Récit de la course : SaintéLyon 2019, par alfredyoyo

L'auteur : alfredyoyo

La course : SaintéLyon

Date : 30/11/2019

Lieu : St étienne (Loire)

Affichage : 2261 vues

Distance : 76km

Matos : Veste raidlight mp+
Chaussures Adidas TR8
Sac camelbak ultra 10 en fin de vie
4 paires de gants
3 sous couches

Objectif : Faire un temps

6 commentaires

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La sainté du paradoxe

Je vais éviter les récits linéaires, car ils sont excessivement classiques, et mon niveau lambda ne permet pas de mettre en avant des faits de courses marquants. J'exposerai plutôt ici des réflexions générales sur la course, et des points qui m'ont marqué.

*De l'amour de la sainté

La Sainté elle n'est pas parfaite, mais je l'aime d'amour, donc j'y suis vraiment fidèle. J'ai fait mes armes sur un relais 4, puis une Saintexpress. Je suis monté progressivement en puissance pour commencer avec les éditions solo 2015 et 2016 très classiques, avec des temps entre 10h et 10h30, avec un peu de galère à partir de Soucieux. Bref, un coureur lambda de milieu de peloton, mais qui a un énorme plaisir à rallier deux grandes villes dans le froid et la nuit de l'hiver. Même si la course est longue car roulante, jamais je n'ai eu de débuts de prémisces de souhaits d'abandons sur cette course. J'aime son format, j'aime connaitre le parcours, j'aime avoir cette notion de progression entre un point A et un point B à la seule force de mes jambes.

J'ai toutefois beaucoup souffert lors de l'édition 2017. Beaucoup d'énergie perdue dans la neige et dans la glace, surtout en partant en dernière vague. Les températures rudes ne me déplaisent pas d'habitude, mais cette année là j'ai vraiment senti une énergie évaporée, et j'ai clairement subi après Soucieux en étant incapable de courir. Cette année la, clairement à l'arrivée "plus jamais".

2018, comme promis, pas de saintélyon. Un besoin de souffler un peu en fin d'année, après une saison très montagnarde. Quand j'apprends les conditions dantesques de 2018, adjoint à une distance bien trop longue pour moi sur le papier pour du roulant, je me dis "tant mieux". Passé cette année loin des sentiers rhodaniens, rebelotte, je sens quand même l'envie de revenir, bien plus léger (litérralement), bien mieux entrainé.

*De l'importance de la préparation

La préparation, oui. La Sainté est une course populaire et c'est tant mieux. Mais parfois j'hallucine vraiment du côté "roots" de certains. Et je ne parle pas au départ où je ne juge certainement pas quelqu'un à ses poignées d'amour, son short à fleur ou son débardeur + mini short vu les conditions météos, mais plutôt aux gars qui soufflent comme des boeufs à la première montée, qui n'ont aucun rechange dans leur sac parce que "non mais y'a pas besoin, une sainté c'est comme un marathon", bref qui partent à poil au propre comme au figuré. De mon côté, j'essaie de ne pas voir les choses comme ca, et c'est purement égoïste : je sais que si ma préparation n'est pas adéquate, le paiement sera sévère. La sainté permet de garder un bon volume une fois les objectifs montagnards et aoutiens passé. C'est un très bon moyen de garder du rythme en ce fixant cet objectif, et en repassant sur du rapide, qui s'avère cruellement nécessaire pour continuer à mettre du rythme après soucieux, ce qui fut le cas pour moi cette année. Globalement, cette prépa globale m'a permis d'être en mesure de courir jusqu'au dernier kilomètre, et donc de rester à une température corporelle suffisante, ce qui n'a clairement pas été le cas de tout le monde. Je peux le dire, je n'ai pas eu froid du tout à cette STL :)

*Du révèlement de soi face aux conditions

Je ne reviens pas sur les conditions dantesques de cette édition 2019. En homme prévoyant, j'ai regardé la météo, beaucoup, anticipé le nombre de rechange, essayez de préparer au mieux. Une pointe d'angoisse était quand même la car, entre les "millimètres de pluie" sur la météo d'un téléphone et la réalité du terrain, il y a quand même un monde. Je me suis déja pris des orages de montagne sur le coin du nez, je me suis volontairement entrainé 2h sous la pluie ou la neige pendant la prépa. Mais alors 11h sous la pluie battante par quelques degrés, très honnêtement, jamais expérimenté. Et c'est pourtant là où je trouve mon propre plaisir, particulièrement sur la saintélyon. Je ne suis ni rapide, ni quoi que ce soit, je ne trouve pas de gloire à faire moins de telle heure sur une course. Par contre, j'apprécie infiniment de devoir faire face aux conditions, et de pouvoir me dire "tu es entrain de prendre la bonne décision, réfléchis bien, cette course ce n'est que de la gestion. As tu mangé ? bu ? tu as prévu de te changer à tel endroit, tiens toi y". Cette douce harmonie entre une préparation méthodique de la course (estimation des temps de passage, préparation des vêtements de rechange, routine pour manger et boire, etc...) et une écoute attentive de mon ressenti pendant amène à une gestion de course où l'on se dit "je réagis bien, je me suis donné les moyens avant la course d'y arriver, concentre toi pendant pour y arriver, et pas seulement à mettre ton pied pas trop mal dans cette espèce de mare de boue, mais aussi en gérant bien les à côté".

Finalement, après quelques années de pratiques et notamment après avoir couru des trails long autour de 100km, je me rends enfin compte que mon plaisir absolu réside dans cette capacité à être capable de connaitre mon corps, mes moyens, à préparer ma course, et à savoir la gérer pendant. Le mental est bien sur excessivement important, mais quel plaisir une fois la course terminé de se dire qu'on a réussi à se sortir de tous ces mauvais pas, quel plaisir pendant les rabasses de très fortes pluie de grincer des dents en se disant "je peux le faire", quelle plaisir de pouvoir descendre rapidement des espèces de torrents de boue au 60ème kilomètre car justement, on a fait attention.

Ce n'est peut être pas un tempérament de vainqueur, mais je préfère largement terminer en une durée donnée en ayant été bien tout le long plutôt que de tenter de finir plus vite, exploser en vol et souffrir pour finir dans le même temps.

Cette saintélyon 2019 a été le support absolument parfait de ce mantra : la pluie a n'en plus finir, les torrents de boue, les genoux grincants quant aux positions peu orthodoxes que je faisait prendre à mes panards, le bottage de cul pour ne rater aucune relance, la peine pour les camarades en galère et tombant comme des mouches aux ravitos.

Cette STL 2019, aux conditions délirantes, m'a justement donné à de multiples moment l'occasion de me me montrer à moi même ce que j'avais dans le bide, et je ne me suis pas décu. C'était dur, mais alors qu'est ce que j'ai adoré !


*De l'influence sur ses propres résultats

Mon mantra sur des trails et courses longues, c'est de faire sa propre course. Force est de constater que si l'on est dans son standard, à son niveau, et qu'on ne cherche à suivre personne, et surtout qu'on s'en tient à sa connaissance de soit, les résultats suivent. Cette année l'a fortement montré. Habituellement plutôt dans les 55-60% de classement sur les saintélyon, je suis tombé cette année dans les 30%, ce qui fait de cette course de loin ma meilleure réussite sur STL en 4 participations. Pas seulement au classement qui reste un indicateur interessant vu le nombre de participant, mais aussi en termes de vitesse, ce qui semble paradoxal vu les conditions.


*De l'organisation
Je ne peux que constater le travail incroyable fait par l'organisation année après année. 2019 fut l'apothéose pour moi. Peut être est-ce du au fait que les conditions imposaient d'être très rapidement dans sa bulle, mais je me suis presque senti "en intimité" du début à la fin : partir en vague 3 après une bonne ambiance dans le sas malgré l'attente de 2h dehors, je n'ai ressenti ni bouchon pendant la course, ni queue excessive au ravito, ni moment d'agacement. Et pour que ce soit aussi simple, l'organisation est forcément compliquée. Cette machine est bien rôdée, elle permet d'innover tous les ans tout en gardant de très forts marqueurs, notamment les points de passage, pour quelqu'un qui commence à la connaitre comme moi. Je souhaite encore une fois tirer mon chapeau à cette organisation. On peut toujours critiquer, conseiller. Mais il y a la derrière des hommes et des femmes qui font qu'on peut faire ce genre de bétise avec une facilité déconcertante.

*Du côté hors du temps

Cette course comme d'autre permis aussi de sortir un petit peu de la routine. Que ce soit en fixant cet objectif automnal qui permet de garder une motivation alors que l'entourage est rongé par la morosité des nuits à 17h, du froid, mais aussi en vivant cette course de l'intérieur. Comment ne pas être sensible au fait de rallier à pied ces deux grandes villes ? Comment ne pas être sensible au fait que des quidam sont la, sous la pluie, à 4h du matin, pour encourager des gens qu'ils ne connaissent pas, en leur apportant de la chaleur, soit au moral, soit littérallement à coup de braséros toujours appréciables. Ces saintélyon sont toujours hors du temps aussi pour moi. Ne faisant pas de sieste du samedi, je suis le fil d'ariane alternant chemin et route toute la nuit, en voyant le lever du jour. On ne sait pas bien quelle heure il est, ca fait 24h qu'on a pas dormi en sortant du ravito de Soucieux, les "bonsoirs" matinaux fusent. C'est drôle, les bénévoles rient. Je sais parfaitement quelle heure il est et pourtant ces levers de soleil après une nuit à courir marquent toujours un petit décalage dans le temps.

On a beau dire ce qu'on veut, que le trail est une mode, que l'on est jamais content de telle ou telle organisation. En attendant, nous cherchons tous avec ce genre de petits défis à pouvoir se botter les fesses et sortir un peu du temps continu.

*De l'étonnement

Etonné de voir tous ces LSTL aller à une allure hyper honorable

Etonné de voir tous ces "monsieur" dont j'envie la forme à leur âge

Etonné de tous ces bénévoles avec le sourire jusqu'aux oreilles

Etonné du calculateur ITRA qui m'a cerné à la minute près

Etonné du paradoxe : la "pire" sainté sera ma meilleure, de loin

Pas Etonné d'être sûr de revenir en 2020 Cool

6 commentaires

Commentaire de Benman posté le 07-12-2019 à 11:03:10

Quel beau récit. Merci, vraiment. C'est grâce à des coureurs comme toi qui savent remercier et apprécier ce qu'ils ont, ce qu'ils réalisent, qu'on peut se dire que le fameux esprit trail existe un peu, et que toutes ces personnes qui ont bravé la nuit et le froid pour le confort de coureurs lambda ne l'ont pas fait pour rien. Immense bravo.

Commentaire de Mazouth posté le 07-12-2019 à 17:48:46

Super récit, merci ! Et bravo ! C'est un bel aboutissement de pouvoir se sortir de telles conditions en l'ayant bien vécu, sans subir. La STL on peut toujours en parler et la banaliser, la faire pour de vrai c'est autre chose, la preuve.

Commentaire de Twi posté le 07-12-2019 à 18:17:09

Une beau résumé de ce qui nous attire dans cette folie qu'on appelle "trail".
Bravo pour la course !

Commentaire de wakayama posté le 07-12-2019 à 19:23:22

Très intéressant comme récit. Même si tu es beaucoup plus rapide , on partage la même vision de la course en prenant du plaisir dans une bonne gestion et surtout en faisant sa course

Commentaire de tikrimi posté le 08-12-2019 à 18:27:51

Merci beaucoup pour ce récit, j'ai passé un très bon moment à le lire.

Commentaire de alfredyoyo posté le 08-12-2019 à 21:03:05

Bonsoir et merci à tous pour vos commentaires chaleureux. Cette sainté a été vraiment spéciale pour moi, je savais qu’elle allait être coton mais quand on a toutes les clés c’est vraiment intéressant comme course. Je ne prend pas toujours le temps de faire un récit (j’ai comme objectif d’enfin faire celui de mon UTV2019....), mais il faut le faire car je suis très reconnaissant à tous ceux qui font l’exercice de pouvoir lire et partager tout ceci !

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