent ma proposition d'aide et qui attendent un véhicule pour la transporter. J'apprendrai qu'elle a fait une chute spectaculaire et qu'elle s'est fracturé la jambe, je redouble de vigilance car les descentes sont techniques sur certaines portions. Malgré cela, je percute avec le même orteil (le gros du pied droit) des pierres qui ne bougent pas. Cela m'arrache quelques cris de douleur et d'énervement et aussi un ongle.

J'arrive à Vallorcine et je sais que je vais terminer sauf si je chute. Il ne me reste plus qu'une côte et je pars de Vallorcine avec en tête les images de détresse de certains coureurs. Pour presque tout le monde il n'est plus temps d'abandonner, le plus dur est fait. Je n'ai pas regardé précisément le circuit mais je sais qu'il reste une bosse. Dans sa première partie, j'arrive à courir jusqu'au col des Montets puis je traverse la route et cela fait maintenant longtemps que j'observe l'inclinaison de la ligne de frontales dans la nuit et j'ai l'impression qu'elle suit le trajet d'un escalier en spirale. C'est impressionnant, très joli, je me parle tout seul pour me remobiliser. A gauche du sentier, au début de l'ascension, 4 personnes observent les lumières sous une couverture, ils me parlent mais je n'entends plus. Il reste ce "mur" à franchir et puis une longue descente.

Tout doucement je grimpe sans m'arrêter, je rejoins plusieurs groupes que je dépasse. Je finis par suivre un groupe de 8 coureurs et là je réceptionne un espagnol.Sa chute aurait pu être grave.On arrive en haut, en sueur au point de contrôle. Les bénévoles sont congelés, ils patientent dans le froid (tout relatif pour la saison) blottis dans les cailloux et se réchauffent à la chaleur d'un feu. Je croyais le ravitaillement tout proche mais non, la Flégère est encore loin. La descente est technique, on entend des encouragements depuis la tête aux Vents et enfin ils deviennent compréhensibles. Deux filles hurlent depuis 22h30 "C'est qui les meilleurs! C'est les trailers", j'ai retenu ce couplet mais il y en avait d'autres. Merci à ses jeunes filles !

J'avale une enième soupe avec des pâtes puis c'est la descente, je donne tout ce qu'il me reste, j'ai en tête depuis longtemps de rattrapper mon compagnon de route mais je ne le reverrai plus. Cela a au moins le mérite de me faire courir. Pour une fois j'attends le bitume synonyme d'une fin toute proche. Les rues sont désertes, le jour va bientot se lever, les lumières de la ville sont suffisantes, je peux enfin éteindre ma frontale. J'arrive à toute allure et je suis accueilli par un bénévole puis par Mme Poletti, quel dévouement, le premier est arrivé il y a un peu plus de 6 heures. Il est 5h55 du matin et cela fait maintenant 18h55 que je suis parti. J'aperçois mon copain de course en train de se restaurer, il est arrivé 10 min avant moi (neuf places devant). Je termine 178 ième et les temps des premiers me semblent incroyables mais peu importe j'ai fini.

 

 Conclusion : on termine tous la course (3 sur la CCC et 1 sur l'UTMB). Grâce à mes courses précédentes j'ai terminé et avec évidemment une dose de chance (de ne pas me blesser notamment). Il est trop tôt pour évoquer l'UTMB, cette course est déja difficile. Je lis vos récits et à chaque fois j'ai le sentiment d'y être. Il y a eu, je crois, 35% d'abandons sur la course et donc beaucoup retenteront leur chance l'an prochain. Maintenant je n'ai plus d'objectif à court terme, seulement celui de récupérer !!

6 commentaires

Commentaire de mokujin13 posté le 02-09-2008 à 23:04:00

pas mal du tout comme perf,félicitation à toi,moi aussi j'ai fait la meme erreur (materiel non tester acheter la veille),bonne récup

Commentaire de Tercan posté le 03-09-2008 à 09:23:00

Je suis toujours impressionné par ses traileurs qui n'ont qu'une cote de 35 metres de denivelle pour s'entrainer et qui boucle un trail d'une aussi belle façon que toi : votre merite n'en est que décuplé : felicitations à toi !!!

Commentaire de Zorglub74 posté le 04-09-2008 à 10:17:00

Je plussoie Tercan au sujet de l'entrainement en plaine, bravo pour la gestion de la fin de course, pour ma part je n'arrivai pas à courir en montant au col des Montets, tu en avais donc encore sous la semelle...

Commentaire de maitrnageur posté le 04-09-2008 à 12:34:00

je suis heureux de lire un CR d'un gars du maine et loire !! félicitation

Commentaire de defi franck posté le 06-09-2008 à 15:00:00

felicitations à toi cool ton cr a+++

Commentaire de frankek posté le 11-11-2008 à 15:00:00

belle course de ta part ! tu es largement capable de passer maintenant à l'UTMB !!
bonne fin de saison...et à bientôt qui c'est ? tu es pas loin de la sarthe...

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