L'auteur : truklimb
La course : Trail du Gypaète - Les 3 Lacs - 72 km
Date : 2/6/2018
Lieu : Thyez (Haute-Savoie)
Affichage : 4505 vues
Distance : 72km
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
9 autres récits :
Il veille sur nous depuis les cieux, il est grand, barbu, incroyablement beau, ses apparitions sont toujours majestueuses, on lui voue un culte dans nos montagnes... Je veux bien sûr parler... du gypaète ! Et voici les quelques conseils qu'il m'a prodigués afin de venir à bout de son épreuve.
Préparé tu arriveras
Cette course me tente depuis des années, car elle part à deux kilomètres de chez moi et qu'elle arpente en partie des sommets que je connais très bien. Cependant, elle arrive tôt en saison et je ne me sentais pas au niveau jusqu'alors. Mais cette année je passe le cap et m'inscris sur le grand parcours et ses 73 km 4700 m+.
Ma prépa s'axe autour d'un gros bloc de trois courses en trois weekends : le trail du lac de Paladru (50 km 2000 m+), celui des trois couvents (42 km 3300 m+), et pour finir le Malpassant (27 km 1300 m+).
Mais au-delà de l’aspect physique, la vraie nouveauté dans mon approche de la course, c'est mon alimentation : cela fait deux mois que je saoule tout le monde avec mon régime sans sucre ni féculent. J'ai peaufiné cinquante fois ma recette de brownie chocolat sans sucre, failli intoxiquer Arnaud (lui, l'ancien végétarien repenti) à grands coups de cochonnaille lors de notre trip grimpe à Céüse, et ingurgité plus de noisettes que la population mondiale d'écureuils réunie.
En tout cas, je me sens en forme quand j'arrive, pas de bobo à déplorer, et une grosse envie d’en découdre.
Bien équipé tu seras
4h30, lac de Thyez, le départ est donné. On ne se marche pas dessus puisque nous ne sommes qu'une grosse centaine de concurrents sur cette distance. Les cinq kilomètres de bitumes permettent de finir sa nuit tout en s'échauffant tranquillement. En attaquant les premiers sentiers, un mec se colle dans le halo de ma frontale. C'est pénible donc je me décale sur le côté, et il vient se reposer juste devant mes pieds. En essayant de le dépasser, je me rends compte que le gars n'a pas de frontale, et qu'il me prend pour son lampadaire particulier ! Départ de nuit, matériel obligatoire, tout ça tout ça, ça a pas l'air de trop lui causer... Bon, au bout d'un moment il accélère et va se ficher dans les pattes de quelqu'un d'autre, alors que nous démarrons le monotrace qui monte au-dessus de Scionzier en direction de Romme. Normal, tous les chemins mènent à Romme. J'avais par ailleurs parcouru ce tracé il y a quelques semaines en guise de repérage jusqu'au Reposoir.
Comme dans mes souvenirs, ça monte très raide, on est tous content de pouvoir pousser sur les bâtons. Enfin presque tous, car j'entends mon squatteur de loupiotte répondre à un gars qui lui demande pourquoi il ne déplie pas ses bâtons :
« J'arrive pas à les ouvrir, je sais pas comment faire, ils sont bloqués ! »
D'accord... Quelques minutes plus tard, alors que mon nouveau copain dérape un peu sur une pierre, un autre coureur lui suggère innocemment d'ouvrir ses bâtons plutôt que de les porter bêtement à la main. Malin, le mec ! Et l'autre de lui répondre :
« Putain mais ils sont grippés, je peux pas les décoincer ! »
Encore plus loin, alors que le chemin s'élargit et que j'en profite pour le doubler, je l'entends tirer de toutes ses forces sur son maudit bâton :
« Raaah, saloperie ! Gnaaaaah, fait chier cette merde !! »
Quand j'arrive au premier ravito, mon héros s'équipe du pince monseigneur qu'un bénévole a bien voulu lui trouver. Quand je repars quelques minutes plus tard, je le vois en train de frapper furieusement son bâton par terre ! Je l'ai jamais revu après, je crois que les secouristes l'ont interné...
Toujours sur tes gardes tu resteras
Je quitte donc Romme en direction du Reposoir, mais quand je m'attendais à plonger sur un chemin en contrebas à droite comme je l'avais fait lors de ma reconnaissance, nous nous élevons plutôt sur la gauche. Zut, je perds mes repères mais ce n'est pas grave, de toutes façons tous les chemins mènent au Reposoir, sauf ceux qui mène à Romme évidemment. Je me retrouve derrière un participant qui a réussi, lui, à déplier ses bâtons, et c'est bien dommage. Et vas-y que je te balance mon bâton en arrière pour regarder ma montre, que je ripe sur un caillou, que je cours avec les pointes levées vers l'arrière... Ce n'est pas un traileur, c'est un samouraï, un pirate, un mousquetaire, ou Zorro peut-être, je sais pas trop. Esquives, parades, et au péril de mes yeux et de ma carotide, je finis par le dépasser dans la descente surplombant la superbe Chartreuse du Reposoir et son étang.
Ton plan de route tu respecteras
Truc assez improbable, je repars à la seconde près au moment où est donné le départ des 150 concurrents du 53 km. Ca me gêne un peu, je me retrouve dans des groupes qui ne vont pas forcément à mon allure, ça accélère, ça ralentit, mais je sens bien d’une manière générale que je vais trop vite et que j’y laisse du jus, d'autant plus que j'avais déjà de l'avance sur les vingt premiers kilomètres. Mon humeur reste néanmoins au beau fixe. Les sous-bois ont maintenant fait place à des alpages verdoyants où paissent placidement les vaches ; régalez-vous les filles, l'herbes est bien verte en cette saison, vous allez nous faire de succulents reblochons ! Nous nous élevons au-dessus du col de la Colombière pour basculer ensuite sur le Chinaillon, où j'arrive avec... une heure d'avance sur mon planning ! Ouh, la belle gestion de course que voilà ! Je me sens plutôt bien et sais que les 14h30 prévus initialement étaient plutôt pessimistes, mais de là à prendre une heure avant la mi-course, j'ai bien peur de le payer par la suite... Je profite du ravitaillement pour faire une bonne pause, remplir mon litre et demi d'eau et me tartiner de crème solaire car le soleil commence à cogner...
Des kikous tu rencontreras
J'attaque la montée vers l'Aiguille Verte (pas celle de Chamonix...), point culminant de la journée, en compagnie d'Eric41, un kikou parti du Reposoir et rencontré juste avant le Chinaillon. Nous échangeons quelques mots, puis le tant redouté coup de bambou se présente : grosses suées, plus de jus, rien. En plus, deux gars sont juste derrière moi, me collent sans jamais décider de me dépasser. Et ils se trouvent qu'ils sont bavards et qu'ils profitent de la journée pour déballer leur vie :
« T'as croisé René récemment ? »
« Et Bernard, t'as des nouvelles ? »
« Oh, t'as entendu pour Josianne ? »
« Houlàlà t'as vu un peu les sorties vélo d'André, il est affûté hein ?! »
« Et tu sais que Michel a prévu de faire ça ? Ah ce bon vieux Michel, toujours sur la brèche ! »
« Par contre il parait que Paul a commencé à... »
« MAIS TA GUEULE !! TU VAS LA FERMER TA GRANDE GUEULE ??! »
Je bouillonne, je voudrais juste en baver en paix, mais jusqu'au sommet ils n’auront pas cessé de jacasser...
Des difficultés tu t'amuseras
Fort heureusement, je suis meilleur descendeur qu'eux, et se présente la belle descente enneigée sur le lac de Lessy. Et là, rien de mieux que de troquer une vilaine descente qui fait mal aux cuisses contre une glissade rigolote en mode luge sur les fesses ! Et puis c'est réconfortant pour le moral de s'amuser un peu après cette difficile grimpette. Le coup de cul pour rejoindre le col de Sosay n'est pas très long, puis c'est cette fois-ci un passage à flanc dans une grosse tranchée creusée dans la neige. Arrive la longue traversée du plateau de Cenise, mais surtout la terriiiiible remontée vers Solaison, qui doit bien faire 200 mètres... Ca y est, je suis définitivement dans le dur.
Sur ta famille tu t'appuieras
C'est toute la famille qui m'attend au ravito de Solaison. Vous ne vous en êtes sans doute pas rendu compte tant j'étais au fond du seau, mais pour de vrai le fait de vous voir m'a vraiment reboosté. Bon ça se voyait pas trop à mon allure quand je suis reparti, mais si si, j'étais reboosté !
J'ai toujours mon heure d'avance au moment d'attaquer la pointe d'Andey, et j'essaie tant bien que mal de la conserver. Il fait chaud, je sue, je cuis... En attendant de pouvoir y retourner tous ensemble en famille, je savoure le moment de retrouver la vierge au sommet. Depuis là, on voit la vallée de Cluses et la maison, juste en bas. Mais la route est encore longue, à commencer par cette raide descente, lors de laquelle je commence à avoir une ampoule à un orteil. Je parviens difficilement à garder le tempo jusqu’à Brizon. Les trois cent mètres de montée vers le Malatrait sont absolument horribles, mais je retrouve par la suite tout mon fan club au Mont Saxonnex pour un dernier coucou avant la montée finale vers le lac Bénit.
Les bénévoles tu remercieras
Je ne sais pas combien de bénévoles sont impliqués par l'organisation, mais franchement ils ont dû recruter la moitié de la vallée ! Quel travail ils ont abattu en amont pour entretenir ou défricher les chemins, sécuriser les passages en neige, installer un balisage impeccable... Un grand coup de chapeau à eux, c'est complètement fou ! Et ils sont tous adorables, aux petits soins avec les coureurs, et même de plus en plus enjoués au fur et à mesure qu'on avance puisque la plupart d'entre eux semblent ne pas tourner à l'eau claire depuis ce matin...
En tout cas, c'est toujours avec le sourire que l'on repart, à plus forte raison quand on atteint le check-point du lac, pointage final avant la descente. Qu'ils sont longs ces mille mètres, dont certains passages se font à travers des marres de boue. Je me mets d'ailleurs une bonne gamelle à cause d'une racine sournoise, mais plus de peur que de mal. Le dernier kilomètre de bitume dans Marnaz n'est pas une mince affaire mais je sais que je vais garder mon heure d'avance chèrement acquise, et même grappiller encore du temps puisque je suis parvenu à bien envoyer lors de cette ultime descente.
J'en termine enfin en 13h18, vraiment content du chrono, mais pas tellement de la manière dont j'ai géré ma course. Il ne faudra pas refaire la même erreur dans 3 mois à la CCC...
Les secouristes tu salueras
La ligne d'arrivée franchie, je vais me poser sur un banc et reste un bon moment à tenter de reprendre mes esprits. Je me décide à aller chercher mon plateau repas, mais quand je reviens près des miens, je sens vraiment que ça ne va pas. Je file vite au poste de secours pour m'allonger. J'ai une légère hypoglycémie et une grosse chute de tension. Rien de bien grave en somme, tout rentrera rapidement dans l'ordre après quelques minutes. Les secouristes sont visiblement de la même graine que les bénévoles : sympas, attentionnés, serviables... Un grand merci à eux aussi.
L'hygiène post-course tu soigneras
Comme toujours après une "grosse" échéance (enfin pour moi...), je me montre très méticuleux sur l'hygiène post-course. Exit le régime sans sucre, à moi les gâteaux, les chocolats et les bons petits plats que fait si bien madame ! Et la menthe a bien poussé dans le jardin, le mojito va couler à flot cette semaine...
Accueil - Haut de page - Aide
- Contact
- Mentions légales
- Version mobile
- 0.13 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !
7 commentaires
Commentaire de Arclusaz posté le 05-06-2018 à 09:32:00
en conclusion : tous les chemins mènent au Rhum (avec modération).
Super coin, ça donne envie cette course.
bravo pour ta prépa sérieuse et ta course parfaitement réussie.
Commentaire de truklimb posté le 05-06-2018 à 13:44:48
Héhé bien vu Laurent !
Malheureusement pas si bien réussie que ça au niveau de la gestion, mais ça me servira de leçon pour la prochaine...
Commentaire de coco38 posté le 05-06-2018 à 13:25:41
Thé à la menthe... et pas Mojito le régime d'après course !
Enfin bravo pour ta course...une de plus vers ton objectif de fin Aout.
Hypoglycémie ou petite déshydratation ? ...avec la chaleur.
A+
JC
Commentaire de truklimb posté le 05-06-2018 à 13:42:45
Merci JC, mais il fait trop chaud pour du thé à la menthe !
Sinon, oui peut-être aussi de la déshydratation, même si j'ai essayé de bien boire pendant la journée. Les secouristes ont mesuré ma glycémie, ils m'ont dit que j'étais dans la limite basse acceptable, mais avec une tension de seulement 9/6. J'ai peut-être juste trop forcé pendant la course et je l'ai payé ensuite. Enfin rien de bien granve en tout cas !
Commentaire de Mazouth posté le 05-06-2018 à 17:07:49
Il fait lourd et un peu chaud en ce moment, c'est traitre. Joli chrono en tout cas !
Commentaire de truklimb posté le 05-06-2018 à 17:30:34
Merci !
Tiens d'ailleurs tu dois dois t'y connaitre en rhum toi après ton dernier voyage !
Commentaire de Mazouth posté le 05-06-2018 à 17:51:13
Un peu... ;) Pour la récup je te conseille la canchanchara : rhum + jus de citron + miel + eau + glaçons ^^
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.