Récit de la course : Icon Xtrem Triathlon 2019, par La Tortue

L'auteur : La Tortue

La course : Icon Xtrem Triathlon

Date : 30/8/2019

Lieu : livigno (Italie)

Affichage : 1137 vues

Distance : 245km

Objectif : Objectif majeur

6 commentaires

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2 autres récits :

black and white shirts !!!

Icon 2019 : the tortue is back !

 

30 août 2018, sous des pluies diluviennes qui m’ont ralenti en vélo pendant 10h30 et à l’issue de 32 km courus à la peine, le couperet tombe vers 21h30 : je ne suis pas autorisé pour quelques minutes seulement à finir en haut de la montagne l’Icon 2018. On termine donc les 10 derniers km de course avec Iskan, par la route du bas avec une arrivée tristounette dans la salle de Livigno. Le lendemain, je monte chercher sur l’estrade mon black t-shirt de « low-finisher ». La satisfaction d’avoir quand même bouclé, grâce notamment à une équipe de choc, une épreuve rendue dantesque par les conditions météo est quand même là, mais la fête est un peu gâchée car il manque un petit quelque chose….

1 an plus tard, je partage une joie indescriptible, avec Pilou et iskan, en franchissant la « vraie » ligne d’arrivée de l’Icon 2019, à plus de 2700 m d’altitude. Le lendemain, je monte sur la même estrade qu’en 2018, mais pour aller chercher le white t-shirt des « top-finisher ». Une année pendant laquelle je n’ai pensé presque qu’à ça pendant mes entrainements. La boucle est bouclée, je peux savourer avec ma team le sentiment du travail accompli.

 

Estrade 2018, black t-shirt avec Iskan         Estrade 2019 : white t-shirt avec Iskan et Pilou

ça valait le coup d'y retourner !

 

 

L’Icon Xtrem triathlon, peu de gens connaissent. C’est une épreuve qui fait partie depuis cette année de l’Xtri world tour, tout comme le Norseman, le Celtman et le Swissman qui sont les 3 épreuves les plus célèbres, mais qui s’est étoffé depuis quelques années de nouvelles courses en Espagne, en Suède, ou encore en Alaska et donc de l’Icon pour 2019.

http://iconxtri.com/

 

L’an dernier, j’avais découvert cette course grâce à mon vieux copain Paname, et je voulais effacer ce demi-échec de 2018, non seulement à titre personnel, mais aussi pour ma team à qui je me sentais redevable. Et aussi, pour pouvoir juger de la beauté de la course car l’an dernier, dans les nuages et sous la flotte toute la journée, je n’avais pas pu profiter des paysages comme j’aime le faire sur ces courses de montagne en terre inconnue.

Stelvio 2018                                                Stelvio 2019

ça valait vraiment le coup d'y retourner !

 

Le programme du jour :

3,8 km de natation en lac à 1850 m d’altitude à Livigno, alpes italiennes, entre les vallées de st Moritz en Suisse et celle de Bormio en Lombardie.

197 km de vélo avec 4700 m de D+ et 5 cols à plus de 2100m d’altitude dont le célèbre Stelvio, l’un des sommets du tour d’Italie.

42 km de CAP avec 1500m de D+. En format trail relativement « roulant » pendant 37 km, puis une montée finale, dré-dans-l’pentu, avec 800 m de D+ sur les 4 derniers km.

 

Parcours vélo


Parcours CAP



Profil vélo et CAP


Sur ces courses de l’xtri world tour, il faut une équipe suiveuse, car il n’y a pas de ravitaillement organisé et que les parcs à vélo de T1 et de T2 ne sont pas au même endroit. La team doit donc récupérer et préparer le matériel pour chaque transition. Cette année, ma team a un peu changé, car ma grande fille est enceinte pour novembre. C’est donc mon gendre, Iskan avec qui j’ai fait le Celtman et l’Icon 2018 qui conduira la voiture et mon fils Pilou, avec qui j’ai déjà fait le Norseman 2012 et le Swissman 2016, qui complètera l’équipe. Iskan, une fois la voiture ramenée à Livigno après le vélo, fera les ¾ de la CAP avec moi jusqu’au sommet. Equipe ultra rodée donc, en qui j’ai toute confiance, 10’ de briefing la veille de la course suffisent pour tout caler, chacun sait très bien ce qu’il a à faire.

Le team tortue (Iskan, Pilou, Tortue) et la tortuemobile prêts pour le grand jour !



Le gros bémol vient plutôt d’un mollet qui s’est déchiré 10 jours avant la course, exactement comme l’an dernier. Mais cette fois, je sens bien que la blessure est plus profonde et malgré 10 jours de soins intensifs, la veille de la course, il me fait toujours mal à la marche. Je suis tellement accaparé par ce fichu mollet, et que je crains qu’il ne m’empêche de concrétiser 1 an d’entrainement que je n’arrive pas à dormir un seul instant de toute la nuit qui précède la course.

C’est donc en baillant comme une carpe que j’arrive au parc à vélo à 4h du matin, pleinement confiant dans mes capacités mentales et ravi de voir que la journée s’annonce splendide côté météo, mais assez inquiet sur mes possibilités physiques à terminer la course. La stratégie est simple, prendre un maximum d’avance sur les barrières horaires en natation et à vélo, pour pouvoir faire la course sur une seule patte s’il le faut, mais finir au sommet coute que coute.

 

Le lac au petit matin, l'aube approche, le ciel est entièrement dégagé


Pilou m’aide à m’équiper pour la nat. Je retrouve sous la tente, Joachim, un copain du Raspa, que j’avais rencontré à l’Altrmian il y a 2 ou 3 ans. L’ambiance assez feutrée dans la zone de départ, où je retrouve mon Paname, qui n’a pas pu se préparer correctement à cause de problèmes de santé et qui prend le départ sachant très bien qu’il n’ira pas au bout. On discute paisiblement en se réchauffant à côté d’un braséro, un peu à l’abri de la foule, tranquillou comme deux vieux briscards qui ont tellement bourlingué que plus grand chose ne les stresse.

Prêts à partir


Le départ des nageurs avec leurs bouées lumineuses aux fesses


Le lac est lisse comme un miroir, le soleil commence à éclairer les montagnes, le ciel est splendide, ça sent la grande et belle journée. L’eau annoncée à 15°C me parait très bonne, et je pose tout de suite ma nage contrairement à l’an dernier où j’avais pris des chaussons et une cagoule qui m’avaient gênée. Cette année, j’ai mis 2 bonnets et un petit lycra sous la combi et je suis beaucoup plus à l’aise pour nager et je n’ai absolument pas froid. La navigation dans le noir n’est pas évidente, je ne vois pas les bouées directrices, mais le lac est assez étroit et en restant parallèle à la berge, je sais que je nages vers la première bouée située à 1800m. Je ne la vois qu’à 150 m, je la vire à main gauche, petit bord à 90° de 200m et retour vers le point de départ, cette fois parfaitement guidé par le phare allumé au-dessus de la grande échelle du camion des pompiers de Livigno. La deuxième ligne droite me parait assez longue, d’autant que je suis tout seul sans concurrent autour de moi. Le vent s’est un peu levé, soulevant un léger clapot qui freine un peu, mais un coup d’œil à ma montre à la sortie de l’eau indique 1h16, ce qui est un temps très correct pour moi, surtout à cette altitude, et je suis juste réveillé, mais absolument pas fatigué comme à chaque fois sur IM. Victor, mon coach natation dirait que je ne me fais pas assez violence en natation, mais je pense que sur du long, rien ne sert de se cramer pour gagner quelques minutes et qu’il vaut mieux gagner du temps sur les transitions et les temps d’arrêt ce qui ne fatigue pas du tout.

Ca sort !


1h16, pas mal pour un vioc!


Paname tout sourire !



Iskan me sort de l’eau (toujours ce fichu dos un peu raide après être resté longtemps à nager) et m’aide à monter la pente raide jusqu’à la tente de changement situé au-dessus de la berge. Pilou m’attend avec mes affaires de vélo. Je connais ces T1 par cœur depuis le temps que j’en fait. Il faut savoir perdre du temps à bien se sécher plutôt que se précipiter et d’essayer de s’habiller humide et perdre un temps fou à enfiler ses vêtements sur une peau pas assez sèche. Pilou sèche énergiquement le bas, pendant que je sèche le haut. Les habits s’enchainent parfaitement dans un ordre préétabli à l’avance. Je pars en tenue « hiver léger » car le soleil n’est pas encore levé au fond de la vallée et il fait encore frisquette, mais je sais qu’après 7 km de faut plat montant, commence le premier col dans lequel je n’aurais pas froid.

Grâce à l’efficacité de ma team, je suis sur mon vélo en 9’ chrono, prêt à attaquer la route. Avec une bonne natation et une T1 optimisée, j’ai déjà 10’ d’avance sur mon prévisionnel.

 

On the road again...


Le circuit vélo est strictement identique à celui de l’an passé.

Premier col, le Forcola, 2315 m, 13 km dont seulement les 5 derniers un peu difficiles. Les sensations sont assez bonnes en ces premiers tours de roues, malgré le froid de la natation qui m’a engourdi un peu, et ça caille encore pas mal dehors. Je fais la première partie assez roulante sur le 50 pour mettre les cuisses en pression comme me l’a appris le Lapin, et au somment (frontière Italie-Suisse), Pilou me donne des gants d’hiver et me mets des surchaussures pour faire les quelques kilomètres de descente pour rejoindre la route du Bernina Pass qui arrive de Tirano.

Le Forcola la veille avec Pilou


Deuxième col, le Bernina, 2323 m, on ne fait que les 4 derniers km jusqu’au sommet, plus haut col routier ouvert toute l’année. La pente est plus forte mais régulière et je rejoins à nouveau ma team au sommet sans avoir besoin de m’arrêter.


Bernina Pass


Très rapide descente jusqu’à St Mortiz, où je suis arrêté par un feu rouge de circulation alternée. J’en profite pour faire une petite vidange et optimiser cet arrêt forcé.

Puis très long faux-plat descendant jusqu’à Zernez où il faut emmener du gros braquet à 40/50 km/h sur des grandes lignes droites. Il fait plus chaud maintenant car le soleil inonde la vallée suisse, mais on voit un grand banc de brouillard devant nous en fond de vallée, la vue est magnifique mais je garde encore le coupe-vent pour traverser ce brouillard un peu humide.

Le brouillard en arrivant sur Zernez


A Zernez, je m’arrête quelques secondes pour me débarrasser de mes vêtements de protection avant d’attaquer le Fuorn.

Troisième col, le Fuorn, 2149 m, 30 km en tout mais en deux parties : une première partie assez pentue mais régulière qui passe bien, une redescente de quelques km, puis un long plateau et enfin 3 ou 4 km plus raides pour atteindre le sommet. J’ai des supers jambes à ce moment-là, et je double à tout va. Au sommet, pause pipi et casse-croute pour quelques minutes de break avec mes assistants remontés eux-aussi comme des pendules et ça repart pleine balle sur la descente au début très technique vers le Val Müstair.

Col de Fuorn


La moitié du kilométrage vélo est fait, je suis en avance de 30’ sur mon timing, mais ne nous emballons pas, le plus dur reste à venir.

Je repasse la frontière pour revenir en Italie en enrhumant le douanier qui fait du zèle en arrêtant les voitures, vraouummm, attention c’est la grosse tortue qui déboule... Il fait plus chaud en ce fond de vallée et j’enroule sans trop forcer sur les longues lignes droites jusqu’à Prato pour ménager au maximum mes jambes dont je vais avoir grandement besoin dans les prochaines heures.

Le village de Prato, virage à droite et 200m plus loin, on est déjà dans les premières pentes du Stelvio.

Quatrième col, le Stelvio, 2757 m, 24 km de montée à 7.4% de My et 15% de max, le monstre ! Pilou qui avait mis son vélo dans la voiture ce matin, pour pouvoir escalader ce col mythique, part quelques dizaines de mètres devant moi. Les 7 premiers km, jusqu’au petit village de Trafoi, sont à 6 ou 7%. Ce sont des pourcentages qui conviennent bien à mon grand (gros ?) gabarit et je garde Pilou à vue, mais après le village, la pente se durcit et je le vois virevolter debout sur les pédales. Les 48 épingles commencent et il me faut passer en mode économie d’énergie autant que possible. Je trouve que le Berghotel, situé au pied de la paroi finale arrive quand même assez vite, car la monotonie de l’effort est interrompue par la contemplation du paysage grandiose et par quelques SMS des copains qui arrivent sur mon Garmin, mais que, sans lunettes de vue, j’ai un peu de mal à déchiffrer correctement ! Pilou est loin devant maintenant et il reste les 6 derniers km vertigineux et plus de 550m de D+ à grimper avec cette impression que la paroi est presque verticale et que les épingles sont empilées les unes sur les autres jusqu’au sommet. La grande bâtisse austère située en haut du col parait tout à la fois si prêt et si loin. La route se rétrécie et la circulation dans les épingles, avec les voitures suiveuses, les touristes qui se baladent et toutes les motos qui passent, est parfois un peu difficile. Le décompte des épingles se fait lentement mais surement car personne ne me double ce qui est déjà bien pour moi dans ces forts pourcentages (toujours entre 8 et 11% je pense, sauf les épingles qui permettent de souffler quelques secondes). Mais, à 1 km du sommet, je suis pris de crampes dans les cuisses que j’arrive à maitriser tant bien que mal sans être obligé de m’arrêter.

Le Stelvio vu du sommet

Toute petite tortue écrasée par l'immensité de la montagne


Pilou dans le Stelvio


 Comme Pantani, au plus court dans l'épingle ;-)



Le paysage fait passer le temps


ho hisse !


 


Après 2h30 de grimpette, j’atteins le sommet où Iskan m’attend avec un grand sourire. Je fais un stop à la voiture pour manger car il est très difficile de s’alimenter durant un si long effort et pour me couvrir très chaudement car même s’il fait grand soleil, je sais que la descente est très rapide et j’ai eu tellement froid et peur l’an dernier sous la flotte que je ne veux pas revivre ça. Ainsi équipé, je vais descendre comme une balle. Le segment Strava est sans équivoque : 13’ de moins que l’an dernier pour arriver à Bormio, où il faut super chaud. Je suis allé beaucoup plus vite que le voiture et j’ai hâte qu’elle me rattrape car j’ai beaucoup trop chaud dans la vallée avec toutes mes couches de vêtements.

 

ouf, ça c'est fait !


Cinquième et dernier col, le Foscagno, 2291 m, 15 km. Après 1 ou 2 km d’ascension faciles, Iskan et Pilou me rattrapent avec la tortuemobile. Je peux enfin leur laisser mes vêtements superflus avant de monter ce dernier col. L’an dernier, je m’étais bien fait avoir, pensant qu’après le Stelvio, le plus dur était fait. Erreur, ce Foscagno est très difficile aussi. Il est classé en HC comme le Stelvio, mais heureusement moins long : 15 km dont 10 vraiment difficiles. C’est une grande route désagréable à grande circulation avec des camions qui nous rasent les gambettes et sur un bitume qui rend mal. Pour ne pas m’endormir dans un train-train de sénateur, je me fixe un objectif chrono : passer le col à 16h30. Sur les parties moins pentues, je relance à chaque fois que possible et je donne tout, sachant que c’est le dernier effort cycliste du jour. Je double au moins 5 ou 6 gars dans la montée et je passe le col à 16h32.

A l'arrache sur les dernières pentes du Foscagno


Quelques km très rapides de descente et me voilà à Trépale, T2, où je pose le vélo avec 45’ d’avance sur mon prévisionnel large.

Je retrouve ma team de choc qui m’a tout préparé pour la CAP. Pendant que je me ravitaille arrive aussi Joachim qui se change à côté de moi, aidé par Pilou et par Chris, sa charmante compagne.

Y'a bon cacahuètes !


Je quitte T2 à 16h55, je suis à ce moment-là 55ème d’après le Lapin et j’ai 4h50 pour faire les 30 km qui me sépare de T3, la barrière horaire pour monter au sommet ou finir en bas étant à 21h45. Même sur 1 jambe ça devrait pouvoir le faire, à moins que ça casse complètement et que je ne puisse plus du tout avancer car il y a quand même environ 600 m de D+ à se taper sur cette première partie

Je décide donc de partir très prudemment en alternant marche et course et en ménageant au maximum mon mollet. Je profite des premiers km goudronnés pour répondre aux sms que les copains m’ont envoyé sur le vélo. Bien sûr, les cuisses sont explosées après le vélo où je ne me suis pas économisé, mais ça part plutôt pas mal, jusqu’au franchissement d’un petit ruisseau où…crac, l’appui se dérobe, le coup de poignard dans le mollet, la déchirure qui n’était pas cicatrisée vient de lâcher et je sens tout de suite que c’est sérieux, et je suis parti depuis seulement…3 km !

Bon qu’est-ce que je fais maintenant ? J’arrête là pour pas me blesser encore plus et j’aurais mal à la tête toute ma vie car je ne serais jamais monté on sommet ? De toutes façons, je suis un vallon où il n’y a pas de route pour venir me chercher, autant avancer et faire les 5 ou 6 km de terrain globalement descendant jusqu’à Livigno. Après avoir trempé le mollet dans l’eau fraîche du torrent, je repars en marchant et en serrant les dents, en essayant de chasser les idées noires. Un petit sms du Papy Pingouin me remonte le moral : « toutes petites foulées multifréquences et ça va passer » me conseille-t-il. Ok, allons-y, il a souvent raison l’Ancêtre. Je rejoins cahin-caha le chemin roulant au bord du lac, il y a pas mal de promeneurs qui encouragent alors j’essaie d’appliquer la technique papyesque, et je constate que la douleur n’est pas plus importante qu’en marchant.

Ho hisse, le moral revient. J’appelle Pilou pour qu’il m’apporte mes bâtons que j’avais prévus pour la montée finale, et je décide d’aller jusqu’au bout quoiqu’il arrive et que seule la barrière horaire pourra m’arrêter, tant pis pour le mollet, j’ai tout l’hiver pour cicatriser...

Au km 12, comme prévu je retrouve Pilou et Iskan qui ont ramené la voiture sur Livigno pendant que je faisais les premiers km de CAP seuls. Pilou me donne mes bâtons et il était prévu qu’Iskan fasse toute la course jusqu’à l’arrivée avec moi.

Avec une technique de rando-course en poussant fort sur les bâtons et avec le soutien moral et physique (il me pousse dès que ça monte un peu) d’Iskan, on part pour la boucle tout au fond de la vallée de Livigno jusqu’à Alpe Vago. Les km ne passent pas bien vite, mais ça avance quand même.

toutes toutes petites foulées...


ou rando-course...toutes les techniques sont bonnes pourvus que les km défilent


Au km 20, le mollet ne va pas plus mal qu’au km 3. La douleur est stabilisée et surtout mécaniquement ça fonctionne toujours à conditions de faire soit des grands pas avec les bâtons dans les montées ou les faux plats montant, soit des toutes petites foulées dans les descentes ou sur le plat. On fait le demi-tour tout au fond de la vallée, et on attaque le retour sur Livigno. Psychologiquement c’est bon de savoir qu’on retourne vers T3 et de savoir qu’il en reste moins à faire que de déjà fait !

Je consulte avec inquiétude sans arrêt l’allure au GPS. Si on maintient cette vitesse là, je sens que ça va passer et je commence à me détendre un peu et retrouver le moral au fil des km. La nuit tombe, on allume les frontales avant d’entrer dans la forêt dans la dernière partie montante avant T3.

Sur le retour vers Livigno, le moral est revenu et Iskan mon ange gardien veille sur moi !


Après 3 km très difficiles sur une monotrace montante, on retrouve Pilou qui nous attend pour faire les derniers hectomètres jusqu’à T3, où j’arrive avec 50’ d’avance sur la barrière horaire ! Yessss !!! Jusqu’au sommet, il n’y a plus de barrière horaire et même si je dois monter sur les mains ou sur le dos d’Iskan, je sais que je vais y arriver.

On prend un petit quart d’heure pour bien se ravitailler, faire vérifier les sacs avec le matériel obligatoire et on donne rdv à Pilou dans 2h environ au sommet (il va monter avec la télécabine pour qu’on vive l’arrivée à 3, je savour déjà le moment à l’avance !).

On repart tranquillement avec Iskan pour les 10 derniers km. A partir d’ici, il est obligatoire pour des raisons de sécurité, comme sur tous les Xtrem tri, de faire la course avec au moins 1 équipier. Ce sont donc des équipes de 2 ou 3 personnes que l’on commence à rattraper dans les rues de Livigno. Bourré d’endorphine et encouragé par les « bravi » des passants du soir et des gens attablés aux terrasses des bars et restos, je retrottine allègrement dans la grande rue de Livigno. Les idées noires sont définitivement chassées, le mollet est oublié et je sais qu’il faut profiter de ces moments rares et tant mérités. Il y a même une charmante jeune fille qui nous ouvre la route en vélo pour pas qu’on soit gêné par les promeneurs, les stars !!!

Après 2 à 3 km d’euphorie, on attaque les choses sérieuses. Les signaleurs nous font comprendre qu’il faut prendre à gauche « dré dans l’pentu » sur la piste de ski éclairée par des jalons lumineux. C’est tout droit sur 500 m pour monter en haut du télésiège qui parait tout d’un coup vachement loin alors que de jour, ça semblait tout proche. On est surpris car l’an dernier, c’était la même boucle mais on montait par un chemin plus long mais plus facile aussi. Iskan qui jusque-là m’avait poussé dans les montées a besoin de garder un peu de force pour lui tout seul. On fait plusieurs pauses car j’ai le souffle court, et on atteint enfin le sentier balcon au-dessus de la station.

La veille, on avait pris un pot au pied de la piste de ski, ignorants qu'il faudrait y monter le lendemain. De jour, il parait pourtant pas bien loin le télésiège !


De là, c’est retour sur 2 ou 3 km vers T3 en alternant marche et course. La vue sur la vallée est magnifique, il y a un orage au loin qui éclaire les sommets environnants, c’est un moment de pur bonheur, vécu à deux dans la nuit noire.

Au dernier ravito, au pied de la montée finale, Pilou nous a rejoint pour m’apporter mes gants que j’avais oublié en bas et qui sont obligatoires pour monter. Le vent se lève, et il commence à faire frisquette, mais avec l’effort qui nous attend, on n’aura pas froid jusqu’au sommet, un petit coupe-vent et des manchettes de vélo suffiront.

Il reste 4 km d’après les bénévoles et l’altimètre est formel : on est 1950 m d’altitude et l’arrivée est jugée à 2750 m, je vous laisse faire le calcul…allez je vous aide, ça fait une pente moyenne de…20% dans laquelle je vais coincer un peu, d’autant que ça tire dur sur le mollet dans les parties les plus raides.

On discute pas mal avec Iskan, il me pousse dès qu’il peut, mais lui aussi malgré son physique extraordinaire commence à coincer un peu. Des équipes nous passent, on s’encourage mutuellement dans toutes les langues. Le plus difficile est que l’on ne sait pas exactement combien il reste et on ne voit pas l’arrivée est située juste derrière le sommet qui fait qu’on ne la verra qu’à la toute fin de la montée. On fait des pauses brèves mais fréquentes pour pas que le cœur s’emballe car au-dessus de 2500 m, je sais que j’ai le moteur qui manque un peu d’oxygène (souvenir de l’embolie pulmonaire qui m’a réduit la cylindrée ventilatoire !). On commence à entendre le speaker de l’arrivée, mais dans la nuit noire, on ne voit toujours rien. Des frontales encore très haut dans la montagne montrent pourtant qu’il reste encore du chemin. Je suis partagé entre le sentiment de plaisir d’avoir la chance de vivre ces moments uniques avec Iskan et l’envie d’en finir pour que cesse l’effort. Doucement, mètre après mètre, on se rapproche. A 300 m du sommet environ, on retrouve Pilou descendu à notre rencontre. Il prend le relais d’Iskan pour pousser son vieux père dans les derniers pierriers bien raides bordés par des braséros et enfin, après 18h44 d’efforts, on franchit la ligne d’arrivée tous les 3 en s’étreignant de joie.

les derniers hectomètres


la rampe finale

finish line !!!


« You are an Icon ! » hurle le speaker à chaque arrivée. Pétard ! que c’est bon de vivre des moments comme ça ! Quelques minutes d’émotion intense qui font oublier tant d’heures de routes…

c'est bon ça !


Ensuite, c’est toujours le même sentiment de bonheur béat après ces ultra triathlons. Je crois que c’est le moment que je préfère. Des heures à accumuler des endorphines, on est comme soulé, et on ne sent pas la fatigue générale. Juste les cuisses qui, une fois refroidies, rappellent qu’elles ont pris cher toute la journée. On s’est réfugié dans le restaurant d’altitude qui nous accueille. Une bonne soupe chaude, des pasta pourtant délicieuses mais qui passent difficilement car l’estomac est bien barbouillé par l’effort, et on refait le monde tous les 3. Je voudrais que le temps s’arrête tellement je suis bien….

Au resto d'arrivée après s'être sustentés !


Après une nuit courte et agitée, on se retrouve tous pour la haward ceremony. Joachim qui était pourtant parti comme une balle sur le marathon a dû abandonner au pied de la dernière bosse sans force, c’est rageant. Mon Paname a posé le vélo à Prato, ne se sentant pas les forces d’arriver en haut du Stelvio. Georges, un bon copain Hongrois que je croise souvent sur les xtrem tri a fini en bas. Et c’est avec le sentiment du devoir accompli que je monte sur l’estrade chercher mon white t-shirt 2019 de top finisher vêtu de mon black t-shirt de 2018. La boucle est bouclée, une année d’entrainement récompensée, maintenant repos et guérison au programme.


Black and white shirts !


George


Youpi !


On a signé le tableau


Tortue, Joachim, Paname, à quand les retrouvailles des joyeux fêlés ?


Bilan : 18h44, 66ème sur 220 inscrits, 123 finishers (99 en haut et 24 en bas). Les conditions météo parfaites m’ont bien aidées sur le vélo par rapport à l’an dernier où il n’y avait que 40 finishers.

Natation 3.8 km : 1h16, tout à l’économie comme à mon habitude.

T1 parfaitement gérée par Pilou : 9’

Vélo avec des jambes rajeunies de 10 ans, 197 km, 4700 D+ : 9h51 (9h38 de roulage)

T2 pour s’alimenter et souffler un peu : 15’

Trail, avec les moyens du jour, plus au mental qu’au physique et avec l’aide inestimable d’Iskan, 42 km, 1450 m D+ : 7h07 (6h35 de course)

 

Voilà les copains, merci d’avoir lu jusqu’ici. La saison 2019 de triathlon terminée. Canicule à Nice et à l’Altriman, grand soleil à l’Icon, j’ai été gâté cette année comparée à l’an dernier. Je vais soigner ce mollet et recharger les accus et ressortir la boussole dans quelques temps pour attaquer les CO hivernales. Et pour le tri l’an prochain, à part l’inévitable Altriman, je n’ai encore rien de programmé. ManXtrem, IM Mont-Tremblant, The Brutal of Whales…des pistes à creuser si l’envie revient ; ou encore…babysitting car le petit fils est annoncé pour novembre et il va falloir que je lui apprenne à faire du vélo très vite !!!

 

Ce récit est dédié à ma grande fille, Marine, qui était tellement déçue pour moi l’an dernier que je voulais absolument finir en haut pour elle !

 

Vive la famille, vive les amis, et vive le sport !!!

J'aurais du commencer par là, c'est l'image qui résume tout....



 

6 commentaires

Commentaire de philkikou posté le 13-09-2019 à 22:56:43

Chouette, un récit d la TortueMan pour ce week-end, Icon des triathlons xtrem ;-)

Commentaire de La Tortue posté le 13-09-2019 à 23:09:03

et j'ai fini d'insérer les photos ;-)

Commentaire de Souris posté le 14-09-2019 à 17:41:00

Bravo La Tortue, un régal à lire et les photos sont splendides... Quelle belle équipe soudée? Bravo à toi, à cette force physique et intérieure que tu déploies. Encore Bravo... Prochain épisode en Alaska alors ;-)

Commentaire de philkikou posté le 15-09-2019 à 18:22:38

Toujours un régal de lire tes récits sur ces épreuves XXL !!! Quelle belle gestion et conditions pour avaler ces distances et ces dénivelées .. Sans expérience et volonté de revanche sur Icon 2018 ça aurait été un abandon avec cette blessure au mollet... Bravo à toi et ton équipe très efficace et soudé !!! Repos et bon événement familial à venir ;-)

Commentaire de robin posté le 16-09-2019 à 13:14:34

Bravo La Tortue! Encore une superbe aventure! Merci de nous la faire partager.
Soigne bien ton mollet !

Commentaire de L'Dingo posté le 26-10-2019 à 07:48:24

Encore le CR d'une épopée dont j'avais manqué la lecture.

Que dire ? comme d'hab c'est épatant de volonté et de tenacité.
Toujours la forme et l'energie.
pour La Tortue un échec c'est pas "l'arret" ,c'est juste le " moins bien que prévu" !.

Merci pour ce chouette partage (on l'on apprend en plus la future aventure qui s'annonce ) ;-)))



A propos de "revanche black and white", tout a l'heure les Blacks vont peut etre "piler" les anglais. it will make my day ( oops, désolé l'ami Ouster ;-) )

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