Récit de la course : Coupe du Monde de Course à Pied en Montagne 1987, par Lolarun

L'auteur : Lolarun

La course : Coupe du Monde de Course à Pied en Montagne

Date : 3/5/1987

Lieu : Die (Drôme)

Affichage : 2468 vues

Distance : 16.9km

Objectif : Pas d'objectif

23 commentaires

Partager :

Pas d'autre récit pour cette course.

À la Gloire de mon Père

 

C’était il y a  vingt ans,

C’était hier.

C’est en dehors du temps.  

 Le 03 mai 1987. Gravé à vie, gravé en moi, jusqu’à l’ultime instant. Une Coupe du Monde de Course à Pied en Montagne mais je n’ai pourtant à en offrir que le récit très simple et dépouillé d’une course comme une autre … ou presque : une course ordinaire et hors normes à la fois. J’aurais pu garder en mémoire tout ce qui avait fait de cet évènement un moment sportif « mondial », en garder l’essence communautaire, les coureurs venus de tous pays, les chronos,  les exploits, les médias. Je n’ai gardé en tête et au cœur que le souvenir d’un évènement local et pour moi filial.

 

Mes excuses toutes plates et par avance aux  courageux qui auront la force d’avaler l’intégralité du texte mais pour le rendre plus digeste je ne dispose que d’une seule photo, un seul cliché de cette incroyable journée.

Je pourrais glisser ici et là des instantanés actuels ou plus récents de la montée du col de Rousset... Mais je ne le ferai pas. Par choix. Ce jour là est tout entier pour moi dans ce seul cliché là. Le reste serait mensonge ou vérité falsifiée, décalée. Je me contenterai donc de le morceler. Faire de cette course un puzzle, un parcours à reconstituer. Avec vous si vous me/nous, suivez.

 

 

Bigre ! Die organisait « La Cinquième Coupe du Monde de Course à Pied en Montagne ».. Elle en avait de l’allure cette annonce là ! Ma petite ville natale s’offrait  un futur titre de « gloire », de fierté à tout coup, et l’occasion de cette organisation  donnerait de plus l’idée de création d’un des plus inclassables et intéressants festivals d’échanges culturels avec les pays dits « de l’Est », festival en écho à la course et du coup tout d’abord baptisé « Festival du Pied »..  Pendant des années, les touristes nous demanderaient « mais pourquoi Festival du Pied pour un festival culturel ?? » … De fait, il fut renommé simplement « Festival EST_OUEST ».. les questions ça va un moment, puis ça saoule.. il en va ainsi même avec la meilleure des  clairettes, il convient de ne pas en abuser.. La référence de naissance jumelle avec la course s’évaporant peu à peu même de certains cerveaux diois, il devenait trop compliqué d’avoir à notre tour l’air interdit devant le nom d’un festival qui laissait croire qu’on se faisait cousins d’une autre ville drômoise :  Romans, ville de la chaussure..  

J’allais fêter mes 15 ans dans l’été qui suivrait cet évènement là. Boudeuse de haut vol mais sportive de niveau à confirmer. Je passais déjà mes nerfs et ma fougue à grand coups de raquettes ... de tennis à l’époque ! Une soirée et un après midi  par semaine. Chaque période de vacances scolaires se transformait en petite ou grande saison de Randonnées, de petites ou grandes distances avec footings préparatoires calculés en conséquence. Il y avait aussi les footings hebdos, ceux préparant les entrainements de tennis, mais sur de très courtes distances.

 

Je n'avais donc rien de la pro, pas même en herbe, qui aurait pu avaler l'air de rien des presque 17 kilomètres de cette montée redoutable vers le Col de Rousset. Le dénivelé de 1000 mètres à engloutir ne m'inquiétait pas, le passage à 1367 mètres pas davantage. J'avais l'habitude de ce type de parcours... mais en marchant et même si à un rythme parfois soutenu.. en prenant mon temps! en prenant le vent, les senteurs, en en prenant plein les yeux, nature et découvertes, sans chrono ni bipèdes à dossard à doubler .. ou laisser passer..

 

                                                                                                                   

Comment de cette préparation là avait bien pu jaillir  l’idée de m’inscrire même en dilettante à cette compétition au titre effrayant ? Elle était  ouverte et accueillante pour tout courageux et inconscient souhaitant participer à cette grosse fête. C’était certes  un évènement diois de gros calibre.. mais quand même , je n’avais pas de préparation adéquate.. Alors pourquoi diablesse ?? 

Cette question, je ne me la suis pas posée pendant la totalité des 17 kilomètres.. mais disons pendant au moins une bonne dizaine ! Et qu’ils furent âpres !! Mais n’anticipons pas.

 

J’étais inscrite donc. Par qui, pourquoi ? .. Pas pour mon bien aimé prof de sport de lycée qui forcément nous en parla beaucoup ; il pouvait certes  me convaincre de faire autant de tours de pistes qu’il le souhaitait... mais me faire monter au col supposément en courant, no way ! 

Pour impressionner l’amie de toujours qui m’avait initiée à la cap, à la rando et au goût du dépassement de soi? Peut-être un peu/beaucoup. A cet âge là, on aime croire que l’on peut éblouir nos ainé(e)s.. Elle se trouverait en Moselle à la date de la course cependant j’allais avoir l’opportunité de lui raconter ce que j’espérais pouvoir appeler « mes exploits » deux mois plus tard.

 

 Mais finalement et véritablement, celui qui me fit franchir le pas fut incontestablement mon père.  Si je regarde cela objectivement.. je pense surtout qu’il ne voulait pas s’inscrire tout seul ! Il avait lui  une meilleure préparation que moi mais pas vraiment le profil non plus. Cette montée Die-Col de Rousset, il la connaissait par cœur, la faisait chaque week end.. mais à vélo pour une grimpette de 20 bornes … coté route!  

Quelle est belle la naïveté des sportifs de la petite semaine quand un défi se présente à eux !

 

 On s’en est fait un rêve, une légende de cette course avant de l’avoir courue. Mais je sentais monter en moi à la fois une véritable angoisse à chaque jour décompté vers la date fatidique. Je regardais avec stupeur grandir me semblait-il le Col  de Rousset planté juste derrière notre maison. Je le comparais aux autres montagnes en cercle autour de nous, plus hautes ou moins raides que j’avais l’habitude de conquérir, et je sentais que le col gagnait peu à peu un statut de Mont imprenable.. 

Au petit matin du 03 mai 1987, j’étais pourtant transportée, excitée, branchée  sur du 10 000 volts.. virevoltant dans la cuisine, sautillant en me préparant avec mon père. Mon père. Comment décrire la joie et la fierté d’une enfant sur le point de vivre une expérience forte et unique avec son père ? Quels sont les plus justes mots d’amour, d’admiration, de caresse du palpitant au regard embué quand vient le moment de se retrouver au cœur d’un évènement « à part » avec le modèle de toute fille, son papa ? 

 Nous partagions beaucoup d’autres moments sportifs, nous nous menions des batailles rangées de compétiteurs tous les soirs d’été jusqu’à des heures indues autour de notre table de ping-pong.. le premier invitant l’autre à arrêter avait plus perdu que celui qui n’avait pas gagné la moindre manche. Nous pédalions parfois ensemble aussi. Et cette course là,  avec lui, sans quelque autre ami ou membre de notre famille renforçait à mes yeux le symbole de ce qui nous rapprochait indiscutablement alors : le sport. Et ce projet avait donné à mon cœur une taille de fier géant. 

Mais le géant fut ratatiné à peine vingt mètres après avoir quitté la maison ! Ma mère nous conduisait en voiture au lieu du départ en ville, mais la cour à peine franchie nous avons aperçu le cadavre d’un chat tué sur la route. Mon chat. Il ne s’agit pas là d’un inutile et pathétique effet de trop dans un récit de course, mais un détail qui forcément marqua profondément le profil de la mienne. J’avais sauté de la voiture en marche, ramassé mon beau chat noir avec mes parents, nous l’avions enveloppé dans un linge et déposé dans notre garage. Et rapidement,  ils m’avaient remise en voiture. Il ne s’agissait pas de rester là à laisser le chagrin m’accabler, j’avais encore plus besoin de courir et me changer les idées disaient ils… Certes !  

A notre arrivée près du cinéma pour le retrait des dossards… j’étais défigurée et non transfigurée comme je l’avais plutôt rêvé. Je ne me souviens absolument pas du moment du départ tant je devais pleurer.. je n’avais jamais vécu la mort d’un animal domestique, épargnée jusque là par tout deuil petit ou grand. Le choc était réel, au point de ne pas remarquer ou considérer comme énorme le nombre de bipèdes à dossards autour de moi. Enorme le chahut musique, micro, bruits de pas courus, précipités, saccadés vers la ligne de départ. Je me suis laissée porter ; guider par mon père. De cette course je n’ai vécu que l’intérieur de mon histoire. Elle n’aura pas l’allure de fait d’une coupe du monde, elle n’en portait que le nom et en faisait la curiosité  pour moi.

 

Il n’avait jamais été question que mon père fasse la course à mon rythme. Il est pourtant resté près de moi pendant les 4 premiers kilomètres..  j’avais cessé de verser des larmes sur mon chat, mais je ne voulais plus réellement courir, je voulais marquer mon chagrin, ma révolte en m’opposant au rythme des autres. Marquer ma différence à ce moment. Mon père ne commentait pas mais restait près de moi. Au bout de ces quelques kilomètres, imaginez un petit pont sur un fin ruisseau, puis le sentier rejoignant un temps la route, mon regard apercevant parmi les spectateurs joyeux et criants la présence rayonnante de ma mère.. 

 J’ai compris à l’instant même où nos regards se sont croisés. Ce n’était pas mon chat que l’on avait trouvé gisant sur la route ce matin là. En un flash  j’ai revu ce petit corps, ces yeux marrons… mon chat avait les yeux verts ! pourquoi ce détail a-t-il jailli à cet instant précis en moi ? Mystère du labyrinthique cerveau humain. Je savais donc avant que ma mère ne dise le moindre mot. Je l’ai laissée me serrer dans ses bras, me suis retournée vers mon père, lui ai fait un signe d’au revoir de la main et suis partie fêter mon bonheur incroyable..  .. partie, comme une dératée !! et j’ai couru, couru, à perdre haleine, comme une héroïne de film.. ni futée ni fine ! Le parcours de la course est inégal mais laisse relativement peu de répit. Certains passages feraient passer les escaliers menant à Montmartre pour des enfants de cœur, quitte à ce qu’il soit sacré.. d’autres prennent à ce dernier muscle justement tout ce qu’il en reste de couleur.

  

De la nature à ce moment là je n’ai plus vu grand-chose, j’ai doublé comme je pouvais, où je pouvais toutes ces bonnes âmes dioises qui regrettaient au fil des lacets leur audace insensée. Je courais en souriant, de cela je suis certaine, en criant  des « YAHOO OO »de joie par moments.. mais ça a rapidement commencé à faire mal !! Les jambes se tétanisaient peu à peu. Je voulais malgré tout être plus forte que mon corps, voler au-delà de mes capacités musculaire et pulmonaire, dépasser et enterrer au plus profond de moi cet instant terrible qui m’avait scié les tripes et gâché ma fête en ce dimanche matin.  

La météo fraiche du début de course devint cependant de plus en plus chaude. J’ai fait un premier arrêt pour ôter ce survêtement qui alors faisait ma fierté..  ! c’était il y a plus de vingt ans ok ??!

Ôter ce pull aussi que j’avais dû choisir selon les critères maternels, c'est-à-dire des critères défiant toutes les lois du sport.. C’était celui qui avait dû lui sembler le plus apte à me tenir chaud.. à presque quinze ans on n’avait pas encore le dernier mot sur sa mère en ce temps là !!  Bref, j’ai éjecté  tout ça dans mon petit sac à dos.

J’eus alors droit à une seconde vie, un regain d’énergie.. quelques dix misérables minutes peut être ?? .. puis, forcément, fatalement.. le gros coup de massue et les jambes à la rue. Quant au cœur.. je ne l’ai plus revu ce jour là !! Il m’est revenu une semaine plus tard je crois…

 J’avais l’impression d’avoir été abattue en vol. Je me savais très endurante, les matchs de tennis interminables faisaient mon régal, les grandes randos idem, mais dans ces deux cas là j’avais des repères, physiques et mentaux. Je me connaissais par cœur dans ces situations spécifiques  là.. de celle d’une course en montagne.. je ne savais absolument rien.. et de mon corps je ne réussis plus à tirer autre chose qu’un pénible, intranscriptible mouvement de courage douloureux. Le seul mot d’ordre désormais se résumait en ceci : « avancer »..   

A partir de là, je les ai tous revus.. tous ceux que j’avais doublés dans mon moment de bonheur d’ogresse, de joyeuse ivresse.. ils me repassaient tous, un à un. Avec une régularité de métronome. Mon père parmi eux. Il m’a chambrée au passage, petite tape dans le dos. Je lui ai dit que j’étais cuite mais que ça irait. Qu’on se retrouverait en haut..  

    Haut, hissez haut… diantre, bigre, bougre.. je savais bien que le col avait pris du galon et de l’altitude depuis mon inscription à ce maso_show. Je le vérifiais à chaque nouvelle foulée. Aucun de mes pas ne semblait parvenir à me rapprocher concrètement du sommet !

 J’ai vécu alors une phase que je qualifierai d’intermédiaire, transigeant avec mon corps, lui accordant ce qu’il exigeait, un peu de calme, et j’ai marché, apaisée. Mon chat vivait, mon père s’était envolé tout fier vers le sommet, il m’attendrait. Et la montagne était sublime, habillée de toute part par la démesure des hommes qui ici et là avaient semé flèches, couleurs,  numeros, kilomètrage, ravitaillements. Des spectateurs me souriaient pour la seule raison que j’étais là, à passer avec un dossard ; les mêmes personnes qui une semaine avant ou après m’avaient ou allaient m’ignorer dans la rue, me criaient là de m’accrocher, m’encourageait, me félicitaient. Les bipèdes parlant sont fous. Mais que l’ambiance était belle ! Qu’elle était formidable ma toute première course.  

.. formidable.. et dure ! A chaque fois que je relevais la tête pour mesurer au pif la distance à vol d’oiseau qui me séparait du sommet je repiquais du nez déprimée.. Ensuite, je me remis à trottiner un peu, de mon mieux.

 

Un terrible coup final , quasi fatal à mon moral, fut porté en altitude. L’arrivée de la course ne se jugeait et ne se juge toujours pas au sommet du col… et là fut la grave erreur de calcul pour mon mental.

 Je m’étais donné le tunnel, « sommet routier du col » comme repère approximatif, ; en fait il s’agissait de monter bien plus haut que ce tunnel à 1254 mètres que j’avais l’habitude de passer en voiture. Il fallait monter encore au dessus de ce que je croyais « mon arrivée » en s’en éloignant considérablement, c'est-à-dire aller chercher le passage au niveau du col naturel à 1367 m et pire que tout… il s’en suivait une longue descente ensuite vers la station de ski. … une descente ! Miséricordia ! ! Avec l’état dans lequel se trouvaient mes jambes.. même dans mes pires cauchemars je ne l’avais pas envisagé une seule seconde. Ajoutez à cela la particularité qui donne au col de Rousset toute sa fascinante originalité : il est considéré comme une frontière naturelle entre les Alpes du Nord et du Sud. Autrement dit, la meteo que vous avez d’un coté du tunnel est généralement à l’opposée ou fort différente de celle que vous allez retrouver de l’autre coté. Il peut arriver que vous soyez en plein soleil- ciel bleu quand vous entrez dans le tunnel.. vous avancez, progressez, presque 800 mètres.. et vous réalisez que vous n’apercevez pas la lueur annonçant la sortie.. tant le ciel est noir et en menaces exécutées de l’autre coté. Autant de centaines de fois ai-je passé ce seuil invisible, autant de fois ou quasi ai-je été bluffée.

Ce jour là ne fit pas exception. Chaud et lourd d’un coté, de l’autre, couvert, gris, humide, venteux et frais. Une expérience vécue pour la première fois à pied, épuisée, et avec un corps tout en douleurs diffuses.. courir pourtant pour abréger… je pensais que ça irait plus vite.. pas du tout.. cela faisait juste plus mal et la descente ne m’en paraissait pas moins longue. J’entendais en plus les hauts parleurs raconter leurs histoires de hauts parleurs. Interviewer des coureurs, citer des sponsors, des temps, du vent, que du vent. Je revois comme si c’était arrivé aujourd’hui les silhouettes d’un homme avec un coupe-vent vert, et d’une femme avec un k-way rouge me passer dans cette descente. Je sais que la femme m’a dit quelque chose de gentil, je ne sais plus quoi. Mais comme j’aime les légendes, imaginons que c’était un ange gardien kikou ki rouge déjà venait me servir de lièvre final. Je me suis calée dans sa foulée, sans y parvenir tout à fait. Elle m’a « échappé » et j’ai fini seule. Un peu perdue à me trouver soudain au milieu de barrières métalliques, de joyeux lurons pas fatigués qui m’attrapaient le dossard, me tendaient des lots « de la part des commerçants du Diois » et me passaient autour de la tête une médaille à l’effigie du rocher de Chironne que je venais de tutoyer en bégayant à quelques centaines de mètres de là. 

Je suis allée m’assoir dans l’herbe au milieu du bruit, de la brume, toute à ma fatigue, hébétée, habitée de mon soulagement d’en avoir terminé, pas encore de la fierté d’avoir réussi mon pari. J’étais arrivée en haut. J’avais fini cette course. Mais ma montre me donnait un temps dont je rougissais, un temps qu’aujourd'hui encore je veux nier. Fierté d’enfant poursuivant un ego de femme. D’où mon intention d’y retourner cette saison ? Y remonter alors pour en gommer l’outrage ?…

Non : y remonter pour y vivre l’hommage. Celui que chaque jour je tente de rendre à celui que j’ai  perdu depuis. Celui qui vint vers moi en cette fin de matinée là en s’affichant tout fier … de lui d’abord ! Heureux comme un gosse d’avoir vaincu la cime sans son vélo. Ce vélo sur lequel il fut violemment et fatalement fauché il y a trois ans.

 

                       

Vous comprenez maintenant pourquoi cette photo m’est si précieuse et pourquoi j’y vois moi toute ma course résumée. Elle fut prise avant que ma mère ne nous retrouve en bord de route. Avant que je n’apprenne que le chat vivait toujours…. On l’aurait deviné à ma tête me direz vous ! Je ne suis pas encore en short, pas encore libre de fouler ce sol en envolées joyeuses, mais du coup et par chance je suis encore avec mon père, bavard des bavards, en train de tailler la bavette avec une amie, Bernadette. Certainement lui racontait-il une de ses histoires drôles qu’il enfilait comme des perles, infatigable blagueur.  Je veux voir un autre signe en son survêt rouge. Il aurait été un sacré kikou lui aussi ! Pour moi, c'était pas gagné alors.. 

Ce que je sais en tout cas, c’est que si le photographe avait choisi de se placer à peine un kilomètre plus avant, il aurait fait deux clichés séparés de nous. J’aurais certes eu plus d’allure mais mon souvenir aurait été scindé en deux clichés, séparés. Je préfère tellement celui là, même avec cette sacrée tête de gamine mal embouchée ! Je me souviens parfaitement de toute la colère que j’ai ressenti à voir ce grand escogriffe nous photographier.. je n’étais pas d’humeur à poser pour une postérité d’amateurs et je voulais que cela se voit.. j’ai au moins atteint cet objectif c’est certain ! Mais c’était moi. Mon père sourit. C’était lui. Nous deux. Rien de plus précieux à ma vie. 

J’ai toujours le petit sac à dos. Toujours les médailles. « Les » car a été brisée quelques jours après la course celle que j’avais reçue là haut. Recollée certes mais quelle tristesse pour moi. Mon père alors était allé voir l’organisateur de la manifestation et lui avait demandé s’il lui restait  d’autres médailles, puis m’avait fait la surprise de m’en ramener une indemne. Différente, de valeur moindre par rapport à cette journée particulière. Mais le geste et l’attention de mon père me touchent encore.

 

Et chaque souvenir perdure en moi. Autant de trésors. Autant de raison de reprendre enfin mon courage à deux pieds cette année et me refaire en compétition officielle cette course qui à défaut d’être coupe du monde n’en est pas moins restée « la montée Die-Col du Rousset ». Marcher sur le sentier des souvenirs avec un corps plus rompu à la course en montagne .. mais un cœur déboussolé depuis que le repère, père de ma vie s’en est allé. Ce sera dur. Mais pour la première fois cette année j’en ressens en moi force et besoin. Il sera avec moi de toute façon. A sa façon. Pudique et clownesque. Je me ferai la belle avec lui. Encore une fois, histoire de défier les lois de la vie, de l’enfance, de l’amour, de la mort.  Le départ est donné à un endroit différent désormais, davantage au cœur de la cité, près de la cathédrale où  notre ville justement vint  rendre hommage à ce joyeux bougre et fin larron qui me manque tant. Une course toute autre. Tout comme moi : différente et à la fois, tout à fait la même.

Mais je reprendrai ce sentier là, au-delà des maux. Reconquérir ce col.

  À la gloire de mon père.  

                                                        

 

 

23 commentaires

Commentaire de chorizo13 posté le 28-12-2007 à 10:50:00

Merci pour ce récit, j'ai moi aussi perdu mon père, fauché sur son vélo
ton histoire est prenante et je te souhaite de revivre ta montée avec un bonheur immense

PS: le survêt , les tennis (c'est comme ça qu'on disait à l'époque) et les dossard , une vraie machine à remonter le temps

merci encore
Yves

Commentaire de taz28 posté le 28-12-2007 à 11:26:00

Lola, très chère Lola,
Quelle histoire merveilleuse tu viens de nous conter...Des frissons et des larmes se mêlent à la lecture de tes mots !!!
L'hommage rendu à ton papa est extraordinaire !!

Tu es bougonne sur cette photo ?? Mais qui ne se reconnaitra pas en l'ado boudeuse et rebelle ??

Merci mille fois de nous faire partager cet amour !!

Taz_très_émue

Commentaire de blancblancblanc posté le 28-12-2007 à 11:45:00

Lola,

merci à toi pour nous avoir fait partager ces souvenirs qui m'ont ému plus que je ne l'aurais jamais pensé lorsque j'ai commencé la lecture de ce récit.

--
JC



Commentaire de moumie posté le 28-12-2007 à 13:39:00

salut Lola,

Tu ne pouvais pas rendre un plus bel hommage à ton père. Tu m'as ému, en lisant ton récit j'avais le ventre qui se serrait.

Ta course cette année sera différente, mais tu auras en toi une force et des sentiments qui vont t'aider à gravir cette satané montée. Vivement le cr.

Même si en 1987 je n'avais que 8ans, je portais aussi le même genre de vêtements, souvenirs, souvenirs :-)

Merci pour ce magnifique récit
Bonnes fêtes de fin d'année et à l'année prochaine donc, pour lire tes nouvelles aventures

Moumie

Commentaire de béné38 posté le 29-12-2007 à 16:10:00

Lola, c'est un très bel hommage que tu rends là à ton papa. Il a dû être très fier de toi, et serait encore très fier aujourd'hui de la femme et de la sportive que tu es. Je te souhaite de savourer cette course comme il se doit,et je suis très fier de t'avoir rencontré et espère bien te rencontrer encore, on est presque voisine.
Bises et à bientôt.
Béné

Commentaire de astra wally posté le 30-12-2007 à 00:51:00

j'ai attendu le bon moment pour lire ce C.R. que je devinais intimiste. Ca me touche que tu nous ai fait partager ce souvenir. J'avais 13 ans à cette époque et mes parents me "trainaient" de force à l'assaut des sommets alpins comme chaque année. Et dieu sait que je détestais ça ! aujourd'hui la tendance s'est inversée de même que l'indifférence que j'éprouvais à l'encontre de la course à pied. Ton récit m'a ému car il met en lumière cette relation père-fille que je connais bien. Je crois que du point de vue de ton père ce souvenir a également dû le marquer. Vous étiez unis par la passion du sport et lors de cette course vous avez pu la partager ensemble, ce qui est pour tout papa une grande fierté (si,si je sais de quoi je parle !). Sportivement parlant j'ai vécu le même genre de calvaire que toi mais sur du plat et dans un état physique des plus lamentable. Me suis fait dépasser, rattraper, doubler par tout le monde. Une vraie humiliation. Cela reste malgré tout un bon souvenir quand même puisque je l'ai couru avec....mon père.

Commentaire de Olycos posté le 30-12-2007 à 11:26:00

tres chouette récit lola...
Bel hommage

Commentaire de Jerome_I posté le 30-12-2007 à 21:46:00

Très beau CR Lola,

ton père est entré dans kikourou grace à toi... Repose toi bien pour pouvoir refaire cette course l'année prochaine...

Jérome_ému_par_ce_C.R.

Commentaire de fabzh posté le 30-12-2007 à 22:37:00

Salut Lola

Ton récit est de toute beauté, une belle tranche de vie et un hommage magnifique à ton papa.
Ne t'excuse surtout pas pour la seule et unique photo de ton récit car cette photo parle et je suis sûr que plusieurs images auraient dénaturé le sens de ton récit.
Merci encore et je te souhaite plein de bonnes choses(physique et mentale)dans ta future ascension.

sportivement fabzh

Commentaire de Bambi posté le 30-12-2007 à 23:54:00

merci Lola de partager ce souvenir si précieux avec nous
j'ai attendu le bon moment pour lire ce récit et cet hommage exceptionel à un homme extraordinaire qui me touche bcp comme tu peux t'imaginer
Clt,
Nina
dis-donc tu as bien changé depuis ... :=))

Commentaire de titifb posté le 02-01-2008 à 12:04:00

Merci Lola pour ce récit bouleversant, qui nous invite à te suivre le long de cette trace intime de tes souvenirs d'enfance, où vit encore, et pour toujours, l'âme de ton père.

Ce cheminement sur les sentiers du Col du Rousset est plus qu'un récit d'une course de montagne, elle est l'aveu de LA course d'une vie. Une montagne intérieure. Celle que nous devons gravir. Pour nous élever. Pour grandir.

Cette édition 2008 sera pour toi, à n'en pas douter, un hommage exceptionnel à rendre à celui qui, désormais, veille sur toi de là-haut...

"...je haussai vers le ciel la gloire de mon père en face du soleil couchant." M.Pagnol

Commentaire de LtBlueb posté le 02-01-2008 à 22:13:00

Au delà de l'hommage émouvant à ton père, Lola, ton texte et ton style sont une pure merveille, l'une des plus belles qui m'ai été offerte depuis que je surfe sur la toile . J'aurai une pensée emue lors du prochain Die-Col Du Rousset. Un grand merci à toi. Bises. L'Blueb

Commentaire de Moicélolo posté le 04-01-2008 à 15:01:00

Quel beau récit Lola, et me voilà à nouveau à pleurnicher... quel bel hommage... cela conforte mes intentions de partager avec mon papa certaines de mes courses (Saintélyon par ex) car ce sont les seuls moments que je partage avec lui.

Merci.
Lolo

Commentaire de DJ Gombert posté le 08-02-2008 à 17:22:00

Beau récit, un bel hommage à ce temps qui passe et a ses personnes qui nous manquent parfois mais dont la présence et toujours parmi nous.

Quel rajeunissement sur les années 80 ;-), et une petite fille au caractère bien (?) trempé qui avait, avec l'insouciance, sur-estimé ses capacité ...

J'espère que depuis, la Voie de la Raison tu as suivi, et la Force controler tu as fait

Commentaire de la panthère posté le 09-02-2008 à 20:14:00

superbe!!! sans te connaître, je devine un grand coeur...

Commentaire de vial posté le 02-06-2008 à 23:49:00

Ton titre m'a accroché, la date m'a surpris
Mais ensuite j'ai compris la profondeur de ton geste
Si longtemps après la précision de nos souvenirs démontre bien l'importance de nos êtres les plus chers
Ayant perdu mon père il y a déjà longtemps alors que j'avais guère plus de 30 ans, je salue le grand pas qu'il faut franchir pour se découvrir ainsi. Mais c'est aussi important de faire partager ces moments forts
Ne serait-ce que pour faire comprendre l'importance de profiter de ceux qui sont encore présents, sans se faire "bouffer" par le quotidien
Merçi Lola pour ce grand moment

Commentaire de Arclusaz posté le 04-02-2012 à 12:32:06

Magie d'Internet et surtout de l'écriture.

Je découvre ce récit plus de 4 ans après son écriture et plus de 20 ans après la course.
Je ne te connais pas mais là, pendant quelques minutes, je faisais partie de "ta famille", j'ai fait mienne tes émotions, j'ai même versé quelques larmes : au fond de nous, nous sommes tous pareils, il y a des moments fondateurs de notre existence et surtout des personnes inoubliables.

Je ne pense pas que tu liras ce commentaire (ou peut être dans 4 ans...) mais je tenais absolument à laisser une trace de mon passage sur ce récit qui vit toujours ... comme ton papa dans ton coeur.
Merci.

Commentaire de Lolarun posté le 06-02-2012 à 11:18:31

Un petit lutin en forme de message automatique m'a prévenue de ton message, il n'aura donc pas fallu 4 ans pour te lire ;) merci du fond du cœur pour ta gentillesse. Lola.

Commentaire de gerard posté le 07-02-2012 à 16:44:49

Je viens de lire tout ton récit avec beaucoup d'émotion. C'est Arclusaz, qui a posté le commentaire précédent, qui m'a parlé de ce magnifique récit.
J'ai couru 5 fois Die-col de Rousset, la première fois en 1988 et la dernière en 2008.Par contre, il me semble que la "5ème Coupe du Monde de Course à Pied en Montagne" sur ce parcours a eu lieu le 17 septembre 1989. J'ai couru cette édition.Dans la même année, d'ailleurs, il y avait eu aussi une grimpée au mois de Mai.
Je pense que la photo, cette photo si chargée d'émotion, a été prise avant la passerelle du Pas de la Roche.
En tout les cas, merci Lola pour ce beau récit.

Commentaire de Lolarun posté le 07-02-2012 à 20:26:00

Merci à toi, à vous tous. Je suis profondément touchée de constater à travers vos émouvants commentaires que cette histoire là se prolonge réellement au delà de mes mots. L'impression de rajouter du temps de vie à cette merveilleuse journée. Me suis je d'ailleurs emmêlés les pinceaux dans les dates comme tu le suggères Gérard ? fort possible après tout, tant cette année 89 s'était essentiellement réalisée pour moi les yeux rivés sur le col :) J'ai pu par erreur rendre siamoises deux courses séparées ..

Commentaire de Lolarun posté le 07-02-2012 à 20:27:04

.. et oui en effet, juste avant la passerelle du Pas de la Roche pour cette fameuse photo ;)

Commentaire de calou posté le 22-05-2012 à 09:44:25

Je découvre ce récit plein d'émotion. Merci pour ce beau partage.

Commentaire de akunamatata posté le 27-06-2012 à 12:01:22

Quel CR ! Bravo !

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.16 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !